À quoi sert un étudiant en arts plastiques ?
octobre 14th, 2012 Posted in Études, Mauvaise humeurLa situation de l’Université Paris 8, comme sans doute celle de bien d’autres, est devenue un peu désagréable pour les enseignants, pour le personnel administratif et pour les étudiants.
Le coûteux logiciel Apogée, passablement inadapté, a fait perdre beaucoup de souplesse à l’organisation générale des diplômes et sa mise en place kafkaïenne est la cause directe d’arrêts-maladie et de départs en retraite anticipée1. Les frais de fonctionnement des universités, mal évalués au moment de leur autonomisation, ne baissent pas et cela se ressent, l’entretien des bâtiments, et notamment des sanitaires, n’est pas idéal. La perte de certains crédits en Arts plastique, tels que « l’aide à la réussite », impose de se passer des « moniteurs » qui guidaient les étudiants, et de réduire de manière dramatique le nombre des cours assurés, en utilisant les vacataires comme variable d’ajustement. Non seulement les enseignants précaires sont plutôt mal payés (la rémunération horaire est correcte, mais dans des conditions qui font que ça ne constitue pas un revenu régulier correct), souvent avec des mois de retard, mais à présent, on supprime massivement leurs cours, et il n’y a pas le choix : on ne peut plus les payer. Puisque le nombre d’étudiants ne baisse en revanche pas vraiment, les enseignants restants sont astreints à accueillir des effectifs déraisonnables : jusqu’à quarante-cinq étudiants en cours pratique, une soixantaine en cours magistral. C’est ça, ou bien effectuer une sélection, mais puisque l’université est le dernier lieu où l’on trouve des filières qui ne sont sélectives ni par l’argent (comme dans le privé), ni par un arbitraire administratif (comme dans les écoles d’art appliqués dépendantes du ministère de l’éducation), ni par le milieu social d’origine (comme les écoles nationales parisiennes, bien souvent), ni par des concours (comme toutes les écoles territoriales et nationales d’art), l’idée de restreindre le nombre d’étudiants met mal à l’aise la plupart des enseignants. Ce n’est pas un bête tabou culturel, mais le fait que les enseignants ont conscience que sélectionner reviendrait à fermer la dernière porte qui ait toujours été ouverte dans l’enseignement supérieur.
Pourtant, bien sûr, il va falloir trouver une solution. Pour bien connaître les écoles d’art, je peux comparer : plus les étudiants savent ce qu’ils font là où ils se trouvent, et moins on perd de temps. Par bien des aspects, l’université non-sélective est une voie cruelle. Les étudiants y sont très libres mais cette liberté a un coût : ils sont aussi presque totalement livrés à eux-mêmes, forcés de se battre pour comprendre le fonctionnement des études et pour dompter la très lourde machine administrative qui, malgré la bonne volonté et l’énergie de la plupart de ses agents, fonctionne très mal. La sélection se fait sur l’endurance à supporter tout ça, et il n’est pas étonnant que tant d’étudiants se découragent en cours de cursus.
Baptiste Coulmont2, enseignant à Paris 8, signalait sur Twitter un article du Journal de Saint-Denis qui évoquait ces problèmes.
La question rhétorique de David Monniaux est assez courante : à quoi servent tous ces étudiants ? Ce n’est pas une question illégitime si on se place du point de vue de l’économie du pays : les milliers d’étudiants en arts plastiques ne deviendront pas artistes3, ni même professeurs d’arts plastiques du secondaire, et la sociologie, comme de nombreuses sciences humaines (psychologie, anthropologie, histoire, histoire de l’art, philosophie, lettres,…), accueillent sans doute nettement plus d’étudiants qu’il n’y a d’emplois dans leur domaine, d’autant que la plupart n’ont quasiment que l’enseignement et la recherche comme finalité professionnelle directe.
En ces temps de chômage, une telle interrogation se comprend. Mais en même temps, demander aux études d’être directement adaptées à la vie active me semble une grosse erreur. Quels sont les métiers de demain ? De quoi a-t-on besoin ? Et qui est ce « on », d’ailleurs ? Qui est utile à la société et l’économie, en 2012, alors qu’on a de plus en plus besoin de consommateurs et de moins en moins de producteurs et alors qu’un « actif » sur dix est contraint au chômage ? Est-ce que le chômage est lié à un déficit de formations adaptées ? Qui a décrété que l’école ou les études servaient juste à ajuster des personnes au monde de l’emploi ? C’est une idée plutôt récente, qu’on n’aurait pas eue avant que le chômage ne devienne un problème endémique : dans la panique, au début des années 1980, on a subitement décrété que le rôle de l’école n’était pas de former de beaux esprits, ni des citoyens, ni des soldats ou des prêtres, mais de donner du travail. Et c’est une terrible erreur que de faire des promesses que l’on n’est pas en mesure de tenir. Et après avoir demandé ça aux lycées, aux collèges, on exige la même chose de l’université. On demande à des enseignants, qui souvent n’ont jamais vu autre chose que le système éducatif, de faire semblant qu’ils peuvent dispenser un savoir ajusté à la demande d’un monde professionnel en mutation.
Mais le fait que l’on puisse passer des années de sa vie à déchiffrer des tablettes akkadiennes ou à disséquer des concepts philosophiques n’est pas une errance de l’université, c’est ce qui la justifie. Le fait que l’on lise au collège ou au lycée des livres qui ne serviront jamais dans une carrière d’employé de bureau, que l’on apprenne des lois physiques ou mathématiques qui seront tout aussi inutiles à la vie professionnelle de quatre vingt dix neuf pour cent des gens n’est pas non plus une erreur, c’est justement à ça que sert l’école : à être ce que le reste du monde n’est pas, à être un sanctuaire, à être un lieu où on peut (et doit) apprendre sans but utilitaire direct, idéalement pour être un être humain qui ne se contente pas de subsister, qui ne se contente pas d’être un tube digestif apeuré par l’avenir et avide de consommer, mais qui existe. Un être pensant, capable de s’intéresser au fonctionnement du monde et de la société dans laquelle il vit. Je vois idéalement l’école et l’université comme des sanctuaires de l’apprentissage et du savoir, mais ces institutions ne sont pas en dehors du monde, elles en font partie, elles profitent juste d’une temporalité et de buts différents de ceux qui ont cours dans d’autres milieux comme une entreprise, une administration, etc.
Il est à la mode de déplorer que l’éducation, secondaire ou supérieure, méprise les matières techniques. Je suis tout à fait d’accord, mais là encore, pas parce qu’il faut former à des métiers précis — les métiers techniques, hors quelques secteurs artisanaux traditionnels, sont régulièrement soumis à des mutations imprévisibles —, mais parce que les mains, comme le cerveau, comme les jambes aussi (on pourrait parler du sport à l’école), doivent apprendre pour apprendre, se cultiver pour se cultiver. Personnellement, j’ai appris un métier technique, j’ai passé trois ans à être formé à la photographie argentique et à la retouche-photo d’avant Photoshop, celle qui se faisait au crayon et au pinceau. Quelques années après mes années de lycée professionnel, mon apprentissage de la retouche était devenu caduc, et à présent, mes cours sur le calcul de l’usure des bains de développement argentique sont tout aussi inutiles. Non seulement le métier a changé, non seulement des gens qui n’y ont pas été formés sont à présent plus compétents que moi pour l’exercer, mais je dois avouer qu’à l’époque, je ne m’imaginais pas spécialement passer la totalité de mon existence à arranger la peau de mannequins à coup de gris-film. Pourtant, je ne regrette pas cet apprentissage, parce qu’apprendre est bon en soi, parce qu’apprendre permet d’apprendre à apprendre et même, d’apprendre à enseigner. Tous les ans, j’enseigne d’ailleurs la programmation informatique à des étudiants dont une grande partie ne se servira pas intensivement de ces connaissances et, sans doute, les oubliera sitôt le cours validé par une note. Cela ne me gène pas, car je ne considère pas que tout le monde doive suivre le cours pour les mêmes raisons : les mordus mordront, les autres se contenteront de s’ouvrir à quelque chose qu’ils n’auraient pas connu par eux-mêmes et qui leur apprend en partie comment fonctionne le monde numérique dans lequel ils baignent, afin de ne pas en être bêtement esclaves : programmez ou soyez programmé.
À la radio, j’ai entendu un homme politique sorti de prison qui expliquait que les gens qui s’accommodent le mieux à des conditions de détention ne sont pas les brutes, mais les intellectuels qui aiment lire et écrire : eux savent toujours s’occuper. Il faut dire qu’il ne reste que ça puisque le principe de la prison est d’entraver le corps.
David Monniaux, l’auteur du tweet signalé plus haut, est informaticien et mathématicien, normalien, agrégé, a passé sa thèse à l’université de Dauphine4, est habilité à diriger des recherches, employé du CNRS, et tout un tas de choses du genre. Il s’inscrit donc assez clairement dans le système d’excellence française voulu par Napoléon, basé sur le tri : théoriquement démocratique (puisque théoriquement ouvert à tous sans distinction sociale, même si on observe que c’est de moins en moins vrai), il a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Cette vision du système éducatif a produit et persiste à produire une véritable élite, mais il s’agit parfois moins d’aider chaque citoyen à s’élever intellectuellement que de sélectionner les éléments les plus brillants parmi l’ensemble des citoyens. Dans un premier cas (Finlande, par exemple, où le dogme est qu’aucun enfant ne doit être abandonné par le système éducatif), l’État est au service du citoyen, tandis que dans le cas français, c’est l’inverse, le citoyen est la propriété de l’État. Bien entendu, on peut me faire remarquer que le niveau d’exigence du système élitiste permet d’amener ceux qui y sont adaptés à un niveau incomparable : un système qui veut aider tout le monde risque de devoir abaisser son niveau d’exigence. Il est amusant de voir, au passage, la tête que font les étudiants de certains pays lorsqu’on leur donne une note comme 14/20 en disant « c’est bien » : pour eux, « bien », c’est 20/20, et le reste revient à se faire cracher à la figure. Les services universitaires qui s’occupent des équivalences sont d’ailleurs contraints à rééquilibrer les notes : un 12/20 français devient un 4/5 dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, et en Finlande on ne peut pas avoir de note inférieure à 4/10. Ce genre de correspondance est généralement moins un signe d’indulgence qu’une preuve de la bienveillance du système. En tout cas les finlandais savent parler anglais, lisent un livre par jour, et ne sont pas traumatisés par l’idée de la reconversion professionnelle ou de la reprise d’études… Question de choix de société, quoi5.
Revenons à nos étudiants en art. À quoi servent-ils ? Les étudiants en école d’art — institutions très familiales — se trouvent généralement une utilité, je me rappelle de statistiques qui montraient que tous les diplômés avaient trouvé un emploi dans leur domaine un an après avoir quitté leur école. Ils ne deviennent pas nécessairement artistes, et tant mieux, mais il ont bien d’autres possibilités : communication, graphisme, design, décoration, métiers d’art divers, enseignement, spectacle,…
Je ne connais pas toutes les écoles d’arts visuels privées, mais à e-artsup où j’ai enseigné quelques années, les étudiants trouvent eux aussi du travail, et même plus rapidement que les autres car ils sont astreints dès la deuxième année à effectuer des stages de plus en plus longs en entreprise, avec une contrepartie évidente : plus rapidement plongés « dans le grand bain », ils manquent parfois de temps pour développer leur langage propre.
