Il existe des pratiques de deuil ostentatoire sur tous les continents. Le noir ou le blanc sont les deux couleurs qui y sont le plus couramment associées.
Porter des habits sombres pour marquer le deuil est une tradition qui remonte à l’Empire romain. Dans plusieurs pays (notamment méditerranéens) une veuve est censée porter le deuil jusque dans sa propre tombe. Selon les traditions locales, les milieux sociaux et les époques, les modalités du deuil varient beaucoup.
En France ou en Grande-Bretagne, jusqu’au milieu du XXe siècle, une veuve devait porter le deuil de son époux pendant deux ans, tandis qu’un veuf n’y était contraint qu’un an. La première année, la veuve ne pouvait s’habiller qu’en noir. Ensuite, le violet, le mauve ou le gris lui étaient autorisés. Le veuf, quant à lui, pouvait rapidement troquer l’habit sombre pour un simple brassard noir ou un ruban de la même couleur sur son chapeau.
La coutume s’appliquait à la mort d’autres parents que le conjoint, mais dans des délais moindres.
Dès l’invention de la mode telle que nous l’entendons à présent, c’est à dire au tout début du XIXe siècle, les toilettes de deuil sont, pour les femmes des classes supérieures de la société, un prétexte à se distinguer par l’élégance.
Jusqu’à l’entre-deux guerres, les revues de mode consacrent des pages aux vêtements réservés au deuil ou aux occasions apparentées, comme la fête de la Toussaint. La durée de l’état de deuil et le nombre d’occasions d’être endeuillé rendait sans doute ce type de vêtement assez courant.
Évidemment, cela complique l’équation de la décence : porter le deuil est une manière de rendre sa peine publique, de faire preuve de respect envers le défunt et, dans le cas des veuves, d’affirmer son indisponibilité à tout projet sentimental — un tel état ne saurait être associé à la vanité éphémère de la mode.
L’élégance de la tenue de deuil doit donc être sobre en apparence. Considérées en détail, certaines robes de deuil de la Belle-époque sont pourtant d’un luxe qui n’a rien à envier aux robes de mariage.
Les hommes ne sont généralement pas représentés dans les gravures de mode du XIXe siècle, mais leur absence prend ici un sens particulier, puisque les femmes montrées sont leurs veuves, état qui a longtemps été l’unique moyen légal et socialement acceptable, pour une femme, de vivre une émancipation totale.