Le passage de l’ouragan Irene, un des plus forts qui aient frappé la côte Est des États-Unis depuis plus d’un siècle, dit-on, a été annoncé avec emphase : Apocalypse, Armageddon, Fin du monde,… aucun terme catastrophiste n’a été oublié. Le président Obama, qui se souvient sans doute du tort considérable qu’un traitement insouciant de l’ouragan Katerina avait causé à son prédécesseur George Bush, a appelé ses concitoyens à se préparer au pire, et les autorités ont ordonné l’évacuation préventive de près d’un demi-million d’habitants de Manhattan.
Cet ouragan ravageur censé frapper New York presque exactement dix ans après la destructions des tours jumelles faisait une bonne histoire à raconter pour les chaînes d’information en continu.
Mais voilà, le désastre ne s’est pas produit. Comme l’écrit Howard Kurtz : « the apocalypse that cable television had been trumpeting had failed to materialize »1. Pendant que les reporters envoyés vérifier les effets de la tempête se raccrochaient à l’idée du désastre, les utilisateurs de Twitter, y compris new-yorkais, persiflaient :
@kebzach: Don’t worry everybody. Even though #Irene isn’t a hurricane anymore the east coast media will still go overboard & treat it like armageddon2.
@RandomnessChic: I’m confused. According to tweets, #irene hardly made an impact, but according to the news, the apocalypse is beginning…3.
@ChrisGrace: Irene downgraded to a tropical storm. Typical: you think you’re hot shit, then you come to NYC and you’re not as big a deal as you thought4.
Peut-être est-ce que les mesures de sécurité qui ont été prises ont joué pour beaucoup dans le bilan clément du passage de l’ouragan : quelques morts, quelques chutes d’arbres, des millions de gens temporairement privés d’électricité, mais rien de plus dramatique. Certaines images, comme ce bout de route submergé par Bronx River, montrent tout de même que le passage d’Irene sur New York n’est pas un simple coup de vent, et du reste, à l’instant où j’écris, ses effets sont loin d’être tout à fait terminés.
Au delà de la déception des médias d’information, dont l’audience dépend précisément de l’ampleur des drames rapportés et dont les motivations sont donc assez claires, on peut s’interroger sur l’envie de désastres qui existe parmi le public lui-même. Une envie qu’il se passe vraiment quelque chose, qu’advienne un évènement après lequel plus rien ne sera jamais comme avant, un évènement apte à nettoyer un monde d’une grande partie de ce qu’il est, pour pouvoir, sans doute, renaître sur de nouvelles bases. Ce frisson du déluge est à mon avis un des sentiments qui expliquent la popularité des récits de fin du monde.
(Image : Vitrine d’une maison de Presse, photo jnl ; Un débordement de Bronx River, à l’occasion du passage de l’ouragan, par Shane Keaney/FlickR CC BY-SA 2.0)
- The Daily Beast, Hyping the Hurricane, par Howard Kurtz [↩]
- Ne vous inquiétez pas : même si #Irene n’est plus un ouragan, les médias de la côte Est vont continuer à exagérer et à traiter la chose comme Armageddon [↩]
- Je suis perdue. Si je me fie aux tweets, #irene a à peine eu un impact, mais si je me fie aux journaux télé, l’apocalypse commence [↩]
- Irene a été dégradée au statut de tempête tropicale. Typique : tu ne te prends pas pour de la merde, mais quand tu arrives à New York tu te rends compte que tu n’es pas si important que ça. [↩]
La traduction du dernier tweet serait plutôt : « Typique : tu ne te prends pas pour de la merde, mais quand tu arrives à New York tu te rends compte que tu n’es pas si important que ça. »
@Pom : Bien sûr ! C’est encore mieux d’ailleurs, je l’ai lu en diagonale. Je te pique la traduction.
Il n’y a pas plus propice à l’irrationalité qu’un cyclone.