Premières émotions esthétiques
avril 2nd, 2013 Posted in L'art et moi, MémoireCette nuit, j’ai rêvé de Joe Dassin. Je l’ai rencontré dans une terrasse de café aux États-Unis. Il m’expliquait sa nouvelle vie, il donnait des cours de Français pour 1900 euros la journée. Je n’ai pas pensé à lui faire remarquer que, à ma connaissance, il était décédé ni à l’interroger à ce sujet. Je ne sais pas si ç’aurait été très poli. Je l’ai trouvé particulièrement sympathique. Au réveil, j’ai raconté mon rêve sur Twitter et Joe Dassin n’a pas tardé à me répondre :
J’aime cette manière qu’a Twitter de donner la parole à ceux qui en sont absents, qu’ils soient morts, vivants ou imaginaires.
La raison de ma rencontre onirique avec le chanteur de l’Été indien n’est pas difficile à imaginer : hier, j’ai parcouru les allées d’une brocante et je me suis notamment arrêté sur les pochettes de disques trente-trois tours, que je suis toujours tenté d’acheter même si je n’ai plus de tourne-disques (j’aime bien ce mot, tourne-disques, bien plus que « platine »), pour leurs belles et grandes pochettes dont certaines, du premier coup d’œil, me ramènent des années en arrière, à l’époque où je parcourais les bacs de disques des supermarchés et, plus tard, des boutiques spécialisées.
Mais bien avant d’acheter des disques, j’en ai aimé. Petit, j’écoutais Nana Mouskouri, Anne Sylvestre, j’aimais les génériques de certains dessins animés, le Beatles, Georges Brassens, et plein de chansons dont j’ai longtemps plus ou moins cru que l’auteur était mon père, puisqu’il les chantait, mais qui se sont avérées être d’Harry Belafonte, des Platters, du Kingston Trio, de Bob Dylan et de quelques autres. Mais si j’écoutais et j’aimais tout cela, c’était d’une manière relativement passive : c’était toujours de la musique que l’on m’avait amené. Je me souviens, moi qui ai très peu de mémoire pourtant, du jour où en écoutant une chanson je me suis dit que je l’aimais. C’était justement l’Été indien, de Joe Dassin (composé par Toto Cutugno). Je me trouvais en vacances d’été, et la chanson passait partout, nous étions en juillet ou en août 1975, j’avais donc sept ans.

Julie Delpy est un peu plus jeune que moi. Dans son film semi-autobiographique Le Skylab, situé pendant l’été 1979, la petite Albertine (elle, trente ans plus tôt) regarde le mari de sa tante, ici au volant, avec des yeux admiratifs, sinon enamourés. La musique utilisée est L′Été indien.
Bien entendu, il n’est pas très important pour le lecteur de découvrir que j’ai fortement aimé L’Été indien à sept ans, mais ce qui m’intéresse, c’est qu’il s’agit de la première fois où je me souvienne précisément avoir constaté que j’aimais ce que j’écoutais. Ce qui signifie que, au delà du simple plaisir de l’écoute, j’ai porté un un regard sur mon plaisir d’auditeur, et aussi que ce plaisir m’appartenait en propre, qu’il n’était pas issu d’une sélection que l’on avait établie à ma place (enfin c’est le sentiment que j’avais, puisque, évidemment, le titre était matraqué à la radio et ce n’est pas un hasard si je l’ai connu et, sans doute, apprécié).
Je me souviens que j’ai ressenti la même chose au cinéma avec deux films, Les Sept Samouraïs et Dersou Ouzala, d’Akira Kurosawa, que j’ai vu à quelques semaines d’intervalle dans une salle associative qui diffusait des films d’art et d’essai dans ma ville (salle où j’ai joué une pièce de théâtre d’après Italo Calvino, devant l’écrivain lui-même, alors que j’étais pré-adolescent, mais c’est une autre histoire). Je dirais que les projections ont eu lieu vers 1977 ou 1978, je n’avais pas dix ans, ou tout juste. Et là, de la même façon, je me suis vu aimer ces films.
