Dans Kiss Me Deadly (En quatrième vitesse, Robert Aldrich, 1955), le détective Mike Hammer se trouve embarqué dans une affaire qui le change de ses enquêtes sur des adultères. Pour retrouver une boite mystérieuse tout autant que pour cacher son existence, des mafieux et des espions, peut-être même issus d’agences gouvernementales, sèment les cadavres sans le moindre scrupule…
On ne saura pas le contenu de la boite, dont le contenu a brûlé la main de Hammer.
Le lieutenant Pat Murphy, l’ami de Mike, le lui évoque de manière voilée :
« Now listen, Mike. Listen carefully. I’m going to pronounce a few words. They’re harmless words. Just a bunch of letters scrambled together. But their meaning is very important. Try to understand what they mean. Manhattan Project, Los Alamos, Trinity »1.
Le projet Manhattan, c’est le programme de recherches qui a abouti à la création de la bombe A. Los Alamos, c’est la ville où se situait le centre de recherches qui était employé à ce projet. Enfin, Trinity est le nom du premier essai d’explosion nucléaire de l’histoire.
On comprend donc que le contenu de la boite, qui est en plomb et qui brûle les doigts de ceux qui la touchent, a un rapport avec l’arme atomique et avec la radioactivité.
Après bien des péripéties, Lily Carver, une espionne vénale, parvient à mettre la main sur le coffre, dont elle sait qu’il contient une fortune mais sans savoir de quoi il peut s’agir. Elle ne résiste pas à la tentation d’ouvrir la boite, mais c’est une mauvaise idée. Comme hypnotisée par ce qu’elle voit, elle ne referme pas la boite et est brûlée vive, avant que la villa où elle se trouve ne brûle à son tour.
Dans son montage actuel, le film se termine sur une plage ou Mike Hammer et sa secrétaire Velma s’enlacent. Il a existé une autre fin, ou le mot « The End » était appliqué sur l’image de la maison en train d’exploser. Cette version pessimiste signifiait que les deux héros ne survivaient pas, et, pensent certains, que le reste du monde non plus.
Le rapport à la peur de l’arme nucléaire n’était pas présent dans le roman dont est tiré le scénario et correspond aux peurs un peu naïves nées de la guerre froide et de l’effroi causé par les premières explosions atomiques.
Cette histoire de boite capable de causer la fin du monde rappelle l’histoire de Pandore, qui ne résiste pas à la curiosité d’ouvrir une boite qu’on lui a confié et qui contient tous les malheurs du monde (la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie, la passion, mais aussi l’espérance, seul malheur (?) que Pandore ait pu conserver dans la boite). Cela rappelle aussi l’histoire de la suicidaire Psyché, tombée dans un sommeil éternel pour avoir contemplé la beauté de la mort : la boite contenait un peu de la beauté de Perséphone, reine des enfers.
(Ci-dessus, les deux récits mythologiques illustrés par John William Waterhouse).
On peut aussi penser à l’étrange Repo Man (La mort en prime, Alex Cox, 1984), film de science-fiction dans lequel plusieurs personnes se disputent une voiture Chevrolet Malibu 1964 dans le coffre de laquelle se trouve un objet de nature secrète qui s’avèrera être un extra-terrestre volé au centre de recherches de Los Alamos (encore !), dont la température ne cesse de monter et dont les radiations annihilent tous ceux qui s’en approchent : ouvrir le coffre, c’est signer son arrêt de mort.
Dans Mulholland Drive (David Lynch, 2001), il est aussi question d’une boite bleue dont l’ouverture modifie (ou révèle) la réalité, et qui, selon les exégètes de Lynch, est autant une référence à la psychanalyse qu’au film Kiss Me Deadly.
On trouvera sans peine de nombreuses histoires de boites mystérieuses et aux pouvoirs immenses, parfois capables de détruir l’univers entier. Les exemples qui me viennent sont l’Apocalypse Box, coffre qui renferme un savoir infini dans l’univers de Babylon 5 ; le Cube cosmique des aventures de Captain Marvel, par Jim Starlin, qui confère à son possesseur un pouvoir infini ; la boite de Lemarchand, dans la série de films d’horreur Hellraiser ; et bien sûr (mais je ne l’ai pas encore vu), la boite du film The Box.
Je note par ailleurs que le « bouton » qui permet aux présidents américains de déclencher une guerre atomique est souvent représenté comme une boite sur laquelle ou à l’intérieur de laquelle se trouve un bouton poussoir, ou une interface permettant d’entrer un code d’activation,…
- « À présent, Mike, écoute, écoute bien. Je vais prononcer quelques mots. Ce sont des mots inoffensifs. Juste quelques lettres associées dans le désordre. Mais leur sens est très important. Essaye de comprendre ce qu’ils signifient : Manhattan Project, Los Alamos, Trinity » [↩]
Le film, The Box, est a eviter. Il n’a aucun sens et une relation tres distante avec la nouvelle de Matheson.
Un theme tangeant est aussi celui de la femme qui declenche des catastrophes par sa soif de connaissance (Eve, les exemples mythiques que tu mentionnes, aussi the personnage de Kate Blanchett dans le dernier Indiana Jones).
La première comparaison qui me vient à l’esprit, c’est la scène où les nazis ouvrent l’arche d’alliance, dans les Aventuriers de l’Arche Perdue.
Oui, carrément, et comme le dit SocProf, il y a aussi la boite dans le dernier Indiana Jones (et une histoire d’essai nucléaire à quelques mètres de là…).
Je pense aussi à « cube » qui dans un registre différent traite de la boite géante.
Et il y a bien une fin du monde dans Cube, qui est qu’il n’existe plus de monde, les gens ne savent plus où ils sont, ils n’ont aucun repère si ce n’est l’enfilade de pièces entre lesquelles ils circulent.
J’ai pensé aussi au « Magic Box », qui est la boutique de sorcellerie dans les dernières saisons de Buffy Contre les Vampires. C’est un lieu où la fin du monde est évitée régulièrement, mais qui a tendance à l’attirer. Ce n’est pas une boite, mais son nom est celui d’une boite.
Au sujet de la boite de Pandore et l’espérance qui reste enfermée, l’entrée Wikipédia sur Pandore contient une explication. En fait ce qui resterait enfermé c’est la crainte irraisonnée et anticipée des maux libérés. Ainsi malgré son destin inéluctable, l’homme peut espérer un peu de bonheur.
Et pour une référence claire et évidente à « Kiss Me Deadly », on trouve aussi la fameuse mallette dans Pulp fiction. Après, le rapport avec la fin du monde …
Je n’en ai pas d’énormes souvenirs, mais il me semble qu’il est question d’un cube dans « Dude, Where’s My Car ? ». Appelé dans le film « disrupteur dimensionnel » en VF, et « Photon Accelerator Annihilation Beam » en VO. Et d’une secte nommée Zoltan qui cherche à mettre la main dessus.
@Bastien : mmm… je me rappelle de l’affiche de ce film mais j’ai peu d’idée de ce qu’il raconte. À voir, donc 🙂
On des plans similaires dans le récent « Captain America »