La Reine rouge (Resident Evil)
avril 21st, 2013 Posted in Ordinateur au cinémaResident Evil est une série de jeux (auxquels je n’ai jamais joué) et de films, dont je ne connaissais jusqu’ici que Resident Evil: Apocalypse, sympathique film de morts-vivants devenus tels après avoir été victimes d’une arme bactériologique qui a échappé à ses créateurs, la société Umbrella Corp, la plus grande société commerciale américaine, une des plus grandes sociétés pharmaceutiques et informatiques du monde, quelque chose qui cumulerait Pfizer, Monsanto et IBM. Il semble que le point de départ de chaque épisode de Resident Evil, que ce soit au cinéma ou en jeu vidéo, tourne autour de cette sombre affaire de virus échappé que différents protagonistes du récit cherchent, selon leur position, à endiguer, à étudier, à dissimuler ou à révéler publiquement.
Je peux assez bien vivre sans ce genre de films (sans y être hostile. Ma référence dans le registre reste 28 days later), mais le premier film de la série, sorti en 2002, m’intéressait parce que je savais qu’on y rencontrait une intelligence artificielle, la Reine rouge.
La Reine rouge est un système informatique conscient destiné à gérer « The Hive » (la ruche), un centre de recherches souterrain dissimulé sous la ville de Racoon City. Au début du film, la Reine rouge décide de séquestrer tous les occupants de la ruche afin d’empêcher que le terrible virus « T » soit diffusé dans le monde extérieur. L’ordinateur se trouve dans une pièce du complexe et communique principalement sous forme d’un hologramme qui représente une fillette à l’accent britannique. Elle est en fait la copie d’Angela Ashford, la fille de Charles Ashford, qui l’a programmée et qui est aussi le créateur du virus « T », mis au point précisément pour permettre à sa fille d’échapper à la maladie dégénérative qui l’a lui-même cloué dans un fauteuil roulant. Le virus redonne la vie aux cellules mortes, il guérit donc Angela, à condition que cette dernière se fasse régulièrement injecter l’antidote au virus, faute de quoi elle deviendrait à son tour un zombie.
La Reine rouge n’a pas la personnalité d’Angela Ashford, mais elle a ses traits, sa voix, et utilise parfois des expressions enfantines qui prennent un sens pervers ou dérangeant dans le contexte, comme lorsqu’elle dit « I’ve been a bad bad girl » pour annoncer qu’elle vient de libérer un monstre mutant. Bien que ses décisions suivent une logique assez simple — empêcher le virus de quitter la ruche, quitte à tuer tout le monde —, ses expressions sont rarement neutres. Elle supplie (« I implore you ») puis menace (« you’re all going to die ») ou se montre sarcastique (« I did warn you, didn’t I? »).
Le personnage est plutôt intéressant, mais il est à peine ébauché dans ce film. Dans Resident Evil: extinction, le troisième film de la série, on rencontre la Reine blanche, une intelligence artificielle jumelle de la Reine rouge. Enfin, dans Resident Evil: Retribution, cinquième volet de la série, la Reine rouge prend le contrôle de la société Umbrella Corp, et projette de détruire l’humanité toute entière. Mais je n’ai vu aucun de ces deux films, donc je ne fais que répéter ce que j’ai lu à leur sujet.
Le fait de donner les traits d’un enfant innocent à une intelligence maléfique, ou en tout cas dangereuse, est une astuce de scénario qui fonctionne toujours (Damien, dans La Malédiction ; Alia dans Dune ; les « coucous » du Village des damnés), mais s’inscrit dans une autre tradition, celle du savant qui décide de donner les traits ou la personnalité de son enfant mort (ou dans le cas, en sursis) à sa création. Je pense par exemple au programme Joshua, dans Wargames, qui porte le nom du fils du professeur Falken, son créateur, ou encore au robot Astro, chez Tezuka, créé par le docteur Tenma pour remplacer son fils Tobio.
Mais je pense aussi à une histoire vraie, celle de la poupée que René Descartes avait confectionnée en souvenir de sa fille Francine, morte à l’âge de cinq ans et que le philosophe avait abondamment pleurée, d’une manière que ses contemporains ont à l’époque jugée impudique. On dit que ce deuil a radicalement orienté sa philosophie dans les années qui ont suivi. Bien plus tard, alors que Descartes se rendait en Suède, un marin a été si effrayé par l’aspect réaliste de la poupée Francine qu’il l’a jetée par dessus bord.
On retrouve dans ce personnage de Reine rouge, mais aussi dans l’idée même de créer un virus capable de ranimer les chairs mortes, cette même folie qui consiste, pour le savant, à penser échapper au deuil en maîtrisant ou en créant la vie. C’était d’ailleurs aussi le sujet du Frankenstein de Mary Shelley : c’est parce que la mort de sa mère l’avait affecté que le docteur Frankenstein avait cherché le secret du principe vital, quitte à créer un monstre sans but et sans place possible dans la société qui se révélera rapidement dangereux.