Aujourd’hui, le « community manager » du Point a fait fort en twittant :
Ce n’est pas la première fois qu’un stagiaire du week-end se laisse aller à sortir une énormité, pas la peine de rappeler la manière dont le « community manager » de Canal+ avait salué la palme d’or reçue par La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche…
Mais l’article associé à ce tweet est du même tonneau, et a pour titre : 29 juin 1967. La plus belle poitrine d’Hollywood se tue sur la route. Exit Jayne Mansfield. On y lit entre autre que Jane Mansfield avait : « 163 de QI et 115 de tour de poitrine – et pas l’inverse, malheureusement » (!?!) et que, puisque la mort de l’actrice est due à l’écrasement du crâne avec extirpation du cerveau, « Au moins cette blonde en avait-elle un ! ».
On apprend par ailleurs que la perfection d’un corps est d’avoir l’air artificiel : « Jamais corps de femme ne fut plus parfait. Des tétons naturels qu’on aurait dit gonflés à l’hélium ».
Croyez-le ou non, il a fallu pas moins de deux journalistes pour pondre cet article grossier, phallocrate, et insultant.
La presse écrite française reçoit 5 milliards d’euros de subventions pour continuer à dispenser la bonne parole « libérale »1. Du coup, n’ayant d’autre impératifs que de convaincre les gouvernements successifs de la maintenir sous perfusion, elle se moque de continuer à avoir des lecteurs et ne cherche pas plus à avoir un contenu : Libération doit désormais faire douze pages, et je soupçonne Le Monde de glisser des colonnes entières en faux-texte pour remplir — qui a le courage de tout lire ? —, et je ne parle pas du dessin de Plantu. On est arrivé au point où Le Parisien, Le Figaro et les gratuits sont les seuls quotidiens faits de manière un peu sérieuse, c’est dire les abysses dans laquelle la presse se trouve.
Quand aux magazines, ils se portent aussi mal et, entre deux blagues sur les blondes, radotent les mêmes couvertures (la seule chose que tout le monde lise vraiment, ceci dit) chaque semaine : la cote du président (« La chute »), la menace de retour de l’ex-président (« Il est prêt », « il revient »), etc.
Imaginons une seconde que Le Point perde ses cinq millions d’euros de subventions2 et soit subitement astreint à réfléchir à son contenu ? Pareil pour Le Monde (près de 20 millions) ou Libé (près de 10 millions) ?
Personnellement, je suis contre l’acharnement thérapeutique, alors pour que la presse ne disparaisse pas en nous laissant un trop mauvais souvenir, je propose qu’on débranche, tout bêtement, qu’on arrête la perfusion. Certains journaux disparaîtraient, ce serait triste, mais après tout la vie est faite de choses tristes. D’autres s’amélioreraient, et on y gagnerait tous. De plus, comme nous le disent constamment ces fleurons de la presse française3, l’État est pauvre, l’État doit faire d’urgence des économies. Pourquoi pas celles-ci ?
Et ne parlons pas des tonnes d’arbres qui n’avaient rien demandé et que l’on coupe pour ça.
- Il s’agit d’un « libéralisme » avec un bon parachute pour ceux qui l’organisent ou le promeuvent, et qui rejoint donc le fameux « socialisme de marché » mis au point en Chine : les pauvres partagent le même marasme (communisme) et leurs dirigeants, non-élus de préférence, partagent les profits (libéralisme). [↩]
- Je ne parle que des aides directes, ces supports de presse bénéficient par ailleurs d’aides indirectes qui leur permettent d’être diffusés à peu de frais. [↩]
- J’ai écrit « fleurons de la presse française » mais si j’avais le syndrome de Gilles de Tourette j’aurais écrit « torche-culs ». Par bonheur, je ne suis pas atteint d’une telle maladie. [↩]
Crois-tu vraiment que perdre ses subventions rendrait Le Point moins putassier dans son contenu ?
@Wood : non mais ça l’aiderait à disparaître.
@Wood, si Le Point devient alors le prochain Pointhouse, on saura où on en est.
Hier j’ai assisté à une réunion horrible et interminable, il fallait bien que je me défoule, c’est la presse française qui a pris.
Néanmoins, le montant des aides publiques est un très gros problème si on se rappelle que les médias d’information sont censés être indépendants du pouvoir (ou alors il faut que ça soit marqué dessus !).
Comment peut-on être indépendant politiquement tout en étant dépendant financièrement ? Il ne suffit pas de se moquer de Hollande pour pouvoir espérer échapper à cette critique.
Je suis consternée par ce tweet et l’article en question.
On se disait justement il y a quelques jours avec Gilles que toute cette presse « leader d’opinion » c’était vraiment plus possible, et qu’elle creusait le trou d’abrutissement dans lequel s’entassait les français… avec leur consentement bien sûr. Je ne sais pas s’il est encore possible de faire marche arrière.
