Nîmes-Paris.
Quand je monte dans le train, un gars occupe déjà deux places, dont la mienne, sur laquelle sont posées ses baskets. Il a dû monter à Avignon. Ou en Avignon, comme aiment le dire certaines personnes qui veulent qu’on sache qu’elles savent de quoi elles parlent. Il n’a pas l’air commode, un petit côté Joey-Starr-academy. Derrière son casque on entend une musique vaguement gitane auto-tunée sur un beat électronique fatiguant. Je lui signale qu’il est à ma place, il ne bouge pas, il ne m’entend pas. Je le tapote son épaule plusieurs fois, aucune réaction.
Je finis par me résoudre à m’asseoir à côté, mais le train est bondé et je me doute que quelqu’un va me réclamer la place, et ça ne rate pas.
Un couple se présente : non seulement je suis à la place du gars, mais mon endormi a les fesses posées sur la place de la fille et les pieds, donc, sur ma place à moi. Il semble qu’il n’ait rien à faire là.
On re-tapote sur l’épaule de l’endormi, et finalement il faut tirer sur son casque. Cette fois, il ne peut plus faire semblant de dormir en comptant sur sa mine patibulaire pour ne pas être dérangé. Il finit par se lever, récupère ses affaires en nous disant : « C’est exténuant ».
Le jeune homme qui l’avait forcé à bouger lui fait remarquer qu’il a oublié un énorme étui à lunettes — un étui presque assez gros pour loger des lunettes de réalité virtuelle. Il y a écrit Vuarnet, dessus. Il remercie : « C’est des lunettes à 1200 euros ! ». Cependant puisqu’il avait de luxueuses lunettes sur le nez, cet étui était sans doute vide.
Alors que le train arrivait à Paris, j’ai retrouvé le gars derrière moi dans l’escalier, nerveux, tapant un rythme sur la rampe métallique. Quand je suis sorti, six ou sept policiers costauds et barbus attendaient un peu loin sur le quai. En les voyant, je pense, il est re-rentré dans le train, pour sortir par une voiture plus proche de l’entrée du quai. J’ai vaguement l’impression que c’est pour lui que les policiers étaient là.