Calendrier des mesures gouvernementales

Tous à vos agendas !

Mardi 29 décembre à 20h00 le ministre de la santé Olivier Véran grondera les fêtards et fera des annonces concrètes pour la suite : ce qui est interdit, ce qui est permis, ce qui impose une attestation, et puis il nous rassurera à la fois sur la pénurie de vaccins et sur les effets secondaires du vaccin.
Mercredi 30 décembre, le Canard Enchaîné publiera des brèves amusantes relatives aux négociations des annonces qui nous permettront de comprendre comment le gouvernement est passé du projet d’imposer le télétravail aux grandes entreprises du tertiaire à celui d’un raidissement des normes de sécurité des trottinettes, qui causent beaucoup d’accidents.
Jeudi 31 décembre, dans une émission de Cyril Hanouna ou genre, Marlène Schiappa confiera avec le sourire qu’elle n’a aucune envie d’être vaccinée, parce que ce vaccin, on l’a pas encore testé. Les « antivaxx » y verront une preuve qu’ils ont toujours eu raison mais trouveront malgré tout des raisons de continuer de détester cette ministre, du fait qu’ils ne l’ont jamais aimée.

Jeudi 31 décembre, toujours, lors de ses vœux, le président félicitera les Français des efforts qu’ils ont déjà fait mais rappellera que ce n’est jamais assez, évoquant notamment le cas des jeunes qui (« mais comme je les comprends », précisera-t-il, quoique n’ayant jamais été jeune lui-même) font vraiment n’importe quoi et n’écoutent jamais ce qu’on leur dit. Tous les vieux seront bien d’accord avec cette analyse. Les jeunes ne seront pas devant la télévision.
Vendredi 1 janvier, par un tweet remarqué mais pas très clair, Jean Castex signalera que des aménagements et des exceptions feront qu’en fait tout ce qui a été dit le mardi est effectivement à comprendre à l’inverse de l’opposé à cent-quatre-vingt voire trois-cent soixante degrés.
Samedi 2 janvier, plus personne ne saura plus rien, mais le ministère de l’éducation nationale annoncera qu’il est en cours d’arbitrage de grandes décisions qui seront proclamées le lendemain, dimanche 4 janvier, jour de la rentrée, vers 21 heures environ.
Le dimanche 3 janvier, rien, finalement, mais tous les enseignants se seront couchés tard.
Le mardi 6 janvier, les rectorats, départements, régions, municipalités, préfectures, la presse et autres instances, produiront chacune son exégèse des mesures annoncées. La tenue d’un nouveau conseil stratégique sera alors annoncée pour un jour prochain.

Créons un scandale d’État

J’aimerais acheter une combinaison Hazmat et prendre le métro ou le bus avec. Il faudrait que deux ou trois autres personnes en fassent autant, et puis qu’on se retrouve chacun filmé par des passants, et mis sur Youtube ou sur Twitter. Les internautes rigoleraient bien, au début.

HAZardous MATerial suit (1000 euros environ).

Et puis Cnews en parlerait et demanderait à un représentant de commerce d’une société qui les fabrique si ces combinaisons protègent vraiment. Le mec dirait que oui, évidemment. Il le dirait déjà parce qu’il est payé pour ça, mais aussi parce que c’est vrai, ça protège.
Alors Pascal Praud sortirait de ses gonds : « mais comment ça se fait qu’on n’en distribue pas à tous les Français ?! ».
Paniqué, le gouvernement commanderait des combinaisons en catastrophe sur Aliexpress. Le délai d’expédition est d’un bon mois, voire plus si les porte-conteneurs affrontent des tempêtes, mais bon, pas le choix : il n’y a plus d’usines capables de produire ce genre de truc en France. Malheureusement, les fournisseurs chinois enverraient tous un mail pour dire que finalement ils vendent plutôt aux États-Unis car Donald Trump s’est engagé à payer un dollar de plus par combinaison.