Le cas des étudiants en université est moins lisible, puisque beaucoup abandonnent leurs études en cours de cursus sans donner de nouvelles, et bien souvent avec un vrai sentiment d’échec. Cela peut arriver aussi en école d’art bien sûr. Les anciens étudiants en Arts plastiques à l’université avec qui je suis en contact ont souvent un emploi dans le domaine aussi, mais cela n’est pas une statistique, juste une impression subjective : les bons étudiants à l’université sont ceux qui s’accrochent, qui ont une raison d’être là, ou qui s’en trouvent une, et ce sont aussi ceux que l’on retient et avec lesquels, parfois, on garde contact. Et quant aux autres ? Est-ce que c’est grave de « perdre du temps » ? On meurt toujours assez tôt, et on est toujours suffisamment astreint à faire des choses sans en avoir envie. Alors si on ne profite pas de sa vingtaine pour faire des choses sans but précis, quand est-ce qu’on pourra le faire ? On m’a déjà dit qu’il était déraisonnable de donner des rêves d’art, de littérature et de philosophie à des gens qui finiront par trier des papiers dans une administration. Je trouve cette réflexion assez terrifiante : il faudrait limiter ses rêves pour les accorder à une existence frustrante ? Qu’est-ce qu’il reste ?
Une chose est certaine, en tout cas : dans ces métiers, et particulièrement à l’université, aucun enseignant ne fait de promesses déraisonnables à ses étudiants. Aucun étudiant non plus ne croit qu’il lui suffira d’une licence en arts plastiques pour devenir un grand artiste, un galeriste, ou je ne sais quoi de plus ou moins lié aux arts plastiques : ces métiers ont toujours été cruels, imposant à la fois le talent, la volonté et la chance, qui n’ont rien de démocratique. Ceci dit, il existe des dizaines de milliers de postes d’enseignement artistique à divers niveaux, et de nombreux emplois publics liés à la culture accueillent assez naturellement des gens formés aux arts plastiques.
Si on extrapole la théorie de l’évolution aux idées ou aux faits sociaux, on peut se dire que lorsque quelque chose parvient à durer dans le temps, c’est qu’il y a une raison à cela, et souvent, cette raison est que le phénomène s’est avéré utile à quelque chose. La cravate, accessoire vestimentaire dont étaient affublés les hussards croates de Louis XIII date du XVIIe siècle. Ils la portaient en souvenir de l’épouse qu’ils laissaient au pays, et c’est devenu, au fil du temps, un attribut indispensable de la tenue réglementaire de certains employés. Un député, légitimement élu par les citoyens de son pays, n’a pas le droit d’entrer dans l’Assemblée nationale sans cravate, par exemple. Pour ma part, qui n’en ai jamais porté, j’ai toujours vu à cet objet une symbolique proche de celle de la corde de pendu que les bourgeois de Calais ont dû porter autour du cou en se rendant au roi d’Angleterre, en signe de soumission, signifiant qu’ils étaient à la merci du souverain qui avait assiégé et conquis leur ville. Bref, j’ignore à quoi sert la cravate, mais elle existe depuis quatre cent ans et a une véritable importance dans le monde « sérieux ». L’actuel costume du salaryman, avec pantalon, veste, chemise, cravate et chaussures assorties, me semble être une version simplifiée et souvent économique du costume du bourgeois occidental de la Belle-époque, sans chapeau, sans corsets ni fixe-chaussettes. C’est un vêtement assez coûteux, et pas forcément adapté à la vie de tous les jours. De même qu’on ne sait pas à quoi sert un étudiant en arts plastiques, on ne sait pas à quoi sert le costume du salarié, ni pourquoi certains métiers l’imposent et pas d’autres, ni pourquoi il doit être si terne (hors cravate, justement), ni pourquoi on doit s’habiller pareil pour travailler et pour assister à un enterrement, ni pourquoi la situation est si différentes pour les femmes. Le monde « sérieux » est saturé de codes plus ou moins incompréhensibles ou absurdes, vus de l’extérieur en tout cas, mais ceux-ci doivent avoir une raison de persister, bonne ou mauvaise, sinon ils auraient disparu.
Or il est courant et il semble légitime de se demander si un étudiant en arts plastiques ou en philosophie sert à quelque chose, mais je remarque que personne ne se demande jamais si une cravate ou un costume servent à quelque chose.
La création artistique, elle, existe depuis plus de 30 000 ans6. Elle est antérieure à l’invention de l’agriculture, et donc antérieure à tout ce qui découle de l’agriculture : les clôtures, les territoires, les propriétaires, la transmission, le mariage, les transactions commerciales, la prostitution, les chiffres, l’écriture, l’argent, la richesse, la spéculation, la loi, l’inégalité, l’esclavagisme, le travail rémunéré, la philosophie, les prêtres, la monarchie, et enfin le surpoids, les caries et les dieux uniques qui ont besoin d’argent. Non seulement l’art est plus ancien que tout cela, mais il n’a pas disparu avec l’introduction de l’agriculture, et au contraire, il a continué à se développer, avec ou sans argent, prenant dans certaines civilisations une importance tout à fait extraordinaire. Depuis le début du XIXe siècle, nous vivons dans un monde où l’image est (c’est un poncif mais il n’est pas faux) omniprésente. On ne sait pas à quoi servent l’art, les artistes, les étudiants en art, les collectionneurs et les décrypteurs d’images, mais ils ne servent sans doute pas à rien. Et on peut en dire autant des disciplines que l’on regroupe un peu artificiellement sous le terme de « sciences humaines ».
Est-ce qu’un polytechnicien qui a étudié les sciences, les techniques, la physique et la mécanique, avec les meilleurs enseignants est vraiment utile à l’humanité lorsqu’il décide de faire une carrière de grenouille de conseils d’administration ? Qui est-ce qui est le plus utile à la société : un trader ou un éboueur ? le paysan qui nous nourrit, ou l’administrateur du fonds de pension qui spécule sur le prix du blé ? Je ne devrais pas avoir à vous souffler la réponse.
Au fait, sur cette bonne Terre, qui est-ce qui sert réellement à quoi que ce soit, en dehors des lombrics qui fertilisent le sol et des insectes pollinisateurs ? Qui est-ce qui peut se vanter de valoir plus que son poids en compost ? L’honneur de l’espèce humaine, c’est de pouvoir faire autre chose que simplement survivre : penser, créer, observer, par exemple.
Des choses dont on ignore à quoi elles servent, ni si elles servent à quoi que ce soit, et dont des espèces vivantes particulièrement douées pour survivre et proliférer (fourmis, bactéries) n’ont aucun besoin.
- Le sujet d’Apogée me passionne, j’aimerais prendre le temps de réaliser une véritable enquête à son sujet car il illustre assez bien la manière dont une machine, au départ créée pour être utile à tous, peut contraindre et maltraiter ses utilisateurs. L’idée de départ, qui était de mettre au point un outil mutualisé était pourtant bonne. Je serais curieux de voir comment les marchés ont été conclus, par qui, avec quelle vision sur le long-terme (pour que ce logiciel fonctionne il faut utiliser une version dépassée de Java),… [↩]
- Baptiste Coulmont, qui enseigne la sociologie, fait régulièrement la chronique des dysfonctionnements de l’université. Lire récemment sur son blog : La rentrée à Paris 8, édition 2012, et De l’impossibilité de travailler. [↩]
- Lors d’un cours de sociologie de l’art, j’ai appris que les artistes français qui tirent suffisamment de revenus de leur activité pour être imposables étaient environ une centaine. Je ne sais si ce chiffre a changé en vingt ans, mais j’en doute. [↩]
- Je note au passage que la devise actuelle de Paris Dauphine est « L’université choisie », ce qui est un peu une inversion des faits assez cocasse, puisque Dauphine, contrairement à Paris 8, est une université qui choisit ses étudiants. Dauphine et Paris 8 ont été créées en même temps, comme universités expérimentales. [↩]
- Au passage, signalons que David Monniaux traite lui-même de ce genre de sujets sur son blog, La vie est mal configurée. Il y déplore notamment — et le sujet mérite attention — que l’on préfère parfois mal former pléthore d’étudiants que de bien former un nombre raisonnable. J’espère que l’intéressé n’aura pas l’impression que je m’en prends à lui dans cet article, j’emploie son tweet comme prétexte mais je considère ses observations comme tout à fait légitimes. [↩]
- La grotte ornée de Chauvet, un des plus anciens exemples, daterait de 30 000 ans avant notre ère, mais nous ne la connaissons que grâce à sa situation protégée : s’il a existé une forte création picturale, à la même époque ou même bien plus tôt, à l’air libre, il ne peut rien en rester. [↩]
85 Responses to “À quoi sert un étudiant en arts plastiques ?”
By Wood on Oct 14, 2012
J’adore l’expression « grenouille de conseil d’administration ». C’est de toi ?
By Jean-no on Oct 14, 2012
@Wood : oui. J’avais un peu peur que l’image ne parle pas, à vrai dire !
By delphine.b on Oct 14, 2012
article collector
By Frechin on Oct 14, 2012
Bel article
l’art comme activité est une question (non négociable)
La formation des artistes une seconde
Et celle de l’art universitaire théorique une troisième.
Le MCC à décidé pour ses écoles d’art de laisser la recherche aux universités…. Donc au regard de ton article, celle ci couleront avec l’université ;(((((
By Jean-no on Oct 14, 2012
@JL : la recherche en école d’art tâtonne, c’est peu de le dire, et l’université en a fait une affaire de territoire (la plus grande école d’art ne peut pas faire de docteur en art…). Je pense que ce cafouillage finira par ouvrir l’université sur l’école d’art, plus que le contraire. L’actuelle « chasse aux docteurs » dans les écoles d’art est un peu comique, mais je vois des côtés positifs pour tout le monde. Attendons de voir ce que devient cette mayonnaise. Les écoles d’art se sont peut-être mal défendues : par exemple pour un DNSEP il faut un jury de cinq membres dont un est docteur, tandis que pour un Master 2 universitaire, censé être (enfin) équivalent, trois membres suffisent, voire deux, donc aucun n’est astreint à être docteur… L’université a imposé aux écoles une règle qu’elle n’applique pas à elle-même. À présent, des 3e cycles vont se mettre en place dans les écoles d’art, on va voir ce que ça donne en pratique.
By Stéphane Deschamps on Oct 14, 2012
Deux petites remarques :
1. Sur l’éducation à l’art.
Quand j’étais collégien, ma prof d’Arts Plastiques (qui m’a ouvert les yeux sur plein de trucs et a eu un rôle décisif sur mon ouverture au monde, vu depuis mon patelin de province) avait placardé sur la porte de sa salle de classe une petite affiche en noir et blanc « Sans éducation artistique je suis un infirme » (que je ne parviens pas à retrouver sur le vouèbe).
On ne dirait plus « infirme » aujourd’hui, avec toutes les connotations sociales liées au handicap, le politiquement correct, etc., mais en tout cas le plaidoyer disait bien ce qu’il voulait dire. On a besoin d’apprendre autre chose que des choses appliquées : je suis souvent attristé de la pauvreté culturelle des gens avec qui je travaille, spécialisés depuis un âge très jeune, ne lisant pas, ne connaissant ni musique ni peinture, incapables simplement de te donner envie de voir un film qu’ils ont aimé faute d’outillage.
2. Sur l’utilité des études.
Quand j’étais dans ce même collège, une prof de maths a dit à mes parents que je devrais être ingénieur (je ne sais pas vous, mais pour moi ingénieur c’est comme docteur ou agrégé : c’est un niveau scolaire, ça ne préjuge pas d’une spécialité). J’ai fini par faire une fac d’anglais, incapable de faire trop longtemps des choses qui m’ennuient. Et maintenant je fais un boulot qui me plaît (expert technique web), qui n’a rien à voir ni avec ce qu’on me proposait lors de mes études, ni même avec ce que j’ai étudié (comme toi).
