d’accord ?

« Si t’es pas d’accord, c’est le même prix »

Sans originalité, je fais partie du million et quelque de personnes qui ont signé la pétition contre le projet de réforme du code du travail (surnommée Loi El Khomri).
Pourtant, je vois bien que beaucoup des dispositions critiquées existent déjà dans le code du travail, et je dois aussi avouer que malgré ma méfiance envers le mot « réforme » — devenu synonyme de recul social —, je suis certain qu’une mise à plat des règles du monde du travail est à faire. Mais pas celle-là, pas comme ça, et pas maintenant.
Ce qui me frappe en lisant les diverses propositions de l’avant-projet, c’est le recours régulier à la notion d’accord (mot présent au moins deux cent fois dans le projet de loi) : telle ou telle chose est rendue possible, si il y a un accord. Mais la structure proposée est toujours la même : Après un accord, telle ou telle disposition favorable aux salariés pourra être supprimée.
Les accords dont il est question n’impliquent pas que les parties concernées (le salarié et l’employeur) s’accordent, elles signifient qu’une instance syndicale s’est mise d’accord, sur leur dos, avec l’entreprise. Et le résultat est à prendre où à laisser, comme avec l’article 13 du projet de loi qui explique qu’un salarié a totalement le droit de ne pas être d’accord avec l’accord qui modifie son contrat, mais que cela constitue aussitôt pour l’employeur une légitime « cause réelle et sérieuse » qui permettra de décider d’un licenciement pour « motif personnel » (mais pas encore pour « faute grave », heureusement).
L’accord est un peu unilatéral, donc, et la souplesse, un peu raide.

el_khomrirepos

oui, je me suis un peu moqué

Imposer ces hypocrites possibilités de négociation au moment où le chômage monte (merci à l’endettement sarkozyste comme au désendettement hollandiste) et où les gens se trouvent aux abois, effrayés par la peur de perdre le peu qu’ils ont, est aussi probe que d’attendre que quelqu’un se noie pour lui dicter ses conditions. Surtout si on est un peu suspect d’avoir jeté à l’eau la personne. Je ne pense pas que le gouvernement Valls ait un plan machiavélique en tête, et j’ai peur qu’il croie véritablement faire baisser le chômage, mais son manque de vision de l’avenir est triste : comment pourrait-on réduire le chômage en permettant aux entreprises d’augmenter le nombre d’heures travaillées par les employés ? Le marché de l’emploi ne va jamais s’améliorer : l’automatisation ne cessera jamais de progresser, la distribution des revenus et des biens ne pourra être ce qu’elle est1 que de manière toujours plus artificielle. L’économie de ce monde n’est plus vraiment soutenable, l’avantage de l’infime nombre favorisé ne tient que sur des mythes : l’abondance de ressources qui ne le sont pas, la rareté de choses abondantes, les promesses hasardeuses de futur2, et la prétention que nous avons de maîtriser notre environnement. Et bien sûr, les peurs soigneusement entretenues, qui finissent par s’auto-alimenter : terrorisme, violence gratuite, chômage. Pas besoin de paranoïa complotiste pour se dire que les gens qui sont en position d’avoir un peu de pouvoir sur ce monde sont rares à être spontanément enclins à le partager. Ils préféreront voir s’installer la misère, le fascisme, la guerre, ou les trois ensemble.

Les enjeux de l’époque sont immenses, les anciennes recettes ne fonctionneront plus, nous ne devrions pas en être à compter s’il faut que ceux qui travaillent aient le droit de travailler une heure de plus ou de moins, nous devrions essayer de changer de perspective, de mettre à plat notre fonctionnement pour créer une prospérité économique partagée et une richesse croissante dans les domaines du savoir et de la création.
Enfin je rêve tout haut, bien sûr.

  1. Sournoisement, l’accaparement des terres et des richesses au profit d’un petit nombre progresse : La moitié des terres en Europe est contrôlée par 3% de gros propriétaires (Bastamag) ;  Qui possède la terre ? (Témoignage chrétien) ; Les 1% les plus fortunés posséderont bientôt la moitié de la richesse mondiale (Le Monde) ;  Des riches toujours plus riches et des pauvres encore plus… pauvres (Le Figaro). []
  2. Lire La privatisation de l’hyperstition, chez Grégory Chatonsky. []

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