J’ai compté les jours : quarante-huit.
Et puis voilà, oui, je suis revenu sur Twitter. Ne serait-ce que pour arrêter d’y penser et redevenir un peu efficace dans mon travail.
Bon ben voilà, quoi.
Oui, je n’ai rien à raconter, du coup.
J’ai compté les jours : quarante-huit.
Et puis voilà, oui, je suis revenu sur Twitter. Ne serait-ce que pour arrêter d’y penser et redevenir un peu efficace dans mon travail.
Bon ben voilà, quoi.
Oui, je n’ai rien à raconter, du coup.
Grâce à Archive.org, je retrouve avec plaisir un site que j’ai créé avec Nathalie en 1998, c’est à dire il y a seize-dix-sept ans, qui était intitulé La page de l’image numérique et des scanners. Il a été hébergé sur Mygale, Multimania, Altern et le serveur Arpla, à l’Université Paris 8. L’archive conservée ne contient pas toutes les images, car certaines se trouvaient sur un autre serveur que les pages HTML : à l’époque, l’espace disponible sur les serveurs était compté et il fallait trouver des astuces.
Au départ, ce site était un comparatif de scanners : les internautes étaient incités à nous envoyer des scans de timbres ordinaires, qui permettaient de comparer la précision optique mais aussi la qualité des rouges, qui différaient à l’époque beaucoup d’un scanner à un autre. Le protocole n’était pas très scientifique mais le résultat n’était pas dénué de sens pour autant.
Peu a peu, le projet a évolué et est devenu un véritable cours : comment fonctionnent les scanners ? Qu’est-ce que la résolution ? Le pixel ? Comment travaille-t-on les niveaux d’une image numérique ? L’interface du site, dessinée au pixel près, s’inspirait de celle du logiciel Photoshop.
Ce site a eu du succès, en son temps. Un grand éditeur informatique, Eyrolles, m’a même contacté avec pour projet d’en tirer un livre, mais j’ai oublié de me rendre au rendez-vous que l’on m’avait donné et, trop embarrassé (et quelque peu irresponsable), j’ai aggravé mon cas en n’osant jamais recontacter la personne qui m’avait attendu en vain, pas même pour lui demander de m’excuser.
Cette semaine, en guise de carte de vœux, Sncf-voyages fait chanter des tweets en rapport avec le voyage par la chorale des petits chanteurs d’Asnières. On aurait pu imaginer une version plus pêchue avec les tweets qui sont envoyés accompagnés de mots-clés comme #retardSNCF ou #greveSNCF, parions que des parodies viendront assez rapidement.
À l’image, les gamins sont habillés et peignés à la mode des années 1950, ou plutôt, d’années 1950 fantasmées, rendues propres et colorées, dans la veine de l’adaptation au cinéma du « Petit Nicolas » de Goscinny et Sempé — Sempé qui, m’a-t-on dit, considère avec déplaisir cette transposition qui range du côté de la nostalgie une œuvre qui voulait juste parler du quotidien et de l’enfance.
À propos de nostalgie, quand j’étais gamin, la chorale des petits chanteurs d’Asnières s’appelait Les Poppys :
Dans la veine « pop » de l’époque, où le christianisme n’était pas associé au nationalisme identitaire ou à la manif dite « pour tous », mais souvent au rêve d’un Jésus plus ou moins hippie, progressiste et tolérant, ils chantaient sur la guerre, la paix, le racisme, l’écologie, l’éducation sexuelle, mais aussi sur des sujets sans potentiel politique particulier. La musique, inspirée notamment de la comédie musicale « Hair » (dont les Poppys ont repris le titre Let the sunshine in), mais aussi des Temptations, était contemporaine et énergique. Et c’était bien.
Sur le toit du cinéma Étoile Lilas, un peu avant Noël, on m’a invité à la première projection du long-métrage Solange et les vivants, car je fais partie de ceux qui ont donné quelques euros pour permettre au film d’exister.
Je bois du vin chaud et je mange des bretzels, je ne parle à personne. D’autres, comme moi, ne savent pas à qui parler. Parmi tous ces gens il s’en trouve sûrement que j’ai fréquenté sur Twitter.
