Les indices, les représentations, l’objectivité, la magie
août 31st, 2012 Posted in Fictionosphère, Images, indices(Je n’ai rien posté de consistant depuis longtemps. J’ai vécu un été plutôt déconnecté du réseau, si ce n’est, de temps en temps, pour discuter des corrections et de l’iconographie de mon prochain livre, consacré au sujet des Fins du Monde — le pluriel est important —, à paraître chez l’éditeur François Bourin, et qui sera ce qu’on nomme un « beau livre » ou un « coffee table book », comme disent les anglo-saxons, c’est à dire un imposant pavé richement illustré. Comptez sur moi pour en reparler)
Avertissement
Je ne suis pas un grand théoricien, et certainement pas un philosophe. J’essaie malgré tout de réfléchir à mes méthodes d’investigation, à mes motivations et à mes sujets, et c’est de tout cela que j’ai envie de parler ici, dans un billet fourre-tout sans doute indigeste et confus, peut-être même vaseux, destiné à mon usage personnel en premier lieu, destiné ensuite à servir de réponse à quelques personnes avec qui j’ai discuté de ces questions et où, j’en suis certain, j’enfonce des portes déjà bien ouvertes par des gens que je n’ai pas, ou peu, ou très mal lus (les théoriciens de l’école de Francfort, par exemple).
Donc, lecteur, ne lis ce qui suit que si tu t’ennuies énormément aujourd’hui.
Les princes Sérendip
Il existe sur ce blog une catégorie nommée indices, que j’aimerais expliquer. Il ne s’agit pas d’indices au sens que ce mot a pour les statisticiens ou les économistes (indice des prix, indice de croissance, etc.) mais d’indices au sens que l’on peut donner au mot dans une aventure de Sherlock Holmes ou plus encore dans le conte des trois princes Sérendip.
L’histoire des fils du roi Sérendip est un conte persan publié en Italie à la Renaissance, dans lequel trois princes, « après une solide éducation »1, avaient refusé de prendre la succession de leur père et étaient partis à la découverte des merveilles du monde. Au cours de leur première aventure, ils parviennent à décrire un chameau et ce que ce dernier transporte en se fiant à des détails qu’ils remarquent, comme la manière dont l’herbe est broutée, par exemple : le chameau est borgne, boiteux, a une dent cassée et porte une femme enceinte, du miel et du beurre. La description qu’ils font s’avère si précise que les trois jeunes hommes sont envoyés en prison, car on pense qu’ils ont volé l’animal. Cette histoire a inspiré à Voltaire un épisode de son Zadig, qui a à son tour influencé Edgar Allan Poe dans son Double assassinat dans la rue Morgue, premier roman policier de l’histoire de la littérature, mais aussi Arthur Conan Doyle. Hors littérature, cette histoire a influencé Georges Cuvier, qui pensait que l’on pouvait savoir à quoi ressemblait un animal en se fiant à ses empreintes et à ses fossiles et qui a fondé, sur cette base, la paléontologie. En référence aux contes de Sérendip, l’écrivain Horace Walpole a forgé le mot « sérendipité ». Il avait lu ces récits enfant et se souvenait que, sans l’avoir cherché, les princes Sérendip effectuaient des découvertes où leur sagacité et le hasard intervenaient2. Le mot « sérendipité », qui a un certain succès auprès des chercheurs et des étudiants, désigne donc le fait de collecter, sans but définitif, au hasard, des indices, qui permettent ensuite de faire de véritables découvertes.
C’est un peu le principe de la catégorie indices sur ce blog : une affiche, un spot publicitaire, un produit, un dispositif urbain quelconque m’interpellent, et je note leur existence sans savoir de quel changement ils sont la preuve ou le symptôme (quoique parfois j’en aie une petite idée bien sûr), mais en étant persuadé qu’ils signifient quelque chose. Il ne faut pas donner trop d’importance à l’anecdote, bien sûr, mais on aurait tort de ne jamais s’y intéresser.
De la valeur des représentations et des fictions
Au hasard d’une conversation sur un sujet sans aucun rapport, j’ai été repris sur un de mes arguments, ou plutôt sur ma méthode, qui consistait à utiliser le cinéma ou à la littérature comme exemples d’une réalité sociologique/anthropologique. Pour l’anecdote, j’affirmais que les papas parisiens de 2012 s’occupaient plus volontiers de leurs enfants en bas-âge que les pères de 1950 ou que ceux de l’époque de Périclès à Athènes, mais je n’avais, pour en attester, que des écrits, des films et autres représentations (ainsi bien sûr que les non-écrits, et les non-représentations : une omission en dit aussi souvent beaucoup). On m’objectait que ce genre de choses n’a aucune valeur, comparément aux études statistiques. Je maintiens pourtant ma position et j’aimerais l’expliquer un peu en détails.
