Loto entrepreneur

(billet ennuyeux et technique sur un sujet qui concerne peu de gens. Et en plus il n’y a pas d’images)

Je dis souvent que je ne suis pas de gauche, mais encore moins de droite. Parfois je dis que je suis anarchiste, parce que je rêve d’un système politique basé sur la raison, la coopération et la liberté individuelle. Mais je ne suis pas engagé, pas dogmatique, je sais que le système politique se fait sans moi et que jamais je ne ferai partie de ceux qui l’organisent. Ce que je déteste dans la foi, en politique, c’est quand les traditions d’une « famille » bloquent la réflexion de ses membres ou mènent ces derniers à prendre de mauvaises décisions pour faire plaisir à leur camp. Je pense que beaucoup d’élus UMP ont défilé contre le « mariage pour tous » sans grande conviction, mais l’ont fait parce qu’à un certain moment, ils se sont dit que c’était l’opinion dominante chez leurs sympathisants et leurs collègues, et que c’est en tout cas ce qu’on attendait d’eux. Ils se sont alors inventé des excuses (comme la GPA, qui n’est pourtant pas à l’ordre du jour dans cette loi) pour revenir sur les déclarations tolérantes qu’ils avaient pu avoir à ce sujet dans le passé1… La gauche traditionnelle est capable de belles bêtises par dogmatisme, aussi. Hier, Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme2, a annoncé que le régime auto-entrepreneur allait être limité dans le temps pour ceux dont c’est l’activité principale, disposition qui avait été plus ou moins annoncé par le Parti Socialiste au cours de la campagne présidentielle. Un rapport de l’Inspection des affaires sociales et de l’inspection des finances recommandait pourtant le contraire, mais il ne sera pas pris en compte. La raison profonde de cet enterrement du statut auto-entrepreneur — qui est à ma connaissance l’unique bonne chose qui soit sortie du quinquennat de Nicolas Sarkozy — est culturelle : le Parti Socialiste est un parti pour lequel il existe deux types d’entreprises, les grosses administrations publiques, et les gros groupes privés. On ne mord pas la main qui vous nourrit ni celle qui vote pour vous : les fonctionnaires votent plutôt à gauche (ou sont considérés comme votant à gauche), et les gros groupes privés, eux, détiennent les cordons de la bourse (un gros parti a besoin de beaucoup d’argent), corrompent les maires et contrôlent la plupart des médias privés. Et puis qui dit grosses entreprises privées dit aussi syndicats puissants et donc fort engagement à gauche des salariés. Enfin ça c’était à l’époque où les grands groupes embauchaient en France, bien sûr. Les petits entrepreneurs, eux, n’existent pas dans le tableau de la France de la gauche traditionnelle. Si la droite traditionnelle séduit souvent les petits entrepreneurs et les commerçants, c’est qu’il existe une frange (sans doute assez réduite) de cette famille politique qui prend en compte leur existence. La gauche n’aime pas les petits entrepreneurs, qui sont jugés fondamentalement réactionnaires :

Les classes moyennes (Mittelstände), le petit industriel, le petit commerçant, l’artisan, le paysan, ne combattent la bourgeoisie que pour sauvegarder leur existence de classes moyennes menacées. Elles, ne sont pas révolutionnaires par conséquent, mais conservatrices. Bien plus, elles sont réactionnaires. Elles tentent de faire rétrograder la roue de l’histoire. On si elles sont révolutionnaires, c’est en tant qu elles discernent qu’elles sont condamnées à se fondre dans le prolétariat. Elles ne défendent pas alors leurs intérêts présents, mais leurs intérêts futurs. Elles quittent leur propre point de vue pour se placer an point de vue du prolétariat3.

Peut-être que cette opinion était fondée, à l’époque de la Révolution industrielle, et peut-être l’est-elle toujours (même si j’ai beaucoup de mal avec l’idée d’un système qui, si on pousse sa logique, réclame plus d’exploitation et moins d’indépendance et de responsabilités chez les travailleurs pour que ces derniers aient aient envie de révolution…), mais il faut malgré tout que la gauche change un peu de point de vue, car en 2013, ce qui fait exister un pays comme la France, ce ne sont ni les grands bourgeois qui investissent dans la finance, ni les ouvriers, qui n’ont plus de travail, ce sont les petites entreprises de services, les artisans, les commerçants, les paysans.
Et maltraiter ces gens n’est pas un très bon calcul.