Ce serait le désespoir. L’opposition demanderait une commission parlementaire pour mettre la honte aux ministres, lesquels annonceraient juste à ce moment-là que finalement ils veulent tenter leur chance en se présentant au Conseil général de la Creuse ou autre élection pour laquelle ça ne se bouscule en général pas trop. La vérité, ce serait qu’ils font dans leur froc, la voilà la vérité.
Roselyne Bachelot passerait partout à la télé pour se vanter que, elle, elle en avait commandé, des combinaisons, lors des épidémies de gastro sous la présidence de Sarkozy (vous vous souvenez ? Sous Sarko c’était gastro sur gastro), et que tout le monde s’était bien foutu de sa gueule à l’époque mais qu’elle avait raison, la preuve !
Ce serait son moment de gloire.

Le docteur Raoult ferait une vidéo pour dire que ses confrères sont fous, incompétents ou corrompus, mais il oublierait complètement d’argumenter, en fait il oublierait même de dire ce qu’il leur reproche, ce qui fait que sur ce coup, seuls les believers vraiment hardcore le suivraient et s’indigneraient en apprenant que l’ordre des médecins envisagerait (pour rire, parce qu’ils ne le feraient pas, en vrai) des sanctions. Des employés de la filière nucléaire arrondiraient leurs fins de mois en vendant leurs combinaisons usagées sur leboncoin, les députés République en marche s’indigneraient face à ce trafic, voteraient une loi interdisant ces achats, mais on apprendrait plus tard par Médiapart que les parlementaires n’auront pas été les derniers à acheter ce genre d’équipement au marché noir pour eux-mêmes.

Les combinaisons commandées commenceraient à arriver, mais le doute s’installerait : ça n’a pas l’air très pratique, quand même, ces bidules. Pascal Praud lancerait le débat : « est-ce qu’il est bien utile de porter ces trucs qui contraignent les mouvements ? » D’autres diraient que c’est bien ce qu’il fallait, mais que c’est trop tard, que c’est deux mois plus tôt qu’on en aurait eu besoin. Nicolas Dupont-Aignan ferait un tweet bien senti pour comparer ça à du George Orwell et compagnie car il est quasi impossible de pécho en boite de nuit quand on porte une combinaison de protection intégrale.
Mais les gens seraient à nouveau indignés en apprenant que le gouvernement ne distribue les combinaisons qu’aux gens fragiles ou exposés. Pascal Praud monterait sur ses grands chevaux : « Pourquoi seulement les plus exposés ? Et les autres, on pense pas à nous ? ». Il étoufferait de rage en apprenant que le gouvernement veut faire payer un euro symbolique chaque combinaison distribuée : « et les plus précaires, qui pense à eux, hein ? C’est des mesures à deux vitesses ! ». Le gouvernement ferait alors marche-arrière, dirait qu’en fait il ne voulait pas les vendre mais qu’il voulait les donner, que ce serait gratuit, qu’on n’a rien compris, ou qu’il n’a pas fait preuve d’assez de pédagogie, enfin que c’est un malentendu, bien entendu. « Mais qui va payer, alors ? Nos impôts ? », s’étranglera, une dernière fois, Pascal Praud, qui prendra ensuite des vacances bien méritées.

Mais de toute façon, effectivement, il sera trop tard. Plus personne ne voudra des combinaisons, car on aura révélé qu’elles sont deux fois trop petites, qu’elles sont poreuses, inflammables et que même sans brûler elles dégagent un produit toxique pour les voies respiratoires, car ce ne sont pas des vraies combinaisons, mais un gadget rigolo vendu (sans grand succès, à vrai dire) à destination de certains pays d’Amérique du Sud afin de confectionner des piñatas pour Halloween.
Le gouvernement, soucieux de ne pas faire trop de frais, aura en effet commandé les produits les moins chers du site, sans lire leur description complète, sans faire attention aux dimensions pourtant clairement indiquées, et en se laissant mystifier par les commentaires élogieux postés par des faux clients.

Tout ça nous aura bien occupés, c’est l’essentiel.
En France, on n’a pas de pétrole mais on a des sujets de conversation.