Hier à 22h23, Le Parisien a publié un article exclusif qui affirmait que Manuel Valls, contrairement à tous ses engagements précédents, s’apprêtait à soutenir Emmanuel Macron. Ce qui était peut-être un service à rendre à Benoît Hamon, dont l’appartenance au Parti Socialiste est plutôt un handicap.
Un extrait de l’article :
« On va appeler à voter Macron », confirme l’un de ses très proches, sans tourner autour du pot. « Il parlera avant le 23 avril », précise un ex-pilier de sa campagne. L’ancien Premier ministre devrait « amorcer ce soutien » et « tracer le chemin » ce mardi soir devant ses fidèles conviés salle Colbert à l’Assemblée, indique un autre en termes plus pudiques. Selon eux, Valls et Macron n’en auraient pas discuté ensemble. Car Valls n’aurait aucunement l’intention de s’afficher à ses côtés ni dans ses meetings. Non, ce qu’il veut, disent-ils, c’est poser un acte politique « pour la France ».
Les réactions ont été immédiates et très négatives :
Une heure plus tard, Nordpresse (un Gorafi-like rarement amusant) a publié un message annonçant au Parisien qu’il s’était fait piéger par de faux e-mails :
Nordpresse a toujours été un peu limite, mais si son affirmation était avérée, on entrerait dans quelque chose de nouveau : un journal spécialisé dans les fausses nouvelles qui ne se joue plus seulement de l’étourderie de ses lecteurs occasionnels ou de la presse la moins regardante, mais qui piège sciemment un journal !
Ce matin, dans une brève qui est en ligne alors que je publie ce billet, Le Parisien n’a pas dénoncé l’information :
Peut-être que le site Nordrpresse se prête plus d’importance qu’il ne le mérite et peut-être que son canular n’a fait que rejoindre une information plus solide1. En effet, Le Parisien est (me disait il y a encore peu mon grand’père qui y travaille), le dernier journal national avec le Canard enchaîné à faire confirmer systématiquement ses informations auprès de ses sources, ce qui ne signifie pas qu’il ne diffuse que la vérité et ne peut pas être trompé par lesdites sources, mais qu’on risque peu de le prendre, surtout pour une affaire critique de ce genre, à colporter un simple ragot ou une dépêche mal douteuse.
Si Manuel Valls a rapidement fait savoir qu’il démentait ce ralliement à Emmanuel Macron, il n’en a pas moins profité de l’occasion pour faire savoir qu’il ne soutiendrait pas Benoît Hamon, ce qui est finalement tout comme !
L’article mis en ligne à l’aube par Paris Match, qui s’appuie sur un entretien exclusif et récent, prétend quand à lui que Manuel Valls hésite à prêter allégeance à Emmanuel Macron :
Il n’est pas improbable que le camp de Manuel Valls ait effectivement un rapport avec cette histoire. Lancer une fausse nouvelle, tester son impact immédiat sur les réseaux sociaux et, face à la consternation générale, la démentir aussitôt tout en persistant à en valider la moitié (l’abandon du soutien à Benoît Hamon), voilà qui ressemble fort aux pratiques inventées par des sociétés comme Facebook, Google, Apple, Twitter ou Amazon et rendues possibles par l’immédiateté de la réponse des utilisateurs : on teste à grande échelle un changement technique, commercial, cosmétique ou juridique, puis on se rétracte (parfois en s’excusant, parfois en expliquant qu’il s’agissait d’un simple essai, ou d’une erreur) ou au contraire on persiste, selon la réaction. Et par ailleurs, la technique rhétorique qui consiste à annoncer une chose grave pour, après démenti, faire passer une chose presque aussi grave mais qui a l’air de l’être moins est assez éprouvée.
Je n’ai aucune idée de la vérité, de ce qu’a vraiment fait, dit ou voulu untel ou untel, mais cette histoire s’ajoute à bien d’autres pour construire une campagne présidentielle qui fonctionne décidément d’une manière totalement inédite.
- Mise à jour 11h20 : Samuel Laurent, des Décodeurs du Monde, fait remarquer que l’affirmation de Nordpresse n’est absolument pas prouvée… Peut-être est-ce cette revendication de canular qui est le canular ? [↩]