Profitez-en, après celui là c'est fini

Cuisine assistée par ordinateur

février 7th, 2010 Posted in Design, Interactivité, Modèles abandonnés, publication électronique, Vintage

Le projet de mettre un ordinateur dans une cuisine renaît régulièrement depuis quarante ans avec un succès inégal. Il faut dire que dans de nombreux cas, les concepteurs n’étaient sans doute pas cuisiniers eux-mêmes et leurs bonnes intentions se sont vite heurtées à des questions pratiques : comment manipuler un fragile ordinateur en ayant les doigts dans la farine et à quoi sert un terminal qui ne sait restituer les recettes qu’en langage binaire ?

1969. Le Honeywell Kitchen Computer est apparu au catalogue Neiman-Marcus (grand magasin de luxe), au prix de 10000 dollars – somme équivalente à 50000 dollars actuels. Dérivé du mini-ordinateur Honeywell 316, il pouvait stocker des recettes de cuisines, mais ne les restituait que sous forme de clignotements en langage binaire, imposant une solide formation d’opérateur informatique aux personnes qui auraient voulu l’utiliser. On pense qu’il ne s’en est vendu aucun. Photo de droite prise au Computer History Museum de Mountain View (Californie) par LaughingSquid / FlickR (cc-a-nc).

1983. L’Extra-cuisine de Brandt, un système domotique qui repose sur un ordinateur Thomson/Brandt TO7. La ménagère de l’an 2000, nous dit-on le journal « Micro7 », ne se sentira plus seule puisqu’elle pourra converser avec le four à micro-ondes et dialoguer avec le poulet qui rôtit pour savoir s’il est bien cuit. Je ne pense pas que le projet ait dépassé le stade du prototype ou même, de l’illustration.

Au cours de la première moité des années 1980, les publicités pour les micro-ordinateurs cherchaient à donner à chacun une bonne raison d’utiliser de tels engins : le jeu vidéo pour les enfants ; la programmation et la gestion de cave à vin pour le papa ; les recettes de cuisine et la comptabilité domestique pour la maman.

2000. La société 3com a commercialisé pendant quelques mois un terminal nommé Audrey, en l’honneur d’Audrey Hepburn. Équipé d’un modem et d’un écran tactile, il reprenait un peu le principe du minitel, quinze ans plus tard, et était dédié à la communication et aux applications domestiques, notamment la cuisine.

Années 2005-2010 : la console de jeux Nintendo DS, console portable la plus vendue de l’histoire, propose de nombreuses applications culinaires, du livre de cuisine traditionnel porté sur support numérique aux jeux ludo-éducatifs qui permettent d’apprendre des recettes et de s’entraîner virtuellement à hacher des oignons avec un stylet sur un écran de sept centimètres.

2007. Le Yummy Kitchen Connect (designer non connu) est un concept d’ordinateur domestique proposé au cours du concours Next-Gen PC Design organisé par Microsoft et l’Industrial designers society of America. L’ordinateur propose des recettes en fonction du régime que suit la personne et de ce qui se trouve dans son réfrigérateur. Il lit les codes barres et les puces RFID. Afin d’égayer le cuisinier, cet ordinateur diffuse par ailleurs des vidéos, de la musique ou des podcasts, et peut servir de webcam pour de la visio-conférence. Cet objet n’a semble-t-il pas été réalisé.

2008. Le Kitchen Sync, par Noah Balmer, jeune designer et étudiant au California College of the arts. Toujours à l’état de prototype, ce « livre de cuisine » wifi est lavable et peut se refermer pour être rangé. Il a obtenu le second prix à l’International Housewares Association competition.

2008. Le miBook est un livre électronique multimédia dédié au « personal coaching » dans divers domaines : bricolage, éducation, grossesse, voyages, mais avant tout, cuisine. Il est sorti au prix de 130 dollars et vaut à présent 90 dollars environ.

2010. Demy Kitchen Safe Touchscreen Recipe Reader. À écran tactile, il est prévu pour résister aux conditions d’une cuisine. Il fournit des recettes et sert aussi de minuterie. Le site prétend que « The Demy is the first and only kitchen-safe digital recipe reader », mais puisque vous avez lu ce qui précède, vous savez que ça n’est pas tout à fait exact.

En Bonus, l’amusante vidéo « Augmented (hyper)Reality: Domestic Robocop » par Keiichi Matsuda, étudiant en Master à l’école d’architecture Bartlett, à Londres (cliquer sur l’image).

Il me semble qu’il a existé aussi des services Minitel1 de cuisine, il faudrait retrouver un annuaire du genre pour vérifier s’ils ont eu une importance véritable en leur temps. Je ne me rappelle pas de scènes véritablement emblématiques de cuisine « numérique » dans le cinéma d’anticipation mais il y en a forcément eu aussi (n’hésitez pas à me signaler toute référence en commentaire à ce billet).

