Hackers
mai 29th, 2013 Posted in Hacker au cinémaHackers (Iain Softley, 1995), qui est contemporain de l’arrivée d’Internet dans les foyers américains, s’inscrit dans une vague de films aux thèmes liés à l’Informatique. C’est, à mon sens, un des plus marquants, puisqu’il tente de constituer un manifeste enthousiaste et maladroit du « hacker », ici présenté comme un personnage « cool », et plus comme un asocial. Les deux héros du film, interprétés par Angelina Jolie et Jonny Lee Miller (qui se sont mariés peu après la sortie de Hackers), sont des gravures de mode. La bande originale nous replonge dans l’époque, avec Kruder & Dorfmeister, Orbital, Moby, Leftfield, Prodigy, Massive Attack ou encore Carl Cox.
Comme Strange Days, Hackers a rapporté un peu moins de huit millions de dollars, ce qui est décevant à côté de Johnny Mnemonic (vingt millions), Virtuosity (vingt-cinq millions) et surtout The Net (cinquante millions), tous sortis la même année.
(Attention, je raconte le film)
Tout commence en 1988, dans une banlieue cossue de Seattle où des forces policières surarmées défoncent la porte d’un pavillon avec un bélier et viennent arrêter un hacker, Zero Cool, dont on apprendra qu’il a provoqué la panne de 1507 systèmes informatiques et que cela a causé une chute des valeurs boursières de sept points. À son procès, on découvre que ce criminel, dont le véritable nom est Dade Murphy, n’est âgé que de onze ans. La justice condamne sa famille à s’acquitter de plusieurs dizaines de milliers de dollars de dommages et lui interdit d’approcher un ordinateur ou un téléphone à touches jusqu’à ses dix-huit ans.
Dade (Jonny Lee Miller) et sa mère, divorcée, viennent vivre à New York. Le jour de son dix-huitième anniversaire, il s’amuse à pirater le système informatique d’une chaîne de télévision en interrompant les programmes qui ne lui plaisent pas et en les remplaçant par d’autres. Mais il tombe alors sur un autre pirate informatique, Acid Burn, avec qui il se bat, à distance, pour le contrôle de la chaîne câblée. Quand Acid Burn lui demande son nom, il s’en invente un nouveau : Crash Override.
À l’université, Dade tombe sous le charme de Kate Libby (Angelina Jolie), et pirate le réseau de l’école pour être inscrit aux mêmes cours. Cela attire l’attention de Ramόn, dit Phantom Phreak, qui décide de mettre Dade en contact avec la communauté locale des hackers : Emmanuel1, qui se fait appeler Cereal Killer, Paul, qui se donne le nom de Lord Nikon car il a une mémoire photographique, et Joey, aspirant-hacker, qui se cherche un nom (« I need a handle, man. I don’t have an identity until I have a handle » — « il me faut un surnom, mec. Je n’ai pas d’identité tant que je n’ai pas de surnom »). Dade découvrira que son rival Acid Burn fait aussi partie de la bande et n’est autre que la belle Kate Libby, que personne ne peut battre aux jeux vidéo et qui est la fille d’une auteure féministe à succès.
Voulant faire ses preuves, Joey dérobe des fichiers sur les serveurs « Gibson » (dont le nom a été choisi par le scénariste en hommage à l’auteur cyberpunk William Gibson) d’une société pétrolière, Ellington Mineral Company. Il parvient à cacher la disquette peu de temps avant de se faire arrêter. La police le prend pour un dangereux pirate informatique car aussitôt après son intrusion, un virus nommé Da Vinci (car il s’inspire visuellement de l’Homme de Vitruve, par Léonard de Vinci) fait chanter la société : faute du versement d’une rançon, il provoquera une marrée noire car il contrôle les cargos pétroliers d’Ellington, lesquels sont pilotés par ordinateur, à distance, et n’ont même plus de commande manuelle2.
En fait, le virus Da Vinci a été créé par Eugene Belford (Fisher Stevens), qui tient à se faire appeler « la peste » (The Plague), et qui est en fait le directeur de la sécurité informatique d’Ellington Mineral. Son but est de profiter de l’intrusion de Joey dans le réseau de son entreprise pour masquer le vol dont il s’est déjà rendu coupable : vingt-cinq millions de dollars dérobés furtivement à son employeur, à coup de centimes prélevés sur des transactions3. Il a pour complice Margo Wallace, directrice des relations publiques de la société, qui est aussi son amante. Il est aussi aidé par Richard Gill, un agent des services secrets qui pourchasse les hackers sans vraiment les connaître, sans comprendre grand chose à l’informatique. Malgré son ignorance, Richard Gill donne des conférences de presse à tour de bras. The Plague est un pirate informatique aussi doué que ceux dont il est censé protéger Ellington Mineral, mais il n’a pas d’amis, ne respecte aucun code de l’honneur particulier et souffre d’un complexe aigu de supériorité.
