Profitez-en, après celui là c'est fini

Une loi qui défend des enfants imaginaires

août 28th, 2013 Posted in Fictionosphère, Images, Lecture

Dans Courrier International, cette semaine, je découvre un débat à mon sens absurde qui s’est tenu dans le New York Times entre Gregory Curris, professeur de philosophie de Nottingham, et Annie Murphy Paul, essayiste, au sujet de l’utilité morale de la bonne littérature1. Pour résumer, les adversaires bataillent pour déterminer si le fait de lire Marcel Proust rend le lecteur plus apte à se mettre à l’écoute de ses congénères, plus capable d’empathie, ou si, au contraire, on peut être un président des États-Unis amateur déclaré de poésie en même temps qu’un expéditeur régulier de drones assassins.

Dans Galaxy Quest

Dans Galaxy Quest (Dean Parisot, 1999), les Thermians, de pacifiques extra-terrestres, embauchent pour les défendre les acteurs d’une ancienne série télévisée de science-fiction qu’ils prennent pour un programme historique. Les Thermians ignorent le concept de fiction.

Bien sûr, au cours de l’histoire de la littérature, de nombreux écrivains ont justifié leur production en avançant leur utilité d’édification morale : lire la déchéance de tel ou tel personnage, la rédemption de tel autre, ou la punition reçue par l’enfant turbulent rendra le lecteur meilleur chrétien, donnera aux jeunes filles un aperçu de l’enfer qui les attend si elles ne sont pas sages et mènera les enfants à l’obéissance. Mais qui est dupe de telles professions de foi ? Celles-ci sont d’ailleurs souvent un moyen hypocrite pour conjurer la censure, mais même lorsqu’elles sont sincères, quelle valeur véritable leur donner ? Nous tirons certainement une morale de nos lectures, surtout lorsque nous sommes surpris et qu’elles nous amènent à songer à des questions que nous ne nous étions jamais posées avant, et pour lesquelles un point de vue distancié, même imaginaire (le point de vue de l’extra-terrestre sur la guerre entre les humains, par exemple) permet peut-être, parfois, éventuellement, une réflexion nouvelle. Bien sûr, depuis Homère, des personnages grandioses ou anecdotiques accompagnent chacun d’entre nous2, mais entre la subversion, la catharsis, l’exemple, le défoulement, la constitution de clichés, l’invention de références de masse, l’invocation d’archétypes profonds ou le simple plaisir d’inventer des histoires, il existe mille et une raisons à l’existence de la littérature. Si elle ne devait servir qu’à nous rendre meilleurs, elle serait insupportable et il conviendrait de la fuir, comme il faut fuir toutes les formes de dressage, fussent-ils consentis. Les termes de ce débat ramènent la représentation littéraire à une forme de coaching, et affirment implicitement que son l’existence doit être justifiée par une utilité directe.
Bien entendu, la fiction est utile, la musique est utile, l’art, en général, est utile. On sait qu’ils sont utiles, puisqu’ils existent depuis des dizaines, des centaines de millénaires. Ils sont même nettement plus anciens que l’argent, et partant, plus utiles, quoiqu’en dise une publicité diffusée en ce moment3, qui prétend que l’argent décide de la plupart des aspects de notre existence d’humains « modernes » et s’y résigne4.

grecs

La pédérastie, dans les collections du Metropolitan de New York, du Louvre à Paris et de l’Ashmolean Museum d’Oxford. Si je montrais ces images en un peu plus grand, je tomberais sous le coup de la loi.

Si les représentations (littéraires ou autres) pouvait modeler aussi directement et aussi grossièrement la morale individuelle que certains semblent l’imaginer, alors il faut les surveiller. C’est ce qu’ont dû se dire nos députés dernièrement.

