La talonnette de fer

Nota : Le titre fait référence au Talon de fer, dystopie de Jack London, publiée en 1908, et dans laquelle un pouvoir fasciste prenait le pouvoir aux États-Unis, contre la classe ouvrière.

Le mantra médiatique du jour semble être : « C’est une victoire personnelle pour Nicolas Sarkozy, qui a passé avec succès le test de la première élection importante, ce qui l’installe pour la primaire,… ».
Sa victoire, pourtant, il devrait la partager avec François Hollande, qui a fait perdre toute substance au parti nommé « socialiste » (pour des raisons historiques que personne ne comprendra plus, désormais), et avec le Front National, qui reste suffisamment repoussant pour ne remporter que les premiers tours d’élections.

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Je dois admettre que Sarkozy est doué ! En un quinquennat, il a doublé la dette de la France, plaçant le pays dans une situation budgétaire si dramatique que le gouvernement en place, s’il tente de redresser la barre, ne pouvait que se faire durablement haïr : on préfère le marchand de crédit à la consommation aux huissiers qui défilent ensuite par sa faute.

J’ai entendu l’ancien président dire ce soir qu’il allait lutter avec énergie contre « l’assistanat, ce cancer de la France ». Entendez par là qu’il ne compte pas s’en prendre à la pauvreté, mais bien aux pauvres.

A voté

J’ai vu, cette nuit, devant mes yeux, l’horloge de mon ordinateur passer sans transition de 01:59 à 03:00. Je venais de me faire voler une heure par Valéry Giscard d’Estaing, comme chaque année depuis trente-neuf ans. Bien  sûr, cette heure me sera rendue en hiver, mais sans les intérêts. Autant dire que c’est une escroquerie. Après une nuit trop courte d’un sommeil médiocre, je me suis réveillé pour constater qu’il pleuvait. Ah oui, c’est vrai, on vote, aujourd’hui.
Et j’ai le choix entre un parti bien à droite et un parti encore plus à droite du parti déjà bien à droite.
Le choix ?

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J’en connais qui ne seront pas allés voter du tout, pas même pour gribouiller un gros mot ou une croix gammée sur un bulletin choisi, faire un joli dessin ou ne rien mettre du tout dans l’enveloppe.
Je les comprends bien, le choix ne donne pas envie, et tout anti-vote est ignoré si ce n’est dans les chiffres de participation.
Mais je suis allé mettre mon bulletin dans l’urne malgré tout, parce l’idée que le parti bleu-marron finisse par avoir des compétences sur mon département en matière d’aide sociale, de protection de l’enfance ou des personnes âgées, de handicap, de gestion sanitaire, de voirie, de transports, de restauration scolaire, et même un peu de culture (certaines bibliothèques, certains musées, les archives,…), ne me semble pas spécialement avisé.
La démocratie telle qu’on l’entend sous la cinquième république, ce n’est pas de choisir le meilleur candidat, disait un de mes profs, c’est de choisir le moins pire.
Dont acte.

Soirée électorale

J’écoute, de la pièce d’à côté, les politiques qui défilent sur les plateaux pour vendre leur soupe, faire croire qu’ils ont gagné, ou, s’il est vraiment impossible de tordre les faits et les chiffres à leur avantage, expliquer pourquoi ils ont perdu, pointer des responsabilités, se défausser. Ils donnent des leçons pour laisser croire qu’ils sont, quels que puissent être les résultats, les maîtres du jeu.

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Je ne sais pas qui parle, quelle célébrité de la politique à présent réduite à hanter les plateaux pour commenter des scrutins dont elle est exclue — puisque souvent ceux qui parlent sont justement ceux qui ne se présentent pas. J’ignore qui a gagné, qui a perdu, mais le son est très reconnaissable, curieusement mou, faussement apaisé : il ne faut ni s’énerver, ce qui serait ridicule, ni laisser les adversaires occuper tout le temps d’antenne, ni laisser paraître que l’on n’est pas spécialement convaincu des « éléments de langage » qu’on est venu ânonner.

« Le piratage, c’est du vol »

Bon, alors j’achète un DVD. Dessus il y a un film, mais ce n’est pas tout, il y a aussi un papier sur lequel est inscrit un code qui me permet de regarder le film en ligne. Je ne fais pourtant pas vraiment partie des gens qui ont besoin de voir le film en le téléchargeant sur Internet puisque j’en ai acheté une copie physique.