Traqués par les autorités, les jeunes hackers doivent prouver leur innocence, et donc établir la culpabilité de The Plague. Pour ça, ils s’allient à Razor et Blade, les deux animateurs de Hack the planet, une émission de télévision sur le hacking. Ces deux « icônes télévisuelles » mobilisent des hackers du monde entier pour attaquer les serveurs « Gibson » pendant que Dade et ses amis cherchent à y récupérer des données. Pour échapper aux autorités, Dade et ses amis désorganisent le trafic de la ville en piratant les feux de signalisation, comme dans The Italian Job (1969). Les gentils gagnent, les malversations de The Plague sont révélées publiquement, ce dernier tente de s’enfuir mais est arrêté dans son avion, où il portait une fausse barbe et avait pris le nom Babbage, comme Charles Babbage, l’inventeur de l’ordinateur. Enfin, Dade finit par embrasser Kate qui, quant à elle, a fini par se décider à porter une robe4. Fin du film.
Un portrait du hacker
Comme je le disais en introduction, Hackers constitue une sorte de manifeste grand public de la figure du hacker. Plusieurs définitions du terme sont données. Tout d’abord, celle de Richard Gill, des services secrets, que l’on voit deux fois intervenir devant la presse pour dire exactement la même chose :
Les hackers pénètrent et ravagent de de fragiles systèmes informatiques, publics et privés, les infectent avec des virus et y volent des données pour des fins qui leurs sont propres. Ces gens, ce sont des terroristes.
Lors d’une troisième conférence de presse, Richard Gill parle des hackers comme d’une « grave menace pour la sécurité nationale » qui justifie selon lui une augmentation du budget des services qui les combattent.
Mais il n’a pas le temps de terminer sa phrase, les chaînes de télévision du monde entiers sont piratées par Cereal Killer. Alors que Dade est en prison, sa mère répond à Richard Gill que son fils est tout le contraire de ce qu’il dit : « Mon fils comprend des choses que vous ne comprendriez pas même si vous viviez cent ans, et il n’utiliserait jamais son savoir pour blesser âme qui vive. »
Eugene Belford, dit The Plague, est lui aussi un hacker mais sans foi ni loi, et sans amis. Il donne lui aussi sa définition du hacker :
Je sais ce que tu dois ressentir à l’idée de trahir tes amis, mais on est des hackers ! Pour nous la famille et les amis, ça n’existe pas, chacun de nous est son propre pays, avec des alliés et des ennemis temporaires.
…Ce qui fait peut-être écho (mais à contresens) au Temporary Autonomous Zone (1991) de Hakim Bey, un des piliers philosophiques de la culture des hackers.

Eugene « The Plague » Belford, en train de jouer à un jeu avec un casque de réalité virtuelle tandis que Richard Gill essaie de lui faire comprendre sa présence. De manière assez amusante, ce que voit The Plague n’est pas montré et il a donc l’air un peu fou avec ses mouvements, ses onomatopées et son inconscience du fait que quelqu’un d’autre se trouve avec lui dans la pièce.
Il ne se sent pas membre d’une communauté, mais juste d’une sorte d’aristocratie occulte, supérieure au commun des mortels :
Laisse-moi t’expliquer la nouvelle organisation du monde [new world order]. Les gouvernements et les corporations ont besoin de gens comme toi et moi. Nous sommes des samouraïs. Les cowboys du clavier. Et les autres gens, dehors, qui n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe, sont le troupeau. Meuuuh !
De fait, il est le seul dans sa société à bien comprendre les questions liées à la sécurité informatique et la direction ou les cadres en costume sont contraints de s’en remettre totalement à ce qu’il propose, ce qui représente assez bien la manière dont les technologies informatiques ont chamboulé l’équilibre hiérarchique dans les entreprises lorsqu’elles y sont devenues des éléments vitaux.
Les hackers de télévision Razor et Blade, qui diffusent l’émission Hack the planet, expliquent comment on pirate une cabine téléphonique à l’aide d’un simple magnétophone de poche.