Je reste intimement persuadé qu’avoir appris l’ouverture d’esprit, la curiosité, m’ont été cent fois plus utiles qu’une formation appliquée.
Enfin, une anecdote : au lycée une conseillère d’orientation m’a dit de ne pas trop me biler. La moitié des métiers qui existeraient en l’an 2000 n’existaient pas encore en 87, estimait-on. Elle avait tout à fait raison. Une formation utilitariste appliquée au présent est, sinon vouée à l’échec, du moins beaucoup plus hypothétique que les parents d’élèves ne veulent le croire.
By colodio on Oct 14, 2012
Superbe article Jean-No. Merci.
By DM on Oct 14, 2012
Je répondrai peut-être (si j’en ai le temps) sur le fond, mais juste une remarque : j’ai effectivement un doctorat de Paris-9-Dauphine, mais je n’ai jamais effectivement étudié ni fait de recherche dans cet établissement (j’étais en thèse au laboratoire d’informatique de l’ENS rue d’Ulm et inscrit à Dauphine pour des raisons compliquées qui ennuieront certainement le lecteur). J’y ai en revanche enseigné.
By Grosse Fatigue on Oct 14, 2012
Quand j’étais en DEUG de socio, je pensais comme toi. Quand j’ai fini mon doctorat de socio, je pensais déjà beaucoup moins comme toi. Au fond, tu as raison. Mais quand la dèche post-fac s’installe, on rêve d’un vrai métier, même si l’on n’en rêve que quelques années, parce qu’un vrai métier, c’est pas être artiste, et qu’on préfèrerait quand même être artiste, libre, tout ça, enfin moi, en tous cas…
By sylvette on Oct 14, 2012
Hear! hear! hear! Ton article résume ma pensée. Juste une remarque. Si on ne veut pas faire de sélection, on est tenu, me semble-t-il de faire de l’orientation (je veux dire de la vraie orientation, pas ce qui en tient lieu aujourd’hui dans le secondaire). Il y a quelques années un rapport rédigé par je ne sais qui avait conclu que la France était l’un des rares pays (peut-être bien le seul, je ne me souviens plus) où les filière courtes post-bac étaient sélectives tandis que les études longues (donc, entre autres, les études universitaires) étaient ouvertes à tout le monde. On se retrouve avec des étudiants d’IUT qui poursuivent finalement en fac après leur diplôme et des étudiants de fac venus là par défaut, souvent pour garder leur bourse et leur sécu et qui finalement, eux, n’iront nulle part. Pour moi le système actuel est doublement cynique. La fac est là comme outil pour tripoter à la baisse les statistiques du chômage des jeunes, et en retour les facs n’ont d’autres solutions pour justifier leur existence que de faire venir en nombre des étudiants pour qui la fac ne sera qu’un miroir aux alouettes. Mais j’arrête là… c’est sûrement un effet de l’automne, des jours qui raccourcissent et du mauvais temps. La distorsion entre ce que mon métier est censé être et ce qu’il est devenu en vrai n’a jamais été (pour moi) aussi immense.
By Jean-no on Oct 14, 2012
@sylvette : je ne peux pas te dire que tu te trompes. Tout ça c’est un équilibre : quand tu as un tiers d’étudiants non-francophones (mais qui ont un papier qui prétend qu’ils le sont), ou que tu enseignes le XVIIIe écossais à des étudiants qui ont un niveau 4e en anglais, tu peux avoir l’impression de perdre ton temps, t’épuiser pour peu et les autres étudiants doivent vivre dans un certain désespoir. Par contre, si c’est 5% des étudiants avec qui c’est plus difficile, ça passe mieux. Il y a des problèmes en amont, aussi.
By DM on Oct 14, 2012
Cher Jean-Noël, maintenant sur le fond.
Tu as l’air de suggérer que je serais une sorte de partisan forcené de l’utilitarisme dans l’enseignement supérieur, et que je serais partisan de supprimer les enseignements ne donnant pas de débouchés immédiats au profit d’enseignements technologiques (dont tu soulignes au passage que, dans certains cas, ils peuvent se retrouver vite démodés voire obsolètes).
Je scierais alors sans doute la branche sur laquelle je suis assis (et au passage supprimerais une partie de mes revenus), vu qu’il faudrait alors supprimer l’enseignement de la logique, de la calculabilité et de la complexité, qui, à part si l’on fait de la recherche dans ces domaines ou des domaines collatéraux, servent au mieux à donner quelques indications de haut niveau pour la compréhension du monde. Mais passons.
Le problèmes des remarques sur Twitter est qu’il est difficile d’être nuancé en 140 caractères. Je vais donc être un peu plus prolixe ici.
Si l’on fait un baccalauréat professionnel, c’est sans doute qu’on n’a guère de goût (ou de capacités) pour l’abstraction et les généralités. Autant dire que la pertinence d’une poursuite d’études en sociologie ne m’apparaît pas.
Je n’entends évidemment pas dire qu’un bachelier professionnel serait à vie incapable de suivre des études en sociologie, tout simplement parce que l’on change avec le temps. Je parle donc de l’opportunité de poursuivre immédiatement à l’université dans une discipline où il est question d’établir des généralités sur la société.
Ce qui me fait peur quand j’entends parler des L1 universitaires, c’est la proportion d’étudiants qui vont là quelque peu par hasard, ou encore en suivant le flux, mais sans trop savoir ce qu’ils y font ; c’est en quelque sorte un choix par défaut.
On va à l’université parce qu’on a été rejeté des filières sélectives (CPGE, IUT, BTS, médecine…) ou qu’on n’a pas voulu y entrer. C’est d’autant plus le cas dans les filières SHS car on déconseille les filières scientifiques à ceux qui n’ont pas un niveau minimum en maths/physique/bio. Peut-être l’attrait de matières nouvelles, non présentes ou peu présentes au lycée (droit, psycho, socio, etc.) joue un rôle dans l’attrait de certaines de ces disciplines.
Le constat est cependant patent : des classes surpeuplées et des taux d’échecs importants.
Tu sembles opposer à la formation professionnalisante une formation à une sorte de culture générale de l’honnête homme (dont on ne sait pas à quoi ça peut bien servir précisément, mais ça doit avoir une utilité)… mais es-tu sûr que la plupart ceux qui entament des études de sociologie, de lettres ou d’arts plastiques en retirent réellement cette culture ?
Des collègues de lettres sont obligés de faire des cours de grammaire élémentaire et de lecture de texte ; en histoire, me dit une amie, il est courant que des étudiants de L2 placent le traité de Rome avant la Seconde guerre mondiale…
Bref, la question n’est pas d’opposer des formations qui mènent à la Culture (et plus généralement aux connaissances déconnectées d’applications pratiques, cf Dowek sur les préjugés) à celles qui mènent à des applications immédiates.
Ma première question: qu’est-ce que, concrètement, un bachelier professionnel peut retirer d’une tentative de cursus universitaire en lettres ou en sociologie. Ma deuxième question: est-ce que l’étudiant moyen en sociologie comprend vraiment mieux la société que l’individu cultivé moyen?
By Jean-no on Oct 14, 2012
@DM : On va à l’université parce qu’on a été rejeté des filières sélectives (CPGE, IUT, BTS, médecine…) ou qu’on n’a pas voulu y entrer. –> ou qu’on ignore leur existence ou qu’on pense qu’on n’y a pas droit. Je me souviens d’un étudiant qui payait 8000 euros dans le privé pour une formation en communication. Il n’était pas riche, ses parents s’étaient endettés pour ça. Je lui ai demandé s’il avait tenté les arts décoratifs, et il m’a répondu : « ben c’est nul, les arts décoratifs ! »… Parce qu’il n’avait aucune idée de la renommée de l’école. Et pour fréquenter les Arts déco, j’ai l’impression que le milieu social d’où sont issus la plupart des étudiants est extrêmement élevé, alors que les frais d’inscription sont symboliques. Peut-être était-il tombé sur un conseiller d’orientation scolaire qui lui avait dit que les « arts décoratifs » était une formation de rempailleur de chaises.
Qu’en tirent les étudiants qui partent sur un échec ? Je connais pas mal de gens de mon âge qui ont fait un ou deux ans de fac, et rien, et qui font tout à fait autre chose maintenant. Mais ils gardent malgré tout un souvenir vif de cette période, ils ont lu des livres qu’ils n’auraient jamais lu, et ils retiennent quelques petites choses, ils se sont ouverts. Je ne vois pas comment quantifier l’intérêt d’un tel bilan. Mais je viens d’une fac expérimentale où on considère que même les échecs sont une bonne chose dans une expérience (et où on prend des étudiants non-bacheliers – moi, par exemple), et je suis d’accord, mais bon je suis né en 1968 et je suis tributaire d’un certain esprit de l’époque.
Est-ce qu’il suffit d’avoir fait socio pour comprendre le monde ? J’ai peur que non. Et je crois qu’on peut faire socio sans université, en lisant, ou en s’intéressant. Idéalement, pour moi, ce ne sont pas des étudiants déjà compétents qu’il faut, ce sont des étudiants qui s’intéressent.
Comme le dit Sylvette plus haut, la fac est parfois un moyen d’éviter d’inscrire les gens à Pôle-emploi, et les sciences humaines, un moyen particulièrement économique : un tableau, un feutre, trois chaises, et hop.
Je m’en suis un peu voulu de t’utiliser comme ça dans mon article mais je me disais que tu étais quand même un bon client, entre la discussion avec Baptiste, tes propres positions sur ton blog et ton cursus impressionnant. Mais je n’irai pas accuser un Wikipédien d’être contre la démocratisation du savoir, bien sûr.
By DM on Oct 14, 2012
Pour résumer ma pensée : ce qui m’embête n’est pas que des gens suivent des études de sociologie ou d’arts plastiques, c’est qu’ils y aillent en quelque sorte par défaut (parce qu’il faut bien s’inscrire quelque part) et n’en tirent pas grand chose. Qu’est alors l’université, si ce n’est un moyen de retirer des jeunes des statistiques du chômage? On comprend alors le peur d’empressement des pouvoirs publics d’augmenter les budgets…
By DM on Oct 14, 2012
Enfin, un point sur lequel j’aimerais avoir un jour le temps de développer et d’écrire un billet complet.
Nous avons en France l’obsession de la formation initiale, avec l’idée que tout est joué avant 20 ans. L’exemple que l’on cite toujours est celui des classes préparatoires aux grandes écoles, où un concours passé entre 19 et 21 ans déterminerait votre carrière ; mais en réalité cette pensée est largement diffusée, au point qu’une idée très courante est que tout jeune doit suivre une formation supérieure (d’où les objectifs chiffrés au baccalauréat, bientôt en L3).
Or, une bonne partie des jeunes s’ennuient en cours et aimeraient être ailleurs. Il semble d’ailleurs assez naturel, qu’à cet âge on veuille faire des choses dans le monde plutôt que de s’enfermer dans une salle de cours.
On voit arriver aux inscriptions universitaires des jeunes escortés de papa et/ou maman qui parlent à leur place. Vont-ils forcément s’intéresser à ce dans quoi on les inscrit?
Il me semble que, plutôt que de pousser à des études sans enthousiasme, on devrait plutôt fortement faciliter la reprise d’études. Or, j’ai plutôt l’impression que l’on fait le contraire : par exemple, divers avantages accordés aux étudiants sont plafonnés en âge…
J’ai également vu proposer un système d’année de hiatus optionnelle entre le lycée et l’université (service civil?).
