Camille sur son lit de mort (Claude Monet, 1879)

Camille Doncieux (1847-1879), l’épouse de Claude Monet, a posé pour une quarantaine de peintures de son époux, dont elle était modèle, muse et amante, puis, en 1870, épouse légitime. Ensemble ils ont eu deux enfants, mais cinq ans après leur mariage, Camille a appris qu’elle avait un cancer du col de l’utérus, qui lui a été fatal, alors qu’elle n’était âgée que de trente-deux ans.

Monet, fasciné par les couleurs, a alors exécuté un dernier portrait de son épouse, le visage recouvert du voile de tulle qu’elle portait lors de ses noces. Il a confié à Georges Clémenceau avoir fait cette toile, mais semble en avoir eu un peu honte car il ne l’a montrée à personne de son vivant. Sa nouvelle épouse, Alice Hoschedé, morbidement jalouse de Camille, a fait brûler toutes les lettres et les photographies de sa rivale décédée, mais le tableau a échappé à ce sort.
Après la mort de Camille, les figures humaines ont à peu près disparu de la peinture de Monet.

voir aussi : l’agonie de Valentine Godé-Darel (série de Ferdinand Hodler)

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Le mell benniguet

En breton, mell signifie boule, et mel, avec un seul « l », maillet.
Le mell benniguet, qui signifie donc boule bénie est souvent traduit par maillet béni, ce qui n’est pas absurde puisque l’objet semble aussi avoir existé sous la forme d’un marteau (en Angleterre, on connaît un objet similaire, le holy mawle, donc le maillet béni) mais qui a été l’occasion d’un contresens à l’époque romantique — période qui s’est délectée des récits horrifiques de coutumes éloignées dans le temps ou l’espace (païennes, préhistoriques, médiévales, orientales,…), avérées, exagérées ou complètement inventées.
En effet, en s’appuyant sur des descriptions fournies par les Romains — eux aussi toujours prompts à s’offusquer de la sauvagerie des peuples qu’ils envahissaient —, on a longtemps cru que cet objet servait à fracasser le crâne des agonisants afin d’abréger leurs souffrances ou de se débarrasser des vieillards encombrants. On a même parlé de massue sacrée (Cayot-Delandre, 1847).

Le mell benniget de la chapelle Saint-Meldéoc de Locmeltro, photo par Henri Moreau (Wikipédia)

Cet objet lourd de deux, trois, voire kilos, en granite ou en dolérite (on parle parfois aussi de men benniguet, c’est à dire pierre bénie), utilisé depuis l’époque celtique, très rare et désormais conservé par des particuliers ou des églises du Morbihan, était semble-t-il emprunté à ses propriétaires pour être posé sur le front des agonisants, ou leur était donné à baiser. Il ne s’agissait donc sans doute pas de les tuer mais sans doute juste favoriser leur passage depuis le monde des vivants vers l’au-delà. De tels rituels semblent avoir existé avec d’autres objets eux aussi en pierre, comme des haches, dès le Néolithique et jusqu’au XIXe siècle.

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Lanterne des morts

Les « lanternes des morts » ont été construites dans des cimetières aux XIIe et XIIIe siècles, dans une zone qui correspond plus ou moins à l’aire du Dûché d’Aquitaine au Xe siècle, lequel couvre approximativement treize départements actuels du centre-Ouest de la France : Allier, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Creuse, Dordogne, Indre, Loire, Lot, Puy-de-Dôme, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne et Haute-Vienne.

Rochecorbon, Saint-Agnant-de-Versillat, Goussaud et Saumur

Rochecorbon, Saint-Agnant-de-Versillat, Goussaud et Saumur.

On ignore les raisons de cette concentration  géographique (qui a quelques exceptions ponctuelles : Guégon dans le Morbihan, Farschviller en Moselle, Avioth dans la Meuse, Bisley en Angleterre, et plusieurs villes allemandes) comme on ignore à quoi servaient ces constructions : enseignes signalant le cimetière, phare permettant aux égarés de s’orienter, flammes symboliques, moyen de retenir les esprits de quitter leurs tombes et les ténèbres, de les apaiser ou simplement de veiller sur eux…
La pratique consistant à entourer les tombes de bougies remonte au moins à l’antiquité et les « lanternes des morts » ne sont peut-être qu’une extension de cette tradition. Le sujet ne fait en tout cas pas consensus.

