Archives mensuelles : août 2018

Le fils débauché

Acte de notaire concernant Daniel de Marcillac, lointain ancêtre du XVIIe siècle.
Un vrai roman !

1621 Fèvre, notaire royal à Angoulême Plainte portée par Daniel de Marcillac, naguère conseiller élu pour le Roi en l’élection d’Angoulême, et dame Marie de Montalembert, sa femme, contre Jean de Marcillac (alias Demarcillac), leur fils, lequel, sept ans auparavant, agé alors de seize ans, s’étant allé promener à Montignac-Charente, distant d’Angoulême de trois grandes lieues, « y auroit pris congnoissance et familiarité avec la nommée Jeanne Rousseau, pauvre femme « nécessitée, agée de trante-cinq à quarante ans, faisant « du pain et des patetz d’anguille, qu’elle porte d’ordinaire aux foires et marchés des lieux circonvoizins du dit Montignac, pour vendre, afin de subvenyr à ses nécessités; par le moyen de laquelle fréquantation, celle Rousseau, par ses apas pipeux, auroit tellement « pratiqué, céduit et desbauché ledit Jehan Demarcillac à « l’espouzer, afin de mieux et avec plus de liberté continuer la jouissance dudit Jehan, qui est un pur et punissable rapt. De quoy adverty, ledit Daniel de Marcillac « se seroit acheminé audit lieu de Montignac, aconpagné « de ces amis, afin de asaizir son dit ûlz et empeseher tel « malheur et honte en sa famille; de quoy ladite Rousseau advertie, auroit fait esvader ledit Jehan, et tous « deux ensamble se seroient cachés par les bledz, qui estoient pour lhors grands, en sorte que ledit plaignant, ses parans et amis, ne l’auroient peu rancontrer. Et prévoyant icelle Rousseau qu’il ne ce trouveroit point de prêtre proche dudit Montignad qui les voulust espouzer, à heure indue, sans y aporter et observer les formes requizes, atandu mesme le bas age dudit Jehan Demarcillac, qui n’avoit encore seize ans acomplis, et le peu d’honneur et mizérable condition et extraction de ladite Rousseau, auroit icelle Rousseau mené et conduit ledit Jehan Demarcillac à la coumanderie de Vouton, près la ville de Montberon , distant dudit Montignac de cinq ou six lieues, où ilz auroient esté espouzés… par un prestre soy disant avoir prévillêge spécial audit lieu, ancores qu’il n’y eust aucuns parans dudit Jehan présans pour autorizer et consantir ledit mariage; depuis lequel temps ledit Jehan, à l’instigation de ladite Rousseau, a exercé à l’encontre de ses dits pêre et mère une infinité de cruaultês plus que barbares, jusques à poursuivre ledit plaignant, son pêre, l’espée à la main, prês sa maison du Petit-Vouillac… se « tenant… nuit et jour autour d’icelle pour y entrer, afin « de leur méfaire et prandre leurs chevaux et jumans; « et auroit à diférens fois poursuivy ses petits frères, ausquelz il auroit hostê à plusieurs fois leur manteau, de sorte que lesdits plaignans, puis ledit temps de sept ans à tout le moins, jusques en l’année 1620 [au« roient été] sans ozer que bien peu sortir de leur maison, ni leurs petitz enfants et serviteurs… Après toutes lesquelles cruaultês, au mois d’avril de ladite année 1620, icelluy Jehan se seroit retiré en la maison du sieur de Marchequinan, son cousin, par lequel il auroit fait porter parolle audit plaignant, son père, qu’il estoit grandement desplaizant de ses faultes, et désiroit que, â cause des piperies de ladite Rousseau… il fût fait poursuitte de faire déclarer son prétandu mariage clandestin et nul, supliant sondit pêre le secourir de quelques moyens pour aller servir le Roy… à quoy obtempérant, ledit Demarcillac plaignant luy auroit fait fournir argent… et s’en seroit allé. en la ville de Mais (Metz?), soubz la compaignèe de M. do Réal, où ayant demeuré quelque temps, icelluy Jehan, au mandement de ladite Rousseau… ce seroit encore retiré par devers elle et continué les mesmes viollances a l’encontre de sesdits père et mêre que cy-devant, et continuant de mal en pis, se seroit acheminé en la ville de La Rochelle pour porter les armes contre le service du Roy… C’est pourquoy lesdits Demarcillac et De montalembert… désirans, à cause de telles faultes par trop énormes, exéréder et frustrer ledit Jehan Demarcillac de tous leurs biens, ce qu’il n’a fait sans le consantement de ladite Rousseau, dézireuse de l’expozer à toute sorte de suplice, pour avoir du bien, etc.. » (2 octobre).

Je note quelques mots fleurs, comme « circonvoizin », « apas pipeux » et « bledz » (blés).