Dans ma ville, je suis tombé sur ce panneau publicitaire qui annonce comme grande et belle nouvelle un retour aux prix des années 2000. Les références iconographiques sont un peu approximatives : un dégradé bleu-violet un peu crépusculaire, un horizon lumineux, un damier en perspective, le mot « années » écrit avec une typo « néon », autant de détails qui nous ramènent plutôt aux années 1980, ou bien à leur ricochet des années 2010, l’esthétique Synthwave/Vaporwave. La Game Boy Color et le téléphone cellulaire Nokia 3310 qui sont évoqués sont pour leur part tout à fait typiques de l’année 2000, même si le style des dessins ne l’est pas forcément. Le slogan, enfin, nous promet que nous pouvons revenir, pour une durée limitée, à un passé mythique, celui où le menu Big Mac valait 6 euros.
Utiliser les années 2000 comme référence est étrange, car si le prix d’un menu était sans doute moins cher à l’époque qu’aujourd’hui (je ne mange pas dans ces restaurants-là, je n’en ai aucune idée !), notre rapport à l’argent du début des années 2000 est un peu confus puisque c’est le moment de la transition entre euros et francs (2002-2005). Au delà de ça, les années 2000 sont aussi la période d’une certaine désillusion face à l’avenir : en France, l’extrême-droite parvient pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle, et géopolitiquement, les attentats du 11 septembre et les guerres menées par George Bush au Moyen-Orient, ou encore la seconde intifada en Israël/Palestine (pour ne parler que des conflits auxquels on a été attentifs ici) nous ont rappelé que la fin de la Guerre Froide n’était certainement pas, pour reprendre le mot célèbre de Francis Fukuyama, « la fin de l’Histoire ». Les années 2000 sont celles d’un monde qui patine, qui s’embourbe dans le repli identitaire, qui voit s’éloigner les promesses de progrès humain, de loisirs et de prospérité partagée que l’on avait faites à ma génération et aux précédentes sous le label « an 2000 ». En l’an 2000 il n’y aurait plus de guerres, ; en l’an 2000 l’Humanité serait unie ; en l’an 2000 on allait vivre centenaires ; en l’an 2000 les machines travailleraient pour nous.
Juste derrière le panneau d’affichage photographié plus haut, on trouve un panneau « libre-expression » situé perpendiculairement, où les associations et les organisations politiques ou syndicales, notamment, viennent coller leurs affiches. Dans ce cadre, suivant l’actualité de la réforme des retraites bien sûr, le parti « France Insoumise » a produit les deux affiches que voici :
Je dois dire que j’ai été saisi par la parenté chromatique : slogans en jaune et en blanc sur des fonds dégradés bleu-violet. On me dira à raison que ces couleurs ne sont pas inattendues sur les affiches de ce groupe politique puisqu’elles correspondent à la très officielle charte graphique de la France Insoumise depuis la dernière élection présidentielle (avant cela, les couleurs de base étaient un bleu un peu turquoise et un orangé « rouille »).
Mais tout de même, cette parenté chromatique entre les deux campagnes de communication m’interpelle. Je ne vois pas comment étayer sérieusement cette intuition, qui n’est que l’ébauche d’une amorce d’entame de début de réflexion, mais je me demande vraiment si il n’y a pas aussi, si absurde que cela puisse paraître, une parenté dans le message, et donc, une parenté dans la cible desdits messages, car le citoyen votant-manifestant est, après tout, aussi un client-consommant, et si McDonald’s et la France Insoumise ont a priori des buts très différents, il est possible que les gens à qui ils s’adressent soient pour partie les mêmes. Et si, donc, ces choix esthétiques exprimaient effectivement l’envie d’un retour en arrière, non pas un retour à un âge d’or mythique, mais à une époque moins cynique, qui croyait que l’avenir ne se résumait pas à la morne gestion d’un déclin ?
Je vais commencer de péremptoirement et synthétiquement en disant ceci : altérer les textes de Roald Dahl pour éviter toute notion qui risquerait d’offenser ses lecteurs est idiot. Je ne cours pas un risque énorme en écrivant ça, car je n’ai pas vu grand monde en France prendre la défense de cette manœuvre due à l’éditeur Puffin (le label jeunesse de Penguin books) et à la Roald Dahl Story Company. Et à présent, la version longue.
Bien entendu, toute œuvre peut véhiculer un vocabulaire problématique ou devenu problématique1, ou des représentations plus ou moins venimeuses. Par exemple, dans Charlie et la Chocolaterie, l’obésité morbide du petit allemand Augustus Gloop est clairement reliée à son caractère d’enfant-roi, qui refuse d’apprendre et de travailler, et qui, encouragé par sa mère, considère que sa seule vocation est la gloutonnerie. Dans l’idée de l’auteur il s’agissait évidemment de sanctionner le consumérisme et la passivité. Or on sait désormais que l’obésité n’est pas une question de moralité, qu’on n’arrange rien en la traitant comme un défaut de caractère, comme un manque de volonté face aux excès, etc., qu’il y a des facteurs génétiques, psychologiques, endocriniens, des questions de flore intestinale ou de diététique, et que tout cela crée une authentique souffrance sociale, en sus des problèmes de santé qui en résultent souvent. Et que les œuvres qui culpabilisent l’obésité renforcent sans doute cette souffrance sociale. Il faudrait demander à des personnes souffrant d’obésité morbide comment elles reçoivent de telles représentations, mais je n’ai aucun mal à imaginer qu’elles puissent éprouver de la peine ou se sentir stigmatisées, même si ce n’est sans doute qu’une goutte d’eau dans l’océan de micro-agressions qu’elles subissent. De même, parler de sorcières qui ne pensent qu’à tuer les enfants et dont la caractéristique principale est l’absence de cheveux peut faire de la peine aux femmes qui souffrent d’alopécie à la suite d’un empoisonnement, d’une chimiothérapie ou autres causes, et renforce même un cliché dérangeant sur les femmes qu’on a persécutées en tant que sorcières au Moyen-âge et à la Renaissance, et qu’on accusait souvent de sacrifices d’enfants. Le mot « Crazy », aussi, pose le problème de la perception des troubles psychiatriques ; le mot « Queer » (bizarre) a désormais pris un sens revendicatif pour la communauté LGBTQ (le Q signifiant Queer) ; etc.
La beauté ou la laideur sont des réalités bien injustes, mais Roald Dahl nous console en nous disant que la beauté et la laideur intérieures rayonnent à l’extérieur, ce qu’illustre ici très efficacement Quentin Blake. Comme le disait un ami sur Facebook, on se demande comment une telle page pourra être édulcorée par des sensitivity readers qui pourchassent des notions injustes telles que « beau » ou « laid ».
Bref, peut-être que la littérature de Roald Dahl est problématique à d’innombrables égards. Mais si c’est le cas, la solution n’est pas de changer un mot sur deux, d’en réécrire des pans entiers2, de modifier les illustrations de Quentin Blake3, et tout ça sous l’autorité d’un comité de sensitivity readers bien intentionnés. La solution, c’est de publier autre chose. C’est de publier des auteurs actuels, avec leur sensibilité actuelle, et qui soient eux-mêmes soucieux de savoir ce que des personnes victimes de stéréotypes divers ressentiront à la lecture de leurs textes. La pratique du « sensitivity reading », si elle est réclamée par des auteurs, est une forme de collaboration éditoriale qui d’une certaine manière a toujours existé4. Mais si l’auteur ne participe pas au processus, alors on est bel et bien dans une forme de censure, mais plus grave encore, dans une réécriture du passé. Et à ce compte-là, autant écrire autre chose plutôt que de faire perdre tout relief à une œuvre existante. Pour celui dont on parle, chuchoter n’est guère moins blessant qu’insulter. Évidemment, s’il s’agit juste de changer un mot parce qu’il est clairement devenu impossible à lire pour les lecteurs actuels, et qu’il trahit même la pensée d’un auteur qui ignorait que le mot qu’il a choisi serait un jour un épithète raciste, on peut discuter. Mais s’il s’agit de tout changer, alors autant laisser tomber, ou autant demander à d’autres auteurs — de vrais auteurs, pas des commissaires politiques —, de proposer leur propre version du récit, comme on le fait régulièrement avec les mythologies antiques ou avec les histoires de super-héros. Et puisqu’il existe une abondante littérature jeunesse, je dirais aux parents que si des livres leur semblent véhiculer des choses problématiques, alors il faut en offrir d’autres à leurs enfants !
Au passage, comme j’ai mauvais esprit, je me demande toujours si ce genre d’opération tapageuse (« nouvelle traduction », « version réécrite ») ne constitue pas de la part des éditeurs historiques et des ayant-droits un moyen rusé pour relancer les années de copyright sur une œuvre dont l’auteur est décédé. Je m’explique : Roald Dahl étant décédé en 1990, ses œuvres entreront dans le domaine public, selon le droit britannique, en 2060 (1990+70 ans). Mais la Roald Dahl Story Company, qui gère les droits de Roald Dahl et qui vient d’être acquise par Netflix, peut signer les textes réécrits en tant que personne morale (l’auteur n’est plus une personne physique), et faire courir leur copyright jusqu’en 2143 ! (2023+120 ans, la durée du copyright pour les sociétés dans le droit étasunien). Plus de 80 ans de gagnés !
Le « no angel » fait notamment référence à l’antisémitisme revendiqué de Roald Dahl, mais aussi à un point plus personnel pour Rushdie : au moment de l’affaire des Versets sataniques, l’auteur de James et la pêche géante avait traité Salman Rushdie de provocateur et d’opportuniste. Trois décennies, plusieurs attentats (sur des traducteurs, éditeurs, défenseurs divers) et un œil en moins plus tard, Salman Rushdie défend pourtant les livres de Roald Dahl contre leur réécriture. On peut saluer la qualité du geste de la part de quelqu’un qui serait particulièrement fondé à garder une forme de rancune envers Roald Dahl.
