On voulait bien, nous, participer au choix du candidat écologiste pour les élections présidentielles à venir. Le sujet nous importe et nous avons d’ailleurs suivi deux débats sur trois. Hier, EELV nous adressait un ultime e-mail pour nous convaincre de voter :
Nous ne pouvons pourtant pas le faire. En effet, sur le site lesecologistes.fr on nous demande de renseigner non seulement nos noms, prénoms, et adresse e-mail, mais encore notre numéro de téléphone mobile. Or nous n’avons pas d’appareil de ce genre à disposition, pour mille et une raisons : inutilité de l’appareil, peu adapté à nos besoins, réticence face à son caractère intrusif et envahissant, etc. Mais aussi par conviction écologiste : pourquoi posséder un outil dont on ne ressent pas le besoin lorsqu’il pose de nombreux problèmes environnementaux.
Nous n’écrivons pas ça pour donner des leçons (on fait de notre mieux mais on a des ordinateurs et on se chauffe au fioul…), en revanche nous nous passons sans mal d’automobile et de téléphone portable et ne souhaitons pas qu’on nous les impose pour des raisons absurdes et non liées à leur fonction. Les téléphones mobiles, et tout particulièrement les smartphones, posent des problèmes de terres et métaux rares (Indium des écrans tactiles, lithium des batteries, etc.), sont difficiles à recycler et ont souvent une durée de vie courte. Enfin, ces appareils sont au centre d’un maillage dense d’antennes-relais qui en inquiète certains. Accepter que nos droits soient conditionnés à leur possession devrait inquiéter également.
Nous avons un numéro fiscal unique, un numéro de sécurité sociale unique, une carte nationale d’identité, etc. — autant d’éléments (certes réputés très confidentiels mais qui sont souvent demandés comme justificatifs) qui permettraient de nous identifier, mais non, on nous demande impérativement un numéro de mobile. Cela nécessite donc non seulement d’avoir un téléphone mobile mais un téléphone et un numéro propre à chaque membre du foyer qui souhaiterait voter !
Comme tout le monde nous l’a fait remarquer lorsque nous nous sommes plaints, il y a bien un lien disant « Je ne dispose pas de téléphone portable » qui suggère la promesse d’une solution. Mais cette solution est-elle sincère, ou sert-elle juste à donner le change ? Nous avons cliqué et nous sommes tombé sur une page Questions fréquentes qui, pour l’entrée « je n’ai pas de téléphone portable » nous engageait à envoyer un e-mail afin de déterminer une solution. Ce que nous avons fait. La réponse, venue après trois jours, signée par un prénommé « Julien », et strictement identique pour chacun de nous me semble assez consternante :
Vous lisez bien : en s’abritant derrière des préconisations de la CNIL pour s’assurer du caractère unique de chaque vote — préoccupation hautement compréhensible —, on nous propose rien moins que d’utiliser le portable d’une personne proche. Que faut-il entendre par proche ?
Et puisqu’un seul et unique numéro peut être employé pour chaque électeur, ça signifie que la personne « proche » ne pourra pas voter. Ça signifie aussi que nous devons l’informer que nous participons à cette élection. Tout le monde n’aime pas l’idée de parler de ses inclinations politiques. On nous suggère en tout cas de tricher, et ceci dans le but de garantir l’intégrité de notre participation.
C’est d’autant plus dérangeant qu’il n’est pas fait mention d’un emploi obligatoire du téléphone mobile dans la recommandation de 2019 au sujet de la sécurité des votes par Internet.
En voulant faire une capture d’écran nous constatons qu’on ne nous propose plus d’écrire un e-mail : la recommandation de « Julien » est désormais inclue à la page des questions courantes, et peut-être est-ce l’indice que nous n’avons pas été seuls à poser la question.
Proposer, pour s’assurer de la fiabilité et de la confidentialité d’un processus électoral, de commencer par un arrangement, voire un mensonge (utiliser le portable d’un autre) et une indiscrétion (dire à cet autre qu’on va voter pour une primaire à laquelle lui ne souhaite pas voter ou alors il faudra qu’il nous en informe) est tout de même paradoxal. Et inversement rappelons que rien n’empêche quelqu’un qui a un mobile professionnel, un mobile personnel, et trois enfants équipés de téléphones, de profiter de la multiplicité des numéros de mobile auxquels il a accès et de la facilité avec laquelle on peut se procurer une adresse e-mail (« créer un e-mail est une formalité simple et rapide ») pour voter cinq fois !
La primaire est organisée par cinq organisations politiques (EELV, Génération écologie, Générations, Mouvement des progressistes et Alliance des écologistes indépendants). La gestion de l’élection a été confiée à une société spécialiste de ce domaine, Neovote, qui dispose apparemment d’une solide réputation dans le domaine.
On comprend la problématique à laquelle répond ce besoin de renseigner un téléphone mobile, mais cette solution n’est pas si convaincante et tout cela n’augure pas bien du futur de la démocratie citoyenne à coup de micro-référendums, etc. Cela constitue une énième preuve que les personnes qui n’ont pas de téléphone mobile et/ou qui n’ont pas Internet seront de moins en moins prises en compte à l’avenir.
S’il y a bien un camp politique dont on aurait aimé qu’il s’interroge sur ces questions, c’est celui qui souhaite porter l’écologie au pouvoir. Il aurait été juste d’organiser une procédure de substitution. La réponse automatique et l’absence de réponse à nos tentatives de communiquer avec « Julien » donnent le sentiment que ça n’a jamais été envisagé.
Alors forcément, on est un peu déçu.