Bien sûr, je suis conscient qu’il existe de nombreux biais dans le fait se servir des représentations comme miroir d’une réalité, puisque ce miroir est déformant, puisqu’il peut contenir une part plus ou moins élevée de propagande, de fantaisie ou de singularité anecdotique. Une représentation est par ailleurs souvent tributaire des canons du registre auquel elle appartient. C’est particulièrement clair dans les récits d’enquêtes policières, par exemple, où une énorme partie de ce qui est raconté ne se réfère pas à l’actualité et à la réalité du métier de policier, mais aux récits policiers antérieurs. J’ai déjà un peu abordé ce sujet dans les articles Les universitaires existent-t-ils, Bohemian Rhapsody et Les rêves, la fiction et la réalité, notamment.
Une particularité de la représentation, et cela s’observe très bien dans le contexte des médias de masse, est qu’elle modifie ce qu’elle décrit, qu’elle le crée parfois de manière performative, c’est à dire qu’elle peut influencer le comportement et la vision du monde de ses destinataires. Elle ne nous informe donc pas seulement sur l’air du temps présent, mais aussi sur ses mutations en cours et parfois sur leur avenir. Elle nous informe aussi, par déduction, sur les intentions des propagandistes et, selon le succès public ou critique de l’œuvre, sur la mentalité de l’époque. C’est ce qui me pousse à regarder de temps en temps le journal télévisé (qui est une représentation, évidemment), malgré son caractère informatif généralement superficiel : le visionner m’informe sur ce que les gens regardent, et sur la vision du monde qu’on leur sert et qu’ils veulent bien admettre.
L’influence des médias de masse se produit de manière assez fine, car pour qu’un propos ait un véritable impact, il faut que ceux à qui il est destiné soient disposés à l’accepter. Ainsi, lorsqu’Alfred Hitchcock parlait d’espionnage, de terrorisme et de sabotage dans les années 1940 ou 1950, il était sans doute plus en phase avec l’opinion publique que quelques décennies plus tard, lorsqu’il a réalisé The Torn Curtain et Topaz, films dans lesquels sa compréhension de la géopolitique de son époque commençait à sembler datée — au même titre que son esthétique, du reste.
Celui qui veut trouver des indices anthropologiques dans des œuvres de représentation se retrouve embarqué dans un jeu intéressant, une équation à n inconnues qui réclame, forcément, un peu de finesse. L’œuvre contient des éléments de vérité inconscients3 ; des motivations purement esthétiques4 ; parfois des éléments documentaires assumés, fruits d’une recherche véritable ; des éléments sciemment mensongers qui nous informent sur les motivations et la vision du monde des menteurs et de ceux qui ont vu leurs films5 ; et ils sont par ailleurs soutenus par un projet explicite qui peut nous troubler : distraire, édifier, expliquer,…
Évidemment, à la suite de Roland Barthes, d’Umberto Eco et de bien d’autres, je pense qu’une enquête menée par le biais des représentations doit se défier des hiérarchies esthétiques : une chanson populaire médiocre peut avoir plus de valeur sémiologique ou documentaire que l’excellent poème d’un grand auteur, et si de grands cinéastes nous ont bien parlé de la condition humaine, ils nous permettent sans doute moins d’étudier l’époque qui les a produits que des œuvres qui croient ne véhiculer aucun discours, ou qui se trompent sur la teneur du discours qu’elles véhiculent, comme telle ou telle comédie à la mode, ou comme un film publicitaire, pourtant censé appartenir au royaume de la fausseté et, puisque c’est même sa raison d’être, de la manipulation.
Je ne suis pas en train de dire que la valeur esthétique d’une œuvre ne m’intéresse pas, bien sûr. Au contraire, je crois très fort en la création artistique comme moyen d’apprendre à voir le monde, et à s’éduquer aux images, notamment, et je suis bien sûr sensible, hors tout aspect utilitaire précis, au plaisir de la délectation que provoque une œuvre d’art.
L’objectivité
Passons à présent à la question des chiffres, que l’on me présentait comme seul et unique moyen de décryptage du monde.
Je pourrais difficilement contester l’utilité des chiffres objectifs, des études normées et épistémologiquement rigoureuses. Ils permettent de faire apparaître des faits qui vont contre les illusions du « sens commun », ou qui sont imperceptibles à l’œil nu. Par exemple l’apparition d’une épidémie ou l’augmentation de la proportion de célibataires dans une société.