By Jean-no on Oct 14, 2012
@DM : tu connais « admission post-bac » ? Le bachelier a trois cases, il doit y mettre ses préférences : [ ] Philosophie [ ] Arts plastiques [X] Psychologie.
Hum. Évidemment, ça n’est pas ce qu’on peut appeler une orientation.
By DM on Oct 14, 2012
@Jean-No: Si le but est de parquer les jeunes pour éviter qu’ils ne s’inscrivent à Pôle Emploi, dans une formation qui ne les intéresse pas forcément, ne vaut-il pas mieux qu’au moins ce soit une formation qui leur permette de trouver un emploi ensuite ? :-)
L’aspect « bon marché » ne justifie pas tout. Un enseignement de maths ou d’informatique théorique, c’est également particulièrement économique : un prof, un tableau noir, des craies. Pourtant, personne ne propose de se servir des cursus de maths pour faire patienter les étudiants, parce que « tout le monde sait bien » que les maths, si tu ne comprends pas, ça te passe au dessus de la tête. Est-ce fondamentalement différent en socio ou psycho?
By Jean-no on Oct 15, 2012
@DM (je te réponds dans le désordre, désolé) : quelle formation donne des emplois ? C’est devenu assez difficile à dire. Dans certains secteurs « en manque de bras » on cherche plutôt les gens les moins qualifiés (puisque les moins chers), et parfois même, des gens qui n’ont même pas de papiers : bâtiment, sécurité, certains services…
Je pense effectivement que beaucoup de gens s’inscrivent en fac sans idée sur ce qu’ils y trouveront. On a quelques dispositifs pour éviter ça : portes ouvertes, conseil aux bacheliers (qui envoient une lettre expliquant ce qui les motive, et à qui on donne un avis sur l’orientation). Je vois les dégâts – beaucoup de déçus – mais j’ai du mal à trouver ça grave, car après tout, 100% des gens arrivent dans l’existence sans savoir non plus ce qu’ils y trouveront. Depuis quelques années, on payait en heures complémentaires des « moniteurs », des étudiants plus expérimentés pour guider les nouveaux. Ça a bien fonctionné, mais on perd ce dispositif à présent : plus de sous.
Les conditions de la fac ne sont pas idéales, mais je connais d’autres milieux, plus confortables, et je constate que l’université donne une place et beaucoup de liberté à des gens qui, pour une raison ou une autre, ne trouveraient pas leur place ailleurs. C’est mon cas, d’ailleurs, et je suis très reconnaissant à l’université pour cette raison. Je n’ai pas un bac pro, je n’ai pas le bac du tout, j’ai passé un CAP, que j’ai réussi à rater et que (insouciance de la jeunesse ?) je n’ai pas retenté l’année suivante alors que je n’avais qu’une partie (éliminatoire) à valider : la pratique.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@DM : quand tu déplores que « tout se joue avant 20 ans », je suis bien d’accord, et finalement, ça me semble précisément ce qui justifie de tolérer l’errance.
Personnellement, en arts plastiques, la mauvaise orientation n’est pas tellement le problème car la matière, quoique assez difficile à définir en vérité, est tout de même un peu connue de tous. Au pire, certains viennent en pensant qu’ils vont tomber sur une école de Beaux-arts avec chevalets et sellettes. Ce qui est plus problématique, c’est de tomber sur des étudiants pour qui écrire est douloureux, mais depuis quelques années, je sens un léger progrès en termes d’aisance à rédiger (due à mon avis au support informatique : lorsqu’il fallait écrire au stylo bille, c’était différent), et le problème apparaît surtout pour moi au niveau master, quand débarquent les étudiants étrangers en équivalence, à qui on demande d’écrire dans une autre langue que la leur. Ceci dit on a de nouveaux problèmes, comme les étudiants qui pensent qu’un copier-coller peut devenir un devoir.
Ce qui me chagrine au lycée, c’est la trop grande importance donnée à la filière « S », dont on dit qu’elle ouvre toutes les portes, et que des parents flippés par le futur imposent à leurs rejetons qui ne s’intéressent pas forcément aux sciences. J’ai souvent eu des Bac S comme étudiants, parfois des étudiants qui avaient fait une année de fac dans une discipline scientifique avant d’abandonner, et qui dans mon cours ne comprenaient (souvent, mais il y a des contre-exemples) pas beaucoup plus les maths que j’emploie (niveau classe de troisième) que d’autres étudiants, issus de filières littéraires. Il y a de vrais soucis d’orientation dans les filières du lycée, j’ai parfois l’impression que le système a été forcé à abaisser son niveau d’exigence dans toutes les filières : « S » pour pouvoir accueillir tout le monde, « ES » car (malheureusement) réputé comme une espèce de voie alternative entre « S » et « L », et bien sûr « L » où on n’arrive apparemment plus à faire lire plus que trois ou quatre livres aux lycéens avant le bac.
By sylvette on Oct 14, 2012
En réalité, je crois qu’aujourd’hui une grande majorité des étudiants qui s’inscrivent en première année de fac (le plus souvent par défaut) n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils vont y trouver. Et je pense que leur découragement est sans doute encore plus grand que celui des profs qu’ils ont en face d’eux… sans compter, effectivement, la sélection par le saut d’obstacle. À Paris 8, ceux qui arrivent à se tirer des griffes kafkaïennes de l’administration peuvent espérer aller en deuxième année (puisqu’en revanche les règles sont telles qu’avec 30% seulement des crédits de la première année, on a le droit de passer dans l’année suivante et ainsi de suite…). C’est ça le plus terrifiant de l’histoire, c’est que tout est fait pour faciliter artificiellement le passage en deuxième année (et donc, sur le papier, la pseudo-réussite de la première étape) et que malgré tout un pourcentage terrifiant des étudiants décrochent en cours de première année. Où est leur place alors? Là est la question. Pour l’heure, ce qu’on leur propose, c’est un peu comme si on me proposait à moi de suivre un entraînement de pointe pour le marathon de New York.
By DM on Oct 14, 2012
@sylvette: Nous sommes d’accord, ça met en place une sélection non pas suivant l’aptitude à suivre les cours ou les résultats, mais suivant l’obstination par rapport à l’administration et sans doute aussi des facteurs sociaux (si les parents ont les moyens de payer une chambre, plus de chances de réussir que si l’on fait 4h de RER chaque jour et que l’on travaille).
Bref, anti-démocratique au possible. :-)
By ianux on Oct 15, 2012
Je suis complètement d’accord avec toi.
Je vais développer mon point de vue à partir de mon expérience personnelle.
Lycéen médiocre, j’ai fais une filière A1 (français + math; je n’avais pas de goût pour les langues, et si l’enseignement des sciences merdique au lycée m’a interdit la filière scientifique, malgré une appétence, le niveau de math requis en littéraire n’était pas insurmontable). Mon meilleur amis quant à lui avait fait le choix d’un lycée huppé du centre-ville et, tout aussi médiocre que moi, s’est fait relégué en filière G (compta, gestion, vente, ce genre de trucs, cf Michel Sardou).
Le bac en poche, nous avons atterri tous les 2 en sociologie (introverti, j’avais peur des gens, et me disant que l’on a peur que de l’inconnu, cela m’a paru pertinent).
Résultat des courses, mon pote a obtenu sa maîtrise quand moi j’ai mis 4 ans à obtenir le DEUG (licence ratée).
La fac a été pour moi une intense période de stimulation intellectuelle qui a changé ma vie. J’avais cette vieille idée que l’université servait à acquérir un savoir et non pas à apprendre un métier, et je la garde.
Au sortir de la fac, j’ai trouvé un job dans ce qui était mon passe-temps à l’époque : l’informatique (la sociologie m’a converti au marxisme – Bourdieu is my master now – et c’est logiquement que je suis devenu libriste).
Résultat des courses, je suis très fière d’arborer un CV de sysadmin linux avec pour tout diplôme un DEUG de sociologie (et un bref passage en sciences de l’information et de la communication – je regrette d’avoir échoué là aussi), ce que je motive très bien en entretien d’embauche (et qui éveille la curiosité des recruteurs).
Sinon, concernant l’uniforme : j’ai eu un job où il fallait porter la cravate de façon débilo-péremptoire et où j’ai du coup appris à faire les nœuds, et actuellement je suis sysadmin en Guadeloupe, et j’embauche tous les matins en pantacourt et en tongs :)
By Poivert on Oct 15, 2012
Merci.
Dans la vie, j’ai multiplié les handicaps :
1. (hypo)khâgneuse, mais échec au concours
2. étudiante en philo, mais échec aux concours
3. des visées artistiques (éternellement auteur en devenir)
4. soif dévorante de savoir (incompréhensible dans mon milieu ouvrier d’origine, où j’ai toujours fait figure d’extraterrestre)
MAIS
5. je suis passée d’études de philosophie (maîtrise) à des études de bibliothéconomie (DUT), qui ont abouti à un projet professionnel (à 25 ans, le vrai âge pour faire des choix : avant, ON A LE DROIT DE TATONNER, bazar de bazar)
6. bibliothécaire donc. Ouverture d’esprit. En accord avec les études que j’ai suivies, qui semblaient, pourtant, au commun des mortels, ne devoir mener qu’au chômage ou au professorat
7. lorsque j’ai commencé à passer les concours de bib, je les ai tous eu, les uns après les autres. Plus d’échec.
Laisser aux jeunes la possibilité d’errer, de se chercher, est essentiel. Dès la petite enfance d’ailleurs. Je l’expérimente dans le cadre de mon travail de bibliothécaire jeunesse. La curiosité, la soif de découverte ne doivent pas être éteintes par l’utilitarisme. Il faut apprendre aux enfants à RESISTER, même aux injonctions parentales. Ce que j’ai du faire, enfant, quand mes parents, terrorisés à l’idée que je sois contrainte d’intégrer le milieu ouvrier, me serinaient dès l’âge de 6 ans que je devais travailler bien à l’école, pour ne pas devenir b… Je ne dis même pas le nom de la profession dont ils me menaçaient en toute innocence, ce serait insultant pour celle-ci.
Encore merci pour ce bel article (et désolée pour le comm à rallonge, vous m’avez inspirée).
By Jean-no on Oct 15, 2012
Sur la rédaction, ce qui me désespère, ce n’est pas que les étudiants écrivent mal – ça s’apprend, comme tout -, c’est qu’ils aient peur d’écrire, que ça les terrorise, et ça, je pense que c’est le produit direct du système éducatif français, basé sur la sanction et la sélection.
By DM on Oct 15, 2012
@Jean-No: Personnellement j’aimerais que l’on favorise le retour aux études plus tard plutôt que d’inciter à toute force des gens qui ne sont pas motivés ou pas armés à prolonger leur formation initiale.
Qu’on me corrige si je dis des bêtises, mais actuellement c’est très difficile de revenir : un grand nombre d’aides aux étudiants sont supprimés à partir de 25 ans, les cursus type CNAM imposent une double journée de travail, etc.
Il y a par ailleurs en France un vrai fétichisme du diplôme, même quand celui-ci ne vaut pas grand chose. Quelqu’un a mentionné plus haut un emploi de sysadmin Linux obtenu après des études n’ayant rien à voir… hé bien, dans la fonction publique, il serait très difficile d’engager pareil profil, même si la personne est compétente!
Tout ceci encourage à faire à toute force des études longues en formation initiale. Or, qui dit études longues, dit coûts — non pas tant les frais d’inscription que tout ce qui va à côté (logement, transports, etc.).