Afin de se conformer à une directive européenne de décembre 2011 en matière de protection des mineurs, notre parlement a adopté sans discussion une loi à mon sens ahurissante qui pénalise la représentation pédopornographique. Jusqu’ici, une photographie ou une vidéo mettant en scène des mineurs était punie par la loi, car elles sont le fruit de l’enregistrement mécanique de faits qui se sont effectivement déroulés ou dont on peut aisément faire croire qu’ils se sont déroulés, et qui sont, conformément à la morale d’au moins quatre-vingt dix neuf pour cents d’entre nous, quelque chose de répugnant et de condamnable. Mais la loi nouvelle va plus loin et condamne toute représentation, y compris un simple dessin, et ça, c’est une première5

Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.
(…)
Le fait de consulter habituellement ou en contrepartie d’un paiement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, d’acquérir ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Article 227-23 du code pénal, modifié par LOI n°2013-711 du 5 août 2013 – art. 5

Ce qui est aussi une première, c’est que la publication et la diffusion ne sont pas seules punies : si le mineur représenté a moins de quinze ans, le dessin peut être puni sans être diffusé. Prenez une feuille et dessinez, chez vous, un enfant et un adulte dans une scène sexuelle sans équivoque, et voilà, vous êtes un monstre passible de cinq ans de prison. Si vous êtes un adolescent de quatorze ans torturé par vos hormones et que vous vous dessinez entre les bras de Marilyn Monroe, vous êtes dans l’illégalité et vos parents risquent d’avoir à assumer la responsabilité pénale de votre inconséquence, même si Marilyn Monroe était déjà morte lorsqu’ils sont nés.

...

Dans Bon anniversaire Lubna (1983), de Liberatore et Tamburini, le robot Ranxerox partage son lit avec une pré-adolescente, Lubna, à qui il a été offert comme jouet sexuel pour son douzième anniversaire. Lubna frappe les enfants qu’on lui confie comme baby-sitter (maltraitance, travail illégal) et fréquente une dealeuse ultra-violente de trois ans et demie. Malsaine, cette bande dessinée cyberpunk avant la lettre ? Peut-être, mais aucun lecteur, en tout cas, ne pense qu’il s’agit d’une représentation de la réalité. La nouvelle loi rend sa possession passible de prison.

On remarquera que dans le cas de la pornographie représentant la réalité, il est possible de faire valoir l’âge réel de la personne mineure :

(…) Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d’une personne dont l’aspect physique est celui d’un mineur, sauf s’il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l’enregistrement de son image.

Article 227-23 du code pénal, modifié par LOI n°2013-711 du 5 août 2013 – art. 5

Et ça, c’est vraiment étrange : la loi tolère que l’on laisse croire que la personne est âgée de moins de dix huit ans tant que ce n’est pas le cas, mais pas que l’on prête un âge imaginaire à une figure représentée. Le dessin (ou l’image de synthèse, ou peut-être encore la représentation littéraire, puisque ce n’est pas spécifié) est donc plus lourdement pénalisé que l’image obtenue par un procédé de captation mécanique.

Une proposition de Kevin Cadinot

Une proposition de Kevin Cadinot sur Facebook : établir un état-civil imaginaire pour que les personnages imaginaires représentés aient l’âge légal.

On pourrait juger poétique que la loi prenne la défense d’enfants imaginaires, d’enfants constitués de traits dessinés sur une feuille de papier.
Alors que chacun de nous semble persuadé de vivre dans une société sans tabous, et alors même que le monde de la communication s’échine, dans une indifférence relative, à produire des représentations non-pornographiques mais néanmoins ultra-sexualisées d’enfants pour vendre des parfums ou autres produits de luxe, on peut s’émerveiller de voir que le dessin conserve sa puissance subversive et son pouvoir magique, chamanique6, au point d’être soumis à des lois imbéciles et malsaines qui pénalisent jusqu’au regard et présupposent que le public est incapable de distinguer une réalité de sa représentation7.

I Love Alice,

I Love Alice, par Nine Antico, raconte l’explosion des sens (fantasmée ou pas, ce n’est pas toujours clair) d’une lycéenne qui s’inscrit au club de Rugby féminin de son lycée. Si l’album devait être réédité, il faudrait y ajouter une page d’avertissement spécifiant que toutes les lycéennes mises en scène dans le livre sont multi-redoublantes et ont donc l’âge légal pour faire ce qu’on les y voit faire avec leur coach ou entre elles.

Je suis le premier à reconnaître qu’il existe des aller-retours entre fiction et réel, que les représentations influent sur ce qu’elles représentent, mais pas de manière aussi grossière. Je ne dis pas qu’un fantasme ne peut pas être malsain, mais ce n’est qu’un fantasme, après tout. En tout cas si chacun de nous — particuliers, musées, bibliothèques —, veut se mettre en conformité avec la loi, il faut dès à présent exiger de chaque dessinateur qu’il spécifie l’âge des figures qu’il représente, et commencer un immense bûcher pour détruire les peintures et les dessins qui poseront problème, lesquels risquent d’être fort nombreux.