Pourtant, tout ne se mesure pas, et même ce qui se mesure donne souvent plus d’information sur celui qui étudie que sur l’objet étudié — par exemple les statistiques relatives à certains âges seront différents selon le découpage des âges qui a cours dans la société en question : on sait que les limites de l’enfance, de l’adolescence, de l’âge adulte ou de la vieillesse varient énormément selon les lieux et les époques. Enfin, comprendre ce qui est mesuré réclame souvent bien plus de travail et de rigueur que d’effectuer la mesure elle-même, et la manière dont les données sont livrées, traduites visuellement, peut relever de la propagande ou de la désinformation — pensons simplement aux statistiques sur la valeur prophylactique de tel ou tel aliment, où un minuscule écart statistique se transforme en une nouvelle qui arrange toute une industrie : « le vin rouge permet d’éviter l’infarctus », etc.
Enfin, les études chiffrées peuvent avoir un effet terrible sur ce qu’elles mesurent : elles poussent à la malhonnêteté. Pour être bien placé dans le classement dit « de Shanghaï », une université recrutera des enseignants « stars » au détriment de sa mission d’enseignement ; pour satisfaire les exigences chiffrées en termes de rendement, les policiers se concentreront sur les affaires faciles à élucider et négligeront les autres ; pour obtenir des chiffres d’affaire en hausse constante, des dirigeants d’entreprises peuvent saborder la rentabilité de leur société à long terme ; etc.6
De même la photographie ou l’enregistrement sonore, moyens mécaniques et relativement objectifs de captation de phénomènes physiques, ont permis d’observer le monde qui nous entoure d’une manière complètement neuve. Le film, et notamment l’accélération, le ralenti et l’arrêt sur image, constitue aussi un incroyable outil mécanique de compréhension du monde : l’analyse des mouvements par Muybridge ou Marey, la compréhension de la formation des nuages, des mouvements des fluides, etc., tout ça a été rendu possible par la maîtrise du temps des images animées. Si je parle d’une objectivité relative, c’est pour deux raisons. La première est qu’il existe de nombreux facteurs qui nuisent à l’objectivité de l’outil de captation : qualités techniques, mais aussi intervention de l’opérateur, contexte de présentation (la légende d’une photo change son sens, par exemple). La seconde raison, c’est que les objets actuels sont intelligents, et vont l’être de plus en plus, et que cette intelligence signifie qu’ils interprètent ce qu’ils captent — comme par exemple ces appareils photo actuels qui attendent que le sujet sourie pour faire le cliché, ou de manière plus banale, les logiciels embarqués des appareils numériques qui équilibrent les couleurs des images en fonction de choix effectués en amont par les ingénieurs qui les ont conçus.
Une photographie peut être fausse, et un tableau, ou un dessin, être vrais.
Pour finir, je revendique le droit à une certaine finesse, et celui de m’intéresser à tout, de faire feu de tout bois, de trouver un sens important à un film de série Z comme à une statistique de l’Insee.
La magie
L’image est encore autre chose qu’une simple représentation, c’est à dire un objet qui renverrait de manière plus ou moins fidèle à une réalité. Le jeune Florian Duchesne me racontait une anecdote vécue. Alors qu’il dessinait quelqu’un dans le métro, la personne qui lui servait de modèle a brutalement saisi son dessin et l’a déchiré rageusement avant de partir sans s’expliquer.
Qu’est-ce qui a pu passer dans la tête de la personne qui a déchiré le dessin ? Son intimité n’était pas violée par le dessin qu’il a déchiré, puisqu’il s’agissait d’une trace dessinée sur une feuille de papier et non d’une captation « objective » comme une photographie ou un film. Un dessin ne constitue pas un témoignage de ce qu’il représente, on ne peut pas l’utiliser comme preuve, il n’est qu’un dessin. La loi reconnaît un « droit à l’image » des particuliers lorsque ceux-ci apparaissent sur un cliché ou une vidéo7, pas sur un dessin. La loi reconnaît tout de même un pouvoir aux images dessinées ou peintes si celles-ci ont servi à commettre un crime ou un délit – un appel au meurtre ou la publication de propos diffamatoires, par exemple.
Légalement, donc, le modèle excédé a eu totalement tort, il ne disposait d’aucun droit sur l’image qu’il a déchiré, et donc, il a endommagé un objet qui n’était pas sa propriété.
