Escape from L.A.

Difficile de donner une suite à un film « culte » tel que New York 1997 (1981), mais John Carpenter s’en est plutôt bien tiré avec Escape From L.A. (en France : Los Angeles 2013), sorti en 1996.

Attention, je raconte le film

À première vue, il ne s’agit que d’un remake du film précédent, puisque le scénario est, mutatis mutandis, identique : héros déchu, Snake Plissken doit se rendre dans une zone carcérale géante (cette fois, Los Angeles, devenue une île à la suite d’un séisme majeur) pour y récupérer non plus un président, mais sa fille, qui a emmené avec elle une mallette contenant un objet stratégique. Comme dans le film précédent, il sera amené dans une arène pour être exécuté dans une parodie de jeux romains et comme dans le film précédent, il sera blessé d’un coup de feu à la jambe — c’est dire à quel point les similitudes sont nombreuses.

Pendant la campagne présidentielle, un candidat ultra-religieux, a prédit que, en l’an 2000, la ville de Los Angeles, cité du péché, serait détruite par une punition divine. Et effectivement, en 2000, un séisme d’une magnitude de 9,6 détruit une partie de la ville et fait disparaître la San Fernando Valley, devenue « mer San Fernando ».
Le candidat-prophète se voit alors investi des pleins pouvoirs et devient président à vie. La capitale du pays n’est plus Washington mais sa ville natale, Lynchburg, en Virginie.
Il décrète que ce qui reste de Los Angeles devient un lieu d’exil définitif pour toutes les personnes qui ont refusé la rédemption par la chaise électrique alors qu’ils n’ont plus leur place dans son Amérique « morale » : criminels, prostituées, mais aussi athées.

La fille du président des États-Unis, dont les opinions politiques sont à l’opposé de celles de son père, s’est réfugiée à Los Angeles où elle a apporté une mystérieuse mallette à Cuervo Jones, redoutable chef de gang déguisé en Che Guevara et qu’elle a connu dans un monde virtuel.
La malette contient en fait l’arme la plus puissante de la terre, une télécommande de satellites qui permet de perturber les appareils électriques n’importe où dans le monde, avec une précision extrême, grâce à une impulsion électromagnétique (cf. définitions).

Snake Plissken est réquisitionné, à nouveau contre son gré. Cette fois, on ne le menace pas avec une capsule de poison censée s’ouvrir à une heure précise, mais avec du Plutoxin 7, un virus créé artificiellement. Si il n’est pas soigné dans les dix heures après le début de l’infection, il mourra. Plissken essaie d’étrangler le président, qui était venu lui expliquer tout ça, mais cela s’avère impossible : l’homme n’est pas présent dans la pièce mais représenté par un hologramme, tout comme le commandant Malloy, qui dirige l’enceinte de confinement de Los Angeles. Avant son départ on explique à Plissken qu’il doit, au passage, tuer la fille du président, à la demande de ce dernier.

Envoyé à l’aide d’un sous-marin/torpille, le guerrier borgne débarque à Los Angeles. Il y fait la connaissance d’un surfer qui attend le tsunami, de Taslima, une musulmane envoyée en exil lorsque sa religion a été interdite, et enfin du guide des stars Eddie (le toujours excellent Steve Buscemi). À peine arrivé, Plissken est capturé, avec Taslima, par le personnel de la clinique de chirurgie esthétique de Beverley Hills, où l’on veut lui prendre son œil valide. Cette clinique délirante est un bon indice de ce que le film sert notamment à railler le monde hollywoodien. De nombreux détails nous ramènent à l’histoire américaine récente : lutte contre le tabac, affaire Rodney King,…

Enfin, Snake Plissken trouve Cuervo, mais aussi Utopia, la fille du président. Il est capturé. Cuervo affirme défendre le tiers-monde et les opprimés de la théocratie américaine, mais il ne vaut pas mieux que ses ennemis, ce qu’a rapidement compris la malheureuse Utopia, devenue l’animal de compagnie de cet homme assoiffé de pouvoir. Assisté par un informaticien, Cuervo contrôle les satellites et annonce par voie de télévision son intention de les utiliser. Le président décide de rayer Los Angeles de la carte, mais on lui fait comprendre que ça ne fonctionnera pas, car Cuervo a désormais le pouvoir de faire tomber en panne n’importe quel appareil, avion compris.

De son côté, Plissken est utilisé comme attraction. Dans un stade rempli de renégats, on lui confie un ballon de basket et l’obligation de marquer un panier toutes les dix secondes. S’il n’y arrive pas, il sera exécuté. Mais Snake est très fort et réussit l’exploit que personne d’autre n’avait réussi avant lui. Il est acclamé par la foule, alors Cuervo se saisit d’un fusil à lunette est essaie d’abattre le héros. Utopia et une secousse sismique parviennent à gêner le tireur et Snake s’enfuit. Dans la confusion qui règne, il parvient même à emmener avec lui la valise stratégique et la fille du président, mais pas pour longtemps car Eddie le guide des stars, fidèle à Cuervo, le dépossède et lui tire une balle dans la cuisse.