Il reste une question plus générale liée à la littérature même. Chaque période, chaque champ culturel, a sa sensibilité propre, c’est une évidence, et les représentations que produit chaque époque, chaque milieu, sont liées à cette sensibilité. Personne n’aurait l’idée, dans un livre destiné à la jeunesse aujourd’hui, de montrer un petit gitan espagnol qui fume des cigarettes et gagne sa vie en chantant dans les rues et en nettoyant le sang des vêtements d’un toréador. Mais j’ai eu un tel livre ! Les lecteurs ne sont pas si bêtes, ceci dit, leur lecture fonde peut-être leur sensibilité, en partie, mais c’est aussi leur sensibilité, la sensibilité de l’époque, les références familiales, qui font qu’ils auront conscience du décalage culturel et temporel, qu’ils sauront transposer le récit, l’expurger mentalement de détails parasites, en se disant que l’époque devait être différente. Ce sera même l’occasion d’apprendre ou de comprendre un peu d’Histoire des mentalités — et nul besoin d’être un lecteur aguerri, pour cela, car les enfants ne sont pas bêtes… Et surtout, leur intelligence de lecteurs ne peut être fondée que sur le fait d’avoir lu des choses qu’il a fallu comprendre, transposer, des choses qui les ont poussés à se poser des questions. Creusons encore plus loin la question : dans les récits qui nous ont marqué, et particulièrement les contes — le genre dont relève la littérature de Roald Dahl —, ne sont-ce pas les détails qui nous ont inquiétés, dérangés, dégoûtés, effrayés, dont nous nous souvenons le plus vivement ? Le conte de Peau d’âne, dans lequel un père cherche à épouser sa propre fille, est sans aucun doute assez dérangeant5, mais en faire une nouvelle version expurgée de toute notion d’inceste serait absurde, puisque cet élément est central dans le récit (et à aucun moment une banalisation de l’inceste !). On peut en dire autant de milliers d’autres contes. Est-ce que tout lecteur doit être traité comme incapable de recul envers un récit, un auteur ? Est-ce qu’une littérature peut vraiment ne rien remuer, ne provoquer ni bon ni mauvais sentiment ? Ne produire ni interrogations, ni circonspection ? Est-ce qu’une littérature, en essayant d’être parfaitement et idéalement correcte, en s’imposant de ne véhiculer que de bons sentiments, n’en devient pas une forme plate de propagande idéologique ? Propagande du bon côté de la force aujourd’hui, mais quelle différence de méthode lorsque cette propagande véhicule l’idéologie d’un régime nationaliste ou bigot6 ?…
À commencer par tous les mots décrivant des phénotypes liés à une origine ethniques, qui sont parfois aussi devenus des injures, pas besoin de donner d’exemples je pense ! [↩]
Dans The Witches, par exemple, « You can’t go round pulling the hair of every lady you meet, even if she is wearing gloves. Just you try it and see what happens » devient : “Besides, there are plenty of other reasons why women might wear wigs and there is certainly nothing wrong with that.” [↩]
J’ai lu que ça faisait partie des changements, mais je n’ai pas vu d’exemples. [↩]
Par exemple quand l’éditeur Hetzel a proposé à Jules Verne que le capitaine Nemo ne soit pas un polonais russophobe mais un indien anglophobe, ou quand Joseph Medill Patterson a suggéré à Harold Gray de changer le sexe du petit orphelin dont il voulait raconter les aventures, qui est donc devenu Little Orphan Annie. [↩]
Personnellement je n’ai pas lu Peau d’âne à mes filles ! [↩]
Même perpétrés au nom d’une grande et belle cause, une oppression reste une oppression, un outrage reste un outrage, et n’oublions jamais que « les méchants » se considèrent rarement tels, et ont au contraire souvent le sentiment d’être du côté de la justice, de la raison, de la vérité. [↩]
Deux jeunes femmes ont jeté de la soupe à la tomate sur un Van Gogh et ont collé leurs mains avec de la super-glue sur les cimaises de la National Gallery, et tout cela afin d’attirer notre attention sur 1. les menaces subies par la nature du fait notamment du réchauffement climatique, 2. le fait que des gens n’ont même pas de quoi se payer une boite de soupe à la tomate. Et enfin 3. le fait que nous nous indignons plus facilement pour le destin d’un tableau que pour la fin du monde.
Fun fact : Just Stop Oil s’attaque à la National Gallery alors même qu’un autre collectif, Art not Oil, a obtenu la fin de partenariats financiers entre les compagnies pétrolières et de nombreuses institutions culturelles : Tate, la Royal Shakespeare Company, la National Portrait Gallery (dont le prix du portrait était doté depuis trente ans par BP), le Southbank Centre, les National Galleries écossaises, etc. et même… la National Gallery de Londres. Bref, le musée n’est pas vraiment récompensé de son souci, peut-être tardif mais apparemment réel, pour les questions environnementales !
Bonne nouvelle, le tableau était protégé par une vitre, on a eu peur pour rien, ha ha ha on vous a bien eus, très drôle, allez, arrêtez de faire cette tête, on faisait semblant, c’était pour rire. Bon, bien sûr, un coup d’éponge ne suffira pas, le verre va devoir être démonté afin de vérifier l’état du cadre et l’éventuelle infiltration de matière organique entre la surface de la peinture et la vitre, puis remonté. Mais il faut bien que le personnel des musées s’occupe.
Bon. J’ai déjà évoqué ce mode d’action du collectif Just Stop Oildans un précédent article, je ne vais pas y revenir, ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est la réception de cette action (la plus médiatisée à ce jour je pense) et les arguments donnés. Tout d’abord, ma propre réception : je trouve ça bête. Je trouve ça bête parce que le lien symbolique entre la cause défendue et le résultat me semblent assez peu évidents et maîtrisés. Je viens de retourner voir mon commentaire sur Facebook, il était assez court : « Pfff… ». Notez, s’il faut situer mon point de vue, que je me soucie fortement d’écologie, et que c’est même ma motivation principale pour voter depuis deux bonnes décennies, mais aussi que je me soucie de création artistique, ma profession étant même précisément d’accompagner des talents artistiques. Je ne me sens donc pas concerné par une quelconque mise en balance qui opposerait l’Art à la préservation de la Nature, je crois qu’il n’y a à aucun moment de raisons de choisir l’un contre l’autre. Et je demande à entendre ce que diront des réfugiés pakistanais dont la maison a été emportée par une inondation lorsqu’on leur expliquera qu’on s’occupe d’eux à Londres en jetant de la soupe sur un Van Gogh.
Van Gogh a fait de nombreuses versions de ses tournesols. C’est celle-ci que l’on peut voir à la National Gallery de Londres. Beaucoup de gens parlent du prix de cette peinture, qui serait de 84 millions de dollars, nombre indécent bien sûr, mais le tableau ayant été acquis comme donation par le musée il y a un siècle, il n’a jamais valu ce prix, n’a pas coûté une telle somme au contribuable britannique, et fait partie d’un trésor commun à tous les citoyens du pays…
Bien sûr, je comprends en partie le geste : il est absurde et dérisoire, parce qu’il résulte d’une forme de désespoir, parce que rien ne marche. Pendant les années 1970 et 1980, on pouvait accuser les services de relations publiques de l’industrie pétrolière et de l’industrie automobile d’avoir habilement masqué une réalité pourtant connue de longue date (je relisais L’Autre côté du rêve, d’Ursula Le Guin, publié en 1972, l’autrice y évoquait largement le réchauffement climatique lié à l’activité humaine, et c’est loin d’être l’unique occurrence à l’époque), mais depuis une décennie ou deux, tout a changé, les scientifiques climatosceptiques ont vu leurs arguments largement démontés, et leur honneur réduit à néant lorsque l’on a constaté des cas indiscutables de corruption. Aujourd’hui, ce n’est plus le manque d’information qui explique l’inaction, c’est bien plus grave que ça, c’est l’impossibilité à penser des solutions, car nous vivons dans un monde bouché : nous sommes captifs de nos habitudes de consommation, nous sommes conscients de notre incapacité à adopter des comportements individuels qui aient un effet parmi sept milliards d’autres humains (j’y pense et puis j’oublie, c’est la vie c’est la vie), et nous sommes souvent conscients de l’indécence qu’il y a, depuis les pays développés, à demander à ceux qui accèdent à la consommation et au confort de faire les efforts que nous n’avons jamais faits nous-mêmes et continuerons de ne pas faire.
Dans la série The Good Place (attention je raconte la fin), le Paradis est vide, tous les trépassés sont envoyés en Enfer, car avec la complexité de notre monde, personne ne peut dire qu’il ne fait rien de mal : nous polluons, nous exploitons, nous tuons. Nos esclaves ne sont pas dans notre maison, ils fabriquent nos vêtements en Thaïlande ou au Cambodge ; nos guerres ne se déroulent pas sous nos yeux mais pour notre confort (pétrole pour l’automobile, coltan pour le téléphone mobile,…) ; nos déchets ne sont pas dans notre jardin mais envoyés en Inde ou en Afrique ; etc.
Le monde est d’une complexité impossible à embrasser, même mentalement, l’état de la planète est déjà largement dégradé et le resterait encore des siècles même si demain on corrigeait radicalement notre mode de vie. Même les plus expéditifs « y’a qu’à » sonnent faux dès qu’on étudie bien la question : le Nucléaire produit des déchets et l’uranium est en quantité finie ; le solaire ou l’éolien posent d’immenses problèmes de conservation de l’énergie, de rendement, de maintenance et de fabrication des équipements ; supprimer les pièces jointes des e-mails ne change en vérité rien à la consommation électrique d’Internet ; etc. Tout ce que nous savons, ce n’est plus que nous ne savons rien, c’est que nous ne savons pas quoi faire. Dans ce cadre, un geste gratuit, désespéré, peut se comprendre. Mais comme le militantisme repose sur l’illusion d’être utile, ce n’est pas dit comme ça par les organisateurs. C’est revanche assumé par beaucoup de ceux qui les défendent : « S’adresser au cerveau, ça fait cinquante ans qu’on essaie, et qu’on s’entend dire qu’on est des illuminés. Quoi qu’on fasse on nous dit que c’est inutile, donc face au désespoir, autant faire des choses dénuées de sens, à défaut d’être utile, ça défoule ! » (je résume et condense plusieurs choses lues).
J’ai aussi eu droit à des procès d’intention : « vous pensez qu’un tableau est plus précieux que la planète ». Ben non. Si en brûlant toute l’œuvre de Vincent Van Gogh on était sûr de sauver la planète, il n’y aurait pas à réfléchir, je serais le premier à parcourir les musées avec une hache. Mais je sais, et tout le monde sait, que ça ne changera rien, qu’un tel sacrifice n’a pas d’utilité et que ce n’est pas parce qu’il y a des tableaux dans les musées que le monde se meurt. Pour avoir dit ça, je me suis fait appeler « boomer » (les baby-boomers, en démographie, ce sont plutôt mes parents mais passons) « qui a profité et qui ne veut pas assumer les conséquences » (ah, si vous le dites !), « qui est indifférent à l’état de la planète » (certainement pas !) et qui « ne propose rien de mieux [que de jeter de la tomate sur un vieux tableau] ». Sur le tout dernier point, je plaide coupable, je ne fais rien mais je remarque que des personnes qui ne font pas rien ont elles aussi exprimé leurs doutes sur la forme de l’action militante, ainsi François Gemenne, politologue spécialiste des questions politiques consécutives aux effets du réchauffement climatique, qui s’est fendu d’une suite de tweets désespérés dont je retiens cette citation : « (…) deux jeunes activistes ont décidé que tout ça ne servait à rien, et que pour alerter l’opinion publique et la presse, c’était plus efficace de jeter de la soupe sur un tableau (…) Leur ‘performance’ a surtout conduit à aliéner une bonne partie du public à la cause du climat. Un public indécis que nous essayons de convaincre depuis des années. Jamais je n’ai reçu une telle gifle en pleine figure. Jamais je n’ai ressenti un tel mépris pour mon travail ».
La flotte grecque n’arrive pas à se rendre à Troie car les vents lui sont défavorables, par la faute du roi Agamemnon qui a un jour froissé la déesse Artémis. Pour apaiser cette dernière, il se résout à sacrifier ce qu’il a de plus cher ou à peu près : la vie de sa fille Iphigénie.
Je me demande s’il n’y a pas un fond sérieux chez ceux qui mettent en balance l’art et la planète. S’il ne s’agit pas de la même pulsion qui menait nos prédécesseurs antiques à sacrifier des vierges ou des trésors pour apaiser les Dieux. Un de ces calculs tordus qui semblent avoir existé dans d’innombrables cultures humaines et qui (je tente l’hypothèse), s’explique peut-être en psychologie évolutionniste, comme toute superstition sans doute : puisqu’il faut parfois faire des sacrifices cruels pour améliorer une situation, la notion de sacrifice est (si j’ose dire) gravée en dur dans nos cerveaux, ce qui nous pousse à croire que le sacrifice a une vertu en lui-même, indépendamment de tout calcul rationnel. Amputer son propre bras coincé dans un piège pour pouvoir se dégager, c’est rationnel. Douloureux mais rationnel. Aider à mourir les personnes âgées qui ralentissent une tribu nomade, c’est rationnel. Cruel mais rationnel. Jeter une pièce dans une fontaine en faisant un vœu ou laisser dehors une assiette de gruau pour attirer sur sa ferme la sympathie du « petit peuple », c’est certes inoffensif mais avant tout parfaitement irrationnel. Enfin presque, car ça indique tout de même une volonté, un engagement, qui peuvent s’accompagner d’actions nettement plus logiques. Quand on me dit « ça ne sert peut être à rien d’envoyer de la soupe sur Van Gogh mais au moins ça défoule », j’ai du mal à ne pas penser aussi aux observations (peut-être un peu datées, je ne connais pas l’état de l’art de la neurologie) d’Henri Laborit sur le stress : selon lui, face à un stress (état causé par un problème persistant), le cerveau peut retrouver sa quiétude, son état de fonctionnement optimal par exemple en résolvant le problème, mais aussi en le fuyant, ou enfin, par l’agression. Taper sur quelqu’un permet autant d’évacuer un stress que résoudre la cause de ce stress !