"Le piratage, c'est du vol",
« Le piratage, c’est du vol », séquence que connaissent par cœur tous les gens qui achètent des DVDs… Mais que ceux qui piratent ne voient jamais.

Sur le disque lui-même, outre le film, il y a une petite séquence qui se déclenche automatiquement et que je n’ai pas le droit d’éviter qui m’explique avec une typo destroy que « Pirater c’est du vol ». A priori, je ne comptais pas pirater le film, puisque je viens de payer pour le visionner.

Parfois, et même souvent, en fait, la manière dont les gens réfléchissent est trop compliquée pour moi.

Le bouleau et moi

« Qui a planté l’arbre ne le verra pas grand », dit-on.
Moi, l’arbre, je l’ai planté quand j’avais huit ou neuf ans et je l’ai vu grand. C’était un bouleau. Je ne sais pas si je l’ai vraiment planté moi-même, sans doute que non, mais j’étais là.
Il était placé à trois mètres de la maison, seulement, alors trente ans plus tard il était si haut qu’il bouchait la vue aux trois étages. Et le bouleau, ça donne des allergies. Et on l’a coupé.

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Tout à l’heure, j’ai remarqué que le pied de l’arbre était devenu creux, qu’il y avait dedans une matière bleue-gris, un champignon, je crois, et dessus, de la mousse. J’imagine qu’il y vit quelques insectes, des cloportes, des fourmis, je n’ai pas vérifié.
Je ne trouve pas de moralité philosophique existentielle à cette histoire.

Le festival de la femme

Il paraît qu’il faut dire « Journée internationale pour les droits des femmes » et non « Journée de la femme ». Je propose pour ma part de qualifier le 8 mars de « Festival de la femme », car chaque année, c’est un vrai festival, du moins dans le monde de la communication.

Il y a les journaux qui nous présentent des portraits de femmes qui arrivent à élever cinq enfants tout en ayant une carrière de pilote de chasse, de députée, de chercheuse médaillée, de patronne d’une entreprise du CAC40 (je me demande quel message ces portraits veulent envoyer aux millions de femmes non-exceptionnelles) ; il y a les marques qui profitent de l’occasion pour trouver que tout a un rapport avec la camelote qu’elles vendent, ne craignant pas de produire une version bien triviale des combats féministes :

8mars

Il y a aussi les clubs de rugby ou de football qui proposent la gratuité (Tarbes, Pau) ou un tarif réduit (Caen) aux femmes ; il y a les pignoufs de la « manif pour tous » qui en profitent pour organiser un forum « pour l’abolition de la GPA », c’est à dire les « mères-porteuses », pratique explicitement proscrite par la jurisprudence française depuis vingt-cinq ans mais qu’une certaine droite essaie d’associer dans l’esprit du public à la PMA (la fécondation assistée, quoi) et au mariage dit « pour tous »,… ; il y a la ville de Marseille qui célèbre le huit mars devant une revue de cabaret avec strass, paillettes et plumes,… Un festival, je vous dis.
Enfin, sur Twitter, notamment, il y a tous les messages de gens qui veulent faire de l’humour sur le féminisme, voire râler contre l’oppression qu’ils ressentent face aux demandes d’égalité, ou qui au contraire s’insurgent en disant que « ça devrait être tous les jours », etc.

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Ce qui me met régulièrement mal à l’aise, je dois dire, ce sont les campagnes qui traitent de grandes causes féministes (violences, place inique dans le monde professionnel), car certaines agences de communication n’ont pas peur de produire, pour traiter ces questions graves, des slogans et des visuels qui sont parfois un peu trop spirituels, pleins de verve et d’astuce. Sur ces grandes causes comme sur d’autres (faim dans le monde, écologie,…), on sent parfois que le message est un prétexte à effets de style. Mais bah, le message est à ce point « dans la bon camp » qu’on peut difficilement le critiquer.
Dans le cas spécifique des violences faites aux femmes, je remarque une esthétique de l’ecchymose parfois un peu douteuse et, puisque la publicité n’a jamais su faire que ça, une incapacité flagrante à sortir les femmes du rôle d’objets de séduction que leur assigne, précisément, le monde de la « comm’ ».

Théorie du complot : le VRAI grand remplacement

Pourquoi les gens les plus fortunés de la planète se font-ils faire ces visages monstrueux ? La raison est bien simple : il s’agit de leurs vrais visages.

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On peut imaginer que l’augmentation du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère et la montée de la température, qu’ils favorisent, servent à amener progressivement notre planète aux conditions de leur monde d’origine.
Reste à savoir pourquoi ils font tant d’efforts pour que les humains soient obèses. Peut-être vaut-il mieux ne jamais connaître la réponse.