Je ne sais pas quelle conclusion tirer de ce moment où on ne se contente pas d’éprouver un plaisir esthétique mais où on remarque qu’on l’éprouve activement. J’imagine tout de même que c’est, pour chacun, un épisode personnel fondateur. À creuser !

Akira Kurosawa, Les Sept Samouraïs, 1954
J’ai lancé un petit sondage sur Twitter, qui a confirmé que je n’étais pas le seul à avoir un jour constaté consciemment que j’étais en train d’éprouver un plaisir esthétique. Beaucoup de ceux qui m’ont répondu pouvaient nommer précisément le titre musical qui les avait marqués1 et parfois l’associer à des conditions d’écoute. D’autres se sont montrés plus évasifs et il s’en est trouvé un pour ne pas parvenir à identifier un titre musical qui ait eu une importance déterminante dans sa biographie d’auditeur.
N’hésitez pas, en commentaire, à me raconter votre première émotion musicale ou cinématographique de ce genre, en décrivant peut-être les circonstances dont vous vous souvenez et, pourquoi pas, la manière dont cela a déterminé vos goûts par la suite.
- Parmi les titres : Cambodia, de Kim Wilde ; Rudy, de Supertramp ; Show Must go on, de Queen ; Comme toi, de Jean-Jacques Goldman ; Out there on my own, d’Irene Cara ; Clint Eastwood, par Gorillaz ; Money for nothing de Dire Straits ;… [↩]
9 Responses to “Premières émotions esthétiques”
By Adrienne on Avr 2, 2013
Curieusement pour moi c’est un « titre » de musique classique qui m’a donné mon premier choc musical réel…
L’Alleluia Exultate Jubilate K165 de Mozart (hop : http://youtu.be/LvRI8MD7moU )
Je me souviens très bien des circonstances dans lesquelles je l’ai entendu, de cette impression de perfection musicale, que c’était vraiment quelque chose que j’aimais moi, petite fille, et pas simplement parce que mes parents écoutaient ce genre de musique. Je me souviens aussi avoir cherché pendant des jours ce que c’était précisément, et jubiler en le trouvant.
Sans surprise je reste une grande amatrice de musique « classique », même si j’ai un peu délaissé Mozart pour le Baroque ;-)
D’ailleurs, de la même façon je sais exactement à quel moment j’ai commencé à aimer la musique baroque : en écoutant le Nisi Dominus de Vivaldi chanté par James Bowman (http://youtu.be/o5NcY85Kdgg) dont un extrait accompagnait le début d’un film (Une affaire de goût), mais là j’étais un peu plus vieille…
Merci de cette incitation à une petite introspection musicale :-)
By Damien on Avr 2, 2013
The first rebirth, de Jones & Stephenson. Mon premier pas dans l’électro – et dans la musique (avant j’écoutais, mais sans réellement ressentir). Grâce à cette expérience, j’ai ensuite pu m’ouvrir à tout un tas d’autres courants musicaux. Mais je conserve une appétence pour le son supérieure à celle pour la musique, qui n’est qu’un intérêt collatéral.
J’étais jeune engagé à l’époque, et la vie était dure. Mais cette musique, et le peu d’êtres humains (au sens noble du terme) par qui je l’avait découverte, m’ont sans doute aidé à tenir.
By Jide on Avr 2, 2013
J’ai plusieurs souvenirs musicaux qui remontent. Le premier morceaux de « A momentary lapse of reason » des Pink Floyd, avec le bruit des rame dans l’eau. Et aussi ne très vieille cassette de Stevie Wonder, je ne sais plus quel album. Plus tard, sur mon premier CD avec Le premier morceaux de « Savage » de Eurythmics (« I love to listen to Beetowen »). Et beaucoup beaucoup plus récemment, la première fois que j’ai pleuré, en écoutant « The Rip » sur l’album Third, de Portishead…
Merci de nous suggérer ces retours en arrière.