En tant qu’auto-entrepreneur (car je cotise sous ce régime), j’ai vécu comme un bol d’air ce dispositif qui permet de gagner légalement et simplement un peu d’argent. Sans raconter ma vie, j’ai des revenus de plusieurs nature : des salaires réguliers, des salaires ponctuels, des droits d’auteur et des honoraires en tant que travailleur indépendant. Comme travailleur indépendant, mes revenus sont généralement modestes, et très irréguliers. Pendant près de quinze ans, j’ai eu le statut « Urssaf régime général », et tous mes amis me conseillaient de changer pour le statut « Maison des artistes » ou pour le statut « Agessa », plus adaptés à mon activité, et un tout petit peu moins chers en pratique puisqu’il ne fallait pas payer la taxe professionnelle, si je ne dis pas de bêtises. Le problème de tous ces statuts (Urssaf, Maison des artistes, Agessa), c’est qu’ils réclament une comptabilité sérieuse, puisque l’on doit payer ses charges sociales au moins un an et demie après avoir perçu les revenus.
Or le principe de l’auto-entrepreneur, c’est que tous les trois mois, on déclare ce qu’on a gagné et on paie aussitôt les charges qui correspondent, et qui sont calculées de manière automatique. On ne peut pas payer plus que ce que l’on a gagné, chose qui — les gens qui ne sont que salariés n’y croient pas — peut arriver. La bêtise et la complexité de l’administration peut d’ailleurs aboutir à d’autres absurdités : pendant plusieurs années j’ai cotisé à la sécurité sociale comme salarié et comme indépendant, mais sans être couvert par cette assurance…

On peut discuter du détail concernant le statut auto-entrepreneur : est-ce que les taux sont bien calculés ? Ils ont été relevés et s’il s’avère que les auto-entrepreneurs cotisent moins que les salariés de Total ou EDF, on peut les relever encore.
Le rapport remis à la ministre, qui propose quelques ajustements du statut afin d’éviter les possibles fraudes ou détournement, établit :

  • que le statut autoentrepreneur ne suscite pas de concurrence déloyale mais permet de faire exister des micro-marchés délaissés par d’autres acteurs économiques.
  • que ce statut est plus juste que d’autres car il ne permet pas d’exonérations de charges et met tout le monde à la même enseigne.
  • que rien ne prouve que ce statut puisse être utilisé pour créer de l’emploi salarié déguisé et précaire, situation envisageable et qui faisait partie des craintes suscitées par ce nouveau statut, mais pas forcément difficile à réguler il me semble.
  • que les faibles obligations comptables liées au système ne suscitent pas plus de fraudes que les autres statuts et permettent même de régulariser des activités autrefois exercées hors système, au noir.

Mais voilà, apparemment il ne sera pas tenu compte de ces observations pour une raison idéologique, parce que l’entrepreneur n’est pas de gauche, parce qu’il faut être patron ou salarié, parce qu’il n’est pas bien vu d’être autre chose que maître ou esclave.
Le but profond de la tracasserie administrative est, à mon avis, d’empêcher les sardines d’échapper à la gueule des cachalots. Je me comprends4.

La force du statut auto-entrepreneur ce n’est pas le taux de cotisations qui est appliqué (un peu moins de 25% dans mon cas), c’est la simplicité du système, qu’il faudrait appliquer à tous les autres statuts d’entreprise individuelle. S’il m’arrivait à nouveau de gagner plus comme indépendant que comme salarié, je ne pense pas que j’aurais le courage de reprendre un statut « à l’ancienne », ne serait-ce que parce que la transition d’un statut à un autre est toujours extrêmement pénible, mal gérée par l’administration mais, c’est une constante, toujours aux dépens de l’affilié.

Voilà, c’était mon billet de droite du jour. Il est presque un peu technique, ce qui est bizarre venant de moi qui, généralement, ne comprends pas bien les questions liées à la comptabilité, à l’argent, aux statuts et aux règlements.