Blade : et vous ne paierez plus jamais pour un service qui serait bon marché…
Razor : …s’il n’était pas dirigé par une bande de profiteurs gloutons !
Blade : rappelez-vous, le hacking est plus qu’un simple crime, c’est une question de survie.
Avec leur clownerie de façade et leur impressionnant réseau de spectateurs activistes dans le monde entier, Razor et Blade donnent l’idée que les hackers n’ont pas de frontières, pas de nationalité, sont soudés, aiment s’amuser mais savent aussi se mettre au service d’une juste cause. On remarque que la lutte contre les pratiques commerciales des grosses corporations fait partie des causes justes qu’ils défendent.

Razor et Blade, en haut à gauche, et leur réseau de hackers du monde entier. En haut à droite, sur fond de London Bridge, on reconnaît Dave Stewart, du groupe Eurythmics.
À un autre moment du film, deux agents secrets, Ray et Bob, affectés à la surveillance (et plus tard à l’arrestation) des héros du récit, discutent dans une voiture. L’agent Bob lit un texte :
écoute ces conneries : «C’est notre monde, à présent. Le monde de l’électron et du switch, la belle et le baud. Nous existons sans nationalité, couleur de peau ou biais religieux. Vous menez des guerres, des assassinats, trichez, nous mentez, et vous tentez de nous faire croire que c’est pour notre bien, alors c’est nous les criminels. Oui, je suis un criminel. Mon crime, c’est la curiosité. Je suis un hacker, et c’est mon manifeste. Vous arriverez peur-être à m’arrêter, mais vous ne pourrez pas nous arrêter tous».
On reconnaît ici une version à peine modifiée de La conscience d’un hacker, écrit en 1986 par Loyd Blankenship5, dit The Mentor, alors qu’il venait de se faire arrêter, et retenu à présent sous le titre The hacker Manifesto.
L’agent Ray trouve ce texte à son goût : « It’s cool ! ». Ce n’est pas l’avis de son collègue Bob, qui conclut : « It’s not cool. It’s commie bullshit! » — « Ce n’est pas cool, c’est de la connerie communiste ».

Les agents Bob (le chauve, à droite) et Ray (juste à côté) arrêtent Ramόn dans sa chambre, au réveil. Sa mère le bat comme plâtre.
Les jeunes hackers ne donnent pas vraiment de définition eux-mêmes, mais Cereal Killer évoque tout de même une sorte de mission :
On a un but supérieur, non ? Le réveil de la génération Nintendo. On demande le libre-accès aux données. Eh bien ça implique quelques responsabilités. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant6.
Lorsqu’il s’adresse à l’humanité entière en piratant les télévisions du monde, Cereal Killer exprime tout le sentiment de puissance de celui qui, depuis son clavier, prend le pouvoir :
Yo. I kinda feel like God!
…Je me sens comme Dieu.
Dans le film, Dieu est un nom important, puisque, nous apprend-on, « God » est un des mots de passe les plus fréquemment utilisés, et ce qui a permis au jeune Joey de s’introduire sur les serveurs de la société Ellington.
On remarque aussi, et ce n’est pas sans rapport, que la vision aérienne a une importance dans le film. Tout d’abord, Dade arrive à New York par les airs, et en se penchant vers la ville, y voit un assemblage de composants électroniques ; une des farces que Kate fait à Richard Gill est exécutée depuis le sommet de l’Empire state building ; lorsque Cereal Killer explique qu’il se sent comme Dieu, on voit la Terre depuis l’Espace ; enfin, The Plague s’enfuit en avion — mais c’est aussi dans l’avion qu’il se fait arrêter.
Le message semble clair : depuis leurs claviers d’ordinateurs, les hackers surplombent la ville, ils constituent bien une sorte d’élite (elite est leur mot favori pour qualifier les hackers les plus doués), mais lorsque cette supériorité se mue en démesure ou est mise au service de passions mesquines, elle est punie.
On remarque que tous les hackers utilisent des rollers ou, dans le cas de The Plague, un skateboard. Ce dernier a par ailleurs une hygiène de vie particulière. Il vit dans un désordre complet, fume, se nourrit en permanence de barres chocolatées, de pizzas et de soda.

En haut, The Plague vient travailler en skateboard. En bas, la composition de son régime alimentaire : junk-food et bonbons, en désordre.