Lire ailleurs : Code pénal: modifications aux articles définissant la pédopornographie et la corruption de mineur (blog.crimenumerique.fr) ; Dessiner des lolicons devient illégal, même s’ils sont privés (Numérama.com) ; La directive européenne, le code pénal et le confiteor (yapaka.be)

  1. Lire en anglais : Does great litterature makes us better ?, par Gregory Curtis, et Reading Literature Makes Us Smarter and Nicer, par Annie Murphy Paul. En Français chez Courrier International : La littérature nous rend-elle meilleure ? (on note la disparition de l’idée de « grande littérature »). []
  2. Enfant, je me souviens que j’essayais de raconter ma propre histoire avec la voix du Pagnol autobiographique de La Gloire de mon père ou du château de ma mère, comme pour vérifier que mon existence avait un sens, et que ma mauvaise note du jour, par exemple, pourrait être considérée plus tard comme une anecdote distrayante. []
  3. Publicité BforBank : « L’argent. C’est lui qui décide. De ce que vous mangez. De l’endroit où vous vivez. Des blagues auxquelles vous riez. De votre humeur. De votre âge. Du temps que vous passez avec vos enfants. De votre virilité. De vos souvenirs. L’argent décide pour vous. ». []
  4. L’art est plus ancien que l’argent, que la propriété privée, que l’agriculture, que l’écriture, que la ville, que les divinités monothéistes ou que le pouvoir monarchique. En extrapolant la théorie de l’évolution, on en déduira que la création esthétique est utile à quelque chose, puisque ce qui n’est pas utile finit par disparaître, et sans doute utile à beaucoup de choses différentes. Lire aussi : À quoi sert un étudiant en arts plastiques ?, où je traitais un peu cette question. []
  5. On apprend tout de même sur le site Numérama — dont l’article m’a alerté sur la question —, qu’une jurisprudence de 2007 pénalisait déjà les représentations dessinées. Je me souviens par contre que Doc JPP, inquiété en 1998 au festival d’Angoulême pour ses Sextraordinaires aventures de Bébert, (un adolescent à la sexualité débridée, si j’ai compris), avait été condamné pour ce qui ressemblait à un prétexte (il refusait qu’on lui refuse d’exposer son fanzine : bagarre, chahut…), mais pas pour son album, qui n’a du reste jamais été interdit. []
  6. Que j’évoquais dans un précédent article : Les indices, les représentations, l’objectivité, la magie. []
  7. Prochaine étape : on interdit la représentation de meurtres, puisque ce crime est évidemment haïssable ? []
  1. 36 Responses to “Une loi qui défend des enfants imaginaires”

  2. By Stéphane Deschamps on Août 28, 2013

    Je recommande aux censeurs « Trois filles de leur mère », de Pierre Louÿs. Attention à l’infarctus, cependant.

    Ranxerox à côté, c’est de la petite bière.

    Un livre très très fort mais qui, si je comprends bien, tombera sous les coups de la censure le jour où on constatera que ça ne se représente pas seulement sous forme d’images mais aussi sous forme de textes.

    Un petit lien vers une ébauche de Wikipédia qui pourrait difficilement en dire plus sans déflorer (pardon pour le calembour involontaire) l’intrigue.

  3. By Samuel on Août 28, 2013

    Merci pour cet article, très salutaire. Cela confirme que l’atteinte aux enfants est désormais le plus grave de tous les crimes : après tout, on peut représenter un meurtre mais pas un enfant érotisé… Cela rappelle la phrase (attribuée à Jack Nicholson) selon laquelle, dans un film, un sein représenté en train d’être caressé, ça donne une interdiction aux moins de 18 ans, alors qu’un sein tranché, ça donne une interdiction aux moins de 13 ans (je cite de mémoire)…

    Lire aussi là (2006 !) : BD érotique : Anastasie en sourdine

    et là, le même :

    Bernard Joubert : « L’autocensure sans cervelle est encore fréquente dans l’édition »

  4. By Sylvia on Août 28, 2013

    Et dans les films, un mineur-acteur qui joue des scènes sans équivoque avec un adulte, ça passe ?