Mon oncle d’Amérique, par Alain Resnais, illustre les théories d’Henri Laborit. Ici, deux rats qui sont contraints à subir des chocs électriques réguliers sans pouvoir rien y faire ne dépérissent pas car il leur reste une action : s’agresser mutuellement.
On m’a dit que l’important n’était pas que l’action soit symboliquement pertinente, mais qu’elle fasse parler. C’est le fameux « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! » de Léon Zitrone. Sur ce point j’ai une objection forte : ça fait parler, certes, mais parler de quoi ? Du changement climatique ? Je me permets d’en douter. On parle des formes du militantisme, de l’état du tableau agressé, mais pour le reste, personne ne va changer d’opinion au sujet du climat. On m’a aussi dit que je ne comprenais rien. Et que tous ceux qui trouvent idiot de jeter de la soupe sur un tableau ne comprennent rien. Une fois n’est pas coutume, je m’autoriserai à me réclamer de ma casquette d’enseignant, non pas en tant que spécialiste de la pédagogie, ce que je ne suis pas (les enseignants du supérieur n’y sont généralement pas formés), mais plutôt en faisant le bilan de mes succès et de mes échecs dans le domaine. Je crois pouvoir affirmer, fort de cette expérience, que quand la personne à qui on explique ne comprend pas ce qu’on lui explique, c’est souvent qu’on explique mal. Et quand c’est toute une assemblée qui ne comprend rien, il est même certain que le problème n’est pas le manque d’intelligence ou d’attention des personnes à qui on s’adresse. Ça peut être que ce qu’on cherche à expliquer réclame un long développement (il faut en savoir des choses pour arriver à comprendre une notion en physique des particule…). Et ça peut être aussi tout simplement qu’on n’est pas intelligible. On m’a dit que j’étais ignorant : « Vous êtes en train d’étaler aux yeux du public votre méconnaissance de l’action Stop Oil ». Là aussi, c’est en tant qu’enseignant que je rappelle que le remède à l’ignorance existe, que ce n’est ni le mépris, ni l’insulte, ni le surplomb, c’est l’instruction. Mais au fait, est-ce que le but est bien d’édifier le public ? N’est-ce pas juste de créer du clivage, de tracer la frontière entre le camp du bien et le camp du mal ? Le militantisme écologiste est souvent accompagné du sentiment de vertueuse supériorité de certains de ses tenants : leur cause, c’est leur chose, leur raison de haïr le voisin qui n’agit/pense pas pareil. Mais sur ce sujet précis, c’est complètement absurde, nous sommes tous dans le même navire, nous sommes tous le problème et peut-être tous la solution, ça devrait pas être un concours.
Vincent Van Gogh peignant ses tournesols (enfin une de ses x toiles avec des tournesols), par Paul Gauguin.
Bon, je peux continuer longtemps à égrener mes arguments, ou à dire que la connaissance et la création, l’art et la science, font partie des rares choses qui confèrent sa beauté et sa valeur à notre espèce, et qu’il est dommage de les prendre précisément pour cible. Certains objecteront que l’art est bourgeois, superflu, inutile, non-productif. C’est vrai, et l’art est même par essence anti-naturel : art, artefact, artifice… Je ne crois pas que cette considération fasse partie du kit rhétorique de Just Stop Oil, mais certains l’ont émise malgré tout.
Je finirai avec ce « bingo » assez pénible, qui met sur un même plan tous les arguments (de la blague à l’insulte, du préjugé anti-jeunes aux réflexions construites et informées) qu’ont pu donner les personnes critiques de l’action de Just Stop Oil :
Je trouve ce genre de « bingo » de plus en plus horripilant car il n’est pas très honnête, il place sur un même niveau des opinions qui n’ont aucun lien, et laisse accroire que toute critique ou toute remarque fait partie d’un même ensemble. Ce qui implique aussi qu’aucune critique ne mérite d’être entendue, que toute observation qui n’est ni passionnément favorable (ni au moins démagogiquement indulgente) est par essence malveillante et opposée à la cause défendue. Soit on est d’accord, soit on se tait, quoi. Et puisque la cause est grande, puisqu’elle est immense (le Monde !) alors les moyens employés, les tactiques, la stratégie, l’efficacité, l’effet, sont des questions qu’il est presque indécent d’évoquer.
Je remarque pour ma part qu’on pourrait faire un « bingo » exactement réciproque en compilant les arguments qui célèbrent l’action de Just Stop Oil : « y’avait une vitre alors apprends à te renseigner avant de t’indigner » ; « toi même tu en parles, tu vois que ça marche » ; « tu crois qu’un vieux tableau est plus intéressant que le climat ? » ; etc. Mais aura-t-on avancé pour autant ?
Au Musée du Louvre, le 29 mai 2022, travesti en femme âgée sur un fauteuil roulant, un jeune homme s’est subitement levé pour envoyer une tarte à la crème en direction de la Joconde de Léonard de Vinci. Alors qu’il se fait escorter par des agents de sécurité, le jeune homme explique sa motivation : sauver la planète.
« Pensez à la Terre, il y a des gens qui sont en train de détruire la Terre, pensez-y (…) Tous les artistes pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. Pensez à la planète. »
L’identité du vandale n’a pas été officiellement révélée, pas plus que les éventuelles suites judiciaires à son action1, mais il s’agirait (on m’a dirigé vers lui, mais j’avoue avoir du mal à le reconnaître) d’un youtubeur de faible notoriété qui, à en croire son profil, « rêve d’être acteur » et « exerce l’humour ». Ses vidéos ne traitent jamais d’écologie, on peut donc supposer qu’il s’agissait avant tout d’accéder à la célébrité en s’en prenant au tableau le plus célèbre du monde et en se réclamant d’une cause plutôt consensuelle2. Je note que le jeune homme n’a pas communiqué ensuite sur ce coup d’éclat, et ça n’est pas étonnant car on ne peut pas dire qu’il soit très marquant : le discours militant est pour le moins évasif (« pensez à la planète », ça sonne un peu comme « parlez-en à votre médecin »), la portée symbolique du geste est pauvre, l’événement est anecdotique (pas de dégâts irréparables, et tant mieux, et puis ce n’est pas la première fois que quelqu’un s’en prend à des tableaux, ni même à ce tableau précis…). Ici, donc, l’engagement militant semble assez superficiel.
Les militants de Just Stop Oil, la main collée au cadre de la Cène de Léonard de Vinci. Je n’ai vu nulle part de mention du type de colle employé, mais sur cette image issue d’une vidéo, on voit le tube, minuscule, ressemble fort à celui des colles Everbuild au cyanoacrylate, qui collent instantanément, et sont toxiques. J’espère que ces gens savent de qu’ils font !
Il en va tout autrement avec l’épidémie d’actions de militants pour le climat dans des musées britanniques depuis le 29 juin dernier. Leur mode opératoire le plus courant consiste à se coller une main au cadre d’une peinture célèbre : les Pêchers en fleurs de Van Gogh à la Courtauld Gallery, une copie de la Cène de Léonard de Vinci à la Royal Academy, et ainsi de suite : National Gallery, Kelvingrove Art Gallery, Manchester Art Gallery,… Cette action non-violente et sans danger pour les peintures, due au collectif Just Stop Oil, est destiné à réclamer un arrêt pur et simple des projets d’exploitation pétrolière et gazière. Sur les murs ou sur le sol du musée, ils peignent des slogans à la bombe.
En voyant les photos, j’ai l’impression qu’il ne s’agit pas de bombes de peinture émaillée, comme celles qu’on utilise pour la carrosserie des automobiles ou les tags, mais de bombes de marquage, comme on en utilise dans la construction. Ces peintures s’enlèvent assez facilement, mais leur composition n’en est pas moins polluante. Le liant est composé d’huiles minérales (pétrole, bitume, houille), les solvants sont des mélanges « d’hydrocarbures aliphatiques et d’esters », je ne sais pas ce que c’est mais ça ne semble pas être de l’eau, et le gaz propulseur est un mélange d’Isobutane et de propane. Si l’isobutane est un gaz employé en substitut à divers gaz à effet de serre, le propane, lui, est obtenu lors de la distillation du pétrole brut. Je dis ça, je dis rien. Le collectif n’agit pas que dans des musées. Avec une pertinence autrement plus forte, ils ont par exemple perturbé des courses automobiles. Les « sports mécaniques », où des véhicules à essence font des tours de piste pour revenir à leur point de départ me semblent difficilement justifiables dans le contexte actuel. Au passage, je me demande si le rapport entre la peinture et le slogan « just stop oil » a été réfléchi, car je ne peux m’empêcher de noter ici qu’il s’agit de peintures à l’huile, et le mot « oil » désigne bien entendu le pétrole, bien sûr, mais aussi l’huile, et, comme en Français du reste, peut être utilisé comme synonyme de « peinture à l’huile ».
La Charrette de foin, de John Constable, est un des plus grands classiques de la peinture anglaise. Il y a quelques années, il avait déjà servi à une autre démonstration militante : un membre des Fathers4justice avait collé une photo d’enfant sur la peinture afin de sensibiliser les législateurs aux droits paternels.
À l’exception du choix de la Cène (le dernier repas des apôtres, qui symbolise peut-être ici l’imminence d’une catastrophe ?), les peintures choisies sont toujours des paysages. Et ce choix, quoi qu’on pense du mode d’action, est intéressant. Car le pétrole, l’automobile, a un impact majeur non seulement sur la qualité de l’air, sur le climat, mais aussi sur le paysage3. Sur le paysage visuel comme sur le paysage sonore. C’est ce qu’ont cherché à démontrer deux jeunes activistes le 4 juillet à la National Gallery. Avant de coller leurs mains au cadre du tableau, ils ont posé sur La Charrette de foin, de John Constable, des lés de papier sur lesquelles était imprimée une reproduction altérée du célèbre tableau. On y voit des usines fumantes, une route bitumée et, dans le ciel, des avions. On pourrait (et du reste ça a déjà été fait plus d’une fois) s’emparer d’innombrables classiques de la peinture de paysage et les réactualiser de la même manière pour montrer ce que nous ne voyons plus : la laideur du monde bétonné, goudronné, bruyant, encombré de véhicules. Le cerveau humain est plastique, il s’habitue à tout, il se lasse de tout, alors ce qui peut nous aider à voir ce qui ne va pas aujourd’hui, c’est peut-être de comparer, d’avoir sous les yeux à la fois notre présent et notre passé4. Les artistes peuvent tenir le journal du temps, exactement comme l’ont fait les paysagistes qui partaient sur le motif aux siècles passés, ou décrire un idéal de beauté, comme le faisait Claude Gellée dit « Le Lorrain » dans la campagne romaine. Et ils peuvent même spéculer sur l’avenir en nous avertissant de ce vers quoi nous allons. Tout ça, ce sont des choses pour lesquelles l’art peut aider.
En 1796, alors qu’il était en charge de l’aménagement du nouveau musée, le peintre Hubert Robert a peint plusieurs vues imaginaires de la grande Galerie du Louvre. Certaines de ces vues montrent le Louvre en ruines, comme une paisible évocation de la vanité des ambitions humaines, que le temps rattrapera toujours. Pas de discours particulier sur l’écologie, bien entendu, mais aujourd’hui des artistes, des cinéastes, des romanciers et même des auteurs de jeux vidéo produisent des œuvres autour de ce thème : qu’allons-nous laisser derrière nous ?