Les rollers permettent aux hackers d’échapper aux services secrets. Ils sont un symbole de fluidité et de vitesse, tout comme le jeu WipEout, sur lequel Kate et Dade s’affrontent (séparément), et qui est un jeu de course d’engins ultra-rapides en lévitation7.
Finalement, les principaux discours sur le hacking sont représentés dans le film, mais il est nettement pris parti pour la version sympathique du hacker, un curieux qui pirate par jeu et non pour nuire ou pour s’enrichir, et qui est victime d’une mauvaise réputation qu’il ne mérite pas.
La mise en scène des interfaces
Le réalisateur a exploré plusieurs moyens pour représenter, sans ennuyer le spectateur, des faits aussi abstraits que l’intrusion sur un serveur, la circulation des données, ou simplement le fait de taper sur son clavier et de communiquer en ligne de commande.
Le résultat ne manque pas d’intérêt, ne serait-ce que parce que Iain Softley a évité d’abuser des images de synthèse. L’interface des ordinateurs « Gibson », par exemple, est en trois dimensions mais a été réalisée en « dur ».
Il ne s’agit en effet pas d’images de synthèse, mais bien d’objets en verre. On voit d’ailleurs les personnages passer entre les colonnes, traitées comme décor, puis on voit ces colonnes servir d’interface « virtuelle » (dans ce dernier cas l’image est un peu déformée). Le spectateur est forcément un peu troublé car l’intérieur et l’extérieur de la machine se confondent visuellement.
Un autre procédé souvent employé dans le film consiste à projeter sur le visage de la personne qui fait face à un écran ce qu’elle est censée voir. Les deux photogrammes qui suivent sont extraits d’une séquence où Dade regarde une vidéo sur l’ordinateur portable que lui a offert The Plague.
Grâce à la lumière projetée, l’image du visage immobile et concentré cesse d’être monotone. Bien entendu, c’est parfaitement irréaliste, les écrans nous éclairent bien mais ne projettent pas sur nous l’image nette de ce qu’ils affichent, leur lumière n’étant pas directionnelle.
Dade est par ailleurs souvent montré devant son ordinateur avec des lunettes de soleil sur les yeux, ce qui n’est pas forcément pratique pour travailler.
Dans la scène finale de hacking, dans laquelle Dade et ses amis affrontent The Plague, le jeune homme utilise même, sans la moindre justification technique, une étrange lunette cyclope telle que les Head-mounted displays qu’emploient les pilotes de chasse, qui lui donne un petit air cyborg.
Pour montrer la nuit blanche que Dade Murphy passe, immobile, devant son clavier, à reconstituer un fichier endommagé, le réalisateur multiplie les plans de coupe divers (soleil qui se couche, listings, etc.), et surtout, montre le monde en mouvement autour du hacker concentré : Tandis que Dade tape sur son clavier, Kate et les autres sont montrés en accéléré, dansant, se chamaillant, mangeant, etc.
…Ce qui m’évoque immédiatement une phrase de Confucius : « Celui qui gouverne un peuple par la Vertu est comme l’étoile polaire qui demeure immobile, pendant que toutes les autres étoiles se meuvent autour d’elle ».
Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’expliquer que les données circulent dans le réseau, mais à la sortie de Hackers, mais en 1995, il n’y avait que quarante millions d’internautes dans le monde, contre près de deux milliards aujourd’hui. Les États-Unis étaient cependant le pays le plus avancé dans le domaine puisque une personne sur dix y accédait au réseau, contre une sur cent en France à la même époque8.
Pour rendre la question de la circulation de données visuelle, Iain Softley utilise à deux reprises dans le film une petite séquence qui commence par le traveling avant d’une caméra entre des composants informatiques, montrés comme un décor urbain, suivi d’images manifestement prises depuis la cabine de pilotage d’un métro. L’une et l’autre image sont des évocations purement métaphoriques de ce qu’elles illustrent et n’ont aucun lien avec le véritable fonctionnement technique d’une connexion. Je remarque qu’on n’entend jamais la « porteuse » d’un modem dans le film. À l’époque, se connecter à Internet était pourtant une opération longue et bruyante.
On remarque une autre référence à l’urbanisme avec la représentation des ordinateurs « Gibson », filmés en contre-plongée et qui évoquent clairement des immeubles étrangement parcourus d’éclairs électriques.