À Champlan, dans l’Essonne, le maire refuse l’inhumation d’un nourrisson sur le territoire de la commune qu’il administre : l’enfant, une petite fille, a pourtant vécu sa courte existence, avec sa famille, dans un campement rrom de la ville.
La raison officiellement invoquée est que les concessions du cimetière de Champlan sont accordées à un prix symbolique, alors la priorité de leur attribution doit aller aux gens qui s’acquittent de leurs impôts locaux. Je me demande si c’est une illustration de l’adage : « si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » ou s’il s’agit juste de cet autre « on ne prête (donne) qu’aux riches ».
Christian Leclerc, maire divers droite de Champlan, craint-il que ses administrés décédés plus respectables soient dérangés par l’accordéon de la petite Maria Francesca ? Veut-il éviter à ses morts de devoir éternellement surveiller si l’enfant n’est pas en train de leur faire les poches ?
La question que je me pose, c’est surtout de savoir si mépriser les morts des uns permet d’être réélu par les autres. J’ai un peu peur de la réponse, mais on peut avoir de bonnes surprises, et la ville qui accueillera la minuscule dépouille de la fillette a un maire UMP, parti qui n’est pas réputé pour sa tendresse envers les rroms.
J’ai quitté Twitter il y a un mois et demie seulement mais ça me semble un siècle. Passés trente jours, les comptes supprimés sont effacés définitivement, mais je n’arrive pas à m’y résoudre et je réactive puis désactive le mien régulièrement. Depuis quelques jours, je m’amuse même à réactiver mon compte, poster une image, puis repartir comme un voleur, comme un fantôme. Quelques un me voient, même à deux heures du matin. Ils me saluent, me croient revenu, puis sont aussitôt déçus : à peine aperçu le nom auquel ils répondent n’existe déjà plus.
J’imagine qu’on se dirige vers le moment où je vais céder à mon envie de revenir, mais voilà : est-ce que ça aura le même goût ?
Thomas Piketty refuse la Légion d’honneur, et il a bien raison.
Si l’on se trouve être une célébrité locale qui a œuvré pendant des décennies dans le domaine associatif, qu’on a rendu un service public (culture, social,…) par pure passion, alors les médailles, les saluts et les célébrations sont appropriées, l’État est dans son rôle. De nombreuses personnes reçoivent la Légion d’Honneur pour ce genre de raisons, mais les médias n’ont font pas leurs gros titres : madame rien-du-tout qui, pendant cinquante ans, a tenu le ciné-club d’un petit bled du Lot-et-Garonne, ça ne parlera qu’à la presse locale.
Lorsque l’État donne des médailles à Thomas Piketty, Mimie Mathy, Henry Proglio et Christophe, dont aucun n’a besoin de reconnaissance symbolique, puisqu’ils en disposent déjà, on comprend que c’est l’État qui a besoin des médaillés, ils deviennent un produit d’appel pour la Légion d’honneur, c’est en associant leur célébrité à la rosette qu’ils lui donnent sa valeur. Et plus embêtant encore, les « promotions » annuelles sont souvent le mariage de la carpe et du lapin, distinguant pèle-mêle des gens très bien et d’autres bien moins fréquentables : un industriel connu pour ses plans sociaux ; un politicien qui aurait plutôt fait de la prison pour corruption si la justice s’en était souciée ; un artiste dont le succès est notoirement inversement proportionnel au talent ; etc.
Accepter la médaille revient forcément à admettre d’être placé au même niveau que des gens dont on désapprouve la carrière, voire à un niveau inférieur, puisqu’il y a des grades. On peut refuser aussi par vanité, j’imagine, pour s’associer à la tradition de tous ceux qui ont refusé avant soi, parmi lesquels on trouve des gens au talent et aux mérites parfois considérables. Je me demande si c’est un luxe de célébrité : est-ce que des gens sans notoriétés refusent eux aussi ?
Monique Pinçon-Charlot, annoncée dans la promotion 2015, aurait en tout cas tort de refuser sa Légion d’Honneur : dans le milieu sur lequel cette sociologue enquête — le « grand monde » —, les distinctions de ce type peuvent être un sésame, même si, comme le savent bien les gens qui sont dans le Bottin Mondain, seule la Légion d’Honneur militaire compte vraiment, et seule la médaille du mérite agricole est effectivement difficile à obtenir.