Monsù Desiderio (« monsieur Didier ») est le nom d’un duo de peintres lorrains (Didier Barra et François de Nomé), nés vers 1590 et tous deux installés à Naples. Ils ont été très prolifiques mais on sait très peu de choses sur eux. Certains soupçonnent l’existence d’un troisième peintre.
Spécialisés dans la réalisation de capricci, ils ont produit de nombreuses peintures de ruines, mais ont aussi représenté des instantanés de catastrophes : incendies, éruptions, ou effondrements architecturaux représentés « sur le vif ». C’est notamment le cas des peintures de François de Nomé, c’est à dire celui qui n’était pas « monsieur Didier ».
Leurs peintures ont parfois un prétexte mythologique ou religieux (Babylone, Troie ou la légende dorée), mais ce n’est pas une règle. Avide de pedigree, André Breton voyait en Monsù Desiderio un travail précurseur du surréalisme1. Ayant noté une concordance de calendrier, le philosophe médiatique Michel Onfray y voit l’expression de l’effondrement des certitudes du catholicisme face à la vigueur de la Réforme luthérienne et de la contre-réforme catholique2.
(merci à Manuela de m’avoir rappelé ces artistes dont j’oublie toujours le nom)
- A. Breton & G. Legrand, L’Art magique, Paris, éd. Club français du livre, 1957. [↩]
- Michel Onfray, Métaphysique des ruines : La Peinture de Monsù Desiderio, éd. Mollat, 1995. [↩]
Surprenant, ces colonnes qui s’écroulent, on n’a pas l’habitude de voir ça sur des tableaux de cette époque-là.
C’est bien dans la lignée du maniérisme, souvent très agité, mais je ne me rappelle pas de peintres qui aient à ce point voulu montrer un instant, effectivement. Enfin un instant entre des personnages oui, mais un instantané de la colonne qui s’écroule, je ne pense pas avoir vu ça ailleurs.
A cette époque, c’est l’effondrement de toutes les certitudes, pas seulement celles qui relèvent stricto sensu de la religion, les certitudes de la représentation du monde aussi s’effondrent et les questions morales… Mais dans « Monsù Desiderio », il n’y a pas que « Didier », il y a aussi le désir, l’amour de la vie, aussi violente soit-elle. Quelque chose entre Callot et… Pasolini – avec aussi l’effondrement d’un monde!