Roman classique de science-fiction, La Guerre des mondes a été écrit par Herbert George Wells en 1898. L’inventeur de la science-fiction (ce n’est pas exact, mais plus que dire la même chose de Jules Verne en tout cas) y exposait notamment sa compréhension de l’évolution des espèces : malgré leur avance technologique et leur détermination, les martiens sont finalement vaincus par des bactéries avec lesquelles nous sommes habitués à cohabiter et auxquelles nos organismes apportent des réponses. L’ironie que représente la défaite d’une puissance immense contre un ennemi invisible et minuscule fonctionne bien.
Plusieurs adaptations cinématographiques en ont été tirées. Il y a d’abord eu un film de 1953, réalisé par Byron Haskin (et surtout produit par George Pal, à qui on doit aussi La machine à explorer le temps), puis, en 2005, pas moins de trois films en même temps, dont deux sont sortis directement en DVD, n’espérant sans doute pas pouvoir s’imposer dans les salles aux côtés du troisième, réalisé par Steven Spielberg. Je ne connais pas les deux films sortis en DVD, mais celui de Byron Haskin comme celui de Steven Spielberg.
Je suis curieux de War of the Worlds: The True Story, sorti cet été aux États-Unis, un faux documentaire uchronique qui se base sur l’idée qu’une invasion martienne a bien eu lieu en 1900 et qui présente des extraits de films d’actualité ou de témoignages. Enfin, l’adaptation la plus célèbre de War of the Worlds est sans doute celle qu’a fait pour la radio Orson Welles en 1938, et dont on dit (en exagérant un peu) qu’elle a provoqué un vent de panique aux États-Unis.
War of the Worlds est un récit fondateur dans le mythe du « martien », et de l’invasion extra-terrestre. Mais c’est aussi une intéressante parabole écologique (et pourquoi pas économique), à mon avis tout à fait intentionnelle de la part de l’auteur, et dont la pertinence est plus actuelle que jamais.
Les martiens de War of the Worlds envahissent la terre car ils vivent dans des abris souterrains : ils ont épuisé toutes les ressources de leur monde, qui est mort depuis longtemps, et il faut qu’ils en cherchent un autre. Malgré leur technologie extraordinaire, les martiens sont prédateurs et destructeurs, ils mettent d’ailleurs la terre à feu et à sang et on peut se dire qu’ils ne tarderont pas à y faire les mêmes dégâts que ceux qu’ils ont déjà causés à leur monde d’origine.
Ces martiens, pour Wells, c’est nous-mêmes, c’est à dire la société « moderne ». Dans le premier chapitre, il le dit assez clairement :
« Avant de les juger trop sévèrement, il faut nous remettre en mémoire quelles entières et barbares destructions furent accomplies par notre propre race, non seulement sur des espèces animales, comme le bison et le dodo, mais sur les races humaines inférieures. Les Tasmaniens, en dépit de leur conformation humaine, furent en l’espace de cinquante ans entièrement balayés du monde dans une guerre d’extermination engagée par les immigrants européens. Sommes-nous de tels apôtres de miséricorde que nous puissions nous plaindre de ce que les Martiens aient fait la guerre dans ce même esprit ? »
Dans le roman, un autre élément parle assez bien d’écologie, c’est l’herbe rouge que les martiens ont amené avec eux, sans doute de manière non-intentionnelle, et qui se diffuse à grande vitesse sur terre. Cela rappelle les histoires authentiques d’espèces exportées qui se sont révélées incontrôlables. Dans le film de Spielberg, les martiens utilisent le sang humain pour faire pousser l’herbe martienne. Dans la version d’origine, le sang des créatures terrestres est récupéré puis ingéré par transfusion. Dans la version de 1953, les êtres vivants ne sont pas traités comme une nourriture mais sont juste détruits à l’aide de rayons qui suppriment les mésons, dont on pensait à l’époque qu’ils étaient la brique de la matière, à un niveau sub-atomique. Avec leur rayon, donc, ils annihilaient la matière.
Le film de Spielberg est l’adaptation la plus spectaculaire de War of the Worlds. Dans le roman, le héros était un auteur d’articles philosophiques qui partait à la recherche de son épouse dans une Angleterre dévasté. Dans le film de Spielberg, Tom Cruise est un docker qui part à la recherche de son ex-femme avec ses deux enfants, dont il avait la garde au moment où l’invasion a commencé. L’odyssée du héros est aussi une fable sur la responsabilité, sur le métier de père. Dans le film de 1953, le héros était un scientifique de génie qui tombait amoureux d’une demoiselle en détresse qui, bien qu’étant une enseignante à l’université, ne se trouve dans le film aucune autre utilité que de faire le café pour les militaires. On sent que ce qui intéresse ce scientifique sûr de lui chez cette jeune femme, c’est avant tout qu’elle l’admire et qu’elle a besoin de lui.
