La guerre à distance (1972)
avril 5th, 2015 Posted in Filmer autrement, VintageDans le numéro 60 de Charlie Hebdo (10 janvier 1972), Jean-Marc Reiser avait imaginé que la guerre au Vietnam pourrait se faire à distance, derrière un écran.
Une idée plutôt visionnaire, puisque quarante ans plus tard, un bon milliers de soldats américains vivant dans un pavillon au Nouveau-Mexique ou dans le Dakota du nord quittent leur famille le matin pour aller passer la journée dans une base militaire, à piloter des drones de combat qui survolent l’Afghanistan, à dix-mille kilomètres de là.
Reiser se montre même visionnaire à l’égard de l’histoire du jeu vidéo qui, en 1972, n’existait pas, ou presque pas : si le premier brevet de jeu vidéo destiné à fonctionner avec un téléviseur de salon date d’avril 1972, la première borne d’arcade, Computer space, a été installé dans des cafés à partir de novembre 1971, soit deux mois avant ce numéro de Charlie Hebdo.
On aperçoit une borne du jeu Compter Space dans le film Soylent Green (1973), mais ce jeu, créé par Nolan Bushnell, futur fondateur d’Atari, fut un échec en son temps car les joueurs le trouvaient trop difficile.
Est-ce que Reiser en a entendu parler malgré tout ?
Sans doute connaissait-il l’existence de Shakey, commandé par l’armée américaine à des chercheurs en Intelligence artificielle de l’université de Stanford, qui aurait dû être un robot autonome capable d’aller espionner de l’autre côté du rideau de fer. Bien qu’il ait fait progresser plusieurs domaines de l’intelligence artificielle, l’automate tremblait bruyamment (d’où son nom) et n’a jamais pu effectuer seul plus de quelques mètres sans aide. Shakey a commencé à être montré au public au début des années 1970, alors même que l’armée, voyant qu’il ne serait jamais capable de faire ce pour quoi il avait été prévu, se désengageait du projet.
La console imaginée par Reiser rappelle un peu les écrans du système de surveillance de l’espace aérien américain SAGE.
Aujourd’hui, plusieurs armées jouent sur la frontière entre guerre véritable et guerre virtuelle1, en utilisant notamment le jeu vidéo dans un but de simulation, de recrutement ou de propagande : America’s Army aux États-Unis ; Virtual Battlespace en Australie et en Grande-Bretagne ; Special Force au Liban (Hezzbolah) ; etc. L’armée de terre française achète de son côté des espaces publicitaires à l’intérieur de jeux en ligne de course automobile ou de football.
En tout cas, bien vu, Reiser !
- Voir aussi ce vieil article sur le film The Last Starfighter (1984). [↩]