J’aime manger seul au restaurant, et écouter d’une oreille les conversations de mes voisins. Hier, j’étais dans une brasserie du Havre, en attendant l’heure de ma séance de cinéma.
Une femme, la petite soixantaine, pas spécialement jolie mais grassouillette et avenante, dînait avec un couple du même âge, sans doute, mais d’apparence plus fatiguée. Elle parlait de son Jean-Claude, dont elle était à présent veuve, en disant de lui « c’est triste à dire mais il a été inexistant toute sa vie ». Elle reprochait à feu son époux de tout avoir donné à ses employeurs, sans avoir pris de temps pour lui-même et pour sa famille. Elle aurait aimé que sa fille porte son nom de jeune fille à elle : « c’est moi qui l’ai faite », mais à l’époque, rappelle-t-elle, « ça ne se faisait pas ». Elle est heureuse que sa petite fille ait un double patronyme. Je n’ai pas tout compris mais à un moment elle a utilisé le verbe « tilter » pour dire « comprendre ».
« Je veux vivre, m’éclater ! ». Il est clair dans le contexte qu’elle parle de sexe, peut-être même d’un sentiment de retard à rattraper dans le domaine. Son époux n’est sans doute pas mort depuis très longtemps, mais suffisamment pour qu’elle ait désormais envie de passer à une autre phase de sa vie et même, à une meilleure phase. Ses amis ne rebondissent pas directement sur ce qui était peut-être une proposition de partouzage, mais embrayent sur cette considération : ils n’auraient pas envie de vivre centenaires : « c’est beaucoup trop ». Elle, au contraire, s’y verrait bien, et même, c’est ce qu’elle se souhaite, à condition de rester « en bonne santé ».
Ils ont parlé de religion, aussi, enfin d’intrigues de paroissiens.