  5. By Jean-no on Août 28, 2013

    @Sylvia : ça dépend de ce que tu appelles « sans équivoque » j’imagine…

  6. By lionel boy on Août 28, 2013

    Et si on repense à certains films tels « La petite » ou même « Léon », n’y a-t-il pas ambigüité là aussi ? Où commence l’érotisation ?

  7. By b, l'air de rien on Août 28, 2013

    Il y a aussi cette histoire trouble entre Richard Prince, période appropriationniste, et la photo de Brooke Shields à 10 ans, où il a exposé une photo prise par Gary Gross à la demande de la mère de Brooke Shields…
    http://richardprinceart.com/2011/09/12/richard-prince-thoughts-spiritual-america/

  8. By Armand on Août 28, 2013

    Le pire est qu’il ne s’agit que d’enfants imaginaires que l’on prétend protéger, tandis que les enfants réels, eux, restent infiniment maltraités sans que personne n’y trouve rien à redire. le pire est que la maltraitance augmente dans l’indifférence générale, le pire est que les déjà maigres et rares structures de protection de l’enfance s’effondrent doucement (voir à ce sujet les travaux essentiels d’Anne Tursz, entre autres), tandis qu’on promeut ces dispositions absurdes, dangereuses, liberticides.

    Grrr…

  9. By Goldfishfight on Août 28, 2013

    Youpi : on peut maintenant avec un bon avocat faire interdire les versions non expurgées du journal d’Anne Frank où elle évoque ses premiers émois.

    Oui je le concède : Exemple extrême / point Godwin, tout ça… mais généralement, ce genre de loi est d’abord utilisé pour interdire des choses problématiques, « indéfendables », et finissent par étendre leur champ d’application au delà de ce que le législateur avait prévu (ou du moins annoncé). Le pire étant cependant peut-être l’autocensure insidieuse qu’elles entraînent.

  10. By Sylvia on Août 28, 2013

    de tels exemples dans le monde du ciné/tv/mode il doit y en avoir par palettes, une poingée doit être bien glauques, mais j’ose espèrer que la grande majorité des autres ne releve que de la fiction pure.

    Y’avait pas une scène dans Entretien avec un Vampire entre Kirsten Dunst (enfant, elle avait même pas 10 ans il me semble) qui embrassait le perso de Brad Pitt ? Là aussi, on tomberait sous cette loi aujourd’hui ?

  11. By Ardalia on Août 28, 2013

    Je vais devoir dénoncer à la police mes parents qui sont les inconscients (mais ce n’est pas une excuse) receleurs d’un Rhâââ Lovely où l’on voit très clairement la petite Causette tailler une pipe à ce brave monsieur Jean Valjean tout en pleurant de gratitude. De mon côté, j’ai une BD de Groossens qui devrait me valoir la prison aussi. On est ridicules, on est mal. -_-‘

  12. By Konoko on Août 28, 2013

    L’an dernier le blogueur Pirate Sourcil avait été embastillé et son matériel informatique saisi pour un dessin suggérant l’existence antérieur d’un acte criminel…

    L’absence d’un tel crime/délit dans la loi avait conduit à le libérer… ce sera désormais plus compliqué.

    Débarrassez vous de vos Martine à la plage.

  13. By Sylvette on Août 28, 2013

    Moi j’ai juste une question: comment on sait si le personnage représenté à 15 ans et plus ou moins de 15 ans? 14 ans trois-quarts, par exemple, ou 15 ans et 4 mois? C’est laissé à la libre appréciation des juges? Est-ce qu’on a encore le droit de dire que Marie-Antoinette a épousé Louis quand elle avait 14 ans (et lui 16, le petit pervers)?
    Putain merde, en plus des Ranxerox, va falloir balancer aussi tous les Alix et les Lefranc…

  14. By Wood on Août 28, 2013

    Donc il est clairement illégal aujourd’hui de vendre ou posséder Ranxerox de Liberatore, Mirages de Druillet, Y’a Plus de Jeunesse de Margerin ?

    Ou alors peut-on encore jouer sur la définition du « caractère pornographique » ? Et y opposer la valeur artistique de l’oeuvre ? Que dit la jurisprudence ?

    Ceci dit, il y a de quoi avoir peur. Il suffit de voir ce qui est arrivé à Christopher Handley aux USA On va finir par avoir besoin d’un CBLDF en France aussi.