Ce qui m’intéresse, c’est de me demander comment cette personne a pu un instant se sentir dans son bon droit, et en quoi le dessin la menaçait. Sa réaction rappelle celle des Cheyennes qui voyaient dans l’appareil photographique une menace : l’objet, en capturant leur image, volait leur âme, et certains portaient même sur eux un talisman censé l’empêcher. On sait que dans de nombreuses régions du monde, les premiers photographes ont eu du mal à convaincre les populations que leur image, fixée sur le papier, ne leur enlevait rien, ne les rendrait pas malades ou ne servait pas à leur jeter un sort. Parfois, la crainte a disparu, mais pas la croyance dans le caractère magique de la photographie, qui a fini par être intégrée à des rites religieux.
Ce rapport magique à l’image n’a pas attendu la photographie pour exister. Nous ignorons et nous ignorerons sans doute toujours la signification véritable des dessins que nos ancêtres préhistoriques traçaient dans des grottes presque inaccessibles8, mais il est probable que ces dessins aient eu un usage rituel.
Plus proche de nous, on se souviendra que le second (le second !) des dix commandements reçus par Moïse en haut du mont Sinaï proscrit absolument la représentation dessinée ou sculptée : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu’en mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements ». Avant le XIXe siècle, la règle a été prise très au sérieux parmi les juifs.
On sait que l’Islam est tout aussi opposé aux images. Le Coran (parole directe de Mahomet) ne développe pas de position claire sur la représentation artistique et se contente de proscrire l’idolâtrie, mais les hadits (parole transmise par des tiers), sont parfois très virulents et affirment notamment que, le jour de la rétribution, les images se feront donner une âme et tourmenteront leurs auteurs : « tout peintre ira en enfer. On donnera une âme à chaque image qu’il a créée, et celles-ci le puniront dans la Géhenne (…) si tu dois absolument en faire, fabrique des arbres et tout ce qui n’a pas d’âme » ; « Ceux que Dieu punira le plus sévèrement au jour du Jugement sont ceux qui imitent les créations de Dieu » ; « Gabriel est venu vers moi et m’a dit : nous, les cohortes d’anges, n’entrons pas dans une maison où se trouvent un chien, l’effigie d’un corps ou un pot de chambre »9. Celui qui dessine est un blasphémateur, puisqu’il se hisse au niveau de Dieu : « Qui donc est plus criminel que ceux qui ont dessein de créer des êtres pareils à ceux que j’ai créés ? Qu’ils essaient donc de créer un grain de blé ! Qu’ils essaient donc de créer une fourmi ! »
Au contact de l’Islam, les chrétiens byzantins se sont posés la question des images, négligée depuis des siècles et qui constituait un des premiers points qui ont éloigné le Christianisme du Judaïsme. Dans l’empire Byzantin aux 8e puis au 9e siècle, donc, une violente querelle a opposé les iconodules et les iconoclastes, les premiers vénérant les images pieuses et les second y voyant de l’idolâtrie et s’inquiétant du sort des représentations : si une partie d’un saint se trouve dans une icône, alors que se passe-t-il si cette icône est souillée ou détruite ? Cette querelle théologique a provoqué des émeutes, des destructions d’images, bien sûr, mais aussi d’édifices religieux, et a même fait des morts, notamment sous le règne de l’empereur Constantin V. La guerre des images s’est terminée par une restauration du culte des icônes dans toute l’église orthodoxe.
Chez les chrétiens d’occident, qui ont très tôt utilisé l’image comme support pédagogique, la question des représentations s’est posés à l’époque de Tertullien (3e siècle) puis surtout à l’aube de la Réforme, notamment avec Ulrich Zwingli, Jean Calvin, ou avec les Anabaptistes, qui se référaient à l’ancien testament pour proscrire les représentations religieuses, voire les images en général — tandis que Luther, lui, a utilisé l’image pour illustrer sa Bible. Jérôme Savonarole, précurseur florentin de la Réforme, s’en est quand à lui pris aux objets aptes à détourner de la foi, notamment les images. Sous son influence, Sandro Botticielli a lui-même détruit nombre des ses œuvres.
En dehors de toute opération surnaturelle, il existe bien une magie dans le dessin. Derrière un dessin, il y a une intention, un projet, le mouvement d’une main, l’énergie d’une personne. Et ce n’est pas tout. En trois traits, on peut évoquer ou créer un monde, on peut même donner une sorte de réalité à quelque chose qui ne pourra jamais exister dans le monde tangible, comme un homme en justaucorps qui vole au dessus des gratte-ciels ; la faune et la flore d’une planète extraterrestre ; ou encore un projet architectural que les lois de la physique rendent totalement utopique. Et tout cela en se contentant de maculer une surface. Le texte, bien entendu, ou le récit, permettent le même genre de magie : créer des choses avec des mots ou des gribouillis.
Les représentations, les images, c’est un sujet sérieux, finalement.