Pour justifier leurs actions, les activistes de Just Stop Oil ont un discours un peu ambivalent. Ils disent à la fois que c’est le moyen qu’ils ont trouvé pour attirer l’attention, et on peut admettre que ça fonctionne, mais si c’est l’unique but, alors pourquoi les musées ? Et pourquoi pour cette cause ? Si la seule justification est la publicité, alors n’importe quelle ONG, n’importe quel groupe peut envahir un musée pour défendre une cause, bonne ou mauvaise, d’ailleurs. Ils disent aussi qu’ils veulent parler de la beauté du paysage, et de ce qui la menace : que sera la Provence telle que peinte par Van Gogh quand le pourtour méditerranéen sera un désert ? Pourquoi pas, ici au moins on voit le rapport. Ils disent enfin des choses telles que5 : « On ne veut pas faire ça à cette merveilleuse peinture mais on le fait parce qu’on est terrorisés par le futur » ou encore « Cette peinture fait partie de notre patrimoine mais ce n’est pas plus important que les 3,5 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont déjà en danger en raison de la crise climatique ». Ou enfin « on ne peut pas s’attendre que [les jeunes] respectent la Culture alors que leur avenir est menacé ». Dans ces propos je lis un mélange de revanche (le musée, truc des vieux qui ont pourri le monde) et d’un principe d’équivalence assez tordu qui rappelle les spéculations de cour de récré : « tu préfères manger du caca ou te faire couper un bras ? » ; « tu préfères un tableau ou des humains ? ». Mais jamais nulle part on n’a eu à faire un tel choix !
Dans sa communication, le groupe Just stop oil recourt souvent à une comparaison pour se justifier : en mars 1914, juste avant le début de la guerre, la Suffragette Mary Richardson a massacré, au hachoir, la Vénus au miroir de Diego Velázquez, dans le but de protester contre les conditions de détention d’une de ses camarades de lutte, Emmeline Pankhurst, que l’on forçait à s’alimenter malgré sa grève de la faim. Le tableau, qui venait assez récemment d’entrer dans les collections nationales, était alors extrêmement médiatisé. Le geste, très brutal bien sûr, n’était pas gratuit : tandis que les femmes se voyaient refuser d’être des citoyennes à part entière, la tradition artistique faisait (et persiste à faire, du reste) de leur nudité des objets de contemplation, tout comme la société contrôlait (et contrôle encore) leur corps par la loi, les injonctions sociales ou le regard. Les positions idéologiques, théoriques, philosophiques, sont une chose, mais notre rapport aux images est à mon sens bien souvent animiste : s’en prendre au dessin d’une figure, d’un corps, ça ne peut être anodin. Dans ses textes, Richardson a écrit avoir voulu « détruire l’image de la plus belle femme du monde » (Vénus) afin de protester contre la « destruction du plus beau personnage du monde moderne » (Emmeline Pankurst). Je ne sais pas à quel point Just Stop Oil maîtrise la référence, mais d’une part, toutes les suffragettes n’ont pas soutenu les actions destructrices de ce genre — je ne saurais dire si ce coup d’éclat a joué dans l’accès au droit de vote des britanniques, juste après guerre —, et d’autre part, Mary Richardson s’est fait défavorablement connaître quelques années plus tard pour un autre engagement : fascinée par les chemises brunes, elle est devenue militante (et importante responsable) du parti fasciste britannique (British Union of fascists), qu’elle n’a quitté, après deux ans, qu’en constatant que les positions féministes du mouvement n’était pas aussi sincères qu’elle l’avait espéré. C’est la seule chose qui la gênait.
La section féminine du parti fasciste britannique saluant Oswald Mosley, le fondateur du mouvement. Mary Richardson expliquait avoir été attirée par les chemises brunes du fait de leur colère, de leur sens de l’action, de leur loyauté, autant de valeurs qu’elle avait connues lors de son engagement féministe. Mais c’est en voyant que ses amis fascistes se faisaient attaquer « sans raison » qu’elle en est venue à les admirer, notamment parce qu’ils répondaient à la violence par la violence, et qu’ils frappaient fort. Notons que Sylvia Pankhurst, la fille d’Emmeline Pankhurst (décédée à l’époque), avait critiqué le ralliement aux chemises brunes de Mary Richardson.
Quoi qu’il en soit, on aura du mal à me convaincre que des démonstrations spectaculaires dans des musées servent vraiment la cause du climat : les militants, habitués à accepter que les fins soient décorrélés des moyens, justifieront l’action ; les amateurs de peinture s’indigneront ; les automobilistes continueront d’utiliser leur automobile, et les sociétés pétrolières, de leur fournir du carburant. A-t-on jamais convaincu quelqu’un de l’intérêt d’une cause en lui marchant sur le pied ? Puisque les problèmes environnementaux concernent tout le monde, on peut difficilement faire l’économie de convaincre tout le monde de leur urgence. Et de convaincre en s’adressant au cerveau plutôt qu’avec des gesticulations hasardeuses.
J’ai lu quelque part qu’il avait 36 ans et avait été admis en psychiatrie juste après son geste, mais sans détails, et il semble que le Louvre ne veuille pas communiquer sur la question. [↩]
L’écologie est une cause consensuelle, car si, certes, peu de gens sont pressés de sacrifier leur confort pour le bien de la planète, peu de gens se présentent clairement comme des adversaires de l’écologie. [↩]
Le paysage n’est pas la nature, c’est le point de vue d’un observateur sur la nature, et la manière dont la nature est aménagée pour ce point de vue. C’est le point de rencontre entre le naturel et l’artificiel, entre nous et ce qui nous environne,… [↩]
Détail amusant : Constable n’avait pas réussi à vendre sa Charrette de foin la première fois qu’il l’a présentée. Peut-être qu’en 1821, ce qui nous semble pittoresque aujourd’hui était trop banal pour intéresser le public. [↩]
Il y a cinq ans, au second tour de l’élection présidentielle, j’étais allé voter contre Marine Le Pen. Et donc, pour son concurrent. Je l’ai fait parce que même si je ne souscrivais pas à la vision économique d’Emmanuel Macron (vision que l’on peut résumer à une évaporation progressive des services publics — processus qui est du reste « en marche » depuis 1986), je savais que celui-ci n’allait pas chercher à conforter le racisme, le sexisme ou encore l’homophobie, puisqu’il est un des candidats qui avait le mieux évité de se fourvoyer dans ces sujets. Avec le recul, je dirais que le bilan du président sortant est loin d’être totalement satisfaisant sur ces points, il s’est montré plutôt moins courageux pendant son quinquennat que pendant sa campagne, mais à sa décharge, la France entière a été soumise à une intense pression médiatique ultra-droitière, et on voit comment ça se traduit dans les urnes puisque plus d’un Français sur trois a voté pour des programmes assez ouvertement racistes. Et par ailleurs, le niveau de violence atteint lors des manifestations est vraiment problématique. Et ce n’était pas dans le programme. Mais peu importe cette réalité, j’ai la certitude que, avec Marine Le Pen au pouvoir, les choses auraient été bien pires sur tous ces plans.
En 2017, les gens qui appellent « extrême » tout programme un peu plus à gauche que Manuel Valls avaient été nombreux à insulter les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, intimant à ces derniers l’ordre de voter Macron par force tout en continuant à les traiter de tous les noms (stalinistes, chavézistes, poutinistes, assadistes,…). On y percevait une revanche, il s’agissait de soumettre les Insoumis. J’en avais parlé à l’époque sur le présent blog. Sans surprise, c’est reparti.
Mais cette fois-ci ce ne sont plus ses soutiens, c’est Emmanuel Macron lui-même qui se montre insultant. Le soir du premier tour, il avait fait applaudir ses concurrents. On pouvait juger ça « beau joueur », on pouvait juger ça condescendant, ou bien on pouvait se dire qu’il s’agissait de tendre la main aux électeurs de droite ou de gauche, car on sait que le résultat sera plus serré que la dernière fois. Dès le lendemain, l’ambition de rassembler avait vécu, le sortant expliquait que ses scores, meilleurs qu’il y a cinq ans, prouvaient par A et par B que les Français adhéraient massivement à son projet, et qu’il n’y avait pas, ni cette fois ni d’ailleurs la précédente, de « Front républicain » qui tienne, qu’il ne verrait pas le vote en sa faveur comme le fruit d’un non-choix imposé par des circonstances malheureuses mais au contraire, comme un blanc-seing pour sa politique à venir. Ce n’est pas très malin de poser les choses comme ça, et sur Twitter, plus d’une personne a alors déclaré son intention de s’abstenir d’aller voter. Et parfois même son intention de voter pour la concurrence, « quoi qu’il en coûte ».
Dès l’annonce des résultats, Tatiana Ventôse, figure proéminente du Youtube de la gauche radicale (ex Parti de Gauche, qui a rallié le parti souverainiste de Georges Kuzmanovic, ancien membre de la France Insoumise) a appelé à voter Le Pen ! Petit séisme pour les gens qui la suivent, mais il s’en trouve pas mal pour la saluer et annoncer vouloir suivre son conseil.
Je suis un homme, j’ai la peau rose, les cheveux gris, un patronyme du Sud-Ouest, un double-prénom très chrétien, je gagne ma vie, j’ai un toit sur la tête, je ne suis adhérent d’aucun parti politique ou d’aucun syndicat, membre d’aucune organisation militante qui risquerait d’être située dans le viseur de l’extrême-droite, alors il est possible (mais non certain) qu’avoir Macron ou Le Pen à la tête de l’État ne change pas immédiatement mon existence quotidienne, ne nuise pas à mon petit confort. Mais tout le monde n’a pas le luxe de voir les choses comme ça, ne soyons pas égoïstes. Par ailleurs je ne suis absolument pas dupe du caractère « progressiste » (féminisme, tourné vers le social) ou encore « populaire » du programme imprimé par Marine Le Pen. Son tract est habilement rédigé, mais qu’on ne s’y trompe pas : avec elle, notre pays se rangerait du côté de la Hongrie d’Orbán, avec un net recul des libertés individuelles, et tirant l’Union européenne toujours plus loin de ce qu’elle a de bien. Par ailleurs l’Histoire nous rappelle que les gouvernements de droite dure ont souvent deux faces : une face institutionnelle qui joue la respectabilité, et une autre, composée de « forces populaires » qui sèment la terreur, sans cadre mais encouragées par le régime. Miliciens, chemises brunes, et autres brutes paramilitaires. Aux gens qui veulent d’une victoire de Le Pen pour « donner un coup de pied dans la fourmilière », tout casser pour tout reconstruire, je rappelle que la seule chose dont ils peuvent être sûrs, c’est de ce qui sera cassé, pas de ce qui sera construit ensuite.
Alors comme il y a cinq ans, je donnerai mon bulletin à quelqu’un dont le programme me semble pourtant détestable, et pire encore, à quelqu’un qui est en partie responsable de la situation dans laquelle nous sommes ces jours-ci, puisque le désespoir qui pousse certains à voter Le Pen, les cinq ans qui viennent de passer l’ont construit. Et pas seulement en vertu des décisions prises ou des décisions à venir, mais dans la méthode : des millions de gens dans la rue ? Une presse qui dénonce un niveau anormal de violences policières ?… Ce sont des faits qui naguère eussent fait sauter des ministres et des préfets. Aujourd’hui, rien, ça glisse, et une bonne partie de la population a l’absolue conviction de ne jamais être entendue. Mais avouons-le : je m’attendais à ce résultat, je note que Jean-Luc Mélenchon (pour qui j’ai voté) obtient in fine un score honorable malgré son entêtement à refuser de coopérer avec des candidats aux programmes parfois très proches — espérons que contrairement à Emmanuel Macron, il saura reconnaître que s’il a rassemblé un cinquième des suffrages, c’est aussi à la faveur d’un « vote utile ».
Raphaël Enthoven préfère Marine Le Pen à Mélenchon, c’est son droit, il prend ses responsabilités, mais à présent il ordonne aux électeurs de Mélenchon de voter Macron contre Le Pen… Je ne comprends pas comment on peut à la fois mépriser des gens, et leur demander d’obéir à ses injonctions.
