Back to the future

Dans ma ville, je suis tombé sur ce panneau publicitaire qui annonce comme grande et belle nouvelle un retour aux prix des années 2000. Les références iconographiques sont un peu approximatives : un dégradé bleu-violet un peu crépusculaire, un horizon lumineux, un damier en perspective, le mot « années » écrit avec une typo « néon », autant de détails qui nous ramènent plutôt aux années 1980, ou bien à leur ricochet des années 2010, l’esthétique Synthwave/Vaporwave.
La Game Boy Color et le téléphone cellulaire Nokia 3310 qui sont évoqués sont pour leur part tout à fait typiques de l’année 2000, même si le style des dessins ne l’est pas forcément. Le slogan, enfin, nous promet que nous pouvons revenir, pour une durée limitée, à un passé mythique, celui où le menu Big Mac valait 6 euros.

Utiliser les années 2000 comme référence est étrange, car si le prix d’un menu était sans doute moins cher à l’époque qu’aujourd’hui (je ne mange pas dans ces restaurants-là, je n’en ai aucune idée !), notre rapport à l’argent du début des années 2000 est un peu confus puisque c’est le moment de la transition entre euros et francs (2002-2005). Au delà de ça, les années 2000 sont aussi la période d’une certaine désillusion face à l’avenir : en France, l’extrême-droite parvient pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle, et géopolitiquement, les attentats du 11 septembre et les guerres menées par George Bush au Moyen-Orient, ou encore la seconde intifada en Israël/Palestine (pour ne parler que des conflits auxquels on a été attentifs ici) nous ont rappelé que la fin de la Guerre Froide n’était certainement pas, pour reprendre le mot célèbre de Francis Fukuyama, « la fin de l’Histoire ». Les années 2000 sont celles d’un monde qui patine, qui s’embourbe dans le repli identitaire, qui voit s’éloigner les promesses de progrès humain, de loisirs et de prospérité partagée que l’on avait faites à ma génération et aux précédentes sous le label « an 2000 ». En l’an 2000 il n’y aurait plus de guerres, ; en l’an 2000 l’Humanité serait unie ; en l’an 2000 on allait vivre centenaires ; en l’an 2000 les machines travailleraient pour nous.

Juste derrière le panneau d’affichage photographié plus haut, on trouve un panneau « libre-expression » situé perpendiculairement, où les associations et les organisations politiques ou syndicales, notamment, viennent coller leurs affiches. Dans ce cadre, suivant l’actualité de la réforme des retraites bien sûr, le parti « France Insoumise » a produit les deux affiches que voici :

Je dois dire que j’ai été saisi par la parenté chromatique : slogans en jaune et en blanc sur des fonds dégradés bleu-violet.
On me dira à raison que ces couleurs ne sont pas inattendues sur les affiches de ce groupe politique puisqu’elles correspondent à la très officielle charte graphique de la France Insoumise depuis la dernière élection présidentielle (avant cela, les couleurs de base étaient un bleu un peu turquoise et un orangé « rouille »).

Mais tout de même, cette parenté chromatique entre les deux campagnes de communication m’interpelle. Je ne vois pas comment étayer sérieusement cette intuition, qui n’est que l’ébauche d’une amorce d’entame de début de réflexion, mais je me demande vraiment si il n’y a pas aussi, si absurde que cela puisse paraître, une parenté dans le message, et donc, une parenté dans la cible desdits messages, car le citoyen votant-manifestant est, après tout, aussi un client-consommant, et si McDonald’s et la France Insoumise ont a priori des buts très différents, il est possible que les gens à qui ils s’adressent soient pour partie les mêmes.
Et si, donc, ces choix esthétiques exprimaient effectivement l’envie d’un retour en arrière, non pas un retour à un âge d’or mythique, mais à une époque moins cynique, qui croyait que l’avenir ne se résumait pas à la morne gestion d’un déclin ?

Une réflexion sur « Back to the future »

  1. roy

    C’est un peu la charte graphique Instagram/Firefox, avec des dégradés, en opposition à la tendance précédente du flat design.

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