Profitez-en, après celui là c'est fini

Des lumières qui bougent et des données dans l’ombre

octobre 30th, 2014 Posted in stationspotting

Hier, je me trouvais dans un train, attendant qu’il parte, lorsque les panneaux à diodes qui se trouvent à chaque extrémité de l’intérieur de la rame ont affiché un inquiétant message qui disait que la destination du train n’était pas celle que j’attendais et que le premier arrêt prévu était la gare qui suit la mienne sur la ligne.
Avec plein d’autres passagers, je suis sorti en catastrophe, car choisir un mauvais train m’aurait fait rentrer chez moi en deux heures ou quelque chose du genre. Dehors, pourtant, les autres panneaux persistaient à dire que le train s’arrêtait bien dans ma gare.

destination

Finalement, la voix du conducteur s’est faite entendre, il a rassuré les passagers en expliquant qu’il ne fallait pas tenir compte de l’affichage intérieur des trains, qui était erroné. Je suis retourné à l’intérieur du train, mais cette fois, je n’avais plus de place assise.

Apparemment il n’a pas été prévu que le conducteur, pourtant bien placé pour savoir où va son train, décide des informations affichées. Il doit se contenter de les confirmer ou de les réfuter en utilisant les hauts-parleurs du train. Ce genre d’aventure m’est arrivée plusieurs fois, et j’ai même vu il y a quelque temps des afficheurs dont le message était complètement illisible :

message_illisible

J’en ai déjà parlé dans de précédents articles1, mais la question ne cesse de me fasciner : on installe dans des trains, sans doute à grand frais, des afficheurs dont apparemment personne, parmi ceux qui les ont mis en place, ne se soucie qu’ils fonctionnent ou qu’ils soient utiles, au point qu’on tolère qu’ils donnent de fausses informations, au risque d’avoir un effet plus négatif que s’ils n’existaient pas. Ces éléments censément informatifs sont en fait décoratifs : ça bouge, ça fait de la lumière, c’est tout ce qui compte.
Et pourquoi pas, d’ailleurs ? Mais autant pousser la chose jusqu’au bout de sa logique et ne pas faire mine de trouver une utilité pratique à ces lumières qui bougent.

transilien

C’est peut-être la réflexion qu’ont eu les concepteurs du « Francilien », le nouveau type de trains qui est progressivement mis en circulation sur les lignes d’Île-de-France. Ce train contient une quantité extravagante d’écrans, mais ce n’est pas tout : ses plafonds émettent une lumière qui passe en permanence et en douceur d’une couleur à l’autre. Aucune utilité pratique à ces plafonds, mais un effet sensible et apaisant. Nous verrons comment tout cela vieillira.

Toujours au chapitre de la Société Nationale des Chemins de Fer, j’ai découvert les exigences de l’application « Voyages-SNCF » en tentant d’installer cette dernière sur ma tablette Android : il aurait fallu que j’accepte de donner à ce programme accès à mon identité, mes contacts et mon agenda, ma position, tous les documents présents sur la machine, et enfin l’appareil photo et le micro de l’appareil.
On a le choix entre accepter… Et rien.
Avant même son installation, l’application nous indique ceux, parmi nos contacts sur les réseaux sociaux, qui l’utilisent. Ce qui n’a rien de grave puisqu’il s’agit d’un outil de réservation de billets de train, mais s’il s’agissait d’autre chose ? De l’application d’une agence de rencontres, par exemple ?2

appli_voyages_sncf

La « baseline » de cette application est « réserver votre billet de train n’a jamais été aussi simple ». Pourtant, ne comprenant pas pourquoi elle avait des besoins si étendus, que la version « web » n’a pas, je ne l’ai pas installée. Je n’ai pas assez d’imagination, il faut croire, pour comprendre pour quelle raison un logiciel de réservation de billets de trains peut avoir envie d’accéder à mes documents ou à mes capteurs audio et vidéo3.

