Lorsqu’il a fallu nommer le nouveau théâtre de ma ville, les habitants ont fait leurs suggestions. Le nom le plus populaire a été celui d’un chanteur vivant : Michel Delpech, natif de la ville.
Ce n’est pas ce qui a été finalement retenu, mais le chanteur de Wight is Wight, pas rancunier pour un sou (mais correctement rémunéré, m’a-t-on dit) est tout de même venu donner un concert dans notre théâtre — je me demande même si ce n’est pas lui qui a inauguré la salle. Si son nom n’avait pas été retenu, c’est notamment parce qu’entre temps il avait été constaté que le chanteur de Pour un flirt avec toi n’était absolument pas natif de la ville. Il semble qu’il y ait vécu quelques années de son adolescence, et que ça ait suffi à faire de lui un citoyen d’honneur semi-légendaire que tout le monde se vantait d’avoir presque eu comme camarade de classe dans tel ou tel établissement scolaire de la ville.
Je me demande si beaucoup de villes françaises se considèrent elles aussi un peu propriétaires de Michel Delpech. Je me demande dans combien d’endroit il a été invité à donner des concerts parce que la population se sentait liée à lui. J’aimerais bien écrire l’histoire d’une ancienne célébrité de la chanson dont le business-model aurait consisté à faire croire aux gens qu’il a vécu parmi eux et que s’ils ne l’ont pas personnellement connu, ils l’auraient pu.

Dans sa chanson Inventaire 66, Delpech raconte tout ce qui se passait à l’époque, et terminait de manière comique chaque couplet par ce qui ne changeait pas : « Et toujours… le même président ». Quand j’étais enfant, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, j’avais la même impression en regardant la télévision : toujours les mêmes chanteurs. Chaque jour à midi chez Danièle Gilbert, chaque samedi soir dans Numéro 1, on subissait Claude François, Sylvie Vartan, Michel Sardou, Mireille Mathieu, Joe Dassin,… etc., etc., et bien sûr, Michel Delpech. Tous ces chanteurs de variété ont quasiment disparu du jour au lendemain avec l’arrivée des radios privées et du Top 50, qui nous faisaient entendre ce que nous écoutions vraiment, et pas ce que la télévision et la radio publiques jugeaient bon pour nos oreilles. Dans mon paysage musical personnel, Michel Delpech est resté associé à ces chanteurs de variété que nous avions vu disparaître du paysage audiovisuel avec un certain soulagement, comme le génération Michel Delpech s’était sans doute sentie victorieuse en voyant le Général De Gaulle abandonner le pouvoir.
De temps en temps, à présent, je réécoute Michel Delpech, ou plutôt, je l’écoute, car beaucoup de ses chansons m’étaient plus ou moins inconnues. Les deux titres qui m’avaient marqué, jusqu’ici, étaient Le Loir et Cher et Pour un flirt avec toi, que je n’aimais pas et que je n’aime pas plus à présent. Mais je comprends à présent ce que sa voix, sa bonne tête et ses ritournelles ont de plaisant. Pour aucune raison explicable, j’aime particulièrement Le Chasseur, et je ne déteste pas des tubes tels que Que Marianne était jolie, Wight is Wight et Quand j’étais Chanteur.
C’est terrible de te voir sombrer comme ça…
je comprends à présent ce que sa voix, sa bonne tête et ses ritournelles ont de plaisant.
Mais ressaisis-toi avant qu’il soit trop tard, bon sang !
@wood ça s’appelle vieillir. C’est parfaitement normal.
Note que je n’en suis pas encore à trouver des qualités à Michel Sardou.
Merci Jean-No, je découvre de tes expériences ce personnage évidemment très important à la culture française.