Cornelis Cornelisz van Haarlem (1562-1637), un des plus célèbres peintres maniéristes du Nord, a illustré à plusieurs reprises la vie de l’humanité avant le déluge, qui s’adonne aux plaisirs de la chère et de la chair avec insouciance.
L’épisode de Noé, dans la Genèse, n’est pas prolixe en détails sur les plaisirs de la vie des hommes avant le déluge, alors le peintre s’est inspiré de l’évangile de Matthieu, qui parle du jour du jugement dernier, qu’il compare aux temps antédiluviens : « Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé ; deux femmes en train de moudre : l’une est prise, l’autre laissée. » (Matthieu 24, 37-42)
Le sujet apporte une justification religieuse et un discours moralisateur à des scènes qui, si on ne connaissait pas le titre ou si on manquait l’arche que l’on voit au loin dans le paysage, ressemblerait plus à un classique « âge d’or » antique qu’à autre chose.
Le peintre veut-il vraiment représenter, en la jugeant avec sévérité, l’inconscience de ceux qui s’abandonnent aux plaisirs sans voir que leur monde est en passe de sombrer, comme le ferait un photographe contemporain avec des portraits de Californiens aisés, ou bien est-ce qu’il y a dans son propos une part d’envie pour le monde de volupté qu’il peint ?
De fait, le même peintre a représenté de nombreux sujets bien différents avec le même genre de personnages, dans des postures amoureuses.
Sur un site amateur, j’ai trouvé un quatrième tableau sur ce même thème, toujours attribué à Corneille de Harlem :
Mais impossible de savoir de quelle collection il provient, ni de l’identifier avec certitude.
Le style morphologique des figures me semble différent et moins dynamique.
En parlant de Noé, je me souviens de ma lecture de la Bible (il faut toujours savoir ce que l’on combat), qui m’a fait définitivement basculer dans le camps des impies.
Ce moment où, après le déluge, trop content de s’en être tiré, Noé se bourre la gueule et termine en coma éthylique, à poil, sur son lit. Un des ses fils viens le voir, et, constatant qu’il est nu, le couvre (à reculons, il fait gaffe). Au matin, la gueule enfarinée, Noé s’aperçoit qu’on lui a mis une couverture, c’est donc qu’on l’a vu à poil. Il ne trouve rien de mieux à faire que de répudier le responsable, ce qui semble légitime pour le coup dans les Écritures.
Le ridicule de l’histoire (qui apparaît tôt dans l’Ancien Testament), m’a fait augurer du pire pour la suite, je n’ai pas été déçu…
@ianux : eh oui, l’infortuné Cham, censé être l’ancêtre des africains, au nom duquel le monde musulman a justifié la traite des noirs ! Cf. Malédiction de Cham.