  1. Lire : La peur du noir et Écrans pour ne rien dire. []
  2. Je connais une femme qui a eu la surprise de voir passer sur Facebook une publicité « sur mesure » pour une agence matrimoniale qui lui indiquait qu’un de ses amis proches en est un client satisfait — satisfait quoique célibataire invétéré. []
  3. Dans le même ordre d’idées, des experts en sécurité informatique se sont rendus compte que les applications gratuites qui permettent de transformer un téléphone iPhone ou Android en lampe de poche ont des exigences et un comportement bizarre : certaines veulent accéder à toutes les ressources de l’appareil… Et transmettent ensuite des données (lesquelles ?) vers des destinations incongrues telles que la Chine ou la Russie, où l’on perd leur trace. []
  1. 13 Responses to “Des lumières qui bougent et des données dans l’ombre”

  2. By tl on Oct 31, 2014

    Je me suis posé les mêmes questions en découvrant le nouveau système d’affichage des tramway lyonnais : j’ai compté seize écrans plasmas, huit diffusent les informations relatives au trajet, les huit autres des clips divers qui, pour la plupart, expliquent à des gens qui sont déjà dans les transports publics qu’ils devraient utiliser les transports publics. Les écrans d’info trajet sont objectivement mal conçus, confus, la plupart des données sont d’une taille trop petite pour être facilement lisibles à quelques mètres de distance, au contraire le nom de la prochaine station est écris tellement gros qu’il est souvent abrégé d’une façon incompréhensible pour les personnes qui ne sont pas familières de la ligne. Tout ça pour remplacer des afficheurs à LED qui doivent couter et consommer cent fois moins, et qui pour moi remplissaient parfaitement le besoin : afficher successivement la destination, la prochaine station, l’heure.

    En revanche un certain nombre de voyageurs semblent fascinés par ces écrans colorés qui affichent en boucle des infos en grande partie inutiles. L’objectif du changement (en dehors de « faire moderne ») est peut-être bien, comme vous le soulignez, de faire se tenir les gens tranquilles.

    D’ailleurs on peut aussi se poser le même type de questions au sujet du soutien gouvernemental à l’industrie des jeux vidéos : quelle peut être la motivation de gouvernements qui soutiennent des industries dont les produits sont conçus pour inciter les gens à rester assis chez eux sur de très longues périodes, sans activité autre que modifier quelques octets sur les disques de serveurs en ligne ?

  3. By Jean-no on Oct 31, 2014

    @tl : pour le soutien au jeu vidéo, je ne pense pas qu’il y ait de complot particulier : le jeu est à la mode, populaire (il n’a d’ailleurs pas besoin d’aide), riche, alors le politique essaie de se faire mousser en disant « nous aussi on est dans le coup » :-)

  4. By Adrien on Oct 31, 2014

    Pour une fois, je vous trouve d’assez mauvaise foi. Le fait que vous regardiez les écrans et remarquiez que, cette fois, l’information est fausse, prouve que :
    1/ ils fournissent une information utile (sinon, vous n’auriez pas pris l’habitude de les consulter)
    2/ ils fournissent une information fiable (sinon, vous cesseriez de les regarder, et/ou votre billet expliquerait que l’information est « généralement erronee »( » ce n’est pas la première fois que ça m’arrive  » sous entend que cela arrive relativement peu fréquemment) ).

    Je comprend votre frustration, mais étant donné le nombre de trains qui circulent, la durée d’exploitation, etc, des pannes, ou des bugs, sont inévitables. Et restent, j’en suis sûr, moins frequents que les erreurs humaines.

    Je précise cependant que je n’ai rien à voir avec la sncf.

    Quant aux jeux vidéo… Voilà près de 10 ans que l’industrie du jeu vidéo a un chiffre d’affaires mondial supérieur à celui du cinéma. On peut débattre de l’intérêt du jeu vidéo en tant que loisir (mais sachez que de nombreuses études montrent que ce n’est pas aussi nuisible ou debilitant que vous le laissez entendre), mais quand on veut stimuler l’économie, il n’est pas idiot de s’appuyer sur des secteurs ou il y a effectivement du potentiel de croissance financière et de création d’emplois.

    Et, par souci d’honnêteté, je précise que je suis un gamer.