    Quand au moyen de savoir l’âge des personnages… En Australie les vidéo pornos ou les acteurs « semblent » mineurs sont interdites. (par exemple si les actrices ont de trop petits seins…) Ne riez pas, on y viendra, nous aussi…

  15. By Sylvette on Août 28, 2013

    Ouais, il suffit aussi de voir ce qui est arrivé au romancier britannique Will Self (arrêté par la police de sa Majesté parce qu’un type l’avait dénoncé comme pédophile notoire alors qu’il faisait de la randonnée avec son fils de 13 ans) pour comprendre que la machine est en train de s’emballer gravement.
    Je m’en vais aller lire l’article du NYT, qui m’a l’air relativement affligeant.

  16. By Sylvette on Août 28, 2013

    Pffff! Il marche pas ton lien NYT… Mais je crois que c’est leur site qui déconne.

  17. By Sylvette on Août 28, 2013

    Je viens d’aller voir la version française dans Courrier International: trop mal traduit donc trop énervant. Grrrr! Ils peuvent pas se payer des traducteurs vaguement compétents? C’est comme le Vanity Fair français (outre que le VF est une arnaque, on sert en réchauffé et en mal traduit des articles paru dans le VF anglais les mois précédents). Bref, mais je m’égare…

  18. By Sylvette on Août 28, 2013

    Ha, c’est une cyber attaque syrienne contre le NYT apparemment…

  19. By Jean-no on Août 28, 2013

    @Sylvette : la Bourse qui s’écroule, le NYT qui plante, BHL au Grand journal,… Il nous aura fait payer jusqu’au bout, Bachar el Assad !

  20. By Sylvia on Août 28, 2013

    Twitter aussi a été victime de cette cyber attaque

  21. By gilda on Août 28, 2013

    Merci pour ce billet (et à Matoo d’avoir transmis) car justement je m’interrogeais sur cette loi qui me semblait sous couvert de vouloir protéger les plus jeunes, fort dangereuse au fond.

    PS : Je vois que nous eûmes le même usage des souvenirs d’enfance de Marcel, soudain je me sens moins seule.

  22. By Guy on Août 29, 2013

    Merci pour cet article, je ne m’était pas encore rendu compte qu’un partie de ma bibliothèque représentait désormais un risque juridique !
    D’ailleurs qu’en est-il des bibliothèques publiques ? Devront elles soustraire à la vue les ouvrages suspects ? Je crois que je vais surveiller les rayons…

  23. By Jean-no on Août 29, 2013

    @Guy : dans la logique de cette loi, de nombreux livres devraient être supprimés purement et simplement. Mais elle a peu fait parler d’elle pour l’instant, donc personne ne le sait.

  24. By Seb on Août 29, 2013

    Si je comprends bien, on va pouvoir lire le Lolita de Nabokov, mais pas l’adapter… hop à l’index Kubrick!

    Et puis pourquoi s’arrêter là: Francis Evrard s’excitait sur de photos de catalogue? interdisons les pages sous-vêtements enfants de la Redoute!
    Il n’est également pas non plus à exclure que rendre la burka obligatoire pour les moins de 15ans éradique spontanément la pédophilie.

  25. By Goldfishfight on Août 29, 2013

    @Seb : Je pense que vous êtes beaucoup trop optimiste. La loi ne précise pas que la représentation doit être « graphique ». Je suis à peu près certain qu’elle rend la détention de Lolita criminelle (même si personne n’est assez fou pour faire ce procès là… pour l’instant).

  26. By Noelle Joly on Août 29, 2013

    On va de plus en plus vers la criminalisation de l’intention, voire de la pensée (1984 et le crimeparlapensée). C’est dans le même genre que la loi sur les signes religieux à l’école qui punit la possible intention prosélytique, ou bien les règlements bureaucratiques qui vous interdisent de sourire sur une carte d’identité (au cas où ça signifierai qu’on se fout de la gueule de la Sainte Administration…)

    Oui, ce n’est que mon avis, ces choses-là ont un rapport. Les obsédés du contrôle bureaucratique finiront par punir le surpoids, la grande taille, puis la différence.

    Ce n’est même pas dans l’intention de punir, mais simplement d’avoir la menace prête au cas où. Bouger le petit doigt sans être en infraction sera de plus en plus dur, même si paradoxalement, les moyens donnés à la prévention seront plus faibles.

    Excellent !

  27. By Laurent Berthod on Août 29, 2013

    Il faut brûler la plus grande part de l’œuvre de Balthus !