By @sylasp on Avr 2, 2013
J’ai témoigné sur twitter, je refais ici :
Au tout début des années 80, j’avais 3 ans, je me revois devant la chaine hifi de mon père, fascinée, scotchée par cette chanson que j’entendais : Out Of Here de Irene Cara (ou Nika Costa donc, selon les versions diffusées). Mon 1er choc musical, un de mes 1ers souvenirs tout court.
Cette chanson je l’ai ensuite réentendue en visionnant le film dont elle était tirée, Fame de Alan Parker, en vhs juste quelques années après.
Ensuite je l’ai oubliée, elle ne passait plus en radio (et nous n’avions pas la bo en k7 ou disque).
Pendant toute ma jeunesse et mes années de « jeune adulte » j’avais des réminiscences d’une chanson qui m’avait marquée enfant, je le savais, la ressentais mais impossible de mettre un nom et un titre sur ces bribes de voix et paroles que j’entendais dans ma tête. Puis vint internet, youtube et je l’ai retrouvée et me suis revue devant cette chaine hifi :-D
By Stanislas Gros on Avr 2, 2013
Je ne suis pas très enclin à la nostalgie, et tu m’as pas mal troublé avec cette incitation au souvenir, ça a remué pas mal de choses en moi, j’y ai pensé toute la matinée, je n’aurais pas cru qu’il y avait autant de choses, ni qu’elles avaient été aussi importantes :)
La chanson qui m’a vraiment marqué enfant et que j’ai longtemps cherché à identifier est In The Air Tonight de Phil Collins, je ne me souviens pas du contexte précis où je l’ai entendue la première fois, mais je l’associe à la nuit, aux phares de voitures et aux essuie-glace, donc je dirais dans l’autoradio de mes parents. Une fois que je l’ai découverte, le reste de l’oeuvre de Phil Collins m’a plutôt déçu, mais j’ai beaucoup recherché par la suite le même genre d’ambiance oppressante, par exemple chez Bowie, et plus tard, j’ai souvent essayé de rendre ça en BD.
Une autre chanson, plus récente que je me rappelle avoir longtemps cherché à identifier est Englishman in New-York de Sting, j’ai l’impression que j’aurais plein de choses à dire sur celle-ci aussi.
Mais encore avant ces chanson, je pense avoir été souvent ému par des morceaux de musique classique que je n’ai jamais pu identifier précisément, et j’en ai conçu une vraie amertume, j’ai l’impression que j’aurais été un enfant bien plus heureux si on m’avait fait écouter Bach au lieu de Chantal Goya, enfin plus exactement, si on s’était préoccupé de ce que j’aimais ou pas, plutôt que de m’imposer des crétineries censées obligatoirement plaire aux enfants (qui sont en plus souvent un supplice pour les adultes).
Ensuite la première émotion cinématographique dont je me souvienne n’est pas vraiment cinématographique puisqu’il s’agit d’une scène de Chapeau Melon et Botte de Cuir (Je voudrais pouvoir dire que c’est un épisode avec Emma Peel, mais c’en est un avec Tara King, « Jeux ») : un homme cardiaque se retrouvait enfermé dans une pièce avec des téléphones et un graphique le long duquel montaient et descendaient les pilules dont il avait besoin. Il devait utiliser les téléphone pour acheter et vendre des actions afin de faire monter les pilules du graphique et en récupérer une. Bien sûr il n’y arrivait pas et finissait par mourir (à l’époque j’étais bien sûr totalement incapable de comprendre l’humour de cette scène, que j’apprécie encore plus aujourd’hui, j’étais juste fasciné par l’ambiance de cauchemar qui s’en dégageait). Dans le même épisode, Tara était enfermée dans un sablier qui se remplissait (mais elle, heureusement, s’en sortait). J’ai dû voir ça un jour par hasard avec des cousins pendant une réunion de famille, où on nous avait laissés devant la télé pour nous occuper. Je n’ai commencé à regarder la série régulièrement que longtemps après. Encore aujourd’hui il y a peu d’œuvres cinématographique que je place au-dessus des Avengers (et j’attends toujours un équivalent au cinéma d’Emma Peel).
