Je n’ai pas de sympathie pour Dominique Strauss-Kahn mais la joie mauvaise avec laquelle le procès du Carlton de Lille est suivi me met mal à l’aise. Ce n’est pas la première fois que je me dis que, en démocratie, comme dans le show-business, le public ne tolère de subir des élites ou de se créer des idoles que dans la perspective éventuelle d’assister à leur chute : on élit ses futures figures de carnaval, qu’on moquera, battra et brûlera. S’il y a au passage de sordides histoires de sexe, d’argent, ou pourquoi pas des meurtres, c’est du petit-lait.
L’affaire Strauss-Kahn mérite-t-elle objectivement de mobiliser tant de journalistes et de s’étaler en audiences interminables ? Ce que j’en retiens, c’est que des types étaient prêts à participer à des partouzes pour s’approcher du futur président de la République de l’époque… Ils ne se prostituaient pas moins que les femmes qu’ils embauchaient.
Il paraît que dans de nombreux secteurs économiques, les hommes qui font des voyages d’affaire se voient fournir le service de prostituées : ils ne les ont pas forcément réclamées, ils ne les paient pas, mais j’imagine qu’ils connaissent leur statut. La pratique porte des noms de code : « chambre garnie », « lit avec oreiller », et autres métaphores charmantes qui transforment un peu plus ces femmes en objets. Dans le film Soylent Green, les appartements chics sont fournis avec des femmes que l’on nomme furnitures : meubles.
L’affaire du Carlton de Lille pourrait être une belle occasion de parler de cette prostitution du monde des affaires dont certains me disent qu’elle est ordinaire, et qui en dit sans doute très long sur la place des femmes dans le monde de l’entreprise.