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La lanterne des morts de Sarlat, érigée au retour de croisade de Bernard de Clairvaux, en 1147.

Ces petits édifices maçonnés ont parfois une forme de minaret (à Vergèze, à Carlux et à Sarlat-la-Canéda, on parle aussi de « cheminées de Sarrazins » et/ou de « lanternes des Maures » — rappelons que l’époque des croisades se situe entre le XIe et le XIIIe siècle) mais la plupart sont surplombés d’une croix chrétienne.
Certains avancent que leur origine pourrait être druidique.

Lanternes des morts de Château-Larcher, Brigueuil, Cellefrouin et Pranzac

Lanternes des morts de Château-Larcher, Brigueuil, Cellefrouin et Pranzac.

Il s’agit de tours (une ou plusieurs colonnes rondes ou polygonales) en haut desquelles se trouve un pavillon destiné à accueillir une lampe. Leur taille varie, certaines dépassent à peine la hauteur d’un homme (c’est typiquement le cas des Totenleuche que l’on trouve en Allemagne et en Autriche), mais d’autres sont des édifices bien plus imposants, comme la lanterne des morts de Saint-Pierre d’Oléron, qui mesure 23 mètres de haut. Les plus hauts disposent d’un système de poulie permettant de hisser la lampe.

 Saint-Pierre-d'Oléron, Oradour-Saint-Genest, Cognac-la-forêt, Coussac-Bonneval et Fontevraud-l'Abbaye.

Saint-Pierre-d’Oléron, Oradour-Saint-Genest, Cognac-la-forêt, Coussac-Bonneval et Fontevraud-l’Abbaye.

Les photographies sont issues de la catégorie Lanterns of the Dead in France du site Wikimedia Commons.

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Que voulez-vous que votre corps devienne après votre mort ?

Une intéressante conférence TEDx qui recoupe certains questionnements du présent blog :

Le conférencier est John Troyer, du Centre for Death and Society de l’université de Bath, en Grande-Bretagne.

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Actualité de la vie après la mort

Deux événements médiatiques à peu près simultanés liés à la vie après la mort, qui m’ont donné envie de pondre ce billet :

« Il y a bien une vie après la mort ! »

La presse n’y va pas avec le dos de la cuiller, parfois : Il y aurait bien une vie après la mort selon des chercheurs (La Dépêche) ; Il y aurait bien une vie après la mort (20 Minutes) ; et encore plus péremptoire : Il y a bien une vie après la mort ! (Le Point).

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Les articles dont je viens de reproduire les titres concernent en fait les recherches que mène depuis plus de dix ans le docteur Sam Parnia à l’Université de Southampton, et notamment une étude récente de grande envergure, puisqu’elle porte sur 2060 patients ayant frôlé la mort. L’hypothèse de ce chercheur spécialisée dans les Near Death Experiences (expériences de mort imminente) est que la conscience et même la perception peuvent se séparer du corps. Pendant des années, sans grand résultat, il a par exemple disposé des messages cachés en hauteur dans des salles d’opération pour que les patients inconscients disent si ils étaient parvenus à les lire1. On sait par les rites funéraires et les mythologies que l’idée que la conscience puisse se séparer du corps est assez ancienne et il est exact que les gens qui frôlent la mort racontent souvent avoir perçu les mêmes visions ou, selon l’hypothèse la plus plausible, expérimenté les mêmes hallucinations. L’étude ne dit d’ailleurs rien de surprenant dans ce domaine : 40% des gens qui ont vécu un arrêt cardiaque ont ressenti une « sensation étrange de conscience » alors que leur cerveau n’était plus irrigué, 2% affirment avoir été conscients du début à la fin de leur coma, et parmi eux un homme est effectivement parvenu à décrire les soins dont il avait fait l’objet et les appareils qui l’entouraient alors qu’il était théoriquement totalement inconscient.
Le problème des titres proposés par la presse française, c’est qu’ils parlent de la « vie après la mort »… De personnes qui ne sont pas mortes. Lourd biais scientifique, diront certains, mais pas forcément Sam Parnia, qui veut redéfinir la notion de mort, qui n’est à son avis pas forcément un état permanent.