  1. L’expérience de Robbers Cave (1954), par Muzafer Sherif, et l’expérience de Solomon Asch (1954)  ont montré comment se constituaient les groupes, les antagonismes, le consensus, et c’est assez effrayant : choisir d’appartenir à un groupe, c’est choisir d’abaisser sa capacité au discernement et d’accepter de devenir l’ennemi du groupe opposé. []
  2. La ministre Sylvia Pinel, issue de l’entourage du radical de gauche Jean-Michel Baylet, est née l’année de la sortie de Star Wars et a été, à trente ans, la plus jeune députée de France. Je ne vois rien sur son curiculum vitae qui se rapporte à l’artisanat, au commerce ou au tourisme, dont elle a été bombardée ministre. Elle est, malgré son jeune âge, une politicienne professionnelle. []
  3. Karl Marx/Friedrich Engels, le manifeste du parti communiste, traduction de Charles Andler. []
  4. Autre affaire qui mérite discussion : le nouvel accord dans les métiers du cinéma qui, à la manière du corporatisme syndical américain, impose des salaires précis pour les techniciens et imposent une composition précise pour les équipes de tournage. Il faudrait voir le détail de l’accord, mais le fait qu’il ait été imposé par quatre grands groupes (Pathé, Gaumont, MK2, UGC) laisse penser qu’il est plutôt destiné à appliquer à tout le secteur le fonctionnement d’une poignée puissante mais pas forcément représentative de ses acteurs. []

20 réflexions sur « Loto entrepreneur »

  1. Benoît

    Il est intéressant de voir que ces questions économiques créent à gauche sinon un clivage générationnel mais au moins un clivage historique. La gauche issue du XIXe jusqu’à la fin du XXe s’est construite sur l’opposition salariés/patrons dans un paradigme exclusif de lutte des classes. La donne a changé, si l’analyse marxisante garde une forte pertinence sur bien des points, il n’est plus la seule voie de pensée. Et l’on voit de plus en plus apparaître des voix se disant de gauche et revendiquer les valeurs du libéralisme, libéralisme politique évidemment mais aussi économique (un exemple : http://www.libgauche.fr/manifeste-mlg/), envisageant comme projet de société non plus la réalisation de l’émancipation collective par un travail désaliéné mais sur le contrat social et la défense des droits de l’Homme et du Citoyen, ce qui était rappelons-nous les valeurs fondatrices des députés qui s’étaient rassemblés à la gauche de l’Assemblée Constituante.

    Bon pour la note 4, sous des apparences trompeuses c’est exactement l’inverse d’après ce qu’a essayé de m’expliquer ma sœur, technicienne dans le cinéma. La fronde est poussée par les producteurs qui ne veulent pas d’une convention et veulent continuer à sous-payer les techniciens.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Benoît : Sur la question du cinéma je ne sais vraiment pas mais quand j’ai vu que c’étaient les quatre grands studios qui poussaient le truc, je me suis dit que ça donnait à réfléchir, enfin que la question est peut-être complexe. Certains disent que cette affaire rend, dans la pratique, impossible qu’un film amateur ou semi-amateur soit diffusé.

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      1. Benoît

        @Jean-no non plus je ne sais ni me relis mais bon ça empêche de donner un avis, hein ?
        Bon comme l’accord a été co-signé par la CGT on pourrait sur la même logique dire l’inverse et y voir la terreur bolchévique sévissant dans l’industrie du cinéma.
        Oui certains disent que des tournages pourraient ne pas se faire. Pourquoi ? Parce qu’on ne pourrait pas sous-payer les techniciens et faire travailler de jeunes imbéciles pour la gloire de l’art. L’analyse marxiste garde du sens et on pourrait y voir même la classe des gros du cinéma (producteurs, réals, acteurs importants…) contre le prolétariat technique. Ne pas vouloir trop réglementer tout en garantissant des conditions décentes de travail, est sans doute une problématique bien difficile.

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          Il y a le problème du rapport à la création… Évidemment, le cinéma c’est de l’art et c’est du business. Et c’est aussi des fonds publics, d’ailleurs. Je ne sais pas si j’ai raison mais je me méfie des systèmes qui imposent une non-souplesse, car c’est toujours au profit d’une certaine catégorie de sociétés… Et l’implication de la CGT ne m’étonne pas du tout. Ici, une bande de jeunes qui décide de faire un film ou de réaliser le clip de son groupe de rap en se cotisant, sans se rémunérer, est-elle possible ? Si la réponse est non, Michel Gondry n’aurait pas pu exister par exemple.

