L’album Spirou et la Gorgone bleue, par le scénariste Yann et le dessinateur Dany a été rappelé par l’éditeur Dupuis après une flambée d’émotion exprimée sur les réseaux sociaux. Tout est parti il y a une semaine d’une toute simple vidéo TikTok réalisée par une prénommée Charlotte qui expliquait sa stupéfaction en découvrant, je la cite, « La BD la plus raciste de 2024 », dont elle pointe aussi le sexisme complaisant. La vidéo, dans laquelle cette jeune femme affirme que laes personnages noirs de l’album sont dessinés comme des singes, a été beaucoup vue et relayée, coûtant à son autrice une cascade de commentaires hargneux ou haineux émanant de défenseurs de la « liberté d’expression » qui, comme souvent, ont le paradoxal souci de faire taire, au nom de la liberté, ceux qui expriment des opinions qui leur déplaisent.
La liberté d’expression, je la chéris, même dans l’outrance, et le droit à la caricature, je le défends bien entendu par principe autant que par goût personnel, car je place James Gillray plus haut que Salvador Dali et J.J.Grandville au dessus de Pablo Picasso. D’un côté je salue des artistes, de l’autre je ne vois guère que des faiseurs suffisamment virtuoses pour convaincre le monde de leur importance et pour faire mine d’avoir inventé ce qu’ils ont pris à d’autres. Mais peut-être forcé-je un peu le trait — je rends hommage à mon sujet.
Comme j’aime la liberté d’expression et comme je défends le droit à charger le trait (c’est l’étymologie du mot caricature), je suis très surpris que ces deux licences soient opposées à ceux qui jugent pertinent, de la part des éditions Dupuis, d’avoir rappelé l’album Spirou et la gorgone bleue, de Yann et Dany, comme une marque agroalimentaire rappellerait une denrée potentiellement colonisée par la salmonellose ou la bactérie e-coli. Dupuis, c’est un acteur de l’industrie du livre, et sa réaction est celle d’un acteur industriel face à un scandale sanitaire et au problème d’image que ledit scandale lui cause.
En choisissant ce qu’il publie ou non et ce qu’il fait vivre de son fonds, un éditeur ne censure pas, il exerce un droit (auquel peut s’opposer le droit moral des auteurs et bien d’autres droits). Dans ce cas précis, par ailleurs, il n’y a pas en jeu que l’éditeur, l’auteur et le public, il y a une quatrième partie : le personnage (propriété de l’éditeur et non de l’auteur). En effet, Spirou — qui est né cinq ans avant le dessinateur Dany —, est un personnage qui, depuis sa première inkarnation1 est exclusivement un personnage positif, dynamique et serviable, et s’il est né dans une Belgique coloniale et que cela se ressent dans plusieurs de ses premiers albums, il n’a jamais eu le paternalisme condescendant et niaisot qu’avait son concurrent et compatriote Tintin à ses débuts2. Spirou ne fait pas partie des personnages que l’on associe à un imaginaire raciste, et moins encore en 2024. C’est peut-être ce qui rend la décision des éditions Dupuis aussi évidente à mon sens, décision tellement rapide qu’elle ressemble presque à une forme de soulagement : on sait par une enquête de Médiapart que l’éditeur était conscient d’un problème, avait réclamé des corrections, et avait sorti l’album pour honorer un contrat signé dix ans plus tôt et achevé au terme d’une gestation longue et pénible3. J’ai la très subjective impression que cet album est sorti en catimini, avec un service minimum en termes de communication événementielle.
Je ne vais pas m’engager sur le terrain de l’analyse du dessin pour lui-même, car il me semble qu’il faudrait l’élargir à toute la tradition du dessin « comique » de la bande dessinée franco-belge, dans laquelle la représentation des noirs par Dany ne détonne pas forcément.