  5. By Jean-no on Oct 31, 2014

    @Adrien : je regarde les messages qui défilent parce qu’ils sont en face de moi, mais si je devais faire une stat d’instinct, je dirais qu’ils diffusent des messages inutiles une fois sur cinq. Et quand bien même j’exagérerais, cela me semble énorme, car un message faux – du genre qui fait sortir du train en panique, un jour de grève où ne circule qu’un train tous les trois-quarts d’heure, ce qui était le cas hier – n’est pas seulement une information inutile, c’est une information qui crée des problèmes. On me racontait sur Twitter une ligne dont le train diffusait un message sonore pré-enregistré complètement faux (il se prétendait en Picardie alors qu’il était en Normandie) pendant des mois…. À quoi ça sert ?
    L’informatique nous a habitués à accepter un pourcentage de bugs, une marge acceptable d’erreur,… Ce qui n’est pas une fatalité, pourtant : on peut aussi bien faire les choses et imaginer des systèmes qui prévoient des contre-mesures aux pannes, par exemple. Dans le spatial, où la catastrophe est mortelle à chaque seconde, c’est une évidence, mais avec les trains, non, et ce n’est pas qu’une question d’argent. En fait, la seule idée que ces dispositifs deviennent inutiles en cas de changement, d’imprévu, dénonce totalement leur existence : ils devraient justement servir à gérer l’imprévu !
    Je vois souvent des écrans qui se contentent d’afficher « ce dispositif d’affichage est momentanément hors service », plutôt que d’être tout simplement éteints (ça coûterait un peu moins d’électricité !), et ça me conforte dans l’idée qu’ils sont plus décoratifs qu’informatifs, et donc qu’ils ont une vocation, sans doute, mais pas celle qu’on laisse croire.

  6. By 2goldfish on Oct 31, 2014

    Pour info, l’application Capitaine Train demande un peu moins d’autorisations que celle de voyage SNCF tout en étant bien mieux pensée.
    Cela étant dit, l’appli Voyage SNCF ne demande pas tant d’autorisations inexplicables que ça par rapport à certaines.
    Et pour ce qui est d’afficher qui utilise ces applications, le problème n’est pas lié aux apps elles même mais à la plateforme Google Play. Heureusement sur Android on peut télécharger des applications sur d’autres plateformes si on le souhaite.

  7. By Jean-no on Oct 31, 2014

    @2goldfish : le fait que Capitaine Train (que j’ai installé, du coup) demande bien moins de choses montre bien que Voyages SNCF n’est pas forcé à le faire par des considérations techniques (ce qu’ils m’ont plus ou moins répondu, en fait). C’est la première application que j’aie installé sur ma tablette, et j’avoue que j’ai été étonné des demandes, mais je vois effectivement que Voyages SNCF n’est pas seul à faire ça. Peut-être s’agit-il simplement d’incompétence des développeurs ou des chefs de projet qui se disent que, dans le doute, autant tout demander…

  8. By Adrien on Oct 31, 2014

    @Jean-no

    Vous mélangez de deux problèmes totalement indépendants.
    * un message inutile est pénible, j’en conviens mais est sans réelle conséquence (enfin, outre l’impact sur votre humeur, agacée, ce qui est parfaitement justifié)
    * un message faux, lui, a des conséquences, parfois lourdes, comme dans la situation que vous décrivez. Encore que… (j’y reviendrai)

    Posez vous la question maintenant : quelle est la proportion de messages faux ? Je parierais qu’elle n’est pas si élevée que ça. Sinon, il y a bien longtemps que vous auriez cessé de les prendre en compte. Ce qui ne retire rien au fait que c’est très pénible quand ça arrive.

    Quant à votre commentaire sur le spatial… Je me doutais que l’argument allait sortir :-) Sauf que la comparaison n’est pas pertinente.

    Dans le spatial, comme dans l’aéronautique, comme dans le ferroviaire (si si, je vous assure, le ferroviaire aussi), il y deux catégories d’équipements (pour simplifier) : les équipements « de sécurité », et les autres.
    Pour les équipements de sécurité, aucun compromis n’est permis, car la vie de personnes (ou leur santé, ou des sommes d’argent astronomiques pour le spatial) sont en jeu. Tout est encadré par des normes, tout est testé, re-testé, dispose de systèmes de protection et/ou de redondance en cas de défaillance, etc. Et globalement, ça marche bien.
    Pour le reste… C’est plus simple, c’est au fabricant de décider ce qu’il fait. Est ce qu’il utilise un truc un peu buggé mais pas cher ? Un truc plus cher et moins buggé parce que mieux conçu et plus testé ? Un truc plus cher parce que disposant de protections et/ou redondances ? A chaque fabricant de faire ses propres compromis coût/bénéfice.
    Car il faut bien être honnête, un produit de meilleur qualité, globalement, ça coûte plus cher. Et à la fin, c’est le client qui paye, ou va voir chez le concurrent (quand c’est possible).

