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Parution de «Entre la plèbe et l’élite»

février 11th, 2012 Posted in Bande dessinée, Personnel

Eh bien voilà, ça y est, j’ai reçu mes exemplaires d’auteur. Mon nouveau livre, Entre la plèbe et l’élite1 sort donc incessamment dans les meilleures librairies.
Il s’agit d’un essai sur la bande dessinée, et même d’un essai sur la culture de la bande dessinée. J’y rappelle rapidement son histoire, j’essaie d’établir la chronologie de sa légitimation en tant qu’objet culturel (et en tant qu’objet tout court, car la bande dessinée a existé longtemps avant d’être nommée et identifiée) mais aussi de faire l’histoire des oppositions auxquelles le médium a du faire face. Tout cela (et d’autres choses) me sert à proposer une de définition de la bande dessinée qui ne se cantonne pas aux questions de grammaire sémiologique (la case, la bulle, l’ellipse,…) et qui ne dédaigne ni l’aura d’art de masse de la bande dessinée, n’aie pas de mépris pour sa tradition d’objet de distraction, ni, inversement, de dégoût envers sa capacité à produire des œuvres esthétiquement ambitieuses. D’où le titre. J’essaie aussi d’établir que la bande dessinée n’est pas un média « prometteur », dont les chefs d’œuvre n’existent qu’à l’état potentiel, comme beaucoup de défenseurs d’une bande dessinée « sérieuse » se sont laissés aller à le dire — moi le premier, d’ailleurs —, mais qu’elle a déjà une longue histoire, qu’elle a eu ses chefs d’œuvre, qu’elle elle a eu ses Dickens, ses Flaubert, ses Mallarmé, ses London, ses Duras, ses Robbe-Grillet, ses Calvino et ses Bukowski2. Je cite des romanciers, mais j’aurais aussi pu établir une comparaison avec le cinéma.

Je ne pense pas que le sujet ait déjà été traité en suivant ce genre d’approche, mais peut-être m’abusè-je sur ce point — on se trompe souvent sur sa capacité à être original, qu’on la sous-estime ou, plus souvent, qu’on la sur-estime. Même si je suis persuadé qu’ils ne le verront pas de la même manière, je me sens (humblement) assez en phase avec des gens comme Harry Morgan (Principes des littératures dessinées), mais aussi Thierry Groensteen (avec Un objet culturel non identifié : La bande dessinée surtout) ou encore Thierry Smolderen (dont j’ai dévoré le récent Naissances de la Bande Dessinée). Je pense malgré tout que j’apporte un regard différent de ceux de ces différents auteurs.

J’ai par ailleurs tenté d’aller aux sources, de débusquer des documents plus ou moins méconnus, ou mentionnés mécaniquement en tant que référence historique, mais que l’on ne s’est pas toujours donné la peine de relire dans leur contexte. J’ai passé un certain temps à fouiller des microfilms à la Bibliothèque Nationale car certains des documents en question ne peuvent plus se trouver autrement que sous cette forme.

Le livre est peu assez peu illustré, car le tapuscrit a rapidement excédé d’un bon tiers les limites qui avaient été convenues au départ. Je dois dire aussi qu’il m’a semblé impossible d’établir une sélection pertinente et satisfaisante parmi les œuvres produites en cent quatre-vingt ans d’existence de la bande-dessinée.

À présent, j’attends le retour de mes lecteurs, qui me feront remarquer mes imprécisions, mes raisonnements douteux et sans doute aussi, mes oublis3. Je me sens d’ores et déjà embarrassé de ne pas avoir mentionné un fait que je sais, ou du moins que j’ai su, et dont j’aurais du me souvenir, qui est que la reconnaissance de Rodolphe Töpffer en tant que pionnier de la bande dessinée n’émane ni de Thierry Groensteen ni de David Kunzle, mais de la super-star des historiens d’art, Ernst Gombrich, qui mentionne le genevois dans l’Art et l’Illusion (1960). Je me trouve d’autant plus bête de ne pas l’avoir écrit que je parle d’un autre essai de Gombrich, dans le recueil Méditation sur un cheval de bois, où il est question d’un personnage intéressant mais passablement oublié, George Townshend.