@Sylvia : Si on part par là, les subventions sont un bienfait, puisque la presse survit mais sans avoir besoin de lecteurs 🙂
Jayne Mansfield s’est servi de sa poitrine toute sa vie. Loin de subir cette image, elle l’a inventé et l’a magistralement orchestrée. Il faut réviser un peu l’histoire d’Hollywood avant de porter des jugements aussi hâtifs et aussi peu inspirés.
Jaynes Mansfield n’est qu’une actrice inconnue parmi des milliers a Hollywood quand elle embauche Jim Byron, un attaché de presse connu pour ses coups. Cette femme brillante et son « publicist » fomentent le coup du siècle : éclipser la star montante du moment, Jane Russell grâce à… ses seins. RKO organise le « press junket » d’ « Underwater », avant Jane Russell et Debbie Reynolds : tous les journalistes d’Hollywood sont là. RKO a soigné le décor pour la promo de Jane Russell : derrière une grande piscine, des dizaines de filles sont alignées en bikinis.
Tous les journalistes d’Hollywood sont là. Les potiches embauchées pour le décor plongent dans la piscine et l’une d’elle ressort -ouuuups!- … seins nus !
Jayne Mansfield rie de sa « bévue » soigneusement orchestrée, Jane Russell et Debbie Reynolds quant à elles sont furieuses. L’inconnue est devenue l’attraction du jour ! Il ne s’agit pas pour l’actrice de laisser passer le bénéfice de ce coup superbe. La même semaine elle pose nue dans Playboy, ce qu’elle fera tous les ans, pendant 6 ans de suite ! Elle décide de montrer ses seins « accidentellement » à toutes les occasions. La presse n’est pas dupe… mais les photographes sont là. Jayne Mansfield ne porte plus de soutien-gorge, choisit des robes transparentes, et ses bretelles « ne tiennent jamais ». En un an et 41 « coups » où elle montre ses seins (!), plus de 2500 photos d’elles sont publiées dans la presse américaine ! Un grand studio, Warner, finit par l’embaucher.
Les seins de Jayne Mansfield marquent littéralement le premier « blitz médiatique » d’Hollywood orchestré en dehors d’un studio. Cette femme intelligente se « servira » de ses seins toute sa vie. Vous n’auriez pas trouvé une seule femme plus fière de ses seins. Tous les américains connaissent cette phrase célèbre d’un sermon télévisé d’un célèbre pasteur de l’époque, le pasteur Graham : « This country knows more about Jayne Mansfield’s statistics than the 2nd Commandment. »
A voir ainsi les gardiens du « politiquement correct » se révolté ainsi sur sur le web à l’évocation des seins de l’actrice, la brillante Jayne Mansfield doit se bidonner dans sa tombe.
@Christophe : je ne méconnais rien de ce que tu dis là. Mais et alors ?
Super, et le point a fait un article la dessus ? On me dit dans l’oreillette que non, qu’ils ont fait un truc super premier degré sur « une chouette femme = une femme avec des gros sein, pas avec un QI ».
Toute cette intéressante histoire de change rien au fait que l’article du point soit terriblement machiste. Machisme que la donzelle a utilisé pour être connue. Mais ça reste du machisme.
Et 50 ans plus tard, voir la presse faire preuve du même femme = seins + langue pendu, ca fait mal, perso.
C’est vous qui n’êtes pas bien inspiré : ce n’est pas du « politiquement correcte », c’est du « putain mais quand on arrêtera de faire femme = seins, ce qui fait que 50% des gens dans la vie sont vue comme une paire de sein avant d’être vue comme une personne ordinaire ». Ca s’appelle du sexisme, mais vous l’avez jamais subi, donc vous pouvez appeler cela du « politiquement correct ».
@marushah : J’ajouterais que le fait que Jayne Mansfield ait joué de son corps, ce qui est une réalité, ne signifie pas qu’elle ait eu le choix de le faire en totale liberté, ni qu’elle ait eu mille autres possibilités. Son destin, de ce côté-là, est sans doute un symptôme de quelque chose, et c’est ce que Le Point ne cherche pas spécialement à mettre en perspective.
Tangente : un médecin m’a expliqué que le fait de dire des gros mots (coprolalie, en termes savants) ne concerne qu’une minorité de personnes souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette. Inversement, ça touche des personnes affectées par d’autres désordres neurologiques. Au final, mon médecin trouvait très abusif d’associer les deux. Wikipédia confirme.
Rah zut, ça sonne bien, Syndrome de Gilles de la Tourette.
Rien à voir : Je me rappelle de l’histoire d’un général qui avait bombé le tors en sortant d’un hélicoptère et qui s’était fait décalotter. On l’a recousu, il est resté l’homme qu’il était tant qu’aucune femme ne passait à proximité : là, il déversait un tombereau d’expressions ordurières.