    Je ne suis pas en train de dire que le choix de la sncf est le bon. Mais clairement, si vous voulez des produits « qualité spatial » dans les trains, ben, ça va finir par se voir sur le prix du billet. Et êtes vous vraiment prêt à payer le prix pour ça ?

    Juste un exemple, pour vous donner un ordre de grandeur…
    Je suis ingénieur en électronique de puissance. Les produits que je conçois utilisent beaucoup de transistors de puissance (type MOSFET). Un composant « industriel » va coûter entre quelques dizaines de centimes et quelques euros. Un composant « spatial » peut coûter plusieurs centaines d’euros. Maintenant imaginez de multiplier par un facteur entée 100 et 1000 le prix de toute l’électronique des trains. Êtes vous vraiment prêt à payer cela sur votre billet de train quotidien, juste pour vous prémunir contre les rares pannes ? (pannes qui on, une fois encore, des conséquences pénibles, mais certainement pas vitales)

  9. By Jean-no on Oct 31, 2014

    @Adrien : l’argument du spatial ce n’est pas pour comparer les enjeux, juste pour dire que le bug n’est pas une fatalité, ou plutôt que la défaillance, si elle arrive, peut être prévue et gérée. Là, on ne parle pas non plus de composants : ce n’est pas avec des métaux rares etc. qu’on réglera le problème, c’est une pure question de conception, et la conception, ça n’est pas forcément cher. Tout ce qui est cher dans le dispositif d’affichage est déjà payé, alors pourquoi s’arrêter là ? Mon hypothèse, c’est que ça n’est pas jugé important, et qu’on se satisfait de faire semblant.

  10. By Adrien on Oct 31, 2014

    @Jean-no

    Tout se paye. Même le temps de développement et la qualité des ingénieurs. Un meilleur produit coûtera plus cher. Et c’est vous (et moi) qui paierez la différence. C’est aussi simple que ça.

    Par ailleurs, traitez moi de pessimiste, mais je crois que si, les bugs sont une fatalité.
    Les besoins en informatique sont très supérieurs au nombre de « bons » ingénieurs disponibles, et même au nombre d’ingénieurs « potables » disponibles. De fait, la sélection par la compétence ne se fait plus en informatique. Être » mauvais » est une situation normale, et parfaitement acceptée par les entreprises (parce ce qu’elles n’ont pas le choix).
    Et assez naturellement, de mauvais ingénieurs font des produits qui marchent mal.
    Et vu l’informatisation de la société, je doute que la situation aille en s’améliorant…

  11. By Adrien on Oct 31, 2014

    @Jean-no

    J’ai oublié de préciser… Les logiciels aéronautique ne sont pas du tout dépourvus de bugs. Pour se prémunir des conséquences de bugs, les fonctions de sécurité sont développés 3 fois, par trois équipes différentes, et implémentées sur 3 processeurs différents. Ils partent du principe qu’il y aura jamais plus d’un programme qui bug à la fois.
    Donc pas de conséquences pour les bugs, uniquement parce que la conception et l’implémentation ont coûté 3 fois plus cher.

  12. By Jean-no on Oct 31, 2014

    @Adrien : avant d’imaginer de coûteux programmes concurrents, on pourrait imaginer que des procédures aient été prévues…

  13. By Adrien on Nov 2, 2014

    @Jean-no

    Mettre en place des procédures ? Comme, par exemple, permettre au conducteur de faire des annonces au micro quand l’affichage est erroné ? Il me semble avoir lu quelqu’un qui disait que ça lui était arrivé…

    Désolé pour l’ironie. Je ne dis pas que la SNCF n’aurait pas pu faire différemment, faire mieux. Mais le monde étant ce qu’il est, il faut bien accepter soit les pannes/défauts/bugs, soit accepter les coûts (parfois astronomiques) pour s’en protéger.

  14. By frth on Nov 2, 2014

    Pour ce qui est des applications et des autorisations qu’on leur concède, il y a la possibilité de « rooter » son appareil et d’installer un fire-wall (type LBE security master) qui permette de choisir soi-même les autorisations que l’on décide d’accorder ou non, au cas par cas.

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