On peut consulter quelques pages de Entre la plèbe et l’élite ici : www.calameo.com.
Sans vouloir faire de réclame éhontée, je vous conseille de ne pas hésiter à pousser vos bibliothèques à commander cet ouvrage (j’écris ça en m’adressant aux universitaires et aux étudiants et enseignants en écoles d’art) et je vous enjoins à signaler son existence aux gens qu’il est susceptible d’intéresser, non dans le but de me faire plaisir, mais pour encourager l’initiative de David Rault, qui m’a fait confiance et, surtout, qui a pris le risque de lancer une collection dédiée à la réflexion théorique sur la bande dessinée chez un éditeur, Atelier Perrousseaux, qui est connu pour ses livres sur l’écriture, le graphisme, la typographie et la bibliophilie4.

Jean-Noël Lafargue, Entre la plèbe et l’élite : les ambitions contraires de la bande dessinée, éd. Atelier Perrousseaux 2012. ISBN 978-2911220425 (25€).

  1. Non non, ne cherchez pas de contrepèterie dans ce titre. []
  2. Je ne parle pas de chefs d’œuvres inconnus, mais de chefs d’œuvres négligés par un public un peu amnésique. Little Orphan Annie a passionné l’Amérique de la Grande Dépression comme Les Mystères de Paris ont façonné la conscience sociale sous la Monarchie de Juillet. Mais Annie reste passablement inconnue, particulièrement en France où on la confond avec Little Annie Rooney, tandis que les Mystères de Paris ont donné lieu à une littérature savante conséquente, sans atteindre bien sûr la popularité dans le domaine des Misérables de Hugo, en grande partie inspiré par Süe et qui est donc aux Mystères de Paris ce que Little Annie Rooney est à Little Orphan Annie. []
  3. Je suis impatient (masochisme ? orgueil ? vanité ? outrecuidance ?) de la notice que me consacreront Morgan et Hirtz dans une éventuelle prochaine édition du Petit Critique illustré, ou en tout cas dans ses mises-à-jour en ligne. []
  4. Deux autres livres sont prévus pour l’instant dans la collection Perrouseaux BD. []
  1. 14 Responses to “Parution de «Entre la plèbe et l’élite»”

  2. By Wood on Fév 11, 2012

    Je m’en vais le commander dans ma librairie, alors.

  3. By Jean-no on Fév 11, 2012

    @Wood : je ne peux pas m’opposer à ton projet.

  4. By david t on Fév 11, 2012

    il aurait fallu que ça paraisse quand j’étais encore en sol français, parce qu’avec les frais de port et tout, aïe aïe aïe. mais en tout cas j’ai bien hâte de lire ça.

  5. By Jean-no on Fév 11, 2012

    @David : j’aurais voulu que ça sorte pour Angoulême… Oui le port c’est le problème, j’aurais volontiers fait des échanges :-)

  6. By Hobopok on Fév 11, 2012

    Pourquoi une esperluette dans le titre ?

  7. By Jean-no on Fév 12, 2012

    @Hopobok : choix du graphiste, mais pourquoi pas, j’aime bien les esperluettes !

  8. By Hobopok on Fév 12, 2012

    Quelle coquetterie ! Sinon ça la maquette a l’air remarquable dans le genre simple élégant et efficace. La photo de la couve est pas mal non plus.

  9. By Jean-no on Fév 12, 2012

    @Hobopok : la maquette est réalisée par David Rault, le directeur de collection, qui est aussi graphiste et auteur, chez le même éditeur, d’un Guide de choix typographique.

  10. By Roy on Fév 12, 2012

    tout ça m’a l’air fortement intéressant. Ouille ouille ouille. (c’est le cri du portefeuille endetté)

  11. By Jean-no on Fév 12, 2012

    @Roy : Oui, je dois avouer que le film était prévu pour moins cher mais il était censé faire cent vingt pages…
    Le Népal, faut voir.

  12. By Cécile K. on Fév 13, 2012

    Message reçu pour l’achat en bibliothèque d’école d’art !

  13. By Jean-no on Fév 14, 2012

    @Cécile : merci :-)

  14. By Calamity on Juin 29, 2012

    Et normalement, bientôt disponible dans les bibliothèques du Congrès, Harvard Princeton et Yale …

  1. 1 Trackback(s)

  2. Avr 30, 2015: Cartographier “ce qu’est aussi la bande dessinée” | Picturing it!

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