- Je note, dans le conte des frères Serendip, l’insistance sur le fait que les princes sont dotés « d’une solide éducation » et que leur travail est désintéressé. Appliqué au domaine de la recherche, nous sommes donc assez éloigné de la politique d’excellence basée sur des indicateurs qui se veulent rationnels. En ces temps de changements de gouvernement, j’espère que notre ministre préposé à l’enseignement supérieur et à la recherche saura s’en inspirer et balayera les erreurs coûteuses des années passées, comme celle qui consiste à croire qu’on peut trouver quelque chose de nouveau en sachant d’avance et avec précision ce que l’on cherche, ou comme d’imaginer que tout se mesure et se compare sur une même échelle. [↩]
- Certains utilisent le mot « sérendipité » pour décrire une exploration par le hasard pur, par la dérive au sens de Guy Debord. Ce n’est pas un contresens, mais je m’intéresse plus, pour ma part, à l’idée de la collecte d’indices. [↩]
- Par exemple, bien que ça ne soit le propos principal d’aucun d’entre eux, ou quasiment, les films issus de telle ou telle culture nous renseignent sur la manière dont on se sert (ou pas) d’une fourchette et d’un couteau, dont on s’assoit et dont on se comporte à table. [↩]
- Rappelons-nous Paul Véronèse, qui avait placé dans son Repas Chez Lévi un homme saignant du nez, non pour ce que cela apportait au tableau en termes de signification mais pour des raisons de composition chromatique — c’est du moins ce qu’il a expliqué à l’Inquisition qui l’interrogeait sur ce détail troublant. [↩]
- Savoir que l’armée américaine a exigé et obtenu un droit de regard sur le contenu idéologique de Transformers 3, qui raconte l’histoire d’extraterrestres capables de se transformer en voitures, me semble en soi tout à fait passionnant, par exemple. [↩]
- Hors des choix purement politiques, la naïveté envers les chiffres est le gros reproche que je ferais aux différents gouvernement sortant : université, police, santé, budget,… Les indicateurs me semblent avoir été plus importants que ce qu’ils mesuraient. Il n’est malheureusement pas certain que les successeurs de Nicolas Sarkozy et François Fillon soient plus avisés sur ces questions. [↩]
- Notons qu’il n’est a priori pas interdit de photographier une personne dans l’espace public, mais la personne doit donner son accord si l’on veut que la photographie soit publiée [↩]
- Nous ne savons pas si les hommes préhistoriques dessinaient beaucoup en dehors des grottes, car c’est justement parce qu’ils se trouvaient dans ce milieu protégé de la lumière et de l’air que ces dessins sont parvenus jusqu’à nous. Sans doute ne dessinaient-ils pas que dans des grottes. [↩]
- Pour en savoir plus, lire l’article Représentation figurée dans les arts de l’Islam, sur Wikipédia. [↩]
5 Responses to “Les indices, les représentations, l’objectivité, la magie”
By Wood on Août 31, 2012
C’est marrant, mais moi dans le métro, si on me demandait, je pense que j’accepterai qu’on me dessine, mais découvrir qu’on m’a dessiné « clandestinement », je suis à peu près sûr que ça ne me plairait pas. Je pense que le sentiment est répandu. Ca tient peut-être d’un reste de croyance en la magie, et peut être aussi de problème d’image : on se trouve moche, on ne s’aime pas, on n’a pas envie que la terrible image que l’on a de soi circule de par le monde…
Voir aussi : http://www.bouletcorp.com/blog/2008/03/21/apprendre-a-dessiner-furtif/
By Wood on Août 31, 2012
Aussi, il manque un paragraphe sur la mauvaise foi, entre la valeur des représentations et l’objectivité.
By Julien on Sep 1, 2012
quand vous dites, je cite : » Une photographie peut être fausse, et un tableau, ou un dessin, être vrais. » je me rappelle alors un reportage du journal de 13h, sur les dessinateurs à qui l’on fait appel pour les recherches scientifiques sur les nouvelles plantes. afin d’authentifier leur réelle nouveauté ainsi que les attributs de cette plante. le dessin étant censé être bien plus représentatif de l’état de cette découverte, qu’une photographie.
désolé, voilà pour ma petite parenthèse.
By Julien on Sep 1, 2012
et j’aurais dû lire la suite avant de publier ce commentaire ahah. au temps pour moi.
By Jean-no on Sep 1, 2012
@Julien : je n’ai pas vu ce reportage, mais il amène de l’eau à mon moulin :-)
@Wood : je n’avais pas vu la planche de Boulet, super ! La mauvaise foi, une autre fois.