Mort pour expérimenter la résurrection

Au Pakistan, Muhammad Sabir, un « pir »2 soufi, était connu depuis des années pour ses miracles à Mubarakbad, village de la région de Bahawalnagar. Il sacrifiait notamment des animaux afin de protéger les villageois de la magie noire.

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Il y a quelques semaines, il a affirmé pouvoir ressusciter un mort, mais pour le prouver, il lui fallait un mort « frais ». Il a cherché un volontaire qui accepterait de mourir pour revivre, en posant comme condition que cette personne devrait impérativement être un homme marié et ayant des enfants. Muhammad Niaz, travailleur saisonnier père de six enfants s’est proposé. Attaché, il s’est fait trancher la gorge par le saint homme, et est mort, exactement comme prévu. Le soufi a alors prononcé des incantations pour faire revivre son disciple, mais il a finalement été forcé de constater que le miracle n’aurait pas lieu, et a aussitôt tenté de prendre la fuite. Les villageois l’ont retenu jusqu’à l’arrivée de la police, même si la propre sœur de sa victime, elle aussi disciple du soufi, se dit aujourd’hui persuadée que son frère ira au paradis et sera récompensé pour son sacrifice, et pense que le « saint homme » devrait être libéré de la prison où on l’a enfermé3.

  1. Il existe une nouvelle désopilante de Greg Egan sur le sujet, dans le recueil Axiomatique, intitulée Le Point de vue du plafond. []
  2. Dans le soufisme, l’appellation Pir, ou Peer, signifie littéralement « vieillard », mais on la traduit souvent par « saint homme ». []
  3. Source : The Express Tribune, 18 septembre 2014. []
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Bilan du Workshop

Le présent blog est né pour soutenir un « workshop » (atelier intensif) consacré au thème la mort, à l’école d’art Rouen/Le Havre. Trente-deux étudiants y ont participé.

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J’ai rédigé un bilan de ces quatre jours de travail sur mon blog principal.

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Gisants et transis

Les gisants sont des statues mortuaires qui représentent typiquement le défunt, généralement couché sur le dos en position de prière, ou tenant un sceptre, ou encore en attitude de repos. On en recense cinq-cent quarante trois dans les édifices religieux Français entre le XIe siècle (qui voit le retour de la sculpture funéraire) et la Renaissance. Certains morts ont trois tombeaux différents, et autant de gisants : un pour le corps, un pour le cœur et un pour les viscères.

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Les transis, apparus au XIVe siècle, sont des gisants dont la particularité est de représenter le défunt non pas vivant ou en position de sommeil, mais à l’état de cadavre en état de décomposition avancée, souvent rongé par des vers.
Ce phénomène, qui s’inscrit dans une période terrible de l’histoire européenne (guerre de cent ans, peste noire), a surtout touché l’Est de la France et l’Ouest de l’Allemagne. Les historiens de l’art ne s’accordent pas sur le sens profond qui peut être donné à cette évolution macabre de l’art funéraire1 : peur de la mort, célébration de la vie, rappel du destin qui attend chacun, et notamment les puissants (qui sont justement les sujets des gisants, qu’il s’agisse de transis ou non)…

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Il existe des gisants modernes, comme la très célèbre tombe de Victor Noir, au cimetière du Père-Lachaise. La mort du journaliste Victor Noir, tué d’un coup de feu par un neveu de Napoléon III le 10 janvier 1870, a participé à la chute de ce dernier, un an plus tard. La célébrité actuelle du gisant vient surtout du souci de réalisme dont a fait preuve le sculpteur, Jules Dalou, qui a représenté le jeune homme en état d’érection2. Depuis, une coutume superstitieuse pousse des femmes qui ne parviennent pas à avoir des enfants à venir toucher le détail trivial en question, ce que l’on constate effectivement à la manière dont le bronze est épargné par l’oxydation.

