Je me suis amusé à retourner sur les traces de mes graffitis des années 1985-1990 (on peut lire mes souvenirs de cette période sur le site TwilightZoneCrew.com ) en tentant de retrouver les lieux à l’aide de Google Street view. Pas toujours facile, car nombre de ces lieux (abords des voies de chemin de fer par exemple) ne sont de toute façon pas accessibles aux véhicules qui effectuent les captations pour Google.
Mais ce n’est pas tout : de nombreux murs ont tout bonnement disparu. Ce n’est pas illogique puisque nous faisions nos graffitis sur des murs clairement abandonnés, dans des friches industrielles diverses…
Premier graffiti, sur un mur caché de notre collège. On avait découvert à l’occasion que de nuit, nos yeux ne distinguent plus vraiment les couleurs. Heureusement, nous n’avions que quelques bombes.
On ne peut voir ce mur depuis la rue, ou du moins pas sans approcher des grilles. Le collège a été entièrement refait depuis.
Rue Leblanc, vers Ballard, se trouvait un mur immense appartenant à la SNCF, qu’investissait le vétéran Epsylon Point. Il avait vingt ans de plus que nous et nous avait un peu pris sous son aile. On peignait en plein jour, sans aucun problème. Le voisinage trouvait cela plutôt sympathique. Aujourd’hui, le mur a semble-t-il été remplacé par un espace végétalisé.
En Angleterre à Farnborough j’avais repéré un parc au fond duquel se trouvaient quelques graffitis, mais qui n’était pas encore totalement investi. De nuit, l’endroit était désert. Je m’y suis rendu avec quelques bombes et j’y ai fait mon premier graffiti. Le lendemain, je suis venu le photographier, et je suis tombé sur une bande rivale. Après un petit moment stressant, on s’est bien entendus et on est restés amis depuis. Je leur ai proposé d’intégrer mon « posse », le Twilight Zone Crew, ce qu’ils ont accepté avec enthousiasme. Régulièrement nous nous envoyions des lettres avec les photos de nos dernières réalisations.
Le parc existe toujours, mais il n’y a plus de graffitis.
Un autre graffiti réalisé avec Won, Risk, Fred, et Epsylon Point, toujours dans son quartier. Des policiers s’étaient arrêtés pour vérifier ce que nous faisions, ils nous ont demandé si nous avions le droit de peindre ici, nous avons répondu que oui et ils sont repartis.
C’était comme ça, en 1986.
Le mur était bien moche, et derrière se trouvait une énorme friche industrielle qui servait de décor à des clips ou à des films tels que I Love You, par Marco Ferreri. Tout ça a disparu depuis longtemps, remplacé par le Parc André Citroën et par des habitations. Je serais bien incapable de déterminer l’endroit exact.
La rue Watt était un autre décor parisien assez formidable, du moins pour la partie qui passait sous les voies de chemin de fer, qui a inspiré des photographes, des cinéastes, ou encore Jacques Tardi.
Passée le tunnel se trouvait l’immense entrepôt Vichy-État qui lui aussi servait souvent de décor à des tournages. Je l’avais découvert en enregistrant l’émission des Enfants du Rock consacrée à la scène punk parisienne et intitulée Le dernier pogo à Paris, en 1986.
Aujourd’hui, la rue Watt existe toujours mais je serais bien incapable de reconnaître quoi que ce soit. L’entrepôt n’existe plus.
Dès 1984, un ami qui prenait cette ligne de métro m’a appris qu’entre les stations aériennes Stalingrad et la Chapelle, on pouvait voir un immense terrain vague au fond duquel se trouvait un très beau graffiti. Pendant cinq ans je suis allé y prendre régulièrement des photos du boulot de gens qui me semblaient très forts : Saho, Skki, Bando, Scipion… J’ai rarement osé engager la conversation.
Un jour, tout de même, je suis allé avec mes amis anglais et mon groupe parisien pour peindre un mur. Il n’est pas resté très longtemps, et a vite été recouvert d’inscriptions du genre « Anglais go home ». Au moins avons-nous quelques heures appartenu à la légende de ce lieu fondamental de l’histoire du Hip-hop français.
Un de mes tout derniers graffitis, à Auribeau-sur-Siagne en 1988, avec Bobo, Banga, Kay et Megaton. Le maire de l’époque (qui l’est toujours, apparemment) nous avait commandé une énorme fresque. Le conseil municipal avait décidé que nous devrions peindre Astérix, mais a vite déchanté en apprenant le tarif demandé par Uderzo : 10 000 francs (1 500 euros) le mètre carré. On nous a alors proposé une thématique « Livre de la jungle » version Disney, mais le tarif était le même. Finalement, le thème a été la préhistoire, et tant mieux car nous voulions peindre, pas recopier les dessins d’autres personnes.
En 1989, je préparais les Beaux-Arts de Paris. J’allais avec Bobo, Fred et Banga peindre les quais de la gare désaffectée Passy-la-Muette, sur la petite ceinture. La gare elle-même semble être devenue un restaurant, mais j’ignore s’il y a toujours des graffitis derrière.
Mais la rue Watt n’existe plus, et depuis longtemps. Du moins la partie mythique, qui a en effet servi de décor à tant de films noirs, comme Le Doulos de Jean-Pierre Melville, avec ses colonnes de fonte et le petit passage surélevé auquel on accédait par un escalier. Tout ça a disparu lorsque les voies ferrées ont été refaites pour accueillir des TGV.
Sinon, tu confonds : le parc Georges Brassens est rue de Dantzig, et a pris la place des abattoirs de Vaugirard. Rue Saint-Charles, on trouvait les usines, et donc le parc, Citroën.
@Denys : Parc Citroën, au temps pour moi ! Corrigé. Je ne suis pas allé là-bas (ni rue Watt) depuis genre trente ans !
J’ai recemment vu la bande annonce d’une application VR que je vous recommande.
Kingspray graffiti VR avec le casque de realite virtuel Occulus Quest :
https://youtu.be/KYBaJyqEuPY
Mais du coup les traces de peinture qu’on aperçoit sur l’image Google Street View à Auribeau-sur-Siagne, c’est l’ultime reste de la fresque ou bien ?
@Pascal : je pense, oui.