En écrivant ça je ne dis pas qu’il faut pilonner les œuvres de Franquin, Uderzo, Morris, Jijé et autres, mais qu’on peut s’interroger sur une certaine paresse graphique au sujet de la représentation stéréotypée des personnages d’origine africaine ou asiatique4. Quant à la réduction de la quasi-totalité des femmes (y compris héroïnes) à leur caractère d’objet sexuel, c’est une réalité, mais elle aura du mal à étonner les personnes familières du dessinateur, qui a construit une bonne partie de sa carrière sur des albums « coquins ».
Et puis il y a un ensemble à considérer : les traits du visage ou la forme des corps sont une chose, les expressions face à telle ou telle situation en sont une autre, le développement des personnages en est encore une autre…
Je ne vais pas pour autant m’étendre sur le contenu scénaristique de l’album — dont je n’avais pas entendu parler avant cette semaine mais que je me suis procuré depuis —, je dirais juste qu’il est là encore un peu paresseux, renvoyant dos à dos le capitalisme écologiquement irresponsable et ceux qui le combattent. Enfin « celles » qui le combattent, plutôt, puisque les adversaires du personnage inspiré par Trump sont de femmes qui, à l’exception d’une manipulatrice cynique, sont toutes plus ou moins écervelées. Un scénario à la fois « woke » et « boomer », ai-je lu. Mais un peu plus « boomer » que « woke », alors5. Le tout est parsemé d’allusions graveleuses un peu vieillottes. S’emparer de l’actualité, évoquer le green-washing, le solutionnisme, les formes contre-productives de l’engagement, la communication, la malbouffe, le complexe militaro-industriel et autres traits de notre époque est plutôt pertinent en théorie, mais en pratique : bof. Il y a ici une véritable occasion ratée, le sujet aurait pu nous ramener au Spirou des années 1970 par Jean-Claude Fournier, furieusement écolo et ouvert aux thèmes politiques et géopolitiques. Et même le caractère un peu grinçant de l’ensemble tombe à plat, je ne retrouve pas tellement le Yann que, pré-ado, j’ai vu débouler ricanant dans Spirou avec son camarade Conrad, leurs Hauts-de-pages et leurs Innomables.
Mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant le contenu de l’album de Yann et , c’est la manière dont celui-ci est défendu. Certains réflexes affleurent immédiatement : « on peut plus rien dire » ; « à ce compte-là il va falloir interdire toute la bande dessinée franco-belge« ; « je l’ai lu et je n’ai rien vu« ; « Aujourd’hui des livres censurés, demain des arrestations arbitraires« ; « les réseaux sociaux et le wokisme font la loi« ; « c’est au lecteur seul de se faire une idée par lui-même » (sauf s’il n’est pas d’accord avec moi) ; etc.
Rien de très original, mais je note un argument qui revient très souvent et qui est de dire « c’est de la caricature », considération souvent assortie, comme si c’était une preuve d’équité, de l’affirmation que « Donald Trump aussi est caricaturé ».
Et il est vrai que, pour autant qu’on puisse caricaturer une caricature, Trump n’est pas spécialement épargné — mais il peut se consoler avec les myriades de jolies filles quasi-nues dont Dany l’entoure. Interrogé, Dany lui-même a expliqué : « Il est évident que la plupart des Africains, enfin presque tous d’ailleurs, ont des lèvres plus épaisses, plus grosses que les Blancs, c’est un fait. Ça fait partie de la caricature (…) Il y en a un [Blanc] qui ressemble à Trump, ce n’est pas particulièrement gentil non plus… ».
Nous arrivons cette fois au cœur du sujet.
Passons sur le fait que Dany parle d’« africains » alors que sur le porte-avions USS Obama, il n’y a que des afro-descendants, qui, du fait de plusieurs siècles de métissages avec des européens et des amérindiens notamment, n’ont pas franchement une grande uniformité phénotypique.
C’est l’opposition qui m’intéresse : d’un côté « Trump », qui est une personne, un individu ; de l’autre côté « les noirs », qui est un groupe aussi vaste que divers.