Le virus Da Vinci, créé par The Plague pour faire accuser Dade Murphy et ses amis est assez sophistiqué : il ne se contente pas de faire son travail — voler de l’argent, saboter des supertankers et faire chanter leur propriétaire —, il se donne aussi du mal pour communiquer, avec moult effets d’animation multimédia…
Le virus est personnifié par un visage d’homme aux cheveux longs, et une voix trafiquée, intentionnellement étrange et artificielle.
Dade, Kate et les autres se battent contre The Plague à coup de virus. Leurs virus sont aussi des animations, avec un aspect plus « cartoon ».
Entre autres preuves de l’omnipotence des hackers, on peut voir à un moment du film tous les ordinateurs d’une entreprise affichant le même économiseur d’écran, qui est censé être la manifestation d’un virus.
Les film est un bombardement d’images (effets vidéo, textures fractales, 3D, etc.), d’interfaces (ligne de commande, interface graphique, animations multimédia), de logos de marques ou encore, d’accessoires plus ou moins inutiles (casque de réalité virtuelle, ordinateurs), ce qui est bien dans la veine de la pagaille esthétique de la presse « cyber » de des années-là9, comme Wired et Mondo 2000. Le conseiller technique du film en matière de hacking, Nicholas Jarecki, avait seize ans à l’époque.
Personnellement, j’ai une vraie tendresse pour Hackers qui a provoqué en son temps, selon l’humeur, des éclats de rire et des grincements de dents chez ceux (peu nombreux) qui avaient une petite idée de ce dont le film parlait et qui ont vu là leur culture underground exposée au public dans une version complètement fantaisiste bien que plutôt documentée.
- Le nom complet de Cereal Killer est Emmanuel Goldstein, qui est aussi le nom de l’ennemi mortel du régime d’Oceania dans le 1984 de George Orwell, accusé de commettre des attentats et à qui chacun doit consacrer deux minutes de haine quotidienne, et qui s’avère finalement être un personnage fictif. [↩]
- On retrouve cette idée du supertanker commandé de manière totalement automatisée, et donc vulnérable au piratage informatique, dans Superman III (Richard Lester, 1983). Il semble que ce soit ce que l’expert en sécurité Bruce Shneier nomme un « movie plot threat », c’est à dire une menace criminelle ou terroriste que l’on peut trouver dans un film, mais jamais dans la vraie vie. Lire à ce sujet le texte de Bruce Shneier The Scariest terror threat of all, sur le site Wired.com. [↩]
- Encore une idée que l’on retrouve dans Superman III, où le pirate August Gorman vole sa propre société en prélevant des centimes perdus par les arrondis. [↩]
- Il y aurait sans doute une analyse à faire sur la question du rapport entre hommes et femmes dans le film. Les héros du film ont une mère (absente dans le cas de Kate) mais jamais de père. Il n’y a que trois personnages féminins un peu importants dans Hackers : Lauren, la mère de Dade, qui est chaste (elle n’a plus de mari) et dévouée à son fils, tout en s’inquiétant que celui-ci passe du temps avec son ordinateur et pas avec des filles : « you like girls, don’t you ? » — « Well, yeah, I just haven’t found one as charming as you yet. (…) And I’m still a virgin! » ; Margo Wallace, l’incompétente responsable des relations publiques de la société Ellington ; et bien entendu, Kate Libby, qui se conduit « en garçon » : les cheveux courts, elle refuse de porter une robe, elle aime la compétition, cherche à dominer ses adversaires de jeu, aime parler du modèle de son ordinateur, et n’est pas spécialement fleur-bleue dans ses rapports aux garçons. On la voit même aller dans le vestiaire des garçons acheter un préservatif. Or tout ce comportement sciemment rebelle est maté à la fin du film, qui nous présente comme une victoire que Dade (jusqu’ici timide avec les filles) devienne « un homme », tandis que Kate accepte de devenir « une fille ». [↩]
- Pour l’anecdote, on apprend sur Wikipédia que l’agent Bob lit The Hacker Manifesto dans la revue 2600: The Hacker Quarterly, alors que l’original a été publié dans le magazine électronique underground Phrack. [↩]
- La phrase Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant est tirée de la première épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 13, verset 11. [↩]
- Le jeu Wipeout est en réalité sorti dix jours après Hackers. La version que l’on voit dans le film est un prototype, prêté par Psygnosis (éditeur de jeux vidéo né en 1984, devenu filiale de Sony neuf ans plus tard, renommé Sony Studio Liverpool en 2000 et définitivement liquidé en 2012.), qui tournait sur une surpuissante station Silicon Graphics. [↩]
- Chez France Télécom, en 1995, quelqu’un aurait dit à François Fillon : «On n’a pas parlé de ce nouveau truc, Internet. Mais ce n’est pas grave. Inutile de vous occuper de ça, c’est une mode, dans trois mois, tout le monde l’aura oublié». [↩]
- Un autre élément qui nous replonge dans l’époque est l’utilisation généralisée du « beeper », puisque le téléphone mobile n’allait être massivement répandu que trois ou quatre ans plus tard. Dans le même ordre d’idées, il est beaucoup question de disquettes, puisque si le cd-rom existait, il n’était à l’époque qu’un équipement optionnel, généralement dédié à la lecture seule (les graveurs étaient hors de prix) et peu répandu. [↩]
11 Responses to “Hackers”
By Wood on Mai 29, 2013
ça me fait penser que tu devrais lire cette BD, si tu en as l’occasion : http://www.wizzywigcomics.com
(aussi disponible sous forme de livre papier, ou en ebook)
By Sous la poussière on Mai 30, 2013
Du coup, au contraire du pitch, de la couverture du DVD et des acteurs, ce billet donne envie de voir le film!