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          1. Benoît

            >>Ici, une bande de jeunes qui décide de faire un film ou de réaliser le clip de son groupe de rap en se cotisant, sans se rémunérer, est-elle possible ?
            Oui bien sûr. Les conventions collectives de travail permettent de garantir de bonnes conditions de travail dès lors que l’on s’insère dans un système industriel particulier, où en effet dans le cas présent l’état est partie prenante. Ces conventions peuvent sans doute s’apparenter à des corporations conservatrices, elles peuvent aussi être perçues comme une garantie de conditions de travail décentes et apaisées.

            Sans bien connaître bien le dossier, la gronde contre l’accord, partie des producteurs, m’apparaît plus à une demande de flexisécurité sans sécurité. Quand la productrice Margaret Menegoz explique : « Jusqu’à présent, la négociation des contrats des techniciens des films d’auteur se faisait de gré à gré. Il n’y a jamais eu de soucis malgré des salaires inférieurs de 10 à 20 % au minimum syndical. Beaucoup de techniciens sont ravis de travailler avec des grands auteurs. Cela valorise leurs CV.», là j’ai franchement du mal à suivre et ai bien du mal à reconnaître les techniciens de cinéma que j’ai pu rencontrer.

            Dans le fond, oui, il est sans doute préférable d’avoir un système plus souple qui favoriserait la création et dans lequel tous les acteurs n’auraient pas l’angoisse des fins de mois difficiles, ce qui est malheureusement le cas de beaucoup dans ce milieu. Est-ce que ça devrait passer par des accords catégoriels ou de plus vastes garanties sociales ? Je n’ai pas la réponse.

          2. Jean-no Auteur de l’article

            @Benoît : j’ai le vague souvenir (quand on a commencé à évoquer tout ça) qu’il y avait à la clef l’interdiction de festivals, de prix ou de bourses pour tout cinéma amateur. Voilà ce qui me pose problème.
            Sur le grands auteurs qui amènent du prestige, j’ai l’impression que ce n’est pas faux… Mon frère (accessoiriste d’extérieur, pendant longtemps) et ses copains étaient moins exigeants sur le fric pour un film de grand réalisateur que pour un téléfilm de TF1, et ce n’était pas un mauvais calcul : du CV de mon frère, le truc « remarquable » c’est un film de Bertrand Tavernier, pour lequel on ne le soupçonnera pas d’avoir eu un poste fictif ou honorifique comme ça arrive sur de grosses productions…
            Note que je n’ai aucune idée de ce que pense mon frère de l’accord Gaumont-Pathé-UGC-CGT-MK2, il faudra que je lui demande (mais le cinéma, c’est un peu derrière lui).

  2. Jukhurpa

    Pour Sylvia Pinel, l’explication que j’avais retenu à l’époque de sa nomination c’est tout simplement que, dans une majorité gauche plurielle, le ministère de l’artisanat et du commerce et traditionnellement confié aux radicaux (d’ailleurs j’ai longtemps pensé que les radicaux était très à gauche au vu de leur dénomination avant de découvrir l’origine de leur intitulé) peut être parce que les corps d’états concernés sont plus proches de leur idées, de la même façon que le ministère des transports est souvent confié à un communiste et l’écologie au verts.

    Sinon ma vision de salarié, c’est plus que la pression viendrait des artisans eux mêmes qui y trouvent une concurrence déplaisante, je ne dis pas déloyale juste que la corporation défend son champ d’activité et que des petits malin qui viennent grappiller les miettes les embêtes parce qu’avant, il avaient aussi les miettes en plus du gâteau (même si le gâteau est pas très gros).
    Du coup, je trouve la petite pique sur la gauche qui ne veut que des salariés ou des fonctionnaires est quand même un peu facile. 😉

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Jukhurpa : traditionnellement, la gauche n’aime pas l’entreprise individuelle, c’est un fait. Je me rappelle que certains artisans ont protesté au moment de la création du statut auto-entrepreneur, mais ils y ont vite trouvé leur compte (ça permet de faire travailler des gens sans être contraint à les salarier) et à ma connaissance cette critique là n’est plus d’actualité.