Finalement, le vrai succès de la cuisine sur support numérique ne serait-il pas celui des blogs2 et des réseaux sociaux culinaires ?

  1. Pour les moins de quinze ans qui me lisent : le Minitel est un système interactif de communication et d’information dont France Télécom livrait les terminaux gratuitement dans chaque foyer français. Il est toujours en service, notamment pour certains usages précis (annuaire, réservations de billets) mais la généralisation de l’accès à Internet l’a rendu désuet. []
  2. À ce propos, je recommande la fréquentation de celui de Nathalie. []
  1. 10 Responses to “Cuisine assistée par ordinateur”

  2. By Gertrude on Fév 8, 2010

    C’est fou comme l’expression « … de l’an 2000 » faisait rêver les foules. Même à 17 ans de l’an 2000 !
    Si je ne m’abuse, l’an 2000 était un tel repère qu’une fois passé, on n’en a pas retrouvé d’équivalent. Et aujourd’hui, j’ai l’impression que nous n’en avons plus.

  3. By Jean-no on Fév 8, 2010

    @Gertrude : j’avais bien l’an 2010 comme repère supérieur mais maintenant c’est un peu mort.

  4. By pull on Fév 9, 2010

    c’est peut-être une vision positive de l’avenir améliorée par la science qui a disparu progressivement surtout.

    Optic 2000 reste Optic 2000 cela dit.

  5. By mel on Fév 12, 2010

    On a 2050 !

    Ce que je remarque c’est qu’on abandonne l’idée que les machines vont absolument tout faire À notre place mais par contre, on a de plus en plus d’appareils portables pour nous assister partout, avec les écrans tactiles de cuisine … cela dit je me vois mal pour ma part acheter ça. Un lecteur de ebook peut-être…

  6. By olivier on Fév 12, 2010

    Dans son dernier livre « La Métamorphose des objets », Frédéric Kaplan décrit également le projet des étudiants de Luc Bergeron à l’ICAL basé sur sa docklamp :
    une grosse ampoule contenant une caméra, de l’électronique et un mini projecteur. L’auteur décrit un scénario dans lequel il se cuisine des spaghetti bolognaise. Avant de jeter sa boite de sauce, il la passe sous la lumière interactive de la lampe, qui reconnait l’étiquette et propose différents choix possibles. Si la sauce a plu, on peut en recommander, on peut également consulter le descriptif de produits équivalents, ou consulter les habitudes / conseils d’autres utilisateurs du système.
    Il propose également d’enregistrer ses recettes vidéos, d’en suivre d’autres etc.

    http://mdo.li/149

  7. By Laurence on Fév 22, 2010

    Pour compléter cet article, je vous propose d’aller voire ce site: http://www.cookineo.com.
    Ils ont sorti une appli iPhone qui pas mal foutue. Il suffit de passer la main devant l’écran pour faire défiler les étapes. C’est assez pratique car on a toujours les mains sales en cuisine.

  8. By Hubert Guillaud on Mar 11, 2010

    Ca me rappelle le mythe du frigo intelligent : Les frigos intelligents ne sont ni utiles ni désirables

  9. By Jean-no on Mar 11, 2010

    @Hubert : oui, le frigo va bien à côté de la cuisinière intelligente

  10. By Emmanuel Poulain on Mar 22, 2010

    Mon avis là-dessus, c’est que tous ces ordis de cuisine ne sont qu’une avancée temporaire de la technologie en cuisine. Il ne s’agit là que d’une vision à court terme. C’est un peu comme dans les années 80 avec le radio-réveil qui fait cafetière en même temps.
    Je pense qu’avec un iphone connecté à des recueils de recettes en ligne, c’est déjà pas mal du tout.
    Et plus tard, on aura même un petit projecteur sur nos branches de lunettes et la recette pourra se lire sur tous les murs de la cuisine, là où on se trouve.
    Si ces fabicants arrivent à s’y retrouver financièrement, c’est très bien pour eux. Qu’ils en profitent car ça ne va pas durer.

  11. By magicrincevent on Nov 6, 2011

    pour les références de cuisine numérique, il y a toujours les synthétiseurs de nourriture : dans H2G2 (à l’intérieur du vaisseau le coeur en or) et dans planète interdite (le robot synthétise la nourriture et une grosse réserve de whisky). Dans retour vers le futur 2, il y a un hydrateur pour les pizzas.

    Pas en france, mais au brésil, les articles sont dotés d’une puce rfid : bien plus facile à mon avis, de savoir exactement ce qu’on a dans le placard ou le frigidaire.
    Un contrôle de la température/hygrométrie du four , casserole (bluetooth par exemple) me semblerais un plus
    Avec un synthétiseur vocal, une reconnaissance vocale, un projecteur avec ce genre de montage : http://www.youtube.com/watch?v=h6YHGCVH6wQ et une détection de mouvement avec une caméra pourrait être une version moderne de la cuisine domotique de brandt.

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