Snake, laissé pour mort, est emmené par le courant des égouts et retrouve le surfer qu’il avait rencontré en arrivant. Celui-ci lui annonce qu’un tsunami arrive et lui propose de surfer avec lui, ce qui permet à Plissken de rattrapper Eddie le guide des stars et de le forcer à lui présenter la pire ennemie de Cuervo, Hershe Las Palmas (Pam Grier), un transsexuel qui s’avère avoir été Carjack Malone, un ancien associé de Plissken avec qui ce dernier à un compte à régler. Finalement, Hershe et sa bande s’associent à Plissken pour aller combattre Cuervo. Ils y parviennent à l’aide d’ailes volantes et s’enfuient dans un hélicoptère, mais une roquette envoyée par Cuervo fait tomber Eddie et tue Hershe et ses compagnons. Ne restent plus qu’Utopia et Plissken.

Avant que son hélicoptère ne s’écrase, Plissken en éjecte Utopia, car il sait qu’elle se fera assassiner par son père sinon. Il prend soin de glisser sur elle, à son insu, le module de commande des satellites. Lorsqu’il se présente devant le président des États-Unis, Plissken n’a plus que deux secondes de temps à vivre, puis une, puis zéro,… Mais il ne meurt pas : le virus n’est en fait qu’une sorte de grippe. Alors que le président s’apprête à prendre le module de commande à Plissken, sa fille est découverte, détentrice du bon module de commande. Enfin c’est ce qu’il croit car lorsqu’il s’en sert pour neutraliser les navires cubains qui approchent de Miami dans l’attention d’attaquer les États-Unis, il découvre que le module est en fait le guide touristique vocal d’Eddie.

Le président ordonne l’exécution de sa fille sur une chaise électrique et demande qu’on fusille Plissken, sous le regard des caméras. Mais surprise, Plissken n’est pas atteint par les balles, et pour cause, il ne se toruve pas là où l’on croit, c’est un hologramme qui parle à sa place. Il explique qu’il va saisir le code 666 sur le module de commande, ce qui provoquera l’extinction de tous les appareils électroniques de la terre. « Si tu appuies sur ce bouton, nous perdrons tout ce qui a été accompli en cinq cent ans », lui dit le commandant Malloy… Et Plissken appuie sur le bouton, les satellites se mettent en branle et la terre entière se retrouve « éteinte ».
Dans le noir, la voix de Plissken résume : « Welcome to the human race ».

Cette fin un peu « luddite », qui semble affirmer que la technologie éloigne l’homme de sa véritable nature, est plutôt savoureuse et peut faire réfléchir à ce qui se passe ensuite : plus rien d’électrique ne fonctionne, et après, que devenons-nous ? Le film contient de nombreux éléments bouffons (les surfers, les chirurgiens esthétiques, le basket ball,…) mais on s’étonnera rétrospectivement de sa prescience puisqu’il annonçait avec quatre ans d’avance l’élection d’un président ultra-religieux, que l’on voit même à un moment s’enfuir en disant « je dois aller prier », ce qui rappellera les pratiques de prières gouvernementales sous l’administration Bush. Il évoque aussi la mise au ban des athées et des musulmans ou encore la revanche du tiers-monde contre les États-Unis.

En mixant Los Angeles 2013 et Starship Troopers (Paul Verhoeven), sorti peu après, on obtient un portrait prémonitoire assez convaincant des années Bush. Ces deux films fonctionnent un peu comme l’oracle des Sybilles ou de la Pythie : ce n’est qu’une fois la prédiction réalisée que l’on est en mesure d’en saisir toute la pertinence.

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2 réponses à Escape from L.A.

  1. 2goldfish dit :

    Je me rappelle que le film avait été assez mal reçu à l’époque par les fans du premier. Pour ma part j’ai découvert les deux en même temps lors d’une soirée spéciale sur Canal +, si mes souvenirs sont bons, et j’ai préféré cette suite, qui me semblait beaucoup plus pertinente par rapport au monde dans lequel j’avais grandi (et c’était sans doute encore avant l’élection de Bush). Maintenant que je connais un peu mieux le contexte historique du premier épisode, et que celui de la suite commence à se faire un peu lointain lui aussi, je serais curieux de les revoir comme deux artefacts historiques et de les juger avec un oeil nouveau.

  2. Wood dit :

    C’est un peu un film qui ne sait pas décider s’il est une comédie ou un film d’action…

    Je me souviens que Carpenter disait qu’il lui avait été inspiré par le moment où, lors de l’affaire Lewinski, les républicains ultra-religieux avaient commencé à faire entendre leurs voix.

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