Ce qui va m’être pénible, pendant les dix jours à venir, ce n’est pas cette élection : ce sera pour moi une corvée parmi d’autres, comme de déboucher un évier, disons — il faut le faire, on le fait, et on oublie. Ce qui va me frustrer, c’est surtout de devoir un peu me taire, d’éviter d’expliquer à quel point je suis inquiet pour l’avenir des services publics, école, université, sécurité sociale, d’éviter de trop dire les reproches que j’ai à faire au président sortant. Rattrapons-nous pour les législatives, et quelle que soit la personne élue le 24 avril, espérons que celle-ci sera forcée de composer avec un gouvernement de cohabitation.
Il semble que les mots « troll »1 et « drôle » soient apparentés. Le trǫll nordique, le drolle batave, le drôle normand, sont des créatures légendaires de format divers : les trǫll scandinaves peuvent avoir la taille de montagnes (mais le mot sert aussi pour des créatures plus petites) et sont comiques de par leur maladresse et leur bêtise, tandis que les droll/drôles sont juste des lutins moches parfois malicieux et toujours pénibles.
Il a le plus gros micro. Pas de doute à ce sujet.
En tout cas, malgré toute la répugnance que m’inspire son message, j’ai trouvé la vidéo drôle. Vous pouvez vous épargner son visionnage, je vous la raconte.
Fondu au noir en ouverture. Le visage de Z apparaît en gros plan en même temps que l’on entend l’accord caractéristique qui ouvre le second mouvement de la septième symphonie de Beethoven. Un accord qui donne la chair de poule. Il donnait la chair de poule tout au long du film The Fall. Il donnait la chair de poule dans le film Le Discours d’un roi, lorsque le prince Albert von Sachsen-Coburg und Gotha (dit George VI d’Angleterre) s’apprête à faire sans bégayer une allocution radiophonique pour déclencher la guerre contre l’Allemagne. Il fait frémir aussi dans X-men: Apocalypse lorsque tous les missiles nucléaires quittent leurs silos en même temps.
Pwoiiinnn font ensemble cors, clarinettes, hautbois et bassons. On pense que Beethoven, qui était, rappelons-le, allemand et patriote, a pensé cette symphonie comme un cri de libération pour l’Europe qu’un despote ravageait, l’Empereur Napoléon. On reparlera de ce monsieur.
Z a devant lui un gros micro et derrière lui des étagères de bibliophile. Les livres donnent l’air présidentiel. Il baisse les yeux vers son texte2 et d’un ton grave il s’adresse à ses « chers compatriotes », à qui il raconte qu’ils sont hantés par un étrange et pénétrant sentiment de dépossession, que plus rien n’est comme avant, qu’il n’y a plus de saisons, que les Français sans le savoir ont été grand-remplacés, que même s’ils n’ont pas bougé, eux, c’est leur pays qui les a quittés. Vous reconnaissez-vous dans ces footballeurs ? Dans ces jeunes femmes voilées ? Dans ces activistes LGBT qui peignent des arc-en-ciels ? Dans les théories pédagogiques des « pédagogistes »3 ? Dans l’égalitarisme des « Islamogauchistes » ?… Au fur et à mesure que Z égrène le chapelet de ceux qu’il exclut de ses « chers compatriotes », l’ensemble que constituent ceux-ci se rabougrit furieusement : pour mériter d’en faire partie, il faut être très à droite et avoir peur d’à peu près tout le monde. On est un peu dans Body Snatchers,4 à l’en croire : le pays est le même, c’est bien nous qui y vivons, mais on n’y reconnaît rien. Même les programmes télé sont bizarres : « Vous regardez vos écrans et on vous parle une langue étrange, et pour tout dire, étrangère ». Ne regardant pas la télé, j’aurais bien aimé qu’il développe : il proteste contre les programmes en V.O. ? Il est tombé sur un clip d’Aya Nakamura ? C’est amusant de se plaindre de ce qui passe à la télévision quand on y est aussi omniprésent que lui.
Z nous parle de notre vie quotidienne : nous prenons le métro, nous achetons notre pain, nous allons au bureau de poste, chez le médecin, chercher les mômes à l’école… Et pour illustrer ces descriptions d’activités fort banales, il nous inflige des images de faits-divers et d’émeutes qui, tant qu’à les emprunter sans autorisation5, eussent aussi bien pu être remplacées par des extraits de Mad Max ou de The Walking dead, tant l’outrance est risible. Créature télévisuelle et politique, Z fait mine de parler du réel mais se satisfait pour ce faire de convoquer un fourre-tout de représentations, d’anecdotes, de clichés et de fantasmes. Est-ce que, dans l’arrière-pays niçois, dans le fin fond des campagnes d’Alsace ou de la Picardie les gens croient que la vie des urbains ressemble à un film post-apocalyptique ?
Le jeu World War Z
Comme antidote à ce déferlement d’images anxiogènes, Z nous parle du « pays de notre enfance », du « pays que nos parents nous ont décrit », du pays qu’on retrouve « dans les films et dans les livres », un pays aux couleurs délavées ou en noir et blanc, le pays de Louis XIV, de Jeanne d’Arc (enfin Milla Jovovich) et de Napoléon Bonaparte — vous savez, ce type que détestait Beethoven. Le pays du Général de Gaulle (cité deux fois), le pays (Z prend pour le dire un ton traînant un rien lyrique) « des chevaliers et des gentes dames ». Vous ne vous rappelez pas de votre enfance, quand il y avait des chevaliers et des gentes dames ? Ou bien c’était du temps de vos parents ? Au passage je me demandes que penser des gentes suspectes qui se coupent les cheveux court pour partir guerroyer l’Anglois vêtues et armées comme des zhommes, telle Jeanne d’Arc citée plus haut ? Djendeur Danger ! Il nous parle ensuite de Lavoisier et de Pasteur, de Pascal et de Descartes, tandis que l’image présente un jeune mathématicien écrivant des formules au tableau noir. J’aimerais m’arrêter une seconde sur cette image : ce mathématicien existe aujourd’hui et maintenant ! En quoi représente-t-il le passé ? On peut se poser la même question pour Brigitte Bardot et Alain Delon, qui n’ont certes plus d’actualité artistique6, mais qui sont encore de notre monde, contrairement à leurs collègues Gabin, Smet, Aznavour, Belmondo, Brassens ou Barbara, cités au sein de la même énumération. Il n’est pas bien gentil de parler de vivants comme s’ils étaient cannés ! Mais bon, on comprend le message : les jeunes étaient mieux du temps de notre jeunesse. Et apparemment les mathématiques ont cessé d’exister quand on a cessé d’aller à l’école — pour beaucoup de gens, j’imagine que c’est vrai. On apprend aussi que la France est le pays qui a inventé le cinéma (en remontant à Louis le Prince ? Sinon, dans plein d’endroits du monde on pense que c’est l’affreux Thomas Alva Edison !), l’automobile (après Daimler et Benz diront les amateurs de controverses historiques), et le Concorde. Vous savez bien, cet avion supersonique franco-britannique…
Il nous apprend au passage que les traditions que nous devons à tout pris conserver sont : la cuisine ; le nucléaire ; la conversation ; et enfin les controverses sur la mode (ah ?) et l’Histoire. Eh oui, quand Z défend Vichy, la colonisation ou la Saint-Barthélémy, il n’est pas un odieux irresponsable qui justifie des crimes du passé, il participe juste à une vieille tradition folklorique française : la controverse historique.
Avec une certaine forme de cynisme, Z assume le caractère totalement imaginaire de la France qu’il vante : « Ce pays que vos enfants regrettent sans même l’avoir connu ». Et pour cause, l’Arcadie, l’âge d’or, n’a jamais existé, et ça fait des siècles, des millénaires, que l’on se fait croire que « avant c’était mieux ». Ne s’embarrassant pas de logique, il n’hésite pas non plus à affirmer que « le sentiment de dépossession » est partagé par tous, que c’est une minorité qui « terrorise la majorité », et donc que ce pays où selon lui nous nous sentons mal, c’est nous qui le constituons, c’est nous qui l’avons construit, c’est nous qui sommes responsables et coupables d’avoir fait disparaître ce que nous regrettons à présent. Eh bien sur ce dernier point, je ne lui donne pas tort : il suffit de voir une zone d’activité commerciale en périphérie urbaine pour vérifier ce fait : oui, nous avons volontairement enlaidi notre pays à coup d’entrepôts laids, de bitume, de parkings, de bagnoles. Gratifier la France d’un président xénophobe et misogyne sera évidemment moins un remède au déclin que la cerise moisie posée sur un gâteau déjà bien rance.
Notons que le « troll internet » se confond avec les trolls des légendes, mais l’origine du mot est sans doute une autre acception du mot « troll », qui en anglais peut désigner la pêche à la ligne. [↩]
Avant d’être lue l’allocution aurait gagné à être relue. Par exemple la mention des difficultés de Français à « finir leurs fins de mois » n’est pas très heureuse. [↩]
Ne maîtrisant pas très bien son analogie ou n’ayant pas vu le film, Z parle des « pédagogistes » qui mènent des « expérimentations égalitaristes » comme d’autant de « Docteurs Folamour »,… Pour rappel, le docteur Strangelove n’est pas spécialement un apprenti-sorcier, un docteur Frankenstein, c’est un nostalgique du nazisme qui propose à l’élite politique de Washington de constituer des harems (dix femmes pour un homme) afin de repeupler la Terre après une guerre atomique. Pas sûr que ça soit vraiment contraire à la vision du monde et de la place des femmes de Z ! [↩]
En Français, Body Snatchers porte le titre incongru L’invasion des profanateurs de sépultures. [↩]
Le spot a fait polémique car il est essentiellement constitué d’images volées. [↩]
Delon parle souvent de tourner un ultime film. [↩]
Je viens de lire Pleurnicher le vivant, un texte enlevé de Frédéric Lordon, dans le Monde Diplomatique, où l’auteur s’en prend, à coup de punchlines défoulatoires, à une série de douze articles que Le Monde a consacré à des « penseurs du vivant », qui si je comprends le résumé qu’en fait Lordon (je ne peux pas lire les articles qu’il fustige), désigne des gens plus ou moins soumis à l’influence de Bruno Latour et qui prêtent un point de vue aux arbres, aux Icebergs ou aux oiseaux, dans le but abominable de ne jamais dire que le Capitalisme était la cause de tous les malheurs1. Ainsi, les philosophes, les artistes, les écrivains, les zoologues ou les océanologues qui s’intéressent à la biodiversité, aux interactions du vivant et à l’harmonie de la nature, ne seraient que les benêts représentants d’une lucrative tendance éditoriale, les meilleurs alliés d’une dépolitisation de l’écologie, les tenants d’une radicalité feinte qui fait le jeu d’un greenwashing philosophique, artistique et littéraire parfaitement compatible avec l’ultra-libéralisme, lequel est justement la cause de tous les malheurs des lichens, des ours et des manchots-empereurs. Même s’il concède au passage que « être ornithologue et prendre fait et cause pour les oiseaux depuis sa position disciplinaire d’ornithologue est une chose très belle en soi, et surtout très incontestable », l’auteur cache mal son agacement, et va jusqu’à comparer des travaux scientifiques à un article du site parodique Le Gorafi qui prête la parole aux cafards. Peut-être m’abusè-je, mais cette lecture me donne la sensation diffuse que Frédéric Lordon reproche l’échec de Nuit debout à la trop grande importance qu’on y a donné aux thèmes écologistes (bienveillance, résilience,…), au détriment des oppositions politiques classiques du XIXe siècle, apparemment indémodables. Au passage, je reprocherais à l’auteur du texte de traiter par dessous la jambe une multitude d’auteurs sans doute bien différents les uns des autres, qui n’ont pour la plupart pas l’honneur d’être nommés2 et qui ne semblent former un ensemble qu’en tant qu’ils sont par lui honnis.