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  3. Wood

    Bah, c’est ça que tu appelles un article de droite ? C’est autant de droite que le PS est de gauche, en fait.

    C’est intéressant, cette remarque que les révolutionnaires n’aiment pas les gens heureux, et c’est assez logique. D’abord, on ne peut pas faire la révolution avec des gens satisfaits de leur sort, et ensuite si le système est oppressif et que vous en êtes satisfait, c’est que vous êtes forcément complice, que d’une façon ou d’une autre vous profitez de cette oppression.

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  4. GM

    Un peu comme Jukhurpa, je crois que les premiers à vouloir torpiller ce statut sont les PME/TPE, artisans, etc. qui y voient une forme de concurrence déloyale (je ne sais pas si la remarque est fondée… mais vu les plafonds de CA associés, je dubite un peu, quand même… par contre, ça diminue clairement la marche à l’entrée, ce qui fait qu’il ne doivent pas trop aimer non plus)(finalement, la concurrence tout court, on s’en passe bien).

    Ceci dit, c’est vrai que ces sujets qui deviennent des marqueurs identitaires droite/gauche sont toujours traités n’importe comment par nos politiques.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @GM : les artisans se plaignaient au début mais ils ont vite vu leur avantage puisque ça leur permet d’employer des gens sans les embaucher.

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      1. Etienne

        C’est peut être d’ailleurs un des problèmes du statut d’auto entrepreneur, qui n’est pas lié d’ailleurs au fait d’entreprendre en lui même, mais dans l’effet pervers que tu cites.
        Ce qui est critiquable, à ce que je comprend, c’est la précarisation de ce type de statut quand il est détourné de son but premier : à savoir qu’en tant qu’autoentrepreneur, tu n’es pas protégé par les dispositions du droit du travail qui te sont acquises normalement par le biais de ton contrat de travail (contre le licenciement – ici la perte d’activité?) .
        J’ai des amis (oui, j’ai des amis chefs d’entreprise, comme quoi on peut être un vil gôchisse et frayer avec le capital;) qui font tourner des petites boîtes, et qui pour subvenir à leur besoin de main d’œuvre ponctuelle (type opérateur de saisie ou enquêteur téléphonique) font appel exclusivement à des autoentrepreneurs, alors qu’ils pourraient faire appel à de l’interim ou des contrats courts de type CDD.
        De la bouche même de mon ami , c’est plus simple ainsi de gérer les fluctuations de la charge de travail : si il y a moins de boulot, il fait appel à moins de prestataires.
        Parce qu’au fond, le problème qui se pose est celui-ci : au lieu d’employer des gens, on contracte avec des prestataires, ce que tu illustres dans le cas de l’artisan.
        Que quelqu’un se déclare autoentrepreneur et crée une activité productive qui pourrait être celle d’une entreprise d’une forme plus traditionnelle, en bénéficiant d’une simplification des lourdeurs administratives, tant mieux ! J’en ai caressé l’idée pour différents types de travaux de relectures ou de traductions – comme quoi on peut être gôchisse et pas systématiquement taper sur les entreprises;)
        Mais qu’un emploi qui par sa nature est un emploi salarié se mue en relation de type client-fournisseur, c’est bien le problème. Déjà que la relation employé(e)-employeur est assymétrique, la relation client-fournisseur peut se révéler un vrai cauchemar …

        Je ne dis pas que le statut d’autoentrepreneur est mauvais.
        Je dis plutôt qu’il faut faire attention à ce qu’il ne devienne pas le nouveau mode de relation précaire généralisé aux « emplois de services ».