Dessiner une personne en exagérant certains traits ou attributs (dessiner, disons, Angela Davis avec une boule afro et les dents du bonheur ; Morgan Freeman avec les cheveux gris et une dermatose papuleuse (qui rappelle des taches de rousseur) ; Bruce Lee avec sa coupe de cheveux caractéristique, ses muscles tendus et ses épais sourcils noirs ; etc.), c’est faire une caricature. Dessiner de manière indifférenciée tous les membres d’un groupe humain aux contours mal définis, ce n’est pas vraiment une caricature, c’est se faire le véhicule d’un stéréotype, c’est enlever sa personnalité à une personne. Dans la presse africaine, les caricaturistes donnent à telle ou telle personnalité politique locale un profil exagérément prognathe, ou des petits yeux enfoncés, ou un grand embonpoint, etc., exagérant ce qui sort de la moyenne et créant des caricatures. Mais si on applique une même caricature à toutes les personnes qui ont plus ou moins la même origine, ce qui est caricatural ce ne sont plus les personnes représentées, c’est le regard du caricaturiste, qui dit sans le vouloir qu’il considère l’origine avant la personnes. Il faut dire, dans le cas qui nous occupe, qu’il n’y a que deux personnes noires auxquelles le scénario donne un véritable rôle, ce qui ne laisse pas au dessinateur le loisir, s’il l’avait voulu en tout cas, de développer visuellement la personnalité des personnages noirs : ceux-ci sont indifférenciés visuellement car ils le sont aussi dans le scénario.
Dany se défend d’être raciste, et admet : « J’aurais dû faire gaffe à ne pas dessiner les Noirs comme dans les années 1960 ou 1980. », ajoutant qu’il est désolé et présente ses excuses à ceux qu’il aurait pu blesser. Preuve que lui-même voit un problème, ou que comme tout artiste un peu lucide, il sait qu’on ne peut pas dire au public qu’il a tort de voir ce qu’il voit, même si sa perception ne correspond pas à l’intention initiale de l’artiste. C’est plutôt sage de sa part, tout comme il est sage de la part de Dupuis de regretter d’avoir publié cet album et d’en avoir tiré les conséquences. Je m’inquiète plus pour ceux qui défendent cet album au nom de grands principes, car avoir des principes ne dispense pas de s’interroger sur ce que l’on souhaite défendre. S’exprimer n’est pas opprimer et caricaturer n’est pas stéréotyper. Et si on amène une création potentiellement dérangeante, politiquement problématique, il faut que l’œuvre ait pour elle des arguments qui justifient qu’on veuille la sauver. J’ai peur qu’ils fassent défaut ici.
- J’invente ce mot, oui ! Ai-je besoin de l’expliquer ? [↩]
- Un ami me fait remarquer que Spirou chez les Pygmées, qui est bien plus récent que Tintin au Congo, est assez gratiné dans le genre. Dont acte. [↩]
- « Le contrat a été signé il y a plus de dix ans, par des gens qui ne sont plus aux commandes. Depuis mon arrivée, nous avons à plusieurs reprises demandé des modifications à son dessinateur, Dany. C’est un homme de plus de 80 ans : il ne voyait pas en quoi ces dessins, qui sont des caricatures, étaient choquants. Nous avons sans doute commis une erreur en acceptant de la publier. » (Julie Durot, directrice générale de Dupuis, interrogée par Médiapart). [↩]
- Plusieurs personnes utilisent le mot « racisé » pour désigner les Asiatiques ou les Africains. C’est un mot que je trouve dangereux lorsqu’il est employé pour décrire une personne dans l’absolu, comme si l’essence même des Asiatiques ou des Africains était, depuis toujours et pour toujours, d’être victimes de biais racistes… On n’est pas racisé par nature, mais en fonction d’un contexte. Je me rallie au passage à l’idée pas toujours bien comprise qu’a exprimé Rokhaya Diallo qui est de dire qu’on peut tout à fait être blanc et racisé, non parce qu’on est victime du fameux « racisme anti-blanc » dont se lamentent certains, mais parce qu’on peut être favorablement racisé. Si aucun vigile ne me demande de montrer le contenu de mon sac-à-dos au supermarché, je pense que c’est parce que j’ai la peau pâle et des cheveux blancs… [↩]
- Cette manière de mettre tout le monde d’accord est employée avec efficacité par Marvel et DC, où chacun (du pire réactionnaire au plus acharné révolutionnaire, en passant par tout le spectre qui sépare ces humeurs) trouvera son compte, mais ici c’est trop grossièrement fait pour fonctionner véritablement. [↩]
Remarque concernant Dany : j’ai les Olivier Rammeau. Est-ce que les non-blancs y sont représentés de manière offensante ? Eh bien… il n’y en a juste pas. Et les femmes ? Oh, exagérément belles, mais je n’ai pas trouvé que c’était d’une façon vulgaire. Et ce sont des femmes du pays magique.