Danse des Otahïtiennes en présence du roi, détail du papier peint Les Sauvages de la mer du Pacifique, par Jean-Gabriel Charvet (1804), œuvre emblématique de son temps, qui célèbre de manière littérale et naïve l’«État de nature» cher à Rousseau ( «un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais» ), en même temps que la prédation du Pacifique par les explorateurs européens.
Passé une certaine irritation face à cette forme whataboutisme3, face à cette critique plutôt banale de la radicalité inoffensive (on est toujours le révolutionnaire de salon de quelqu’un d’autre !), et en mettant de côté quelques rapprochements assez incongrus (Elon Musk, Jeff Bezos, le blockchain et le solutionnisme technologique), on peut tenter de prendre au sérieux le texte et se poser cette question : est-ce qu’une sympathie avec le vivant, une empathie avec les animaux, est une manière de vider les grandes questions de leur charge politique4, et au fond, de préférer la nature aux sociétés humaines ? Je venais à peine de lire la charge de Lordon quand je suis tombé sur une information : dans tous les pays développés, mais aussi en Chine, les jeunes ont de plus en plus tendance à préférer l’idée d’adopter un animal à celui de fonder une famille et de faire des enfants. Ça ne dérange pas le capitalisme, et la banque Goldman Sachs conseille à ses clients d’investir massivement dans le marché des animaux de compagnie. Voilà qui en dit sans doute long sur la manière dont ceux qui habiteront l’avenir l’envisagent en ce moment. J’ai pensé aussi au roman Do Androids Dream of Electric Sheep?, par Philip K. Dick, où les question de l’empathie, des animaux et de la place de la nature, dans un monde ultra-urbain, écologiquement ravagé, ultra-capitaliste et totalement dépolitisé sont centrales5. J’ai même pensé à Brigitte Bardot, qui semble n’être plus animée que par le célèbre adage « mieux je connais les hommes, plus j’aime les bêtes ».
Bambi est de retour, et il n’est pas content ! (La bête du Gévaudan. Estampe allemande de 1764)
Il y a peut-être une question intéressante, derrière le texte de Frédéric Lordon, donc. Peut-être une opposition qui a un sens. Après tout il existe plusieurs écologies politiques parfois opposées : celle qui est motivée par la connaissance des données scientifiques, contre celle qui est motivée par une détestation de la science. Celle qui se complaît dans une forme de spleen collapsologique apocalyptique6. Celle qui croit que le salut viendra de l’ingéniosité technique et de la maîtrise scientifique. Celle qui est motivée par l’envie d’un futur meilleur, et celle qui croit que les réponses se trouvent dans une Arcadie perdue. Celle qui croit aux petits gestes et celle qui ne croit qu’au pouvoir des grands mots. Celle qui croit que le monde doit être aménagé pour nous et celle qui dit que c’est à nous de nous adapter au monde. Celle qui croit que l’Humain et le monde sont dans une Histoire et peuvent co-évoluer, face à celle pour qui l’Humain ne peut vivre en harmonie avec la nature qu’au sein de structures sociales (et notamment sexuelles) traditionalistes et rigides7. Ou encore celle pour qui nous sommes un intrus malfaisant, un bug dans le système du vivant qui, en notre absence, serait parfait8. Et peut-être que chacun de nous est empreint non d’une seule de ces approches, de ces humeurs, mais de plusieurs à la fois, dans des proportions variables et à des niveaux différents : émotif, affectif, cognitif, cartésien…
Il y a deux ans (et deux jours !), je me rendais au Havre pour rencontrer mes étudiants. À Rouen, le train est passé sous un nuage vraiment anormal, ne serait-ce que par son format : sans doute des kilomètres de long. Je l’ai aussitôt pris en photo. Les gens qui sont montés dans la voiture toussaient, l’odeur était âcre.
Je pourrais conclure en distribuant des bons points, en disant ce qui est bien et ce qui ne l’est pas, pour que ceux qui sont d’accord avec moi se disent que j’ai bien raison, et que les autres se disent que je suis un âne. Mais je préfère que nous nous posions, chacun à nous-mêmes, des questions, même si c’est bien sûr moins rassurant et confortable que d’avoir des certitudes et des réponses.
Je suis malgré tout certain d’une chose : l’état de notre planète n’est pas un petit sujet et, si nous étions un tant soit peu rationnels, ou un rien plus courageux, ce serait le plus grand sujet de l’élection qui se prépare. Sinon on peut parler de Zemmour.
Personnellement, je comprends bien qu’on reproche le désastre écologique au capitalisme, qui repose sur la prédation, la conquête, le productivisme, tout cela dans une forme de fuite en avant, mais il me semble que les mêmes errements aient pu être observés dans des discours ou des réalités politiques qui se disaient anti-capitalistes… [↩]
Vinciane Despret, à qui il était difficile de ne pas penser, est absente du texte, mais pas le titre de son livre Habiter en oiseau. [↩]
Whataboutisme : on reproche à celui qui parle d’une chose de ne pas parler d’une autre dont on a décidé qu’elle était le vrai sujet… [↩]
La politique, c’est la vie de la cité, comme chacun sait. [↩]
Ces thèmes existent en sourdine dans le film Blade Runner, par Ridley Scott, mais me semblent plus présents (il faut que je le revoie) dans le récent Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve. Au passage, pour rester dans la dialectique marxiste, les « réplicants », qui sont pourchassés par le personnage principal, sont de beaux prototypes de prolétaires. [↩]
le monologue du professer Falken dans WarGames,… [↩]
Ravage de Barjavel, Lanza del Vasto, l’Anthroposophie,… [↩]
Donc, Nathalie et moi-même n’avons pu voter au premier tour des primaires de l’écologie : privés d’élection pour cause de non possession de téléphone mobile. Mais notre fille Florence, elle, dispose d’un numéro de téléphone et souhaitait participer à la primaire. Elle s’est donc inscrite pour le faire, payant les deux euros réglementaires. Et puis un beau jour, un peu avant l’ouverture du vote, elle a reçu le message qui suit :
De : election@acces-neovote.com <election@acces-neovote.com> de la part de Primaire écologiste <election@acces-neovote.com>
Envoyé : jeudi 16 septembre 2021 08:33
À : Florence Lafargue <***@***.fr>
Objet : Primaire des écologistes
Bonjour,
Nous avons le regret de vous informer que, suite à des contrôles de sécurité opérés par notre prestataire, et ce conformément aux Conditions Générales d’Utilisation (CGU), votre inscription à la Primaire des écologistes et votre droit de vote pour ce scrutin ont été suspendus. Comme indiqué dans nos CGU, aucun remboursement ne sera effectué.
En vous remerciant de votre intérêt pour la Primaire de l’écologie,
L’équipe de la Primaire des écologistes
Elle n’a pas été seule dans son cas, ce sont en fait 1464 personnes qui ont été privées de droit de vote et pour qui aucun-remboursement-ne-sera-effectué-en-vous-remerciant-salut, au motif que leur identité était suspecte. Une raison du soupçon est la similitude de la partie conservée des numéros de carte bancaire : il suffit qu’une personne ait un certain nombre de chiffres en commun pour que le système considère que la carte employée est la même.
Au même moment, sur Twitter, un troll se vantait d’avoir voté six fois… Pour la candidate qu’il juge « bête » et « folle » et qui lui semble la plus à même de faire échouer son parti lors de l’élection nationale qui arrive.
Les captures d’écran prouvent juste que leur auteur a pu atteindre la page de vote, et donc voter au moins une fois, mais j’imagine que la multiplication frauduleuse des votes reste, quant à elle, à prouver. Espérons qu’il ne s’agit que de vantardise.
Bon, bref, avec trois souhaits de participation contrariés, notre famille est un peu spécialiste des problèmes de vote en ligne. J’en tire trois conclusions :
tout d’abord, que même le parti qu’on aurait cru le plus à même de faire une critique du téléphone mobile l’impose comme instrument de citoyenneté et preuve d’identité.
ensuite, un constat que la démocratie en ligne n’est pas très au point. Il existe pourtant des solutions — comme celle de stocker l’identité exacte des électeurs, connue par un prestataire de confiance tiers.
et pour finir, l’intuition personnelle que les candidats, malgré une convergence sur le programme, se défient les uns des autres et restent, malgré leurs belles paroles contre le présidentialisme monarchique à la française, embarqués dans une guerre d’égos. Je ne vois en effet que le manque de confiance et de fair-play qui explique un fonctionnement si rigide et capable de causer tant de faux positifs. Le prestataire Néovote insiste en tout cas sur le fait que la situation est consécutive à des choix explicites de la part des écologistes.
Tout ça ne me donne pas très envie d’être attentif à la suite de la campagne des écologistes, je dois dire, alors même que les questions traitées n’ont jamais été si urgentes. Ce n’est bien sûr que le tout premier épisode déplaisant d’une campagne qui, toutes tendances politiques confondues, s’annonce particulièrement pénible.
Mise-à-jour du 28/9/2021 Sur Facebook, une amie s’étonnait d’avoir été elle aussi considérée comme possible troll-de-bourrage-d’urnes. Elle ajoute : « l’écologie ce n’est pas que trier ses déchets et réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour moi c’est une forme d’attention aux choses et aux êtres qui se situe aussi au niveau des rapports sociaux. je suis atterrée du peu d’intelligence relationnelle dont ils ont fait preuve ».
On voulait bien, nous, participer au choix du candidat écologiste pour les élections présidentielles à venir. Le sujet nous importe et nous avons d’ailleurs suivi deux débats sur trois. Hier, EELV nous adressait un ultime e-mail pour nous convaincre de voter :
Nous ne pouvons pourtant pas le faire. En effet, sur le site lesecologistes.fr on nous demande de renseigner non seulement nos noms, prénoms, et adresse e-mail, mais encore notre numéro de téléphone mobile. Or nous n’avons pas d’appareil de ce genre à disposition, pour mille et une raisons : inutilité de l’appareil, peu adapté à nos besoins, réticence face à son caractère intrusif et envahissant, etc. Mais aussi par conviction écologiste : pourquoi posséder un outil dont on ne ressent pas le besoin lorsqu’il pose de nombreux problèmes environnementaux. Nous n’écrivons pas ça pour donner des leçons (on fait de notre mieux mais on a des ordinateurs et on se chauffe au fioul…), en revanche nous nous passons sans mal d’automobile et de téléphone portable et ne souhaitons pas qu’on nous les impose pour des raisons absurdes et non liées à leur fonction. Les téléphones mobiles, et tout particulièrement les smartphones, posent des problèmes de terres et métaux rares (Indium des écrans tactiles, lithium des batteries, etc.), sont difficiles à recycler et ont souvent une durée de vie courte. Enfin, ces appareils sont au centre d’un maillage dense d’antennes-relais qui en inquiète certains. Accepter que nos droits soient conditionnés à leur possession devrait inquiéter également. Nous avons un numéro fiscal unique, un numéro de sécurité sociale unique, une carte nationale d’identité, etc. — autant d’éléments (certes réputés très confidentiels mais qui sont souvent demandés comme justificatifs) qui permettraient de nous identifier, mais non, on nous demande impérativement un numéro de mobile. Cela nécessite donc non seulement d’avoir un téléphone mobile mais un téléphone et un numéro propre à chaque membre du foyer qui souhaiterait voter !
