José Artur est mort hier. Il était animateur de radio, je le précise puisqu’on ne l’entendait plus beaucoup depuis une voire deux décennies (me semble, mais j’avoue que j’écoute peu la radio).
Pour moi, José Artur, c’est surtout le souvenir d’un de mes premiers enregistrements radiophoniques en direct. J’avais quinze ou seize ans et on m’invitait pour parler de graffiti. Peu de temps avant, j’avais été longuement interviewé pour un reportage de France Culture sur le même sujet, mais on avait le droit de dire des bêtises, de réfléchir, d’hésiter, bien sûr, puisque le résultat était ensuite monté. Je ne sais plus le nom de l’émission de José Artur, mais ça se passait au Fouquet’s, dans un salon privatif à l’étage. La table m’a semblée immense, l’ambiance détendue. Un serveur m’a demandé ce que je voulais boire. Il y avait des bouteilles de plusieurs alcools forts, sans doute aussi des vins apéritifs, et j’ai demandé du Perrier. Je me suis assis au bout de la table. Pendant l’émission, l’animateur m’a demandé de définir ce qu’était un pochoir, j’ai commencé par dire que c’était du carton découpé, et quelqu’un m’a coupé pour me faire remarquer que les pochoirs pouvaient être faits d’autres matériaux. J’ai alors perdu mes moyens, bafouillé, et lu dans les yeux de la table un regard que j’ai longtemps retrouvé ensuite (jusqu’à finir par me détendre, fin du monde oblige) et qui signifiait : « ouille, celui-là, c’est un mauvais client, on ne va plus rien lui demander ». Et je n’ai plus parlé. Je suis sorti de là un peu frustré, bien sûr, mais en ayant l’impression d’avoir posé le pied dans un monde nouveau.