@Poivert: Les collègues qui accueillent les étudiants en L1 voient arriver des jeunes gens et jeunes filles en remorque de papa-maman, avec parfois les parents qui n’en laissent pas placer une au premier concerné. À méditer.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@DM : oui, je pense que le retour aux études est assez mal accueilli, alors que pour le coup, ça ce sont des études motivées, qu’il s’agisse d’un passe-temps de femme au foyer ou d’une reconversion professionnelle.
Le fétichisme du diplôme existe, ceci dit dans le monde de l’art, du design, du graphisme, ce qui compte c’est ce qu’on a dans les mains, le reste…
By DM on Oct 15, 2012
@Jean-No: cf ce que dit Claude Jaeglé dans _Artistes et intellectuels face aux journalistes_, et qui explique d’ailleurs sans doute les mauvaises performances des français en langues étrangères.
(En gros, le français a passé ses cours de langue à se faire rabrouer sur des problèmes de grammaire, mais au final n’arrive pas à dire quoi que ce soit à l’oral.)
By @sylasp on Oct 15, 2012
On peut remonter jusqu’à la maternelle, où l’utilitarisme est déjà très présent (d’après mon expérience avec mon fils de 5 ans). Dès la Petite Section le but à atteindre est posé, et on leur rabache fréquemment : l’entrée au CP. Ils ont visité l’école primaire dès la 1ère année (dans le cadre du carnaval, certes, mais avec insistance dans les propos). Le CP, c’est l’eldorado pour les enfants de maternelle, un endroit magique où tout commence. La maternelle est alors perçu comme un endroit un peu ennuyeux, un sas entre 2 étapes de la vie (être un bébé en crèche ou à la maison et être enfin un grand). Le programme de la dernière année de maternelle, Grande Section, est d’ailleurs axé sur ça.
Sinon j’ai tenté au grand âge de 23 ans une reprise des études à la fac (Anglais) où j’étais perçue à la fois par les enseignants et les autres élèves comme une extraterrestre car j’étais là uniquement pour le plaisir de la langue (erreur ! ce n’est pas à la fac de langues qu’on apprend les langues ! je l’ai compris après) et non pas pour devenir PROF. J’ai arrêté en cours d’année de Licence, étouffant sous cette pensée unique.
By ylg on Oct 15, 2012
Juste en passant, à propos des exemples les plus anciens de pratiques artistiques, il y a « Le bloc d’ocre âgé de 75 000 ans
Plusieurs fragments d’ocre ont été retrouvés dans la grotte de Blombos. Parmi eux, deux blocs, usés, présentent des traces d’utilisation, mais surtout des motifs géométriques gravés en forme de croisillons. Datés de 75 000 ans ils constituent donc les plus anciennes représentations artistiques connues. » hominides.com … où l’on voit qu’il y a un problème dans la datation de l’art abstrait Larousse.fr: art abstrait ;-)
By Jean-no on Oct 15, 2012
@ylg : on a à présent un doute non seulement sur la datation mais aussi sur l’attribution à l’espèce humaine de l’invention de l’abstraction géométrique : Mysterious underwater crop circle art
By Jastrow on Oct 15, 2012
Dans les moyennes et grandes entreprises, les diplômes intiaux conditionnent largement le coefficient dans la grille salariale et la catégorie socioprofessionnelle (ouvrier, employé, technicien, etc.). Si un salarié souhaite reprendre des études, notamment pour évoluer dans la fameuse grille, le parcours est possible mais semé d’embûches.
La valorisation des acquis de l’expérience (VAE) par exemple part d’une idée simple : un ouvrier titulaire de CAP électricité qui a travaillé 15 ans comme électricien a acquis des compétences qui le rendraient probablement digne d’obtenir un BEP électricité par équivalence, voire un bac pro (ce qui lui permettrait d’espérer passer techicien ou agent de maîtrise). En pratique il faut 1. reprendre des matières générales (français, éléments de compta, peut-être un peu d’anglais) 2. écrire un mémoire et passer devant un jury. Toutes les entreprises que je connais parlent de « parcours du combattant » : l’Éducation nationale est très réticente à l’idée qu’on puisse apprendre quelque chose hors de ses murs.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@Jastrow : en arts, la VAE est totalement absurde, parce qu’on fait passer aux gens le même examen (mémoire, accrochage, jury) qu’à des étudiants et que dans la pratique, on peut rater une licence de design graphique en ayant pourtant le niveau pour l’enseigner ou pour être un des membres du jury. D’un seul coup, le candidat n’est plus vu comme un adulte dans son milieu professionnel, mais comme un attardé, trop vieux pour être là…
By maxence alcalde on Oct 15, 2012
@Jean no: pour avoir fait ma première VAE (en arts), je vois bien que le problème est assez complexe.
En gros, un bonne partie des candidats a besoin de ce diplôme (DNSEP ou n’importe quel bac +5) pour continuer leur activité professionnelle (enseignement, souvent dans le privé ou dans la fonction publique territoriale), donc difficile de refuser le diplôme à ces gens (quelque soit leur « niveau » objectif)qu’on mettrait sur la paille.
J’ai l’impression aussi que c’est souvent une erreur d’orientation, car ces personnes seraient plus à l’aise en science de l’éduc qu’en art, surtout lorsqu’il s’agit de candidater pour un DNSEP (ils auraient pourtant leur place à la fac pour un Master Arts plastiques (à P8 par exemple il y en a un orienté « métiers de l’enseignement »), mais souvent l’épais mémoire demandé à la fac fait peur pour des adultes autodidactes ou ayant connu des problèmes de scolarité)! La plupart n’a pas vraiment de pratique artistique ou ont une pratique trés « marginale » pour les écoles d’art (peinture type « croute », loisir créatifs, déco, etc.). Les plus malins parviennent à proposer une pratique « style art contemporain » (ou du moins ce qu’ils en comprennent formellement) afin d’obtenir le précieux sésame.
Concernant les mémoires, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas réellement vus en détail par les jury. Ils servent surtout à comprendre d’où vient le candidat et si il peut organiser sa réflexion. Mais les exigences ne sont évidemment pas les même que pour un Master universitaire « classique » (ce qui ne veut pas dire qu’ils sont mauvais, bien au contraire).
L’autre problème avec l’art (mais j’ai aussi vu ça à la fac) c’est que les candidats ont des problèmes à régler avant celui de leur diplôme. Par exemple, plusieurs candidats font un travail sur eux et plus spécialement sur leur « maladie ». Pour ce que j’ai vu, c’est plastiquement assez faible et on se retrouve en quelque sorte à évaluer implicitement la sincérité de leur rapport avec leur maladie… bref quelque chose de pas trés sain! ça demande donc un gros suivi de la part de l’institution d’acceuil (ce qui se fait au Havre, mais c’est assez exceptionnel parait-il) mais aussi que le candidat soit à même d’écouter les remarques de son tuteur.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@maxence : pour moi, le niveau général des mémoires d’école d’art (je ne parle pas de VAE) est plutôt meilleur que celui de la fac. En revanche certains M2 de la fac sont presque des thèses, tandis que les mémoires de DNSEP que j’ai lus ne sont jamais si fournis en volume, et beaucoup sont avant tout des exposés sur un sujet, plutôt que de véritables recherches. Mais il y en a des bons, et je trouve que les étudiants d’école d’art jouent tous le jeu, parfois dans la douleur, mais ils le font… Je n’ai jamais eu de doutes sur la provenance des textes, par exemple. Les jurys de DNSEP peuvent être très sérieux sur la lecture des mémoires. Par exemple il y a trois ans, je me souviens que tous les membres du jury avaient lu, et connaissaient très bien, tous les mémoires reçus. Note qu’entre art et design graphique, le résultat de l’exercice semble assez différent.
By ylg on Oct 15, 2012
@J-no , oui, c’est évident qu’il y a de la production d’abstraction géométrique en dehors de l’activité humaine, ce qui pose par ailleurs la question de la pertinence de la distinction entre abstraction et figuration, mais c’est un autre débat…
By Audrey on Oct 15, 2012
La lecture de ton billet me fait surtout dire que ce qui est très perturbant est le retour d’une logique de société que l’on pensait éradiquée. Cette logique selon laquelle certains ne sont destinés à n’être/exister que pour le bien-être d’autres (une élite, d’abord économique) et par conséquent, destinés au travail au service de cet élite. Or les politiques d’éducation, qui étaient un des nerfs de la guerre pour penser une société de partage, de transfuge etc. ont fini par produire leur contraire en ratifiant ces inégalités, en les légitimant.
By maxence alcalde on Oct 15, 2012
@Jean-no : je n’ai pas encore lu des mémoires de DNSEP hors VAE, donc je ne sais pas.
Ce que je voulais dire concernant l’évaluation des mémoires est que cette lecture ne m’est pas paru prépondérante dans l’évaluation finale (aucun doute que les membres du jury les avaient lu car on en a parlé lors des délibérations, notamment d’un candidat qui avait produit une véritable oeuvre littéraire comme mémoire). La présentation des travaux a été très déterminante car les travaux étaient absents de la plupart des mémoires (à ma grande surprise!).
By Jean-no on Oct 15, 2012
@maxence : ce n’est pas seulement pas très prépondérant, c’est même en dehors ! Gros souci de statut de ces mémoires : l’étudiant qui n’atteint pas 10/20 ne peut pas soutenir son DNSEP, mais une bonne note ne sera pas prise en compte dans le calcul final ! Assez comique de comparer avec la fac où on distingue mémoire et soutenance, alors qu’il y a plutôt moins de logique à le faire. Les mémoires de DNSEP sont censés porter sur une préoccupation de celui qui passe le diplôme mais pas sur son travail précisément. Enfin tu verras rapidement tout ça ;-)
By aurelie on Oct 15, 2012
Vraiment très bel article. Je partage chaque idée et chaque mot de cet exposé.
By Guillaume on Oct 15, 2012
Le tweet rhétorique auquel vous répondez, eh bien je dois y faire face chaque jour quand je rencontre des parents de futurs étudiants qui doivent décider s’ils vont débourser une fortune pour l’éducation de leur enfant (Je suis aux US–même l’uni publique côute cher). Je donne toujours la même réponse.
1) Que vous fassiez histoire, théâtre (si, si) ou économie, à la sortie, si vous avez tout de suite ebesoin de travailler (ou même bien avant), un emploi dans une banque vous placera au même endroit, avec ou sans formation financière: la caisse. Monter dépendra de votre habileté, et nombreux sont ceux qui montent précisément grâce à une formation générale sans rapport, précisément parce qu’ils ont appris à penser « out of the box » (désolé pour la vieille tirade US).
2) Ceux qui se spécialisent tout de suite auront évidemment certains avantages dans des domaines pointus (informatique, médecine, etc…). Mais ça ne veut dire en aucun cas que ceux qui ne se spécialisent pas coulent. AU contraire, ils s’adaptent plus, comme vous le dites plus haut, aux circonstances. Certes ce n’est pas toujours bon surtout avec la conjoncture actuelle, mais ça fait un réservoir de gens formés à penser, et les directeurs de resources humaines le savent. Qu’il s’agisse American Express ou d’un groupe pharmaceutique, les entretiens annuels sur les campus acceptent de parler avec tout les étudiants, quelque soit leur formation. Se mettre uniquement à l’ISO comme certaines unis ont commencé de le faire ici est tragique, car la surspécialisation en branches dites scientifiques ne résoud absolument rien…
Il faut croire que ma réponse marche, du moins avec le futur étudiant: artistes, historiens, philosophes, bref, des bons-à-rien qui en fait font de tout.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@Guillaume : ça me rappelle le livre Story, de Robert McKee (un cours de scénario) où l’auteur raconte que sa mère ne l’a pas laissé faire dentiste en lui disant un truc comme : « Un jour on trouvera un remède à la carie, et tu n’auras plus de métier. Tandis que les gens auront toujours besoin qu’on leur raconte des histoires ».
