Quand Jacques Faizant est mort, Jean Plantu a repris le flambeau du dessin gauchistophobe lourdement allégorique — à ceci près qu’il prend le parti de Hollande dans Le Monde et non celui de Chirac dans le Figaro. La frontière est mince. Partant sans doute, comme toujours, d’un bon sentiment, Plantu nous a infligé hier un dessin qui en fait bondir plus d’un. J’espère qu’il ne cherchait pas à rendre un hommage à « l’esprit Charlie »…
Je dois dire que je trouve ce dessin passionnant à étudier, parce qu’il me met mal à l’aise sans que je comprenne bien pourquoi. Malgré l’outrance et l’absence de finesse du propos, le message pouvait constituer un regard défendable : le monde de la mode et la presse féminine contraignent et maltraitent le corps féminin. Pourquoi pas. Mais ici ça ne passe pas (et je ne suis pas le seul qui soit profondément gêné), alors j’aimerais bien comprendre quels détails rendent l’image problématique.
Car j’ai l’intuition qu’un dessin très proche dans son thème, mais dû à un auteur différent, changerait tout : le trait rondouillard qui s’accommoderait mal d’un propos brutal ? La manière au fond curieuse, peut-être condescendante, de prendre la défense des femmes, passives si ce n’est consentantes de l’oppression qu’elles subissent ? Même avec un propos caricatural et grossier1, le dessin est une affaire fine, et un détail, le regard d’un personnage, peut faire basculer le propos.
Bien entendu, le problème peut justement être en premier lieu lié au fait que le dessinateur soit Plantu, qui est certes énervant quand il se veut gentil et consensuel, mais dont, comme les « mogwaï » du film « Gremlins », on redoute bien plus encore de connaître le vrai visage si d’aventure il buvait après minuit et se montrait violent, grossier, etc.
- Je cite l’ami David Vandermeulen, sur un réseau social : « on traduirait la majorité des cartoons en mots, on arriverait à du populisme consternant ». [↩]
Moi ce dessin me met mal à l’aise et je sais exactement pourquoi :
1 – Viol. Si une représentation de viol ne vous met pas mal à l’aise, posez-vous des questions.
2 – Stigmatisation de l’anorexie, et de la maigreur (qui n’est pas la même chose. L’anorexie est une maladie) : Ce n’est pas plus malin de se moquer des femmes maigres que des femmes grosses.
3 – Assimilation au nazisme et à la Shoah. Point Godwin, tout ça… Je ne crois pas que l’industrie de la mode ait tué 6 millions de personnes ?
Le tiercé gagnant, en somme. C’est bien simple, au début je n’ai pas pu croire que ce soit vraiment un dessin de Plantu. Comment peut-on à ce point devenir sa propre caricature ?