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Toujours parmi les gisants modernes, j’aime bien celui d’Augustine Trochery, morte en 1887 à l’âge de trente-et-un an, représentée sur son lit de mort par un sculpteur anonyme. Ce bronze se trouve au cimetière Carnot, à Suresnes :

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Les images de cette page sont toutes issues de la catégorie Effigies of dead people de Wikimedia Commons, ou de ses sous-catégories.

  1. Voir aussi : Danses macabres. []
  2. Curieusement, Félix Faure, voisin de cimetière de Victor Noir et lui aussi gratifié d’un gisant de bronze, n’a pas eu droit au même traitement, alors que les conditions de sa mort auraient pu le justifier. []
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The Nutshell Studies of Unexplained Death

Frances Glessner Lee (1878–1962), riche héritière de Nouvelle-Angleterre, a consacré sa vie à faire avancer les techniques de police scientifique, qui la passionnaient depuis des vacances passées avec un ami de son frère, George Burgess Magrath, qui étudiait la médecine et allait devenir légiste. En 1931, elle a aidé la création du département de médecine légale à Harvard — le premier des États-Unis — et y a légué une importante collection de livres et de manuscrits.

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Au cours de la seconde guerre mondiale, elle a associé ses deux passions, l’enquête policière et les maisons de poupées, en créant dix-huit scènes de crime miniature destinées à entraîner la capacité d’analyse des étudiants en police scientifique : ceux-ci avaient quatre-vingt dix minutes pour confondre les coupable et écarter les innocents rapidement (« in a nutshell »). Les scènes sont sordides : violence domestique, prostitution, suicide,…

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Les miniatures appartiennent aujourd’hui au Maryland Medical Examiner’s Office de Baltimore, qui continue de les utiliser dans un but pédagogique.
La documentariste Susan Mark a consacré aux Nutshell studies of unexplained deaths un film intitulé Of Dolls and Murder (2012), dont le narrateur est un autre réalisateur, natif de Baltimore et bien connu pour son attachement à tout ce qui est bizarre : John Waters.

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Le deuil élégant

Il existe des pratiques de deuil ostentatoire sur tous les continents. Le noir ou le blanc sont les deux couleurs qui y sont le plus couramment associées.
Porter des habits sombres pour marquer le deuil est une tradition qui remonte à l’Empire romain. Dans plusieurs pays (notamment méditerranéens) une veuve est censée porter le deuil jusque dans sa propre tombe. Selon les traditions locales, les milieux sociaux et les époques, les modalités du deuil varient beaucoup.

1805-1837

En France ou en Grande-Bretagne, jusqu’au milieu du XXe siècle, une veuve devait porter le deuil de son époux pendant deux ans, tandis qu’un veuf n’y était contraint qu’un an. La première année, la veuve ne pouvait s’habiller qu’en noir. Ensuite, le violet, le mauve ou le gris lui étaient autorisés. Le veuf, quant à lui, pouvait rapidement troquer l’habit sombre pour un simple brassard noir ou un ruban de la même couleur sur son chapeau.
La coutume s’appliquait à la mort d’autres parents que le conjoint, mais dans des délais moindres.

Dès l’invention de la mode telle que nous l’entendons à présent, c’est à dire au tout début du XIXe siècle, les toilettes de deuil sont, pour les femmes des classes supérieures de la société, un prétexte à se distinguer par l’élégance.

1897-1900

Jusqu’à l’entre-deux guerres, les revues de mode consacrent des pages aux vêtements réservés au deuil ou aux occasions apparentées, comme la fête de la Toussaint. La durée de l’état de deuil et le nombre d’occasions d’être endeuillé rendait sans doute ce type de vêtement assez courant.

1900

Évidemment, cela complique l’équation de la décence : porter le deuil est une manière de rendre sa peine publique, de faire preuve de respect envers le défunt et, dans le cas des veuves, d’affirmer son indisponibilité à tout projet sentimental — un tel état ne saurait être associé à la vanité éphémère de la mode.

1910-1919

L’élégance de la tenue de deuil doit donc être sobre en apparence. Considérées en détail, certaines robes de deuil de la Belle-époque sont pourtant d’un luxe qui n’a rien à envier aux robes de mariage.