Certes il n’y a pas tant que ça de personnages humains dans cette BD. Et je ne sais pas ce qu’on doit à Dany et à Greg.
Après, il y a les BD de blagues de cul. Aussi irrespectueuses qu’on attend de telles BD. Je pense que Dany a trop longtemps fait seulement ça, alors il est plus beauf aujourd’hui qu’il l’était en finissant Olivier Rammeau. Forcément ça détonne avec les standards des 2020s !
@Axonn son public ne le suit sans doute que pour ses trucs d’humour grivois, et on peut dire qu’il était courageux de se mesurer à Spirou. Il garde un trait assez sûr, dommage que le scénario et le travail d’encadrement n’aient pas permis un bon livre…
« Dany se défend d’être raciste, et admet : « J’aurais dû faire gaffe à ne pas dessiner les Noirs comme dans les années 1960 ou 1980. », ajoutant qu’il est désolé et présente ses excuses à ceux qu’il aurait pu blesser. Preuve que lui-même voit un problème, ou que comme tout artiste un peu lucide, il sait qu’on ne peut pas dire au public qu’il a tort de voir ce qu’il voit, même si sa perception ne correspond pas à l’intention initiale de l’artiste. »
Eh bien non justement, sa déclaration ne prouve pas que lui-même voit un problème, c’est simplement un discours d’apaisement que commande l’époque.
Je ne connaissais pas cette histoire, une fois de plus c’est toi qui es mon lien avec les sujets culturels « sur le feu ». Et, sur Spirou comme sur tant d’autres oeuvres récentes, je suis opposé à la censure. Parce que je reconnais à un auteur de faire ce qu’il veut, et à un éditeur de publier ce qu’il veut. Et si je me garde le droit de porter un jugement critique sur une oeuvre et de ne pas l’apprécier, je ne me reconnais pas le droit de décider à la place des autres de ce qui mérite ou non d’être publié.
Il se trouve que je n’ai jamais été un fan de Spirou, j’ai lu 2 ou 3 albums tout au plus, des anciens de la période Franquin, et je n’ai pas accroché plus que ça (les Gaston Lagaffe oui en revanche). D’une manière générale, je reste dubitatif devant les reprises ad nauseam de séries BD dont les succès remontent parfois à un demi-siècle, voire plus. C’est toi-même, Jean-No, dans un autre billet, qui regrettais les « modernisations » d’oeuvres destinées à les faire coller aux standards moraux de l’époque, et qui recommandais à leurs auteurs d’écrire d’autres oeuvres, avec d’autres personnages entièrement originaux. Cela semble s’appliquer à Spirou, dont je ne suis pas certain que les tomes les plus récents grandissent l’oeuvre globale (mais je laisse aux vrais lecteurs de Spirou le soin de se prononcer).