By sylvette on Oct 15, 2012
En Angleterre (au moins à Oxford et Cambridge… pour les reste je ne sais pas si c’est vrai), on peut faire des études de grec ancien et partir travailler dans une banque ou une agence de pub. En France c’est impensable. La grande différence est là, les entreprises françaises veulent qu’on leur livre de l’employé clef en main alors qu’un métier, quel qu’il soit s’apprend surtout sur le tas.
Par ailleurs, il m’arrive de temps à autre d’avoir des étudiants qui reviennent sur les bancs de la fac après une vie professionnelle bien remplie. Ce sont mes chouchoux. je les adore parce qu’ils sont curieux de tout, lisent tout ce qu’on leur demande de lire et même plus, posent des tas de questions et permettent vraiment au cours de vivre… Ces étudiants ont été, si je ne m’abuse, l’une des raisons de la création de Paris 8. Force est de constater qu’ils se font rarissimes.
By Jean-no on Oct 15, 2012
@sylvette : oui, ils sont devenus rares, mais plutôt récemment, au tournant de l’an 2000 je dirais. Tu les as ratés. Effectivement, c’était un des principes de base de Paris 8.
By DM on Oct 16, 2012
@sylvette: Votre assertion sur les entreprises françaises mérite d’être nuancée.
Vous prenez comme exemple les banques; celles-ci recrutent des diplômés de mathématiques (et pas forcément maths financières) ou d’informatique qui n’ont pas reçu de formation préalable au métier de banquier (elles doivent donc les former). Des cabinets de consultants en brevets recrutent des ingénieurs sans formation juridique, qu’ils doivent ensuite former.
Qu’en pensez-vous?
By Jean-no on Oct 16, 2012
@DM, @Sylvette : je me rappelle que jusqu’aux années 1980, on disait que IBM France embauchait des gens diplômés en anthropologie, en philosophie et même en théologie, sans lien a priori avec le secteur. Je pense que les sociétés forment, et heureusement, ce serait absurde de ne pas le faire, mais à lire les offres d’emploi, on est parfois surpris de la précision des profils : parfois la demande est quasiment d’avoir un employé qui occuperait déjà le poste depuis des années.
By DM on Oct 16, 2012
Peut-être ce billet est-il en rapport avec le problème soulevé, à savoir le recrutement dans les entreprises de titulaires de diplômes sans grand rapport avec le travail mené:
Assises ESR : jusqu’où doit aller l’université pour la réussite des étudiants ?
By sylvette on Oct 16, 2012
@DM
Oui en France les banques recrutent des matheux qui n’ont pas fait d’études spécifiques aux métiers de la banque (mais sans doute une peu de maths appliquées aux finances quand même?), mais je doute fort que le secteur bancaire se tourne avec intérêt vers les sciences humaines par exemple… ce qui était l’objet de mon exemple. À une époque, j’ai bien connu quelques condisciples de l’ENS (oui, moi aussi… faut voir où ça m’a menée) qui avaient été embauchés par de grandes entreprises françaises pour faire de l’histoire industrielle, mais j’ignore ce qu’ils sont devenus après. Dans un domaine qui n’est pas le mien mais sur lequel j’ai l’occasion de discuter souvent, le droit, je vois bien tout l’intérêt que pourrait représenter un regard de littéraire par exemple. Or c’est une profession qui, à une époque, a compté dans ces rangs des gens avec des parcours très divers, qui avaient fait du droit, bien sûr, mais pas seulement et qui tirait profit, par exemple, d’une grande culture classique (pas uniquement à cause de la rhétorique et de l’éloquence)… On m’assure que ces profils là on pratiquement totalement disparus ou sont devenus très exceptionnels, pour être remplacés par des techniciens du droit formés à la gestion d’une question pointue et incapable du recul qui permet parfois (souvent, je pense) de trouver le moyen de résoudre certaines difficultés. Plus généralement, ça donne des gens incapables de réfléchir à leur pratique, ce qui est pour moi catastrophique.
By Krill on Oct 16, 2012
Ancien étudiant artspla de P8, j’ai passé ces 4 dernières années en licence, même si je suis parti avant de la concrétiser avec ce fameux « sentiment d’échec » en janvier dernier. De toutes façons, avec en poche un unique BT Dessinateur Maquettiste décrété obsolète (et qui l’est, effectivement, son on n’en garde que la vision contemporaine du mot « professionnalisant ») et supprimé par l’éducation nationale une fois notre promotion achevée, je suis rompu à l’exercice de l’impasse professionnelle malgré ma maigre expérience.
Du coup, j’aime prendre du recul sur les diplômes qui sont semblables aux billets de banque à valeur relative pour constater dans le temps le « concret » (entendez par là, le simple apprentissage, quitte à hérisser quelques poils) que j’en retire.
Aujourd’hui, à la veille de passer un entretient d’embauche pour un CDI d’intégrateur web (sans la moindre étude académique, expérience professionnelle ni qualification. Je me suis simplement mis en tête d’apprendre en autodidacte, via des contacts de P8 ou d’ailleurs, en désertant l’université début 2012), je réalise mieux à quel point la non-conformité voir la cancrerie peut néanmoins se révéler être un atout, du moment qu’elle n’est pas une fin en soit. Et, très cyniquement sans doute mais avec autant de sincérité, à quel point la fac m’a aidé à le réaliser pour justement en faire quelque chose.
Si d’aventure mon témoignage étayé vous intéresse, vous avez mon mail.
Enfin, j’ai terminé fin aout un long travail de scénarisation pour ce qu’on pourrait appeler une « performance » autour des intelligences artificielles totalement anthropomorphiques, bienveillantes et néanmoins malfaisantes du point de vue d’un humain véritable. Avec le recul encore une fois, je commence à dresser d’inquiétants parallèles entre l’IA de l’histoire et l’administration de P8 à son « Apogée » :D
Mon travail de fond restant axé autour des IA, du renversement des rapports de force voire de « vassalité », et des autres aspects chers au cyberpunk, j’attends votre article sur le logiciel en question avec impatience.
By Jean-no on Oct 17, 2012
@Krill : merci pour ton témoignage. Tu étais dans le workshop « webzine dessiné », si je ne dis pas de bêtises. Je ne savais pas que tu t’intéressais aux IA de SF. J’en parle un peu moins ces temps-ci mais ça devrait revenir…
By DM on Oct 16, 2012
@sylvette: Il ne me semble pas qu’avoir fait des maths financières soit une obligation : un matheux engagé dans une banque me disait ne rien faire de plus sophistiqué que quelques formules dans Excel ; un autre avait commencé une thèse de probabilités et théorie des jeux ; un autre était en fait un physicien théoricien des cordes.
Je pense que le raisonnement des banquiers est que si quelqu’un peut avoir pareils parcours, alors il peut bien se mettre à la banque ou de la finance.
Je connais également quelqu’un qui avait fait des études « littéraires » et a ensuite travaillé dans l’audit.
Le point commun de toutes ces personnes est qu’elles avaient fait une ENS, ce qui est en quelque sorte un label de qualité.
Comparez maintenant avec les étudiants de SHS en université. Ils sont très hétérogènes ; j’entends des témoignages de collègues parlant d’étudiants en communication et journalisme ne sachant pas ce qu’est l’AFP, d’étudiants en histoire pensant que le Traité de Rome date d’avant la Seconde guerre mondiale, etc. On me dit que dans certaines universités on doit refaire des cours de grammaire, d’orthographe, de rédaction, jusqu’au niveau master afin d’éviter des mémoires catastrophiques.
Si on engage un « littéraire », c’est pour avoir une personne cultivée, avec une certaine ouverture d’esprit, et la capacité de rédiger correctement en français (et, de nos jours, anglais). Ces qualités ne sont (semble-t-il) actuellement pas garanties par les diplômes universitaires.
By sylvette on Oct 16, 2012
@krill
Tu veux dire que la fac t’a activement permis de prendre conscience des atouts de la cancrerie, ou bien qu’elle l’a fait malgré elle? (et par ailleurs je souscris sans réserve à l’idée qu’on peut apprendre aussi par soi-même et tirer profit de ses erreurs d’aiguillage et du temps qu’on a « perdu »
By sylvette on Oct 16, 2012
@DM
Entièrement d’accord avec toi. Tout le problème de la fac est là. Elle est l’aboutissement d’un système qui maintient coûte que coûte les gens dans une voie qui n’est peut-être pas la leur, où pour laquelle ils n’ont pas eu tous les moyens de réussir. En fac aussi, donc, et pour des raisons identiques à celles qui s’extasie sur le fait que 80% d’une classe d’âge puisse accéder au niveau bac, on maintient ceux que l’administration n’a pas dégoûté dans le système en les plaçant sous respirateur artificiel. À la fin, pour justifier l’entourloupe (qui, elle, justifie le salaire des enseignants chercheurs chargés de cette basse besogne) on leur donne un diplôme magnifique mais qui, curieusement, à la sortie ne trompe personne (sauf celui qui l’a reçu, et encore, et parfois celui qui l’a décerné). Et là, ô stupeur! ce diplôme qui ne vaut rien parce qu’il ne sanctionne plus que de vagues connaissances, ne permet pas de trouver du travail. Et tous de montrer du doigts les vilaines entreprises qui méprisent ces magnifiques diplômés du supérieur. Pour ma part on m’avait donné pour ambitieuse mission l’année dernière de faire travailler des étudiants d’histoire, en anglais, sur des articles tirés de revues d’histoire. Je tire et distribue de belles photocopies sur les guerres puniques, la naissance du système métrique et que sais-je encore de passionnant (le tout pris dans des revues de vulgarisation historique anglaise destinées au grand public). J’ai fini par comprendre que le sommet de l’exercice consisterait à demander aux étudiants de trouver le sujet dans la phrase, de repérer habilement les articles indéfinis et peut-être même (soyons fous!) quelques conjonctions de coordination… You live and learn.
By DM on Oct 16, 2012
@sylvette: J’en reviens donc à ma question au sujet des masses d’étudiants de sociologie ou psychologie.
By G L on Oct 18, 2012
J’ai fait des études d’informatique (à une époque où le mot informatique lui-même n’existait pas) un de mes premier boulot a consisté à transposer une application de gestion des étudiants (qui est inscrit à quoi, qui a réussi ou échoué aux examens, imprimer des listes et des attestations de réussite.)
Après avoir diverses choses dans des entreprises puis des universités j’ai passé plusieurs années à la fin du siècle dernier à bricoler Apogée (il fallait l’adapter pour qu’il puisse prendre en charge les tâches assurées jusque là par les applications informatique qu’il a remplacé) et m’occuper des relations entre ceux qui l’utilisaient et ceux qui en assuraient le fonctionnement.