1927-1934

Les hommes ne sont généralement pas représentés dans les gravures de mode du XIXe siècle, mais leur absence prend ici un sens particulier, puisque les femmes montrées sont leurs veuves, état qui a longtemps été l’unique moyen légal et socialement acceptable, pour une femme, de vivre une émancipation totale.

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Les catacombes capucines de Palerme

À la fin du seizième siècle, les moines capucins de Palerme, dont le cimetière était devenu exigu, ont aménagé des cryptes dans lesquelles ils ont disposé des corps momifiés des frères décédés, en commençant par celui de Sylvestro de Gubbio, en 1599. Peu à peu, ces catacombes ont accueilli des défunts issus de grandes familles locales, qui rémunéraient le monastère pour la concession et pour l’entretien des corps : nettoyage, restauration, renouvellement des vêtements. Le lieu est découpé en couloirs : hommes, femmes, vierges, enfants, familles, prêtres, moines, commerçants…

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À compter de la fin du dix-neuvième siècle, le lieu n’a plus accueilli de nouveaux pensionnaires, à quelques exceptions près, telle la petite Rosalia Lombardo, morte à deux ans d’une pneumonie et traitée par le célèbre embaumeur Alfredo Salafia en 1920, dont l’état de conservation extraordinaire lui vaut le surnom de « plus belle momie du monde ».

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Ouvertes aux touristes, ces catacombes pâtissent à présent de conditions atmosphériques et lumineuses dégradées qui mettent en péril l’état de conservation des huit mille corps qui y sont exposés.

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Vélos fantômes

Les « Ghost Bikes » sont une pratique inventée en 2002 à Saint-Louis (Missouri), aux États-Unis. Un petit groupe de personnes a récupéré une vingtaine de vélos cassés, les a peints en blanc et les a placés aux endroits où des cyclistes avaient été mortellement accidentés.

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Depuis, plus de six-cents « ghost bikes » ont été placés dans près d’une trentaine de pays. Chaque vélo est le rappel d’une tragédie, le rappel d’une existence passée, et montre à quel point la vie humaine est une chose fragile et précieuse.

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Les tours du silence

Le Zoroastrisme est la plus ancienne religion monothéiste encore en activité. Cette religion âgée d’au moins trois, et peut-être quatre mille ans, est issue du Mazdéisme (du nom du dieu Ahura Mazda). Elle a eu une grande influence sur le judaïsme1, et donc sur les religions qui s’en considèrent héritères. Aujourd’hui quasi-inexistant en Perse (Iran), où il est né2, le Zoroastrisme survit en Inde, notamment dans la région de Bombay, où l’on nomme ses adeptes les Pârsis3. C’est en Inde que les Zoroastriens peuvent continuer de pratiquer leur rite funéraire traditionnel, qui consiste à déposer les cadavres des défunts en haut d’une « tour du silence » (nom récent, forgé par un traducteur britannique au XIXe siècle), où il est dévoré par des oiseaux charognards.

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Le but de ces funérailles « célestes » est d’éviter que le cadavre, qui est impur, ne souille la terre, le feu ou l’eau, trois éléments également sacrés.

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Les grandes tours du silence sont composées de plusieurs cercles concentriques : le cercle extérieur est destiné à accueillir des cadavres d’hommes, le suivant, les femmes et un troisième, les enfants. Au centre de la tour se trouve une fosse circulaire, destinée à accueillir les ossements.

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Aujourd’hui, la décroissance démographique des vautours en Inde compromet le maintien de ces funérailles traditionnelles et les pârsis envisagent l’élevage de vautours captifs.