Qu’ils prennent de la brioche !

Selon les estimations que la revue Challenges fait du plan de « Maîtrise de la masse salariale », le gouvernement compte supprimer 22 000 postes dans les hôpitaux. On comprend l’idée : tous ces pauvres qui ont le droit à la médecine, qui ne paient pas les accouchements et les péritonites, qui encombrent les salles d’attente, c’est malsain, c’est à décourager les gens de s’enrichir ! Alors faisons baisser la qualité de la médecine hospitalière, puisqu’elle est encore un peu démocratique.
Bien sûr, avec toute la fourberie politique habituelle, la question n’est pas posée en termes de postes sacrifiés, d’employés qui vont venir grossir le range des chômeurs, mais en termes d’économie de budget : près de neuf cent millions d’euros d’économie.
Évidemment, il faut bien racler sur les hôpitaux, puisque l’actuel gouvernement se vante que les emplois « au niveau du smic » ont désormais « zéro charge1 de sécurité sociale ».

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Je suis peut-être mauvais en management, mais je lis dans cette annonce un encouragement assez clair fait aux entreprises d’éviter les salaires plus élevés que le niveau du Smic, puisqu’au delà, le travail sera soumis à plus de charges et coûtera donc plus cher (tweet du 25 février 2015).

Ce sera pareil dans l’enseignement supérieur bientôt, ou plutôt, c’est en cours, tous les budgets baissent. Ces pauvres qui ont le droit d’apprendre la sociologie ou la philosophie, sur les bancs des Universités, ça crée des rêveurs trop cultivés, trop savants, il faut des gens qui ont envie de sacs Vuitton, de gens qui rêvent de Paris Hilton, de Loto, pas de lecteurs de Bourdieu, de Deleuze ou de Foucault ! Et puis parfois, les études favorisent l’ascension sociale, imaginez, c’est comme si on obligeait les riches à se battre avec un bras dans le dos : à quoi ça sert d’être riche si c’est en risquant d’avoir des pauvres pour concurrents ? Alors enfonçons les pauvres. D’ailleurs ils préfèrent sûrement ça, sinon pourquoi ils seraient pauvres ? Ils n’ont qu’à être riches, s’ils sont pas contents !

Une mentalité
Une mentalité de winner, pas de chômeur. Les chômeurs restent à glander devant leur télé en mangeant du pain hard-discount à l’huile de palme, tandis que notre ministre, lui, il se laisserait pas abattre, il irait au ski, et il mangerait de la brioche.

D’ailleurs, comme l’a dit notre ministre de l’Économie Emmanuel Macron2, juste avant de partir skier à Bagnères-de-Bigorre, « Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord ». C’est presque dommage qu’il ne soit pas chômeur à la place des chômeurs : il saurait quoi faire, lui, au moins ! Pas comme nous autres qui n’avons même pas l’idée de chercher du travail quand nous n’en avons pas.

  1. On parlait de « cotisations », pas de « charges », à l’époque où les penseurs du Parti Socialiste n’étaient pas nostalgiques de Margareth Thatcher. []
  2. BFMTV, le 18 février []

#ONPC, la puissance du vide

Naguère, le « hashtag » #ONPC m’amenait parfois à allumer le poste, pour m’indigner avec tout le monde d’une énormité proférée, par exemple, par Éric Zemmour. C’est si agréable, parfois, de détester tous ensemble celui qui a l’inconscience ou la perversité d’accepter le rôle de vilain. Ou de railler tel homme politique, tel acteur, tel chanteur.

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Le titre rappelle au public que l’on est en train de ruiner sa nuit de sommeil. L’émission a quant à elle été enregistrée deux jours plus tôt, en fin d’après-midi.

Aujourd’hui, je n’allume plus. J’ai fini par comprendre, et je vois dans cette émission une application cynique des expériences de psychologie sociale sur le phénomène de l’engagement : une fois hameçonné, le spectateur ne peut plus aller se coucher, il reste jusqu’à deux heures et demi du matin, il est comme un joueur de casino qui n’arrive plus à décoller de la table de jeu non pas pour le plaisir qu’il y prend, non pas parce qu’il est « en veine », mais précisément parce que le bon numéro ne sort jamais. Moins l’émission est dense, intense, intéressante, et plus le spectateur reste, attendant qu’il se produise quelque chose, ainsi que le lui promet en permanence l’animateur.