Wikipedia devrait pouvoir servir de point de départ pour en savoir plus: http://fr.wikipedia.org/wiki/Apog%C3%A9e_(logiciel)
En résumé: avant Apogée chaque université informatisée (certaines l’étaient depuis longtemps et d’autres pas du tout) réalisait elle-même ses propres applications de manière plus ou moins improvisée tout en étant tenue d’assurer parallèlement la gestion des dossiers de chaque étudiant de manière traditionnelle. A la même époque la plupart des universités américaines utilisaient une des applications « paramétrables » disponibles sur le marché et cette manière de procéder semblait plus raisonnable. Comme il y a environ 1.500.000 étudiants inscrits dans des milliers d’institutions très différentes les unes des autres, réaliser une application capable de prendre en compte tous les cas possibles est une tâche gigantesque qui nécessiterait en théorie de savoir comment les choses se font dans chacune d’elles…
By Krill on Oct 22, 2012
@ Sylvette : Difficile à dire. J’en ai pris conscience. Mais est ce le but de la fac que de pousser les élèves à l’autodidaxie (auquel cas la fac passe pour fumiste) ou est ce une erreur de sa part que de les abandonner bien souvent, erreur paliée par l’unique volonté de l’élève que d’en garder malgré tout certaines leçons ? Il serait mauvaise langue de dire que son rôle s’est limité à cela : j’en ai également retiré des centres d’intérêts nouveaux, certaines compétences même, quoiqu’on n’en pense… Mais d’un point de vue plus général, la fac est suffisamment désordonnée pour en laisser, de mon point de vue, les 3/4 sur le carreau. A ce moment précis, la face devient surtout une école de la survie.
Enfin, pour le point précis de la cancrerie, je ne le pense pas relatif à la fac. Personnellement, j’en ai vu les opportunités dès l’école primaire, en dessinant dans les cahiers plutôt qu’en prenant des notes. Ce genre de comportement génère des individus hors systèmes, parfois recherchés. Il suffit de le mettre en valeur.
@ Jean-No : Absolument :) A cette époque, je n’étais pas trop tourné la dessus encore. C’est venu l’année d’après, lorsqu’un workshop m’a intéressé au sujet. Par la suite, j’ai approfondi tout seul. Cela résume d’ailleurs parfaitement ce que je pense de la fac : Peu « professionnalisante » en soit, elle le devient en poussant l’élève vers l’autodidaxie.
By Alpha on Oct 22, 2012
Bien mise la cravate tient vraiment chaud. Très utile en hiver donc ;)
By Anthropiques on Oct 23, 2012
Je vous cite : « Je vois idéalement l’école et l’université comme des *sanctuaires* [je souligne] de l’apprentissage et du savoir, mais ces institutions ne sont pas en dehors du monde, elles en font partie, elles profitent juste d’une temporalité et de buts différents de ceux qui ont cours dans d’autres milieux comme une entreprise, une administration, etc. » Dans le monde mais hors du monde, c’est-à-dire précisément dans la situation de skholè, de loisir, qui met à distance, fut-ce provisoirement, « toute intention pratique » (Bourdieu, Raisons pratiques, p. 222). Votre billet donne une vision de l’université finalement très classique, presque platonicienne. L’université formerait des « intellectuels qui aiment lire et écrire » et qui même en prison, contrairement aux « brutes » sauraient toujours « s’occuper » (comme Socrate dans son Apologie, dissertant paisiblement avec ses disciples en attendant la mort ?). Je me demande finalement qui est le plus élitiste, de David Monniaux ou de vous. Il faudrait réfléchir à ce que pouvait bien vouloir dire « servir » dans son tweet, mais pour en revenir à la question des masses d’étudiants en psychologie ou en sociologie, elles me paraissent très éloignées dans leur ensemble de vos intellectuels platoniciens qui « aiment lire et écrire ». Bien que sociologue, je n’enseigne pas dans un département de sociologie, mais dans un département plus « terre à terre » (AES) formant des « administrateurs », pour le public comme pour le privé (avec de la gestion, de la compta, du droit, etc.), ce qui me va plutôt bien. Mais il m’est arrivé d’aller faire quelques cours au département de sociologie où je fus surpris d’entendre des étudiants de master m' »avouer » qu’ils lisaient très peu (ils n’avaient pas encore lu quelques désormais classiques comme H. Becker, Boltanski et Thévenot, etc. alors qu’eux, contrairement aux étudiants d’AES, n’avaient que ça à faire). On peut alors se demander, avec DM, s’ils comprennent beaucoup mieux la société que n’importe quel individu cultivé moyen. Mais si le rôle de l’université, c’est d’être ce « sanctuaire » du savoir où les enjeux du monde sont provisoirement mis à distance, pourquoi nos bacheliers professionnels ne s’inscriraient pas plutôt, sinon en maths (comme le suggère DM), mais dans des filières tout aussi économiques (un feutre, un tableau, trois chaises et hop) telles que lettre classiques (latin et grec). Je dis ça car ça nous permettrait au moins d’équilibrer un peu les effectifs entre filières de SHS et d’assurer à nos collègues des filières « à petit effectifs » (dont justement les latinistes et les hellénistes, mais selon les lieux, cela peut être aussi l’italien, le portugais, le russe…) qu’ils pourront faire leur 192 h (ce qui n’est plus toujours garanti et peut représenter une vraie préoccupation pour les conseils centraux, qui doivent trouver des solutions) !
By Jean-no on Oct 24, 2012
@Anthropiques : je ne défends pas spécialement la sociologie, qui n’est pas ma discipline d’ailleurs, et je me sens très attaché à la survie de disciplines telles que les lettres classiques, la littérature étrangère, l’anthropologie, les mathématiques,…
Ma vision de l’université comme refuge vient peut-être de la situation géographique de celle qui m’emploie et du milieu d’extraction d’une bonne part de mes étudiants.
By DM on Oct 25, 2012
@Anthropiques: Avec ceci qu’en maths, quand on ne suit pas, on est réellement largué, à moins qu’il ne s’agisse d’un cours de mathématiques très appliquées pour non spécialistes. Après, on peut faire des examens à base de questions de cours dont on peut copier les réponses sans les comprendre; mais quel est le bénéfice pour l’étudiant et la société qu’il ait pu recopier des phrases comme « un compact est un espace tel que l’on puisse extraire un recouvrement fini de tout recouvrement d’ouverts »?
Au sujet de « servir ». En 140 caractères, difficile d’être dans la nuance.
J’entends par là non pas ce que l’on veut me faire dire, à savoir « répondre aux attentes immédiates des entreprises et des administrations », mais plutôt un mélange de cela et d’être un meilleur citoyen qui comprend mieux le monde. C’est mi-utilitariste mi-utopiste.
Il ne me semble pas qu’assister à des cours que l’on ne comprend pas pour finir par obtenir des diplômes sans valeur à force d’obstination (et souvent à force de l’argent des parents pour subvenir aux besoins) soit d’un grand bénéfice pour l’étudiant et la société.
By sylvette on Oct 25, 2012
À toutes fins utiles et parce que cet article fait écho à nos préoccupations, je signale ce texte rédigé, entre autres, par l’excellent Olivier Beaud:
Il est temps de sortir de l’autonomie de façade des universités françaises
Je pense que le constat, tout le monde le fait ou presque. Quel gouvernement aura vraiment le courage de bouleverser à ce point le système? Aucun, je le crains. Pas uniquement pour des raisons économiques (même si toutes les politiques éducatives de la France on toujours été le fruit d’une réflexion économique à court terme et non d’une réflexion pédagogique à long terme, à droite comme à gauche), mais pour des raisons bassement électorales. Je suis convaincue que désormais tout le monde a intérêt à attendre patiemment que le machin s’effondre de lui-même (ce qui ne saurait tarder) pour pouvoir ensuite repartir sur un autre pied « parce qu’on n’a plus le choix », en ce disant que c’est le dos au mur du peloton d’exécution que l’opinion finira par accepter ce qu’elle n’accepterait jamais autrement. Depuis cette rentrée surtout (je ne sais pas trop pourquoi celle-ci plus que la précédente d’ailleurs), j’ai l’impression assez désagréable d’assister au naufrage du Titanic depuis la salle des machines….
By Jean-no on Oct 25, 2012
« j’ai l’impression assez désagréable d’assister au naufrage du Titanic depuis la salle des machines… »
Tu me fais peur !
Bonne tribune, en tout cas.
By DM on Oct 25, 2012
D’accord avec cette tribune.
By sylvette on Oct 25, 2012
@DM et @Jean-No Oui excellente tribune et triste constat. Pour le Titanic, je pense que c’est parce qu’en art à Paris 8 vous êtes un peu protégés par vos effectifs pléthoriques. En anglais, c’est la catastrophe. Quand on se retrouve (ce n’est pas mon cas ce semestre, mais je l’ai déjà vécu) à faire cours à deux (oui deux) étudiants muets comme des carpes et sûrement pas au niveau, c’est comme ramer au milieu de l’Atlantique, à mille miles de toute terre habitée. Et donc ramer seul sur le Titanic, t’imagines….
J’aimerais retrouver le texte de ce rapport (et même le nom du rapporteur) rédigé par un gars qui était parti voir comment fonctionnait le système universitaire de l’État de Californie. En gros, un système fondé sur une orientation très bien faite après l’équivalent du bac, mais pas une orientation couperet, une orientation au contraire assortie de vraies passerelles permettant de rejoindre l’université après être passé par des filières courtes en deux ans. Dans le système Californien, les universités ne sont pas des hangars à chômeurs et les filières courtes ne sont certainement pas dévalorisées pour autant.
By Jean-no on Oct 25, 2012
Deux étudiants qui ne te causent pas, quelle horreur ! Remarque que ça m’arrive d’être devant soixante étudiants qui ne causent pas non plus, mais je ne leur en veux jamais parce que comme étudiant j’étais très timide, je participais en pensée.
Ce que je ne comprends pas c’est que ton cours ait du mal à faire le plein d’étudiants, car si les filières littéraires de langues attirent moins que les filières de langue « vivante », ce genre de cours peut au moins accueillir les étudiants de tous les autres départements qui ont l’obligation de suivre des cours de langues, justement, non ?
En tout cas, ramer seul sur le Titanic impose d’utiliser une rame extrêmement longue, excepté lorsque l’épave est suffisamment immergé, mais là, il est un peu tard. Il est même un peu tard pour commencer à écoper.
Sur l’université publique en Californie, ils ont un petit avantage : les études sont en grande partie financées par les frais d’inscription, qui même dans le public tournent au minimum autour de dix mille dollars, loin de nos trois cent euros symboliques. Je ne dis pas que c’est la solution, mais ça crée une sélection par la motivation, de fait, et ça permet aux universités de disposer d’un peu plus de confort – je doute que leurs WC soient constamment bouchés, pour commencer.
By sylvette on Oct 25, 2012
Sur l’absence d’étudiants dans les cours de littérature anglaise, je pourrais bien tenter une explication mais c’est un vaste dossier dont les racines remontent quasi à la fondation de Vincennes (je ne plaisante pas). Bref. Entièrement d’accord avec ce que tu dis sur les droits d’inscription mais tu as quand même conscience que tenir ce genre de discours à Paris 8 te vaudra d’être immédiatement classé dans la case des boute-feu crypto-fachos… Un jour que j’évoquai en réunion de département la difficulté où j’étais de faire cours dans une salle dépourvue de tables et de chaises (et dans le meilleur des cas, chichement pourvue en tables et en chaises, alors que pour le coup j’avais des étudiants) j’avais eu droit à un regard courroucé d’une collègue prof qui m’avait bien fait comprendre à quel point mon attachement bourgeois au confort matériel était déplacé, elle me l’avait d’ailleurs redit dans un mail fleuve. Il y a quand même une omerta délirante à P8 sur ce qui ne marche pas, et d’ailleurs ça m’a même valu des démêlés avec la présidence au moment de l’occupation du « café littéraire »….
By Jean-no on Oct 25, 2012
@sylvette : je ne suis pas pour les frais d’inscription à dix mille dollars, note bien, mais j’imagine que ça améliore l’ordinaire.