Dans mes souvenirs de spectateur ado, le film sur des hackers qui m’a marqué reste Sneakers (Les Experts en VF, 1992, avec Robert Redford). Pas de fioritures graphiques, il se voulait sans doute un peu plus réaliste.
The Net (avec Sandra Bullock tout de même…), je me rappelle l’avoir cité comme exemple dans une dissertation pour l’équivalent suisse du BAC; je ne me souviens plus de l’énoncé, mais j’avais été bien noté :)
A part ça, j’attends le billet sur Johnny Mnemonic. Je ne sais pas s’il a bien ou mal vieilli, mais j’ai l’impression qu’on retrouve des traces visuelles de ce film dans pas mal de longs métrages et séries sorties plus tard (même si on peut considérer qu’il pompe lui-même allégrement dans les clichés cyberpunks)
By Jean-no on Mai 30, 2013
@sous la poussière : Johnny Mnemonic, The Net et Sneakers sont sur la liste des films sur lesquels j’ai commencé un billet, et jamais fini, il y a longtemps. Ainsi que The-Net-la-série, aussi, car il y a eu une série.
@Jerom : je suis curieux de savoir d’où sort le casque de réalité virtuelle du début du film…
By Jerom on Mai 30, 2013
Je visionnais hier soir Skinemax (un collage-clip d’une heure de films fin 80s-début 90s: http://vimeo.com/29999445 ) et je me demandais justement d’où était tiré ces interfaces/buildings bleuâtres!
By sylvia on Mai 30, 2013
fyi : c’est ce même Johnny Lee Miller que l’on retrouve dans le rôle de Sherlock Holmes dans la (bonne) série Elementary ; série qui revisite les aventures du détective et de Watson, qui, par ailleurs, est une femme ici, jouée par Lucy Liu.
Vous pouvez reprendre le fil de votre conversation.
By Jerom on Mai 30, 2013
@jean_no: ça vient de Videodrome (Cronenberg 1983), classique culte (à voir si ce n’est pas déjà fait!); ça cause de l’aliénation de médias via des interfaces organiques/mécaniques, etc.
By Jean-no on Mai 30, 2013
@Jerom : Meuh non c’est pas dans Vidéodrome. Si ? Je ne l’ai pas vu depuis quelques temps mais il ne me semble pas qu’il y ait de casque de réalité virtuelle.
By Jerom on Mai 31, 2013
Et si, c’est bien dans Videodrome
Cf. screenshot https://twitter.com/jeromBD/status/340446382672457729/photo/1 ;)
C’est un casque censé enregistrer les hallucinations causées par Videodrome.
By Jean-no on Mai 31, 2013
@Jerom : complètement oublié, alors que je me souviens bien du docteur Oblivion, sorte de Marshall McLuhan fantôme. Ceci dit ce film précède les casques à réalité virtuelle… Intéressant. Je vais le revisionner, tiens.
By Frédéric Mahé on Juin 1, 2013
C’est anecdotique, mais que fait Benjamin Bayart dans ce film ? (première image de la première mosaïque) :-)
By Jean-no on Juin 1, 2013
@Frédéric Mahé : c’est vrai qu’il ressemble :-)