Un jeune homme m’accoste dans la gare du Havre, il mène une étude pour le compte de la SNCF. De mon côté, je venais d’apprendre que mon train était retardé de vingt minutes et, ma foi, je pouvais bien en offrir cinq, j’ai donc accepté de répondre.
Muni d’une tablette, l’enquêteur m’a d’abord posé quelques questions sur ma situation : mon âge, la raison de ma présence dans la gare du Havre, si j’y venais régulièrement ou non.
Il m’a ensuite demandé si j’étais content des services présents en gare. Je lui ai répondu que, juste là, j’étais un peu malheureux que mon train ne fut pas présent en gare, puisque la raison de ma présence en gare était que je voulais prendre ledit train pour rentrer à Paris. Mais l’application de la tablette ne proposait la possibilité de dire ça. J’ai insisté : ce que j’attends d’une gare, c’était qu’on puisse y prendre son train.
Mais il n’y avait pas la possibilité d’écrire ça.
En fait, ce qu’on voulait me faire dire, je l’ai vite compris, c’était que je rêvais qu’on installe dans la gare une boutique de vêtements, une gaufrerie, une boutique de chaussures, enfin toute espèce de commerce sans rapport avec le fait de prendre son train.
« — Écoutez, ce que j’attends d’une gare, c’est de pouvoir prendre mon train dans de bonnes conditions et d’être correctement informé.
— Ah. On va devoir s’arrêter là, alors. »
Et il m’a laissé.
Le questionnaire ne prévoyait pas qu’on puisse venir dans une gare juste pour prendre son train. Ou plutôt, ce n’est pas ce que les concepteurs de l’enquête ont envie d’entendre.