Mon fils de 7 ans commence à lire Asterix. Je n’ai pas à m’excuser de lui faire lire Astérix et de lui montrer un personnage noir (la vigie des pirates) avec des lèvres épaisses, et je ne lui interdis pas d’en rigoler. Par contre, je vais attendre quelques années de plus pour lui expliquer la manière dont notre passé colonialiste a irrigué des pans entiers de notre culture, la BD évidemment, mais pas seulement.
Au vu de ta « critique » du dernier Spirou, ça semble effectivement un raté. Peut-être l’album mérite-t-il de se faire tailler en pièces par la critique du 9ème Art. Mais il ne mérite pas d’être retiré des étalages. Je ne prétends pas ici te convaincre, mais peut-être pourrai-je au moins répondre à ta « surprise », puisque c’est le mot que tu emploies. Et il en est de même des films de Roman Polanski, des albums de Bertrand Cantat et des BD de Bastien Vives [pas taper : je ne mets pas sur un même plan leurs fautes, je mets sur un même plan la logique qui réclame la suppression de leurs oeuvres dans l’espace public]. Nous avons la liberté d’être indignés par leurs fautes, dont la contrepartie est de ne pas empiéter sur celle des autres en ne militant pas pour l’effacement de leurs oeuvres de l’espace public.
Suite à ton post, j’apprends que Dany a été déprogrammé d’Angers. Passer sans s’arrêter devant son stand ou une de ses expos n’est donc pas suffisant ?
@Rubens33 je ne pense pas que Dany pense que son dessin est problématique, mais il prend acte du fait que certaines personnes le jugent problématique, il a bien compris qu’il y avait un sujet, et je pense que c’est pour ça qu’il ne va pas à Angers, car dans le contexte, ça aurait été pénible pour lui comme pour le festival.
Si Dupuis retire l’album, ce n’est pas parce qu’il revendique un message raciste, c’est, je pense, parce que Dupuis ne peut pas associer Spirou à ce genre de chose, et tout semble indiquer que l’éditeur avait déjà de gros doutes avant de le publier. Si cet album avait été un « one-shot » ne s’inscrivant pas dans une série vieille de 85 ans, Dupuis l’aurait sans doute défendu, car ce qui lui est reproché est plutôt banal dans la bande dessinée franco-belge… Laquelle devrait peut-être profiter du moment pour s’interroger sur cette question des stéréotypes.
Dany n’est pas effacé, blacklisté, viré – Dupuis n’est son éditeur que de manière anecdotique -, personne ne le prend pour le diable, il n’a pas commis de meurtre, il n’a pas une procédure judiciaire en cours et il n’est pas, contrairement à Vivès, joyeux d’ajouter de l’huile sur le feu avec des déclarations assez irresponsables.
Jean-No, je pensais avoir écrit une frappe préventive dans ma comparaison entre les différents proscrits. Mon propos n’est pas de comparer les faits reprochés à Polanski, Vivès, Cantat et Dany. Mon propos est d’interroger une pression médiatique conduisant des acteurs de la culture à supprimer ou à déprogrammer des œuvres, ou des mises en avant d’auteurs. On peut restreindre la réflexion à Vives et Dany pour rester sur la BD, le fond de mon propos n’en sera pas modifié. Nous avons bien un éditeur (Dupuis) et deux festivals (Angoulême et Angers) qui dépublient et/ou déprogramment un auteur par crainte d’une frange de la population se croyant légitimée à décider de ce qui est légitime ou pas. Le tout dans le silence abyssal (semble-t-il) du Ministère de la culture.
Dany semble se faire traiter de raciste avec la même virulence que Vives se faisait traiter de pédophile. Je ne compare pas l’aspect problématique de leurs productions respectives, je compare les traitements dont ils font l’objet qui, eux, sont très similaires. Et, selon moi, aussi injustifiés l’un que l’autre.
J’attends avec impatience comment le prochain dessinateur d’Astérix croquera la vigie des pirates. Le traitement réservé à Dany semble fournir un début de réponse. Mais je n’aimerais décidément pas être un auteur en 2024, au vu de l’avalanche de consignes sur ce qui est autorisé ou pas.