J’ai envie d’ajouter la Minute nécessaire de Cyclopède, le premier truc que j’ai aimé malgré mes parents, j’avais huit ans à l’époque, et Desproges m’inspirait une sympathie instinctive. Un soir j’ai été puni pour avoir ri quand il proposait de rentabiliser la colère de Dieu. Plus tard, quand j’ai découvert ses livres, j’ai mis longtemps à faire le rapprochement avec le personnage que je voyais à la télé dans mon enfance, je ne connaissais pas son nom et n’avais par reconnu son visage sur les couvertures.
Bref tout ça pour dire qu’entre Englishman in New-York, John Steed et monsieur Cyclopède, mon penchant pour le dandysme ne date pas d’hier :)
By Jukhurpa on Avr 2, 2013
Ma mémoire à long terme est passablement catastrophique (pas que ça m’inquiète, je sais que ces souvenirs ne sont pas perdus, juste difficiles d’accès) mais j’arrive à en extraire deux souvenirs sans réellement réussir à les dater si ce n’est quelque part entre mes 8 et 12 ans :
D’abord « Autant se dire Adieu » de l’Affaire Louis Trio, c’était la première fois que le musibus passait par chez nous et j’avais ainsi eu le droit de choisir un CD pour moi (choix qui ressemblait beaucoup à la loterie puisqu’il fallait faire vite et qu’on ne pouvait pas pré-écouter), je ne suis pas réellement sur que j’aimais à l’époque mais j’avais une formidable sensation d’émancipation, de libre arbitre vis à vis des goûts musicaux de mes parents.
Ensuite (ou avant?) se fut Sunday bloody sunday de U2 sur une cassette anonyme que je rembobinais invariablement à la fin du morceau le reste de l’album me semblant tellement fade par rapport à cette chanson. Il s’est beaucoup de temps avant que je finisse par connaitre l’identité du morceau et du groupe (nous écoutions très peu la radio) mais suite à ça pourtant, je n’ai jamais réussi à apprécier plus que modérément U2.
p.s : je vois que je ne suis pas le seul à vouloir acheter des vinyles même dépourvu de platine, pire j’en avait une jusqu’à récemment mais elle traînait dans le placard faute place où l’installer (et de disques à écouter, le serpent qui se mord la queue).
By damien on Avr 2, 2013
opopop !
le rôle du damien est déjà pris dans les commentaires de ce blog ! et l’amateur d’électro ci-dessus n’est pas le damien (d.) étale régulièrement sa mauvaise foi par ici.
c’est important de le dire car j’aurai plutôt choisi – et reconnaissons que ça n’est pas la même chose – the shadows, apache pour un souvenir ‘subit’ et enfantin et sonic youth, goo pour un souvenir de jeune adulte autodécisionnaire.
deux exemples car j’ai l’impression que cette sensation de première fois, de découvrir une nouvelle ‘émotion artistique consciente’ ne se limite pas à l’enfance, mais qu’elle se renouvelle régulièrement.
comme si l’émotion/l’évidence précédente n’avait jamais eu lieu.
bon.
By jyrille on Avr 3, 2013
J’ai beaucoup de points communs avec Stanislas Gros, j’ai un peu l’impression d’avoir vécu les mêmes choses : Sting, Phil Collins et Monsieur Cyclopède m’ont marqué très jeune, avant mes 10 ans.