  28. By Jean-no on Août 30, 2013

    @Laurent Berthod : je pense que la loi ne vise que les représentations de rapports sexuels et épargne donc la plupart des peintures d’adolescentes lascives de Balthus, mais certaines compositions, comme sa fameuses Leçon de guitare tombent sans doute sous le coup de cette loi, et c’est encore plus vrai, j’imagine, des dessins du frère de Balthus, Pierre Klossowski.

  29. By Fanny on Août 31, 2013

    Le problème vient d’une définition particulièrement large de la pédopornographie, à l’article 2 de la directive. Cette définition limite cependant le concept aux représentations à caractère visuel. Mais on peut imaginer sans peine qu’elle puisse être complétée à l’avenir par un texte condamnant toute forme de description comme une incitation à la pédophilie. Il faut noter que la qualification du délit est moins précise dans la loi française que dans la directive européenne, l’adjectif visuel, peut-être jugé redondant par le législateur, ayant été supprimé, ce qui laisse au juge une plus grande liberté d’appréciation.

    Je signale en outre que le terme « enfant » s’applique à tout mineur (moins de 18 ans), le fait de représenter des mineurs de moins de 15 ans étant une circonstance aggravante dans la loi française.

    Article 2 (Directive 2011/92/UE relative à la lutte contre les abus sexuels, etc.)

    Définitions
    Aux fins de la présente directive, on entend par:
    a) «enfant»: toute personne âgée de moins de dix-huit ans;
    b) «majorité sexuelle»: l’âge en dessous duquel il est interdit, conformément au droit national, de se livrer à des activités sexuelles avec un enfant;
    c) «pédopornographie»::
    i) tout matériel représentant de manière visuelle un enfant se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé;
    ii) toute représentation des organes sexuels d’un enfant à des fins principalement sexuelles;
    iii) tout matériel représentant de manière visuelle une personne qui paraît être un enfant se livrant à un comportement sexuellement explicite, réel ou simulé, ou toute représentation des organes sexuels d’une personne qui paraît être un enfant, à des fins principa­lement sexuelles; ou
    iv) des images réalistes d’un enfant se livrant à un compor­tement sexuellement explicite ou des images réalistes des organes sexuels d’un enfant à des fins principalement sexuelles;

    Je remarque cependant que l’interdiction était déjà présente dans la décision-cadre de 2004, qui me semble-t-il allait beaucoup plus loin en incluant: « des images réalistes d’un enfant qui n’existe pas participant ou se livrant au comportement visé au point i » (le point i impliquant qu’il y ait menace).

    Il me semble donc qu’un juge devra prendre en compte l’intention que le législateur a manifesté en supprimant la précision « qui n’existe pas ». Ceci dit, étant donné la caractère vague de la loi française, il sera sans doute nécessaire de porter la cas devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, pour que cette intention soit reconnue, car on ne retrouve pas la même évolution dans le droit français.

    Décision-cadre 2004

    Directive 2011/92/UE

  30. By Jean-no on Août 31, 2013

    @Fanny : Merci de ces précisions. Dans la décision-cadre, je note la notion de « réalisme » dont je me demande quelles sont les contours pour le législateur.

  31. By lotusflow3r on Sep 6, 2013

    L’art échappe a la morale, et quiconque tente de l’y enfermer commet une erreur qui va à l’encontre même de la nature d’une oeuvre artistique. Tout cela est navrant :(

  32. By Jean-no on Sep 7, 2013

    @lotusflow3r : je ne suis pas sûr que l’art échappe à la morale. Imaginons que quelqu’un commette un assassinat en disant : « c’est de l’art ». Ne serait-ce plus un assassinat ? J’ai peur que si ! En revanche, si quelqu’un dessine un meurtre, il ne commet pas un meurtre, il a produit un dessin.

  33. By Nicolas B. on Mar 18, 2014

    Merci Fanny pour ton intéressant éclairage européen.

  34. By Nicolas B. on Mar 18, 2014

    Jean-No,

    « notre parlement »

    Tu parles comme Louis le Onzième !