Comme tout le monde nous l’a fait remarquer lorsque nous nous sommes plaints, il y a bien un lien disant « Je ne dispose pas de téléphone portable » qui suggère la promesse d’une solution. Mais cette solution est-elle sincère, ou sert-elle juste à donner le change ? Nous avons cliqué et nous sommes tombé sur une page Questions fréquentes qui, pour l’entrée « je n’ai pas de téléphone portable » nous engageait à envoyer un e-mail afin de déterminer une solution. Ce que nous avons fait. La réponse, venue après trois jours, signée par un prénommé « Julien », et strictement identique pour chacun de nous me semble assez consternante :
Vous lisez bien : en s’abritant derrière des préconisations de la CNIL pour s’assurer du caractère unique de chaque vote — préoccupation hautement compréhensible —, on nous propose rien moins que d’utiliser le portable d’une personne proche. Que faut-il entendre par proche ? Et puisqu’un seul et unique numéro peut être employé pour chaque électeur, ça signifie que la personne « proche » ne pourra pas voter. Ça signifie aussi que nous devons l’informer que nous participons à cette élection. Tout le monde n’aime pas l’idée de parler de ses inclinations politiques. On nous suggère en tout cas de tricher, et ceci dans le but de garantir l’intégrité de notre participation. C’est d’autant plus dérangeant qu’il n’est pas fait mention d’un emploi obligatoire du téléphone mobile dans la recommandation de 2019 au sujet de la sécurité des votes par Internet.
En voulant faire une capture d’écran nous constatons qu’on ne nous propose plus d’écrire un e-mail : la recommandation de « Julien » est désormais inclue à la page des questions courantes, et peut-être est-ce l’indice que nous n’avons pas été seuls à poser la question.
Proposer, pour s’assurer de la fiabilité et de la confidentialité d’un processus électoral, de commencer par un arrangement, voire un mensonge (utiliser le portable d’un autre) et une indiscrétion (dire à cet autre qu’on va voter pour une primaire à laquelle lui ne souhaite pas voter ou alors il faudra qu’il nous en informe) est tout de même paradoxal. Et inversement rappelons que rien n’empêche quelqu’un qui a un mobile professionnel, un mobile personnel, et trois enfants équipés de téléphones, de profiter de la multiplicité des numéros de mobile auxquels il a accès et de la facilité avec laquelle on peut se procurer une adresse e-mail (« créer un e-mail est une formalité simple et rapide ») pour voter cinq fois !
La primaire est organisée par cinq organisations politiques (EELV, Génération écologie, Générations, Mouvement des progressistes et Alliance des écologistes indépendants). La gestion de l’élection a été confiée à une société spécialiste de ce domaine, Neovote, qui dispose apparemment d’une solide réputation dans le domaine.
On comprend la problématique à laquelle répond ce besoin de renseigner un téléphone mobile, mais cette solution n’est pas si convaincante et tout cela n’augure pas bien du futur de la démocratie citoyenne à coup de micro-référendums, etc. Cela constitue une énième preuve que les personnes qui n’ont pas de téléphone mobile et/ou qui n’ont pas Internet seront de moins en moins prises en compte à l’avenir.
S’il y a bien un camp politique dont on aurait aimé qu’il s’interroge sur ces questions, c’est celui qui souhaite porter l’écologie au pouvoir. Il aurait été juste d’organiser une procédure de substitution. La réponse automatique et l’absence de réponse à nos tentatives de communiquer avec « Julien » donnent le sentiment que ça n’a jamais été envisagé. Alors forcément, on est un peu déçu.
Le terme « Cancel-culture » fait beaucoup parler les bavards. En France, la locution a pris son autonomie et n’est plus liée à son sens originel que de manière restreinte (sautez à la fin du texte pour en connaître la définition d’origine).
Le sommet du contresens dans le domaine a été commis par David Lisnard, maire de Cannes, qui expliquait à la radio que « Cancel-culture » est le mot d’ordre de ceux qui voudraient « annuler la Culture ». Au micro, ce monsieur (dont j’ignore tout, ça pourrait être lui ou un autre, peut me chaut) expliquait avec un trémolo dans la voix et en invoquant Ernest Renan que :
La Culture est indispensable à l’Homme. L’Homme est un animal culturel, c’est ce qui nous distingue des autres espèces. Quand la Culture va mal, l’homme va mal, la société va mal. La Culture, elle est porteuse de richesses (…) 45 milliards de revenus, elle est porteuse d’épanouissement individuel, d’élévation des individus, c’est fondamental, et elle est porteuse de lien social (…) Donc tout ce qui est « Cancel culture », c’est-à-dire « annulation de la culture », se fait au détriment de l’unité nationale. Donc pour la prospérité économique, pour l’émancipation individuelle, pour l’unité nationale il faut effectivement développer une culture offensive, c’est à dire qui permette à chacun de rencontrer les grandes œuvres de l’esprit, celles qui relient et celles qui élèvent1.
Je conserve cette citation car elle m’amuse par sa grandiloquence : sans la Culture avec un grand C, l’Humain redevient un animal parmi d’autres, le drapeau est en berne et nous perdons quarante-cinq milliards d’euros par an. Quarante-cinq milliards, c’est quand même une somme, ça en impose ! On sent le traumatisme de la Révolution Culturelle maoïste derrière ces considérations, ou plus fantasmatique, le spectre du Ministère de la Vérité dans le 1984 de George Orwell, où les faits sont constamment effacés de l’Histoire.
Mais concrètement, quand est-ce que des pans entiers de la Culture française ont été effacés, supprimés à l’initiative de vilains gauchistes, lesquels, au passage, sont loin de disposer du pouvoir médiatique qui le leur permettrait en France ? Si l’Histoire est bien constamment écrite et réécrite dans un but idéologique, c’est plutôt par les programmes de l’Éducation Nationale, qui selon l’époque va imposer une vision révolutionnaire, républicaine, napoléonienne, monarchiste, colonialiste ou encore universaliste, de ce qu’on voudrait être l’essence même de la France, oubliant ou minimisant volontairement des épisodes, en magnifiant d’autres, etc. Et je n’émets pas une critique, ici : hors de la recherche universitaire, l’Histoire avec un grand H est un objet politique et idéologique, c’est du reste ce que David Lisnard dit lui-même puisqu’il promeut une vision offensive et idéologique de la Culture. Il ne dit pas idéologique, parce qu’à droite, on pense que seule la gauche fait de l’idéologie2.
Les médias grand public (Le Point, L’Express, Marianne, Charlie Hebdo,…) tracent un contour plus pernicieux de ce qu’est la « Cancel Culture », en égrenant semaine après semaine une liste disparate de faits qu’ils y associent :
— On a renommé un roman d’Agatha Christie3. — Hachette a repris la traduction des aventures du Club des Cinq d’Enyd Blyton, et surtout la conjugaison, en remplaçant le passé simple par le présent, et en adaptant les références qui sentent un peu la naphtaline (on ne reçoit plus de télégrammes !)4. — Un collectif de salles de cinéma de Seine-Saint-Denis a annoncé se refuser à diffuser le film J’Accuse !, en réaction au retour d’anciennes accusations de viols, et à l’apparition de nouvelles accusations, dont faisait l’objet son réalisateur, Roman Polanski5. — On veut censurer Blanche-Neige car le Prince Charmant n’a pas respecté le consentement de la belle endormie6. — Des étudiants en colère ont empêché François Hollande de donner une conférence dans leur université, et déchiré quelques exemplaires de son livre7. Cette histoire faisait directement suite au suicide par immolation d’un étudiant, survenue quelques jours plus tôt, et sans rapport8 avec l’ancien président. — Ici et là on menace de déboulonner des statues d’esclavagistes notoires. — Une intervention intitulée «L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique», par la philosophe Sylviane Agacinski, dont l’hostilité à la GPA mais aussi aux autres formes de PMA est notoire, a été annulée à l’Université de Bordeaux, qui craignait des débordements puisque des associations LGBT avaient annoncé s’y rendre en force pour empêcher la tenue de la conférence9. — Après le témoignage de Vanessa Springora, qui fait de lui le portrait d’un éphébophile pour le moins pathétique, l’écrivain Gabriel Matzneff a vu ses amis, admirateurs et éditeurs d’antan prendre leurs distances. — Les éditions Albin Michel ne veulent plus publier les livres d’Éric Zemmour depuis qu’il a déclaré son intention de se présenter aux élections présidentielles.
Une femme Trans, déçue par une série de tweets de JK Rowlings, brûle ses exemplaires des romans de la série Harry Potter. Sur Youtube on trouve des autodafés des mêmes ouvrages, dix ans plus tôt… Par des fondamentalistes chrétiens que cela révoltait de voir les aventures d’un sorcier avoir du succès.
On voit que les cas sont très divers. En effet, sauf à prouver qu’il ait été victime de menaces, le fait qu’un éditeur n’ait plus envie de publier un de des auteurs est tout à fait son droit — autant qu’on ne peut pas empêcher un auteur de quitter son éditeur, comme l’a fait Philippe de Villiers en signe de solidarité avec Éric Zemmour. Par ailleurs quand un auteur à grands tirages quitte son éditeur historique, l’histoire qui se trouve derrière son départ est parfois plus compliquée qu’elle n’en a l’air et peut être aussi liée à des renégociations de pourcentages et à l’intervention de maisons d’édition concurrentes (mark my words). Les actualisations de textes, d’œuvres, le fait qu’à une époque on montre ci et occulte ça, me semble une question de tout temps, impossible à trancher : est-ce que demander à Lucky Luke de mâchonner un brin d’herbe plutôt que de fumer, comme ça s’est produit lorsque le personnage a vu ses aventures adaptées en dessin animé aux États-Unis (où l’on commençait à se poser des questions sur le tabac) relevait d’un insupportable sacrilège, ou était-ce une idée plutôt responsable ? Est-ce que transformer les Schtroumpfs noirs en Purple Smurfs, afin d’éviter une lecture raciste d’un ouvrage qui ne l’était pas mais le serait devenu dans le contexte étasunien a été une altération de l’œuvre, ou au contraire une adaptation intelligente ? Est-ce qu’on trahit une œuvre des années 1950 lorsque l’on transforme son message pacifiste en un message écologiste ? Chacun aura ses propres réponses selon le contexte et selon les cas. Je remarque qu’en France, notre sacralisation des notions d’auteur, d’artiste et d’œuvre nous rend respecteux mais peut nous amener à conserver dans le formol des récits et des personnages qui, autrement traités, eussent pu retrouver la vigueur et l’actualité qu’ils avaient à leur création. Inversement, les pratiques culturelles industrielles (Marvel, Disney, Warner,…), où les mêmes œuvres sont constamment réécrites (combien de genèses de Spiderman, des Avengers, etc. ?) et les auteurs occultés permettent de suivre l’air du temps, mais peuvent le faire au risque d’une perte de sens, voire d’une forme gravissime d’infidélité ou de contresens, comme cela s’est passé avec les remakes de Stepford Wives ou de Rollerball, films qui abaissent des œuvres politiques intelligentes à l’état divertissements réactionnaires médiocres10.
Je le dis clairement : je ne soutiens ni les pressions, ni les menaces, ni les violences, ni la censure, et au fond je suis très attaché à la liberté d’expression, car j’ai confiance : c’est quand les idées, même clairement néfastes, sont exprimées qu’on peut les contredire, et c’est par le dialogue et l’information que les gens de bonne volonté peuvent être suffisamment armés pour décider quoi penser. Quant aux autres, à ceux qui ne veulent ni apprendre ni comprendre, il ne sert à rien de les y forcer : tenter de convaincre est noble, intimer au silence est ignoble. Bref, je crois en la vérité, non comme un objet que les uns maîtrisent et pas les autres, mais comme une quête passionnante pour tous. Pour cette raison, et même si ce n’est qu’une anticipation du pilon — destin de la plus grosse partie du tirage de tous les livres politiques —, je trouve vraiment pitoyable d’aller déchirer des livres de François Hollande. Je pense aussi que c’est une erreur de se réjouir de voir telle ou telle personne se faire virer de Twitter. Et je pense qu’empêcher quelqu’un de donner une conférence est à la fois une faute tactique (la personne devient martyre) et une victoire misérable, puisque la seule vraie victime, finalement, c’est le débat : chacun campera sur ses positions, sans tenter de comprendre ou de convaincre l’autre. Même si j’imagine que ce n’est pas le but conscient, ce genre d’attitude sert moins à faire progresser la vérité qu’à déterminer et figer des camps. Je ne vois rien de plus stupide et de plus misérable, car aucun esprit collectif n’a de valeur sans la liberté et l’autonomie intellectuelle des individus. Et en cas d’abus manifestes de la liberté d’expression, si certaines bornes sont dépassées, ma foi, il existe des lois et des juges pour le dire.
