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Filles nues

Des activistes féministes qui exposent leur poitrine comme symbole d’un corps assumé et sans entraves s’inscrivent dans une certaine tradition et véhiculent une symbolique qui ne peut-être que positive ; douceur, amour, maternité, fragilité, nature, et bien entendu séduction,… Et puis, comme l’a dit Louis Scuternaire, « Les femmes nues n’ont jamais fait de mal à personne ».
Par ailleurs, on ne me soupçonnera pas de complaisance envers les religions, je n’en respecte aucune — mais je respecte, malgré tout, finalement (ce n’est pas mon premier réflexe, je l’avoue), les croyants, car il me semble que leur foi ne relève pas réellement d’un libre-choix, elle semble irrésistible à ceux qui en sont victimes, ils éprouvent un besoin vital de croire, comme on peut devenir tabagique ou alcoolique.

La première fois que j’ai entendu parler des Femen, féministes et anti-religieuses, ma sympathie leur était acquise d’office. Mais à chaque nouvelle apparition depuis leur acclimatation parisienne, je comprends moins la manière dont elles fonctionnent : quelle que soit la cause défendue (il y en a beaucoup), le but final semble être d’obtenir des photographies où l’on voit de très jolies filles topless se faisant frapper par des hommes. Cette semaine, elles sont venues devant la Grande Mosquée de Paris brûler un drapeau orné de la profession de foi de l’Islam, que les médias ont un peu vite qualifié de « salafiste ». Je n’ai pas vu de vidéo de l’évènement, donc j’ignore dans quel ordre exact s’est déroulée l’action, mais les photos prises constituent une séquence un peu burlesque :

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…Deux vigiles de la Mosquée tentent d’empêcher l’action, et l’un, qui n’est visiblement pas tout jeune, tente de chasser les jeunes femmes à coup de cageots et de bouteilles en plastique, avant d’envoyer un coup de pied aux fesses à l’une d’elles, coup de pied qui deviendra l’événement Femen de la semaine pour plusieurs médias. Si des jeunes femmes étaient venues, seins nus, brûler un drapeau rasta devant l’entrée de Disneyland, je pense que des vigiles auraient également tenté de l’empêcher, sans arrières-pensées politiques ou religieuses, mais pas forcément avec moins de vigueur. L’action était cette fois destinée à soutenir la jeune Femen tunisienne Amina qu’on dit être à demi-séquestrée par sa famille depuis ses prises de position contre le contrôle de son corps par la morale religieuse.
La cause est juste, peut-être urgente, mais que prouve cette action ? Pourquoi choisir la Grande Mosquée de Paris, qui a plutôt la réputation de promouvoir un islam intégré à la société française et dont le recteur est souvent critiqué par les défenseurs de l’islam « fondamentaliste » ? On sent que ce qui compte, c’est moins d’être juste que de produire des images irrésistibles pour les médias, des images où des mondes apparemment incompatibles se télescopent avec une petite dose de violence. Et tant pis pour la subtilité.

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Dans « Monty Python : Meaning of life » (1983). Arthur Jarrett, condamné à mort pour le crime au premier degré d’avoir mis des plaisanteries sexistes gratuites dans un film, a choisi les conditions de son exécution : il est poursuivi par des jeunes femmes presque nues jusqu’au bord d’une falaise d’où il fait une chute qui l’amène directement dans sa tombe, autour de laquelle sont rassemblés ses proches, prêts à le pleurer. J’ai hésité à placer cette séquence dans l’article hier mais je l’ai finalement fait, car elle est drôle.

Jouer des médias et de leurs faiblesses, pourquoi pas : on n’y a pas toujours accès autrement. Mais je trouve malgré tout le résultat irresponsable, au sens où les images qui restent de chacun de ces happenings font moins réfléchir que réagir : on doit être pour, ou bien contre, ami ou ennemi, on n’est pas censé avoir le droit de débattre, ni d’étudier les points de vue des uns et des autres, ni réfléchir aux moyens employés, il faut accepter ou refuser, y compris quand les causes défendues, comme l’abolition de la prostitution ou de la pornographie, sont extrêmement complexes.
Je comprends la sympathie qu’on peut éprouver pour les Femen mais j’espère que, à présent qu’elles ont été vues et revues, leur façon de s’attaquer à telle ou telle grande cause se fera un peu moins dans l’affrontement et un peu plus dans la réflexion et même, le dialogue.