De retour du festival d’Angoulême où je ne suis d’ailleurs pas allé
février 2nd, 2010 Posted in Bande dessinéeJe ne suis pas descendu au festival d’Angoulême cette année : trop de choses à faire au même moment. Et puis une telle escapade en famille réclame un budget conséquent. Ce sera donc pour l’an prochain. Pour profiter malgré tout un peu de l’ambiance, par procuration, j’ai fait un crochet par la Fnac qui se trouve sur mon trajet afin d’effectuer quelques acquisitions.
Tout d’abord, Pascal Brutal : Plus fort que les plus forts
par Riad Sattouf, sacré meilleur album de l’année, et cela m’intriguait. Je me demandais ce qui avait bien pu arriver à cette aimable série d’un aimable auteur pour que ce tome obtienne la même prestigieuse récompense qu’ont remporté par le passé le Pinnochio de Winshluss, le NonNonBâ
de Shigeru Mizuki, le
Poulet aux prunes de Marjane Satrapi, le Maus
de Art Spiegelman, et autres chefs d’œuvre difficilement contestables.
Bon, il faut admettre que ce prix a parfois récompensé des albums douteux (je ne donnerai pas de noms) ou bien des albums qui n’étaient pas intéressants en eux-mêmes mais qui permettaient de réparer des négligences passés ou encore d’envoyer une sorte de message pour encourager tel éditeur ou tel champ de la bande dessinée. On a d’ailleurs dit de la sélection de l’année et du palmarès qu’ils étaient sciemment tournés vers le grand public.
Après lecture, je doute fortement que Pascal Brutal tome 3 soit le meilleur album de l’année (devant le Eightball de Clowes par exemple ?), ni même le meilleur album de son auteur, mais il n’est pas si facile pour moi d’en jurer car il faut bien l’admettre, je n’ai pas lu grand chose en 2009. Chaque fois que je me trouve dans un rayon bande dessinée je me sens submergé par le niveau moyen de qualité (plutôt élevé) les prix, et le nombre : trop de choses, trop d’argent à débourser pour tout lire, trop de temps à passer pour savoir ce qui se fait. J’ai le même sentiment en musique, d’ailleurs : beaucoup trop de bonnes choses sans doute, mais une difficulté à en trouver qui se démarquent.
À une certaine époque, chaque bon album de bande dessinée était un petit évènement. Aujourd’hui il en sort un par jour — un bon album par jour, si si, pas forcément un chef d’œuvre mais un travail honnête, réalisé par un auteur qui a eu de bonnes lectures, de bonnes influences, et publié par un éditeur plein de bonnes intentions. Fini le temps des happy few où l’on achetait en confiance ses albums à une dizaine d’éditeurs dits « indépendants ». Mais peut-être est-ce aussi moi qui ne fais pas l’effort de me tenir au courant.

Pascal Brutal, chômeur impénitent, doit suivre un stage de création d'entreprise s'il ne veut pas se voir imposer un emploi d'intérêt général non rémunéré...
Alors ce Pascal Brutal ? S’il n’est pas mon album de l’année, il reste une lecture réjouissante, qui confirme Riad Sattouf en sociologue empiriste, en éthologue amateur et en auteur politiquement incorrect quoique fondamentalement politique, approches qu’a eu Gérard Lauzier en son temps et dont je vois peu d’autres exemples dans la bande dessinée francophone. Dans cette France de science-fiction (imaginez un peu : dans le futur, les pauvres voteront à droite !), Pascal Brutal vit sa vie de chômeur et de mâle dominant. Dès la page de garde nous sommes prévenus de la tonalité générale par deux citations : Les français sont des veaux (De Gaulle) ; Je suis un taureau (Pascal Brutal).
Derrière les exagérations et la fantaisie générale, la réflexion sur la virilité et sur les hiérarchies sexuelles est aussi cruelle que juste. Pour le reste, Sattouf nous parle de la France « wesh-wesh », ou plus précisément de l’Îlle-et-Vilaine « wesh-wesh », avec recul et pertinence.
Une bonne lecture, en fin de compte.
On savourera tout particulièrement ici l’état des pays arabes du futur après la présidence d’un certain Riad Sattouf. Pascal Brutal emmène en Algérie un de ses amis d’enfance devenu islamiste radical après avoir fait douze ans de prison : il veut se marier avec une de ses cousines, au bled, mais ne reconnaît rien. Le pays est devenu prospère, les femmes y sont égales aux hommes, l’art et les sciences y connaissent un âge d’or.
Même s’il n’est pas encore président des nations arabes unifiées et qu’il n’a pas signé la paix avec Israël, Riad Sattouf doit être content de son année, entre son film, apprécié par la presse et par le public (sorti en DVD il y a deux mois), et sa bande dessinée à présent sacrée « album de l’année »…
À part ça, j’ai acheté Mega-Krav-Maga
, un excellent petit album tiré du blog du même nom.
Le blog était signé Mathieu Sapin et Frantico. Sur la couverture du livre s’ajoute la signature de Lewis Trondheim, qui en est l’éditeur et qui persiste avec malice à entretenir l’ambiguïté sur son rapport avec Frantico : est-il Frantico, est-ce que Frantico existe ? est-ce que Frantico est une signature collective ?…
Le récit balade le lecteur dans une aventure hilarante qui commence dans un festival de bande dessinée à Lisbonne où Frantico et Mathieu Sapin sont pris en charge par les adeptes d’un art martial secret dont ils ont révélé l’existence par inadvertance. Les deux auteurs de bande dessinée utilisent leur site Internet pour donner de leurs nouvelles au monde et pour communiquer entre eux. On retrouve ici la fraîcheur trondheimienne des enchaînements de situation des Carottes de Patagonie.
L’album est publié au format manga — au format poche donc — ce qui lui permet d’être commercialisé à un prix très raisonnable.
Ensuite, je savoure (pas fini de le lire) Jade 606u
, publié par Six pieds sous terre et qui consacre soixante quatre pages au festival d’Angoulême, raconté ici par les auteurs eux-mêmes. Car ce festival est avant tout celui des auteurs, qui s’y rencontrent, y voient leurs éditeurs et qui malgré tout ce qu’il y a de détestable dans ce genre de manifestation (la foule énervée, les problèmes de chauffage, les chasseurs de dédicaces ou encore le rappel permanent du fait que la bande dessinée est un business), ont du mal à s’empêcher d’y aller.
En fait je me suis surtout retenu d’acheter des choses. Je n’ai pas acheté la nouvelle édition chez Cornélius de Welcome to the Death Club, par Winshluss, que j’ai déjà chez Six pieds sous terre (en double, en plus — c’est une longue histoire) même si la nouvelle couverture est superbe. J’ai négligé plusieurs mangas qui me donnaient envie, notamment de Tezuka. Je n’ai pas acheté Luba
, de Gilbert Hernandez (dans la série Love and Rockets), chez Delcourt. Je n’ai pas acheté le monumental La guerre d’Alan
par Emmanuel Guibert, chez L’Association. Je me suis retenu d’acheter l’essai Naissances de la Bande Dessinée
que Thierry Smolderen a sorti aux impressions nouvelles et qui semble absolument passionnant.
Bref, j’achète beaucoup moins de livres pendant le festival d’Angoulême quand je ne vais pas à Angoulême.
One Response to “De retour du festival d’Angoulême où je ne suis d’ailleurs pas allé”
By Fabien on Fév 3, 2010
Merde ! Ça fait deux fois que je lis exactement ce que je pense ici et je n’ai lu que deux trucs ! Inquiétant…