Puisque je suis contre la censure, je suis souvent opposé aux attitudes que les newsmag réactionnaires, avec qui j’aimerais pourtant ne pas être d’accord, incluent à la notion de « Cancel culture », mais je note que leur usage du terme se limité à fustiger les censures ou les violences qui émanent de camps progressistes : féminisme, antiracisme, lutte contre l’homophobie. Ceux qu’ils aiment désormais appeler « wokes ». Ils ne parlent jamais de « Cancel Culture » lorsqu’il est question : — du licenciement d’un vieux dessinateur de mauvaise réputation. — du chahut ou des dégradations causés par les associations « morales » qui protestent contre une exposition ou œuvre d’art qu’elles jugent anti-catholique. — de Mennel Ibtissem, une jeune chanteuse qui avait dû quitter l’émission The Voice car son statut de musulmane et une paire de tweets de jeunesse avaient fait polémique. — d’un ministre de l’Intérieur qui affirme qu’il empêchera un spectacle de Dieudonné d’avoir lieu, quand bien même la justice l’a autorisé. — d’une ministre en charge de l’enseignement supérieur qui commandite une enquête sur les opinions politiques de ses agents. — de calomnies diverses contre des street-reporters, dont le droit à travailler est dénié par certains, qui vont contre tout ce qui fait l’esprit et la beauté de la loi de 1881. — de la suppression des ondes d’un rap qui critique la police. — de la réglementationnite des vêtements féminins jugés trop ou pas assez couvrants. — de la violente remise en question, depuis près d’une dizaine d’années, du droit à manifester (eh oui, pourquoi pas ?).
On peut aussi parler des débats qui font rage chaque fois qu’un remake modifie le genre, l’orientation sexuelle ou la couleur de peau d’un personnage : comment, une Petite Sirène noire ?11 Quoi quoi quoi, un feuilleton nommé Lupin dont le rôle principal est tenu par Omar Sy ?12 Hein, Une agent zéro-zéro-sept femme ?13 Une équipe de Ghostbusters dont les membres sont des femmes, et dont le standardiste est un homme ? Des cow-boys gays ? Une Power Ranger lesbienne ?…
Pétition qui, je crois, a fini par être retirée — j’ai retrouvé cette capture mais pas la pétition originelle.
Je dois dire que ce qui me met chaque fois mal à l’aise dans ces histoires, c’est avant tout la fragilité blanche-hétéro-masculine qui s’exprime à leur occasion, cette peur de partager un peu d’existence symbolique, cette peur de laisser des gens qu’on est habitués à considérer comme « les autres », « les pas-comme-moi » avoir des premiers rôles, eux aussi, ne pas être juste des accessoires, des satellites. Cette mentalité ne me révolte pas, je la trouve surtout triste dans le fond et inquiétante de par les réactions et les violences (au moins verbales) qu’elle provoque. Un homosexuel est capable de comprendre une histoire d’amour hétérosexuelle, un coréen ou un sénégalais peuvent s’identifier à Han Solo, une femme peut s’imaginer en Robin des bois plutôt qu’en Lady Marian, alors pourquoi est-ce que les hommes-blancs-hétéro seraient eux incapables de comprendre les sentiments de quelqu’un dont la couleur de peau, les amours ou le genre sont différents ?
Enfin, pour reparler de « Cancel Culture », à quel point ceux qui disent des choses telles que « On est envahi de gays » (Christine Boutin), qui se plaignent de la « tyrannie des minorités » (Michel Onfray), et autres apitoiements du même tonneau, ne sont pas en train d’appeler implicitement eux-mêmes à ce que l’on enlève leur visibilité à tel ou tel groupe — tout en affirmant que c’est eux que l’on censure ?
Mais en fait ce n’est pas tout à fait ça, la Cancel-culture
Comme je le disais en introduction, la locution « Cancel culture » a pris son autonomie en France, car son sens originel n’est pas lié à la censure d’œuvres par des gens qui n’aiment pas leur auteur mais à la dénonciation de personnes, au « call-out », c’est à dire l’hallali contre une personne — et une personne issue du même groupe. Ça se produit typiquement au sein des milieux militants : telle personne a été accusée de ci ou ça (une opinion divergente, ou un délit), et elle se fait violemment ostraciser par ses anciens compagnons de combat, se voit accusée et condamnée sans procès, parfois de manière totalement injuste, parfois sans la finesse qui serait nécessaire. Et ceux du même milieu qui ne participent pas à la bronca se voient souvent harcelés et intimidés à leur tour. Pour des auteurs, des artistes, cela peut effectivement aboutir à des embarras professionnels (conférence annulées,…) voire des autodafés14. Je crois que ce phénomène est, pour le coup, assez typique du camp progressiste, où la vertu fait loi, et où le sentiment d’être du côté de la justice ne va pas toujours jusqu’au souci de discerner vraiment ce qui est juste. Typique, mais pas forcément limité au camp progressiste, car on trouve des cas semblables chez les nationalistes, dans des groupes religieux ou sectaires évidemment, mais aussi, rappelez-vous, dans les bandes d’adolescents. J’imagine que ce genre d’expulsion violente des brebis réputées galeuses est aussi un moyen pour cimenter le groupe.
Pour ceux qui parlent anglais, la youtubeuse politique ContraPoint a réalisé une vidéo sur le sujet — elle a elle-même été violemment ostracisée par sa propre communauté —, dont je recommande au moins le premier quart d’heure, qui est très pédagogique (et servi par un certain humour). Sa définition de la « Cancel-culture » est : l’opprobre et l’ostracisation, en ligne, de personnalités proéminentes d’une communauté par d’autres personnes de cette communauté (« online shaming vilifying and ostracizing of prominent members of a community by other members of that community »).
Ce n’est pas vraiment une nouveauté : à l’époque aujourd’hui révérée des Encyclopédistes, on pouvait se voir ostracisé de manière plus ou moins brutale, comme Jean-Jacques Rousseau que les regards en coin de certains de ses pairs, après quelques opinions impopulaires (sur la médiocrité de la musique française, notamment, si je me souviens bien), ont fini par rendre un peu paranoïaque15. Plus proche de nous, on se souviendra des excommunications au Parti Communiste Français. Et on peut relire Le Confort intellectuel de Marcel Aymé, où plus personne ne veut être vu discutant publiquement avec le narrateur parce qu’on lui trouve — et ça se passe à la Libération — « une tête de collabo ». J’imagine que le fonctionnement des réseaux sociaux change l’échelle et la manifestation de ce genre de phénomène.
Quand ça s’applique à des artistes, à des auteurs, on en parle dans les médias, cela fait débat, et la plupart du temps, sans doute pas grand mal — j’ai l’impression des gens comme Polanski, Zemmour ou Dieudonné gagnent du public chaque fois qu’on les attaque, et même s’il termine sa carrière et son existence de manière particulièrement lamentable, Gabriel Matzneff peut se consoler en se disant que, enfin, après des décennies de publications, des gens ont lu ses livres. Ils les ont lus pour y trouver des éléments à charge, certes, ils les ont lus pour y constater une plume assez médiocre, certes, mais au moins, ils ont lu — car Matzneff faisait partie de ces gens dont on salue le talent et la culture par automatisme et sans pour autant les lire. Quand le « call-out » vise des gens qui n’ont pas de tribune pour s’expliquer, qui n’ont pas de groupe pour les défendre, qui n’auront pas droit à faire l’objet de débat, qui n’auront pas droit à une enquête, à un procès, dont les pairs d’autrefois sont devenu les pires ennemis, des gens, en bref, qui n’existaient que par le réseau social qui subitement les exclut, les dégâts psychologiques de ce rejet peuvent certainement être ravageurs.
Faites-en ce que vous voulez, moi je m’en tiens à une ligne très simple : j’essaie de considérer chacun comme un individu pensant et non comme l’agent d’un groupe, je m’efforce de discuter avec ceux avec qui je ne suis pas d’accord quand j’en ai le courage, de les éviter quand je n’ai pas l’énergie d’affronter leurs mauvaises ondes. De me rappeler qu’une erreur (la nôtre, celle de l’autre) est quelque chose qui se corrige, pas un marque d’infamie éternellement ineffaçable. Et enfin, j’essaie de faire attention à ne participer à aucun mouvement de foule. Voilà. C’est tout. L’article est terminé. Vous pouvez partir maintenant. Ouste.
Je crois bien que ça existe déjà sous les noms d’École, de musée, d’éducation populaire, et d’initiatives associatives ou privées diverses et variées,… [↩]
Au passage, pour revenir sur la question Nature/Culture, je note que le conservatisme politique se réclame souvent de la Nature, et pas seulement dans le domaine du genre et des comportements amoureux : le Capitalisme, par exemple, est souvent présenté comme « naturel », tandis que la redistribution des richesses est censée être artificielle. Bon ok ça n’a rien à voir avec le reste de l’article mais j’y pense subitement. [↩]
Au passage, le changement de titre de Ten Little niggers, a été accepté par Agatha Christie elle-même lors de la publication étasunienne du roman (And Then There Were None), en 1940, et ce d’autant plus volontiers que ce titre n’était pas d’elle ! [↩]
Mes deux centimes sur le sujet : une traduction est toujours une réécriture, et il n’est pas rare que les adaptations vieillissent beaucoup plus mal que les œuvres d’origine. Que l’on considère une œuvre comme sacrée, je veux bien, mais sa traduction n’est jamais qu’une traduction et il n’y a rien de déshonorant a priori dans l’idée de la refaire — l’important est juste de le faire bien. Je remarque que personne n’a protesté contre ce qui me semble le plus choquant, en tant qu’ancien lecteur : le suppression d’une grande partie des illustrations ! [↩]
Finalement les salles en question se sont dégonflées, elles ont programmé le film tout en annonçant que les projections seraient accompagnées de débats. [↩]
Cette histoire est complètement absurde, personne n’a proposé de modifier le compte, un article se posait juste la question du consentement,… Ça n’a pas empêché des journées de débats à ce sujet. [↩]
L’infortuné François Hollande s’est ému d’être victime d’un tel rejet, lui qui, je le cite, « a toujours placé la jeunesse et la justice sociale au cœur de son quinquennat ». Ironie de l’Histoire, c’est le syndicat étudiant de droite UNI qui a défendu Hollande contre des étudiants militant dans les organisations où il s’était lui-même inscrit dans ses jeunes années. [↩]
Addendum : pas absolument sans rapport, l’étudiant avait en effet laissé une lettre accusant Macron, Hollande, et l’Union européenne de sa situation de détresse, cf. commentaires. [↩]
On notera qu’on ne saura jamais si les associations en question auraient effectivement pu perturber la séance, puisque c’est l’Université qui a fait le choix de la déprogrammer. [↩]
Fait oublié : le conte d’Andersen se déroulait précisément dans des îles Caraïbes ! [↩]
Notons qu’Omar Sy n’interprète pas Arsène Lupin, mais quelqu’un que les aventures d’Arsène Lupin passionnent… [↩]
Notons que ce n’est pas James Bond qui est censé changer de genre, mais la personne titulaire de la licence du permis de tuer numéro 007. [↩]
Exemple : J.K. Rowling, accusée d’être transphobe, dont les anciens lecteurs de Harry Potter déçus brûlent cérémonieusement les livres sur Youtube,… [↩]
La vie dans le monde intellectuel du XVIIIe siècle me semble toujours permettre toutes sortes de parallèles avec nos actuels réseaux sociaux. [↩]