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Il existe un rite comparable lui aussi toujours pratiqué au Tibet, « l’inhumation céleste » : le cadavre est préparé (un moine le dépèce !) puis abandonné aux charognards (notamment les vautours) en haut d’une montagne. Fortement réprimée par la Chine maoïste et compromise par le manque d’animaux charognards, cette pratique tend à disparaître, au profit de la crémation, qui était autrefois réservée aux lamas de haut rang.
On trouve des photographies assez crues et peut-être un peu dérangeantes de cette pratique sur Wikipédia, je me contenterai de montrer le genre d’endroit où se tiennent les inhumations célestes :

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De nombreux sites archéologiques laissent penser que ce genre de pratique n’est pas rare dans l’histoire humaine. Le plus ancien est le site de Göbekli Tepe, en Turquie, où on pratiquait ce genre de funérailles il y a plus de dix millénaires. Quelles que soient les justifications religieuses qui soutiennent ces rituels, ceux-ci apportent une solution pratique à la décomposition des corps qui, lorsqu’elle est trop lente, est une source de problèmes sanitaires.

  1. Les Hébreux, déportés à Babylone, ont été libérés par les Perses. De ces derniers, ils tirent l’idée du monothéisme (en remplacement de la monolâtrie), celle de la résurrection et de la rétribution des morts, et même l’épisode de Moïse, imité de l’histoire de Sargon, sauvé des eaux et devenu roi d’Akkad. []
  2. Il existerait environ trente mille zoroastriens en Iran, souvent de conversion récente motivée par un but de résistance politique et religieuse. []
  3. Le pârsi le plus célèbre du monde est le chanteur Farrokh Bulsara, plus connu sous le nom de Freddy Mercury, du groupe britannique Queen. []
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Les graffitis « hip hop » commémoratifs

Les « writers », c’est à dire les auteurs de graffitis apparentés à la culture hip-hop, ont une longue tradition de graffitis commémoratifs. Les sujets peuvent être des célébrités du rap, des confrères graffiteurs tombés au champ d’honneur, des parents, des amis…

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Il peut aussi s’agir de la victime d’un fait-divers local : victime d’une bavure policière, d’une guerre entre gangs, d’une overdose,…
L’hommage est souvent signalé par la mention « Rest in peace », ou son abréviation « R.I.P. ».

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La célèbre photographe de graffitis Martha Cooper a consacré un livre au sujet : R.I.P.: New York Spraycan Memorials (éd. Thames and Hudson, 1994).

Une tradition proche de celles des fresques commémoratives d’Amérique centrale1, mais aussi d’Irlande du Nord, comme dans la sélection qui suit :

On peint des fresques à Belfast depuis un siècle, notamment pour commémorer les faits historiques qui ont abouti au rattachement de l’Irlande à la Grande-Bretagne. À partir des années 1970, les républicains se sont mis à leur tour à peindre des fresques revendicatives. Les personnalités décédées à qui sont consacrées des fresques sont généralement les martyrs du camp loyaliste ou ceux du camp républicain adverse.

  1. Notamment celles de Puerto-Rico, qui ont sans doute eu une influence déterminante sur la naissance du graffiti « new-yorkais ». []
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Tombes de mafieux russes et géorgiens

Les mafieux russes, au cours des années 1990 et début 2000, surtout, faisaient construire des monuments funéraires illustrés par des portraits.

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J’ignore quelle technique est employée pour reporter les dessins sur le marbre. Il s’agit en tout bien de dessins d’illustration et jamais de photographies — même si ces dessins s’appuient sur des photographies.

Les photos qui précèdent sont de Denis Tarasov. Les sujets sont présentés posant, parfois accompagnés de preuves de succès : une automobile, des bijoux, des bouteilles d’alcool de luxe ou une belle propriété. On sent l’envie d’en imposer.

Celles qui suivent, réalisées par Sergey Stroitelev, sont prises en Georgie, sur le même thème, mais le style est légèrement différent. Il y a notamment des sculptures d’hommes assis, fumant une cigarette, et des sculptures de femmes qui les pleurent.

Plus que le prestige des tombeaux russes, ceux-ci semblent installer le défunt dans l’éternité. Je suis notamment frappé par la cinquième et la sixième images qui montrent la petite tombe du garde du corps, la main prête à saisir son revolver, à côté de la grande tombe de ses employeurs. Sauf l’échelle, cette protection éternelle n’est pas bien différente de l’armée de soldats en terre cuite qui protègent le mausolée du premier empereur chinois, Qin Shi Huang.

(merci à Maryse Poulvet de m’avoir signalé ce sujet)

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