Ces différentes versions en disent sans doute long sur la mentalité et la culture des époques qui les ont produites.
Le spectre des tours jumelles hante le film de Spielberg : la foule solidaire, les gens qui ne savent pas ce qui se passe, qui se parlent spontanément dans la rue… Le premier plan du récit, passé l’introduction (qui est le texte de l’introduction du roman de Wells), est d’ailleurs une vue de la Skyline new-yorkaise, amputée du World Trade Center.
Tout comme les européens et les indigènes des différents territoires colonisés (notamment aux Amériques) ont commencé, lors de leurs premiers contact, par s’échanger des germes qui ont fait des ravages des deux côtés, profitant de systèmes immunitaires auxquels ils n’étaient pas familiers, il n’est pas déraisonnable de penser que les premiers contacts avec une vie extraterrestre pourrait résulter en de foudroyantes épidémies de part et d’autre. HG Wells y a pensé en premier, et je suis sûr que d’autres auteurs de SF ont suivi.
Mais quelqu’un y a-t-il pensé dans le cadre du voyage dans le temps ? Le voyageur temporel imprudent qui visiterait le 19ème siècle pourrait en ramener le virus de la variole, éradiqué de nos jours, ou y diffuser des ouches de grippes inconnues aux populations de l’époque… C’est même quasiment certain.
Il y a quelque temps, on a trouvé dans un livre datant de la guerre civile américaine un échantillon du virus de la variole, censément éradiqué de la planète : la réalité t’a exaucé 🙂
Je me demande s’il n’y avait pas un épisode de x-files ou en déracinant un arbre hyper vieux on faisait sortir je ne sais quoi d’ancien, un virus je pense. Sais plus.
Sinon, des auteurs de récits de voyage temporel doivent y avoir pensé mais rien ne me vient… (enfin bon je n’ai pas tout lu)
Ce qui me rappelle qu’il faut que je fasse un article sur Twelve Monkeys.
C’est l’un des épisodes qui m’a le plus marqué. Et si je me rappel bien c’était des araignes lumineuse qui avaient peur de la lumière qui avaient été liberé en coupant un arbre millénaire (ah et maintenant j’ai même la référence : S01E19 the « darkness falls », merci internet)
De fait, le même Wells n’a pas utilisé cet élément dans sa Machine à Explorer le temps (1895). Ce roman-là aurait aussi sa place sur le blog, je pense : quittant l’époque des Éloïs et des Morlocks, le Voyageur avance de plusieurs millions d’années dans le futur et découvre un panorama de fin du monde glaçant. Je me souviens que c’était le passage du livre qui m’avait le plus marqué quand je l’avais lu pour la première fois, vers 9-10 ans.
Ah oui ne t’inquiète pas, j’en causerai, j’ai été pas mal marqué par la vision du voyage lui-même dans le film de George Pal (encore), où on voit l’histoire de la terre en accéléré. Le film récent n’est pas fameux : hyperbate.fr/dernier/?p=1272
Pour moi la Guerre des Mondes de HG Wells est une fable sur la vanité de la civilisation humaine et la futilité des ses efforts. La civilisation occidentale, industrielle, se croit la plus forte, la plus puissante, et pourtant elle est balayée par l’avant-garde de l’invasion martienne. Ses canons ne font pas le poids contre les rayons de la mort des Martiens, et les envahisseurs ne traite les humains que comme des animaux nuisibles (et comestibles). Quand aux martiens, l’espèce dominante de leur planète (et peut-être même du système solaire), dont la science, la technologie et les conquêtes semblent ne connaître aucune limite, ils sont terrassés par un organisme qui ne connaît même pas la pensée : une bactérie.
Il en est comme a dit l’ecclésiaste : « vanité des vanités, tout est vanité. »
Dans le livre il y a tout un rapport à Dieu (notamment avec un vicaire qui pense que la punition est divine et méritée, mais aussi avec des allusions à la sagesse de Dieu), il faudrait que je relise… Dans la version de George Pal, on en entend parler aussi : l’oncle de la damzel in distress est un pasteur, qui se dit que si la civilisation martienne est « supérieure », elle est forcément « plus proche de Dieu »… Il essaie d’entrer en contact avec les tripodes, mais ça lui coûte la vie. On pourrait prendre ça pour une critique narquoise mais la fin du film est super-bigote, à commencer par le « grand scientifique » pour qui la foi est clairement supérieure à la biologie.