Vingt heures passées, boulevard Haussman, il reste encore des familles pour admirer les vitrines des Galeries Lafayette et du Printemps.
Quelques dizaines de mètres devant nous, un grand type promène son husky avec nonchalance. Il doit faire son mètre quatre-vingt dix, et il est habillé façon agent du GIGN, en combinaison noire intégrale, seuls ses yeux dépassent de sa cagoule. Il doit avoir un peu chaud, car dehors, même si on est le premier janvier, il fait près de quinze degrés. Il s’arrête au beau milieu du trottoir pour laisser son corniaud déposer un étron. Mais une fois l’opération faite, il repart tranquillement, sans rien ramasser. Trente mètres plus loin, il recommence. Ma cadette l’appelle : « monsieur ! », mais il a un casque, elle lui tapote sur l’épaule : « Monsieur, vous ne ramassez pas ? ». Le gars semble préparé à répondre : « Je ramasse jamais ! J’en ai rien à foutre ! ».
Son ton est morgueux, le type s’imagine très impressionnant, et bien sûr, sa grande taille et sa panoplie fasciste font leur effet, mais Florence n’est pas toute seule.
Il se tourne, et il a la surprise de tomber non pas sur une jeune femme, mais sur six personnes : moi, Nathalie, nos deux filles et leurs gars.
« — Vous… êtes venus à plusieurs pour me dire ça ?… J’ai pas ramassé l’autre, je vais pas ramasser celle-là ! »
Il tire sur la laisse de son chien, qui était pourtant encore concentré sur son affaire, et part d’un pas nettement moins nonchalant que précédemment, il nous sème assez rapidement en empruntant une contre-allée.
Arrogant, mais pas courageux.
Avec ma fille, nous réfléchissons à ce qui nous aurait manqué (un bout de carton, une pelle) pour ramasser la crotte et la jeter sur son propriétaire légitime, mais il a déjà disparu du boulevard Haussman.
Confondre affirmation de soi et mépris des autres ; liberté et saloperie ; et tout ça masqué, anonyme,… J’ai déjà dû croiser ce type sur Twitter !