Mais un premier souvenir à la fois visuel et musical dont je parle souvent et qui a vraiment constitué un premier repère, c’est le clip de Ashes To Ashes de David Bowie. A l’époque je regardais énormément la télé, et sur RTL, ils passaient des clips toute l’après-midi, et parfois des choses bien pointues (Marillion par exemple). Dans Ashes To Ashes, le clown blanc, le son de basse, le bulldozer, le type coincé dans une toile d’araignée, tout m’a plu. On pouvait raconter ce qu’on voulait et en faire un petit film, casser tout ce qu’on voyait habituellement (des groupes qui jouent faussement en live, des effets vidéos kitsch avec des gens qui dansent) et surtout, ne pas se soucier d’une quelconque réalité et mélanger des idées, sans volonté de donner une piste. Et puis la musique, à la fois mélancolique et funky, totalement inédite pour moi. J’ai été plus que déçu par le clip suivant, un ou deux ans après : Let’s dance.
J’ai également ressenti un choc avec mon premier Iggy Pop, mon premier Corto Maltese de Pratt. Mais à ces moments-là je savais déjà que j’avais des goûts affirmés dans ces domaines.
By Cyril on Avr 4, 2013
Merci pour ce questionnement ! Mes parents travaillaient dans la musique et dès que les platines CD sont sorties nous en avons eu une. Le vendeur avait donné à mon père deux CD lors de l’achat : Dark side of the moon des Pink floyd et Brothers in arms de Dire Straits. Je les écoutai les deux en boucle et si Money for Nothing m’a enthousiasmé au début, j’ai découvert dans l’inégale discographie de Dire Straits un morceau que j’ai écouté un nombre incalculable de fois : Telegraph road. Cette chanson semble contenir toute l’histoire du monde, l’espoir et le désespoir, des solos de guitare ahurissants, un art de la composition qui en faisait et en font toujours un morceau, peut-on le dire ?, parfait. J’y ai trouvé une musique qui m’accompagne depuis maintenant presque 30 ans, qui apporte le calme et l’énergie, la colère et la joie, la jouissance de la virtuosité sans rien de gratuit. Je n’ai jamais rencontré personne qui aimait voire connaissait ce morceau à côté duquel les autres titres du groupe semblent désespérément fades, à l’exception du morceau Brothers in arms peut-être. Un autre souvenir musical puissant est rétrospectif celui là, c’est The sound of silence de Simon et Garfunkel, chanson mélancolique mais pas triste, indissociable de la vision du Lauréat de M. Nichols. L’émotion qui m’étreint lorsque la chanson me surprend (rarement) à la radio me renvoie à l’écho que ce film a eu sur l’adolescent que j’étais dans les années 80.
Côté cinéma (et télévision), la génération à laquelle j’appartiens (je suis né en 1973) a une liste longue comme le bras d’œuvres que l’on traite (trop) rapidement de « culte » au risque de galvauder définitivement le terme. Mais je me rappelle de mon ahurissement devant M Cycloplède également ainsi que Merci Bernard en ayant le sentiment de regarder quelque chose de « pas très bien » (mais justement qu’est ce que c’était bon…). Regarder « Le Prisonnier » avec P Mc Goohan était aussi une expérience télévisuelle forte: je savais que je regardais quelque chose à nulle autre pareille. Enfin deux films parmi beaucoup m’ont marqué à l’époque : « Un homme nommé cheval » avec Richard Harris, film qui n’est pas repassé à ma connaissance depuis les années 1980, tourné en langue indienne non sous titrée (dans mon souvenir) et son ahurissante scène d’initiation chamanique par la souffrance avec les serres d’aigles plantés dans la poitrine. Ça m’a un peu interpellé avec mon éducation athée. Ainsi que le psychédélique « Au delà du réel » (Altered states) de K Russel avec le très jeune William Hurt où prise de drogue et caisson d’isolement ouvrent la phylogénèse dans le trip du scientifique. Le monde avait un sens caché.