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  5. Loïc

    Juste une réaction quant au fait de ne pas payer plus que ce que l’on gagne, ce qui n’est pas totalement vrai. Ma compagne avait un statut d’auto-entrepreneur, qui lui servait très peu (elle n’a ainsi rien déclaré sur un ou deux ans). Comme elle n’est pas très portée sur les choses administratives, elle n’a pas régulièrement fait ses déclarations (on pourrait d’ailleurs parler du site http://www.auto-entrepreneur.fr qui n’est pas le site officiel mais que plein de gens prennent comme tel alors que c’est une boite qui facture des prestations liées au statut – et le site http://www.lautoentrepreneur.fr qui le portail officiel mais qui ne ressemble à rien).
    Du coup elle a quand même du régler la taxe professionnelle (je ne sais plus le montant) alors qu’elle n’avait rien touché.
    Elle a depuis de gros problèmes à résilier son statut, sachant qu’elle avait eu un statut MDA auparavant, et qu’il y a de gros soucis de numéros de SIRET…
    Bref, l’administration française progresse sur des points, mais de l’autre côté Kafka n’est pas loin (c’était mon commentaire de droite 😉 )

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Loïc : alors la taxe professionnelle (ou son nouveau nom ?) c’est genre 300 euros. Par contre la retraite, quand tu es au régime général, c’est un plancher dix fois plus important, de mémoire. Sur le bordel de l’administration, une horreur, oui, et le fait de changer constamment les règles doit pas mal jouer dans la lourdeur du truc.

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      1. Loïc

        Elle est effectivement passée par tout un tas de personnes différentes à chaque fois, qui n’avaient pas du tout la même appréciation de sa situation. C’est un peu l’enfer, tout le monde bricole au fur et à mesure…

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          1. Loïc

            J’imagine, ça doit être très compliqué de voir les règles qu’on est sensé appliquer changer tous les jours. Ils doivent subir une pression terrible de tous les côtés… Je ne voudrais sûrement pas être à leur place.

  6. P.

    Quelle merveille, cet article… Merci!
    J’ai enfin compris pourquoi je me suis toujours dit de gauche, mais avec une certaine réticence chronique, sans jamais vouloir me sentir de droite.
    Je suis attaché aux valeurs humanistes qu’est censée représenter la gauche (l’école pour tous, l’accès à la culture, l’aide aux plus démunis, …) mais je déteste l’idée de devoir me cantonner au choix maître/esclave qui ne me parait pas compatible avec la première idée. Pour moi, l’auto-entreprise aurait pu être une idée universelle, regroupant à la fois les valeurs humanistes de gauche et la liberté d’entreprendre défendue par la droite.
    Si on résume, l’AE offre la possibilité d’entreprendre aux moins chanceux d’entre nous, comme l’école publique doit offrir la possibilité d’apprendre à la même catégorie de la population.

    Manque de chance, on a saccagé l’école et on est en train d’anéantir le statut d’AE.
    Je vais surement finir à la rue après avoir mis fin à une activité qui fonctionne mais ne se développe pas assez vite pour nos élus, nos enfants seront encore plus stupides que nous et seront peut-être heureux d’être esclaves, mais j’aurai grâce à vous une parfaite conscience de mes orientations politiques.
    Merci ! Je suis bien content…

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  7. DM

    Voilà un vrai problème : la multiplicité de statuts, chacun avec ses règles, cotisations, impôts et droits spécifiques. On pourrait penser que cela permet de coller au mieux à la réalité du terrain (mieux donc que de faire rentrer tout le monde dans le même moule), mais cela crée d’énormes difficultés quand on est entre deux cases. Par exemple, j’ai cru comprendre qu’il est très difficile pour un traducteur de travailler à la fois en littérature (payé en droits d’auteur) et sur commande d’entreprises (payé en honoraires), car cela relève de deux régimes différents (donc deux comptabilités, deux systèmes de cotisations et de droits…).

    On peut d’ailleurs se demander en quoi, par exemple, l’assurance maladie devrait dépendre d’un emploi, et en quoi un employeur devrait savoir combien d’enfants ses employés ont, s’ils sont mariés etc., et en quoi cela relève de lui que de calculer 36 taux de cotisation divers et variés à prélever.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @DM : Il y a des raisons historiques à tout ce boxon, mais surtout cette habitude très française de vouloir des privilèges, d’avoir l’impression de bénéficier d’un petit plus par rapport aux autres… C’est souvent mis en avant dans ces histoires de statut, les gens t’expliquent qu’ils sont contents d’avoir ceci ou cela en plus, même quand ce sont des avantages infinitésimaux et dont ils ne profitent pas.

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