Il est très à la mode de dire « l’Islam est une religion de paix ». Et c’est gentil, mais c’est faux, car il n’existe pas de religion a priori pacifique, et certainement pas parmi celles qui le claironnent. Et s’il en existe quand même, je doute qu’on les trouve parmi les cultes monothéistes, par principe intolérantes à la concurrence des autres et dont le body-count est monstrueux.
En préparant mon livre Les Fins du monde de l’antiquité à nos jours, je suis tombé sur un nombre ahurissant d’histoires de massacres motivés par des religions de paix. En lisant leurs textes fondateurs, en lisant aussi les histoires qui manquent à ces textes mais que reconstituent les historiens et les archéologues, le caractère potentiellement mortifère et totalitaire des religions est assez facile à établir.
Par charité, je préfère ne pas en dire beaucoup plus.
Par charité mais aussi parce que c’est sans doute pour le mieux, car heureusement, les croyants sont généralement beaucoup moins mauvais que leurs religions et bien moins odieux que les divinités qu’ils adorent. En fait, les religions ne façonnent pas les consciences, ou si peu, ce sont les gens qui créent les religions et qui décident la manière de les appliquer, la manière de les comprendre, qui décident ce qu’ils conservent et ce qu’ils laissent.
Parce que la religion est avant tout une manière de ne pas se sentir tout seul, et les rites, une manière de s’imposer une discipline personnelle ou collective.
Parfois, tout de même, la foi dans des livres qu’on lit comme on veut bien les lire sert de prétexte à défouler la pire violence, à piller, asservir, dominer, tuer. Mais on ne peut pas se cacher derrière un livre : ceux qui tuent le font parce qu’ils veulent bien le faire, et certainement pas pour prouver que leur Dieu d’amour est plus légitime que le Dieu d’amour du voisin.
Chacun est responsable de ses actes, et j’ai peur que la religion — parmi d’autres manifestations d’esprit collectif, comme le nationalisme, voire le patriotisme footballistique — soit avant tout un outil pour dédouaner le dévot des horreurs et des erreurs qu’il commet, en l’abritant non pas à l’ombre d’un quelconque dieu, mais derrière le nombre de ceux qui s’en réclament.
Il n’y a pas de religion de paix et d’amour, il n’y a pas non plus de religion de haine et de guerre, il n’y a que ce que les croyants voudront faire faire à leurs dieux1, ce sont eux qui choisissent.
- Henry David Thoreau a écrit : Every people have gods to suit their circumstances. On créé les divinités en fonction de ses besoins. Et j’ajouterais que, une fois la divinités installée, on lui fait dire qu’elle est d’accord avec ce que l’on fait, plutôt que de se mettre en accord avec ce qu’elle est censée avoir commandé. [↩]
A lire, les Petits Dieux de Pratchett qui reprend exactement ce thème avec délices et humour.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Petits_Dieux
En fait, ce que tu dis c’est qu’il est toujours difficile de séparer une religion de sa communauté de fidèles. Il existe néanmoins des communautés hyper-religieuses qui versent dans le pacifisme le plus poussé, par exemple les Huttérites : https://en.wikipedia.org/wiki/Hutterite
@nohjan : je ne connais pas bien les Huttérites, mais ce genre de communautés mennonites/amishs/etc., qui vivent en dehors du monde, sont effectivement totalement pacifistes. En revanche, ceux qui y naissent n’ont pas vraiment la liberté de de vivre autrement que comme la communauté l’a décidé, et ceux qui osent aller voir ailleurs (pas facile, ils parlent des dialectes alémaniques vieux de plusieurs siècles) n’ont en général plus le droit d’avoir de contacts avec leurs familles ! Je préfère les Quakers, plus dans le monde. Mais reste que les anabaptistes, massacrés par les catholiques comme par les protestants dont ils étaient pourtant issus, font partie des plus grandes victimes des religions installées.
L’isolement imposé est une forme de violence pour certain membres, d’ailleurs.
Sinon, le Jainisme est aussi un exemple marrant, surtout en saison des pluies : https://en.wikipedia.org/wiki/Jainism
C’est ce que j’aime bien avec les religions : donne-moi un aspect que tu crois commun à toutes et je te trouverais un contre-exemple.
@nohjan : chaque religion est différente, mais il me semble que les monothéismes (et éventuelles autres religions exclusives) sont souvent tournées vers l’autorité.
J’ai du mal à quantifier des fréquences sur ce sujet. On parle en nombre de religions, en fidèles, en écritures ? C’est trop compliqué et subjectif.
La référence aux « Petits Dieux » de Pratchett me semble pertinente. Je me permets aussi de placer de façon éhontée et tout à fait racoleuse le lien vers une minisérie mienne, les massacres dictés par la religion y sont présents mais pas omniprésent, pourtant c’est vrai qu’il y aurait de quoi…
http://fr.horrorhumanumest.info/
@Cédric Villain : cool, si j’ose dire 🙂
Si tu cherches des sujets, je te conseille le supplice de Fra Dolcino, de sa compagne et de leurs amis…
J’en prends bonne note.