César est né en 1983. Il est un « enfant de la balle », puisque son père est Tetsuo Harada, sculpteur et professeur à l’école d’architecture de Versailles. Pas de hasard, pas de déclic, pas de lutte qui l’auraient amenés au métiers de la création : il est né dedans.
César a vécu à Saint Malo, puis est venu au lycée à l’école Boulle, à Paris, où il a eu une scolarité difficile (il se considère comme le cancre de sa famille), mais s’en est tout de même tiré avec une mention « très bien » au baccalauréat. Il est ensuite entré aux Arts décoratifs de Paris, en section animation, tout en fréquentant les ateliers de l’École supérieure de création industrielle, qui l’attiraient parce qu’il y voyait les étudiants travailler la nuit. Ce n’est que le début, pour César, d’une formidable collection de cartes d’étudiants, puisqu’il est aussi passé à Central St Martins et au Royal College of art, à Londres, plus tard au MIT, à Boston (comme chef de projet, cette fois), et même à l’Université Paris 8, en arts plastiques, où, m’a-t-il confié, il s’était surtout inscrit pour disposer d’un statut d’étudiant en France et intégrer le club local de judo. Il fréquentait pourtant quelques cours, dont le mien, et j’en garde un souvenir assez net. Alors que j’ai tendance — comme praticien ou comme enseignant — à limiter mon travail aux bords de l’écran, César me parlait beaucoup de projets tangibles, d’électronique « libre », et je trouvais son goût pour le bricolage sérieux admirable.
À côté de ses études, pour vivre, César a beaucoup travaillé dans le bâtiment, sur des chantiers. Il a aussi enseigné, par exemple à l’université londonienne Goldsmith, et il enseigne d’ailleurs toujours beaucoup. Grand voyageur, il est adepte de la débrouillardise pour se loger ou pour travailler : il profite des canapés de ses nombreux amis dans le monde, a construit une yourte sur le toit de l’un d’eux à Londres, et aménagé des espaces délaissés à Hong-Kong ou en Louisiane.
Mû par des préoccupations écologiques, il a développé depuis Nairobi, au Kenya, un système de veille participative pour évaluer la progression de la pollution. En 2010, la marée noire dans le Golfe du Mexique l’amène à la Nouvelle Orléans, où il utilise d’abord des ballons aériens pour photographier les nappes de pétrole sans la permission de British Petroleum, puis, en observant les opérations de dépollution, se met à rêver d’un drone maritime à coque articulée, énergétiquement autonome, capable d’absorber le pétrole. Il réunit une équipe et se lance dans le projet Protei, qui, après des années fructueuses en prototypes, vient d’aboutir à une première déclinaison commerciale — vendre des objets lui semble la manière la plus honnêtes pour financer son travail. Membre du réseau Ted, il présente son travail un peu partout. De loin, on a l’impression que César a une existence de rêve, qu’il est une sorte de Commandant Cousteau du design. Il pourrait bien le devenir, il le mérite, et en fait, je pense que c’est son destin. Je l’imagine bien effectuant ses tours du monde sur un cargo-atelier, filmant les sacs plastiques qui polluent les mers et inventant des solutions pour y remédier. Mais dans la pratique, il jongle avec très peu de moyens et se demande régulièrement comment financer ses projets et comment rémunérer les gens qui travaillent avec lui. Il court derrière les subventions, les partenariats, les récompenses, et le fait en se tenant à une éthique personnelle forte (tout ce qu’il produit est sous licence libre, notamment) qui le rend méfiant vis à vis des tentatives de récupérations médiatiques qui se feraient au service de projets contraires à l’ordre des priorités qu’il a choisi de se fixer : la nature d’abord, les gens ensuite, la technologie après, et enfin, l’argent. L’inverse exact du « business as usual », donc.
Sites : Protei.org | Cesarharada.com | Twitter : @cesarharada