@Ruben33 j’avais bien compris que tu ne comparais pas le degré de sévérité des faits reprochés aux uns et aux autres, et je ne dis pas le contraire. Le rapport entre Vivès et Dany, c’est pas seulement la bd, c’est que ce qui est attaqué ce sont leurs œuvres. Je n’ai pas entendu dire que le festival d’Angoulême déprogramme Dany !? Pour Angers, Dany était l’invité d’honneur et dans le contexte, ça aurait été assez pénible pour lui d’abord, je pense. De même je crois que si Dupuis a été si rapide à annoncer le retrait de l’album, c’est plutôt pour que cette histoire passe vite.
Sur la justice, il y a une question de génération, dans le cas de Dany : une représentation finalement assez classique en bd franco-belge, que j’aurais lu sans y penser plus que ça, en tant que boomer, fait bondir des plus jeune, dont l’émotion et la perception sont sincères. Je trouve pour ma part que c’est l’occasion d’interroger les stéréotypes visuels de la bd-à-papa.
« Je trouve pour ma part que c’est l’occasion d’interroger les stéréotypes visuels de la bd-à-papa. »
100% d’accord. Et c’est précisément pour cette raison que je suis assez réservé sur la prolongation perpétuelle de séries à succès qui ont assis la BD en tant qu’art majeur au cours de la seconde moitié du XXe siècle mais qui étaient, comme toute production culturelle, le fruit de leur époque. En refusant de les faire mourir, un éditeur s’expose, soit à les dénaturer complètement, soit à conserver leurs codes graphiques par respect pour l’œuvre « originale » mais qui prêteront inévitablement le flanc à la critique d’aujourd’hui.
Une autre critique du même album, qui pourrait difficilement être plus proche de mon point de vue personnel (sachant que je ne l’ai pas lu) :
https://sambabd.net/2023/11/27/spirou-et-la-gorgone-bleue/
Une chatte n’y retrouverait pas ses petits !
Au passage Jean-No, j’ai mis 24h à me rendre compte d’un détail qui n’en est pas tout à fait un et qui aurait peut-être sa place dans ton article, à savoir que l’album dont il est question est paru en septembre 2023. Je croyais que les vierges effarouchées avaient mis une semaine avant de le trouver raciste, en fait elles ont mis plus d’un an !
@Ruben33 oui, il est sorti il y a un an. Mais comme ce sont des sujets sensibles pour les jeunes générations (pour ma part je n’aurais pas bondi en le lisant, j’aurais juste déploré le scénario) et que celles-ci ne sont pas le cœur de cible de la bd franco belge, c’est passé sous le radar.
« pour ma part je n’aurais pas bondi en le lisant, j’aurais juste déploré le scénario »
Et est-ce trop demander aux « jeunes générations » d’apprendre à être choquées ?
Dany n’est pas raciste mais sait très bien ce qu’il fait malgré ses excuses plates. Ses dessins sont clairement racistes il n’y a évidemment pas à tortiller. Dupuis l’a interdit pas seulement pour ne pas associer Spirou au racisme mais pour éviter un procès pour incitation à la haine raciale qui aurait certainement été gagné par les plaignants même en appel. Pour bien moins que ça SOS Racisme et la Licra poursuivent des personnalités du monde politique et intellectuelle ayant tenu des propos racistes devant les tribunaux donc je pense que si cette BD était paru en France en 2023, il y aurait certainement eu procès. Comme vous, je défends la liberté d’expression mais cette BD c’est l’inverse avec son scénario foireux et ses stéréotypes racistes dans les dessins qui sautent aux yeux de n’importe qui ayant un minimum de conscience intellectuelle et humaniste fan de BD éventuellement aussi.
@Aurelien Terrassier : Je crois que les juges sont particulièrement prudents face aux dessins, ils en comprennent toute la subjectivité (à moins qu’il y ait un message explicite) et je parie que Dupuis ne courrait aucun risque avec ce livre…