Là où les collègues qui jugent le confort sans importance se trompent, c’est que ça a une influence directe sur la vision que les étudiants ont de l’université. Ils ont vingt ans, ils débarquent, ils ne peuvent pas imaginer que chaque petit truc a été obtenu après une bataille, ils voient juste des bâtiments dans un état intérieur lamentable, bien que quasi-neufs (la plupart des bâtiments du Paris 8 actuel ont été livrés ou remis à neuf pour la coupe du monde de football, en 1998 : il fallait faire bonne figure, c’est même le dernier grand plan de construction de bâtiments universitaires en France. Imagine que j’ai connu l’époque, pas si lointaine, où l’endroit où tu donnes cours était un champ en jachère). On est loin des beaux campus anglo-saxons qu’on voit dans les films (et qui, peut-être, sont vraiment comme ça).
By DM on Oct 25, 2012
@Jean-No: Le classement de Shangaï, avec tous ses défauts, a fait que les gens ont un peu regardé en dehors de France au lieu de se complaire dans des comparaisons purement franco-françaises.
C’est un fait que l’université française moyenne fait un peu déglinguée par rapport non seulement aux universités privées comme Stanford (très riche) mais aussi aux universités publiques comme celle de l’état de Californie (même s’il ne faut pas idéaliser l’état et la modernité des locaux).
La différence est également assez frappante avec les grandes écoles.
Je pense qu’il y a non seulement une différence de moyens, mais aussi de culture. En France, dans bon nombre d’universités, les associations les plus diverses ne se gênent pas pour pratiquer des affichages sauvages et qui salopent les peintures. Je me rappelle notamment, quand j’étais en thèse, ce « syndicat étudiant » de droite qui proteste contre les dépenses publiques inconsidérées et le désordre des mœurs… mais couvre les murs d’autocollants qu’il faudra bien nettoyer.
Je pense qu’une association qui jouerait à cela à l’Université de Californie, même sur un campus « cool » comme Santa Cruz, se ferait mettre à l’amende voire expulser. En France, pareille suggestion vous ferait traiter de facho.
Il est vrai qu’en Californie, vous risquez 1000$ d’amende si vous jetez vos ordures dans la nature, et de gros problèmes si vous ne payez pas vos amendes. Une autre notion de l’ordre et du respect du voisinage.
By Jean-no on Oct 25, 2012
@DM : la modernité des locaux, on s’en fiche, mais la salubrité, c’est important. J’avoue que les affichages ne me choquent pas plus que ça, mais c’est bien de les encadrer un peu, qu’il y ait des endroits pour.
Une structure comme Paris 8, avec ses 20 000 étudiants, n’a pas le caractère familial d’autres écoles supérieures, où on sait toujours qui fait quoi, à qui signaler un problème,… Mais hors de ça il y a une culture du laisser-faire qui n’est pas toujours lié à positionnement politique et philosophique – ce serait beau.
Rien à voir (quoique), un documentaire audio sur G. Girard, maître de conférences en cinéma qui souffre, je pense, de schizophrénie, et qui hante les couloirs de Paris 8 depuis deux décennies avec sa thèse sous le bras. Certains nouveaux profs veulent le faire virer, les anciens de Vincennes (l’origine de Paris 8, avant sa délocalisation à Saint-Denis) qui approchent la retraite le défendent, et on les voit parfois prendre un café avec leur ancien collègue, qui n’est plus en état d’enseigner mais qui n’est pas idiot pour autant. Quand aux étudiants, ils le voient comme une institution : l’homme avec un slip sur la tête. Assez représentatif de l’esprit de Vincennes, de ce qui reste et de ce qui change.
By sylvette on Oct 25, 2012
@Jean-No. Concernant le mépris de certains profs pour le confort (sans doute cette vieille idée qu’on peut philosopher sur un tas de fumier), c’est sans doute le truc qui me révulse le plus à P8. Précisément parce que pour beaucoup de nos étudiants accéder à la fac ne va pas de soi. Certains (beaucoup?) sont de la première génération à accéder aux études dans leur famille et quand ils arrivent dans des locaux pourris, ils ont l’impression de s’être fait rouler, d’avoir accédé à un truc à l’image de leur banlieue peu reluisante. Parce qu’ils n’ont pas chez eux le confort dont jouissent, quoi qu’on en pense, la plupart des profs, ils devraient pouvoir trouver à la fac des locaux et des équipements qui leur renvoient une image de réussite, présente et à venir. Pas une image de dèche. De ce point de vue là, cela dit, la symbolique des lieux annonce assez cyniquement la couleur à ceux qui arrivent. Enfin bref, beaucoup d’étudiants m’ont dit que les deux choses qui rendaient vraiment les études à Paris 8 (et je dis Paris 8 mais je pense qu’on peut remplacer par le nom d’une immense partie des universités françaises) peu désirables étaient l’insalubrité et le casse-tête kafkaïen des inscriptions administratives. Je crois que beaucoup de collègues conçoivent à tort la déglingue matérielle généralisée comme une sorte de preuve irréfutable de liberté et d’indépendance (du genre, on ne nous achète pas avec de la moulure dorée à la feuille): c’est sinistrement con. Il jouait quoi déjà l’orchestre au moment du naufrage?
By DM on Oct 25, 2012
@Jean-no: La salubrité est je pense liée au bon état des locaux en général, mais également au j’m’en-foutisme de l’administration (lequel est aggravé par les dégradations : à quoi bon faire refaire des WC s’ils sont dégradés dans le mois qui suit).
Figure-toi que certaines grandes écoles ont justement des WC repoussants dans certains endroits, parce que personne ne veut s’occuper du dossier (ping-pong administratif autour d’un sujet peu glorieux mais nécessaire).
@sylvette: On va encore me taxer d’arrogance, mais j’ai l’impression qu’un certain nombre de collègues, notamment en SHS, prennent pour des vertus fondamentales le dénuement matériel et l’inapplicabilité pratique et économique de ce qu’ils enseignent, et notamment les confondent avec la profondeur des concepts enseignés ou la liberté de la réflexion.
By Jean-no on Oct 25, 2012
@DM : imagine que nos locaux datent de 15 ans seulement… Les locaux de la vieille Sorbonne 4 ou de différents bâtiments du XIXe siècle qui sont utilisés pour l’enseignement sont peut-être moins aux normes, mais pas aussi dégradés. Sur les WC c’est hallucinant parce que c’est un peu la base du confort. D’ailleurs le personnels (administratifs et profs) le sait bien : nous avons (quoique je n’aie jamais voulu en profiter) nos WC réservés avec clef.
Personnellement le dénuement matériel me semble un problème, en tout cas pour les bases : des chaises, des tables. Sur l’inapplicabilité pratique et économique, autant je trouve idiot d’en faire un but ou une vertu, autant je trouve important que ça soit une possibilité, faute de quoi d’innombrables matières devraient disparaître de l’université : aucune entreprise ne cherche de gens capables de traduire du grec ancien ou du sumérien, et de nombreux champs d’étude de la sociologie ou de l’anthropologie n’ont pas non plus d’application industrielle ou pire, peuvent perdre beaucoup à tenter de satisfaire des besoins économiques…
@Sylvette : tout à fait d’accord, des locaux mal tenus, ça n’est pas sans effets. Heureusement que la bibliothèque est assez propre (bien plus qu’autrefois).
By DM on Oct 25, 2012
@Jean-No: Qui donc dégrade ces bâtiments? Qui salope les WC?
By Jean-no on Oct 25, 2012
@DM : l’indifférence, le laisser-aller, la mauvaise organisation,… Et puis les usagers, bien sûr, entre les gens qui ignorent qu’on peut tirer une chasse d’eau, c’eux qui font des trous dans les portes, ceux qui volent les verrous et le papier WC,…
By DM on Oct 25, 2012
@Jean-No: Les usagers sont, je suppose, des personnels et des étudiants de l’établissement. Quand l’un d’eux est surpris à commettre des dégradations, est-il poursuivi disciplinairement, voire devant les tribunaux ?
En effet, on se demande ce que viennent faire dans une université des gens qui font des trous dans les portes de WC.
By Jean-no on Oct 25, 2012
@DM : je ne peux pas te répondre sur ces points. Même si ça a changé (il n’y a plus qu’une entrée et elle est gardée), beaucoup de gens traînent dans les (nombreux) couloirs de la fac sans avoir, a priori, grand chose à y faire.
By Wood on Oct 26, 2012
Ne vous inquiètez pas : | ‘ordre reigne à Paris 8.
By sylvette on Oct 26, 2012
@Jean-No, gardée est un bien grand mot… Plus personne n’est dans la guitoune de l’entrée depuis septembre et quand il y avait le gars, il lisait le journal avec un air méchant et tout le monde s’en foutait. Nous on a eu des dealers devant notre bureau une année, c’était sympa.
By Jean-no on Oct 26, 2012
@Sylvette : mais si, c’est gardé… Tu ne connais pas cette histoire ? (juste clique ici)
By Jean-no on Oct 26, 2012
Ah ben je n’avais pas vu que Wood avait posté le même lien !
By Romuald on Jan 1, 2013
Rectification, ce n’est pas un hussard croate, c’est le chanteur Christophe, on le reconnait bien là. Faudrait voir à pas tout confondre non plus…
By Jean-no on Jan 1, 2013
@Romuald : la licence poétique m’autorise à appeler le chanteur Christophe un hussard croate si tel est mon bon plaisir !
By Romuald on Jan 1, 2013
Maintenant que tu le dis, je pense que c’est Zappa…
By Léa on Avr 1, 2013
Savez vous que la photo de couloir encombré et bien c’est le deuxième étage de mon école d’art , l’EsadHaR. Moi qui suit en seconde année option art je me demande souvent à quoi peut bien me servir ma formation, j’aime ce que je fait mais la qualité des profs n’est pas souvent au rendez vous, l’école est trop petite et on se retrouve à 20 dans deux ateliers de 15 m² . De plus deux techniciens clame leur ras-le-bol (notre fondeur qui est une crème et notre technicienne bois tout aussi sympa): les profs « agrégés » leur fond vivre un calvaire alors qu’ils sont au cœur de notre pratique, franchement je ne me voit pas faire des sculptures en carton pour mon diplôme j’ai d’autres envies et eux m’en offre la possibilité. Je pense souvent à me rediriger vers le design mais j’ai peur de m’y ennuyer l’ordinateur ça va mais pas H24.
By Jean-no on Avr 1, 2013
@Léa : je sais assez bien qu’il s’agit de l’EsadHaR puisque non seulement j’ai pris la photo, mais j’enseigne dans cette même école, mais en option design graphique :-)
Qu’appelles-tu « prof agrégés » ? Je connais deux profs titulaires d’un doctorat (Maxence Alcalde et Olivier Agid) mais je pense qu’il n’y a pas de titulaires de l’agrégation. Je ne peux évidemment pas dire grand chose de la pédagogie de la section art, dont je ne sais pas grand chose si ce n’est que j’ai de bons rapports avec mes collègues. Le design se fait souvent sur ordinateur, mais les étudiants ont tort de ne pas sortir assez de l’écran, ce qui ne leur est généralement pas interdit. L’écran bride un peu l’imagination, parce qu’on se limite aux outils que l’on connaît.
By maxence on Avr 1, 2013
Je confirme, je ne suis pas agrégé (au pire assez « désagrégé » certains soirs)! Pour ma part, je découvre cette année le fonctionnement d’une école d’art et je suis particulièrement emballé par ce qui s’y passe. Par contre, c’est vrai que ça demande une certaine autonomie/curiosité/maturité des étudiants qui ont la chance d’avoir des profs relativement disponibles (venant de la fac, le contraste est flagrant, même dans les discussion entre enseignants!)mais qu’il faut tout de même aller chercher.