    Quant à la loi française qui te chagrine, tu te méprends. La loi de 2013 ne change pas le fond. L’interdiction – floue – ne date pas de 2013, et elle est bien antérieure à la directive européenne de 2011. En France, le code pénal condamne « l’image ou la représentation d’un mineur ».
    Est-ce qu’un mineur imaginaire est un mineur ? Oui, ou non, c’est une question d’interprétation.
    Personnellement, j’ai tendance à répondre non. Comme écrirait Magritte : Ceci n’est pas un enfant. ;-) Une pomme dessinée, ça ne se mange pas. Donc ce n’est pas une pomme.
    La loi est équivoque. La modification de 2013 n’éclaircit pas le flou.
    La question est : est-ce qu’un dessin d’un mineur fictif est « l’image ou la représentation d’un mineur » ? On peut répondre oui comme non. La jurisprudence, dans sa tradition prude, a répondu oui. C’est lamentable.
    Et c’est dangereux. Au Japon, quand on a retiré de la vente les « lolicons », les abus sexuels d’enfants ont augmenté. Ces mois-ci, le Japon examine une proposition de loi voulant interdire la pornographie de mineurs fictifs.

    Il est vrai que la loi de 2013 ajoute la pénalisation quand il n’y a pas d’intention de montrer l’image. C’est tout-à-fait sensé s’agissant de photos ou de vidéos. Mais pour des dessins cela devient surréaliste ! Tes exemples montrent bien l’absurdité dans ce cas.

    Les censeurs sont comme les psychotiques : ils confondent la réalité avec l’illusion.

  35. By Nicolas B. on Mar 18, 2014

    Interdire les fantasmes ? Le rêve orwellien de toutes les dictatures.

    Le cas de la pédophilie est intéressant.
    Je propose aux amateurs une expérience.
    Demandez à 10 personnes dans la rue :
    « Est-ce que la pédophilie est illégale ? »
    Je suis sûr que 9 personnes sur 10 vous répondront oui.
    En tout cas, à la télé, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu cette affirmation, proférée comme une évidence.
    Pourtant, c’est totalement faux. La pédophilie est une attirance. La pédophilie est légale dans tous les pays du monde.

  36. By Louloute on Jan 2, 2015

    tant qu’on regarde l’écran de son ordinateur ou sa feuille de papier, on ne regarde pas vers la porte.
    En empêchant les gens de fantasmer, on les pousse à l’acte.
    Les cas de passage à l’acte serviront d’épouvantails.
    Lesquels épouvantails serviront à leur tour à légitimer des lois liberticides.
    Qui affermiront le pouvoir.

  37. By Jean on Sep 3, 2023

    Nicolas B a raison, c’est en 1998 que ce terme de « représentation » a été rajouté.
    Mais à l’origine, il ne visait pas à interdire les BD, dessins et mangas, mais craignaient simplement que le simple terme « image » ne suffise pas à couvrir les photo-montages et retouches photoshop.
    C’est finalement la jurisprudence de 2007, confirmé par la cour de Cassation, qui a considéré que cet article recouvrait bien les représentations de personnages mineures imaginaire.
    https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007640077/
    « qu’ainsi, l’objet du délit, qui, auparavant, était défini comme l’image d’un mineur, c’est-à-dire la représentation picturale, photographique ou cinématographique d’un enfant, est étendu à toute représentation d’un mineur ; qu’il peut donc s’agir d’images non réelles représentant un mineur imaginaire, c’est-à-dire des dessins, ou même des images résultant de la transformation d’une image réelle »

    Mais la volonté du député à l’origine de l’ajout de ce mot n’était pas du tout ça:
    « En 1998 […] la loi est étendue pour lutter contre « les images virtuelles ou photoshopées, car il y a une zone de flou », précise Bernard Joubert.
    « Mais à aucun moment dans les débats parlementaires, il n’a été question de s’en prendre à des dessins, des peintures ou des dessins animés. Après des juges peuvent considérer que ça s’applique à des dessins… »  »
    https://www.bfmtv.com/people/bandes-dessinees/de-transgressive-a-controversee-comment-la-representation-de-la-pedophilie-dans-la-bd-a-evolue_AN-202301210001.html

    La loi a été mal écrite.
    A l’origine ils voulaient étendre la porté de « image », afin de couvrir toutes les évolutions technologiques futures, quelque soit le support, mais finalement c’est la porté des sujets qui a été étendu, incluant donc les mineurs réelles, c’est à dire individu avec une conscience et des droits, âgé de moins de 18 ans, et donc dorénavant aussi, des personnage fictifs issue de l’imaginaire.

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