Profitez-en, après celui là c'est fini

Convoi™

avril 19th, 2010 Posted in Bande dessinée

La série Convoi™ (officiellement : Les aventures de Karen Springwell) a vingt ans cette année.
Scénarisée par Thierry Smolderen et mise en images par Philippe Gauckler, cette série constitue un des premiers exemples de bande dessinée française aux thèmes « cyber ». L’action se déroule dans un monde futuriste et unifié dont les habitants passent un temps considérable à évoluer dans des univers virtuels, notamment Convoi™, un jeu dont l’action se situe à l’intérieur d’un anneau géant où passe régulièrement un vaisseau — le convoi — que certains veulent attaquer et que d’autres veulent défendre. Le jeu existe depuis des décennies et personne n’a remporté la victoire. Ceux qui y parviendront recevront une somme d’argent dépassant l’imagination. Pour pouvoir jouer, les participants doivent sceller des alliances et acheter les objets ou les armes qui leurs permettront de partir à l’assaut du convoi. On notera que les premiers jeux en réseau avec achat ou échange d’artefacts n’ont existé qu’à partir du milieu des années 1990.
Tout l’intérêt du récit est que Convoi™ n’est pas qu’un jeu. L’espace virtuel y sert aussi de lieu de convivialité et même, de terrain pour des réunions secrètes des membres d’un complot interplanétaire. En effet, si la terre est pacifiée et unifiée (à l’exception notable de la Confédération helvétique), la planète entretient de mauvaises relations avec ses colonies spatiales et, apprend-on petit à petit, se trouve au bord de la guerre à des parsecs de là. Le rapport entre l’espace virtuel et les enjeux cosmiques est une des trouvailles du récit.
Le premier tome de Convoi™ est paru aux éditions des Humanoïdes associés en 1990. Il a été suivi par Les joueurs de Convoi™ (1991), Les prisonniers de Convoi™ (1993) et enfin Le ciel de Convoi™ (1995). Un album reprenant tous ces tomes sous forme d’édition intégrale est paru en 2004.

Un antiquaire qui refuse d’acheter une imitation de Macintosh. 

L’héroïne du récit, Karen Springwell, est une journaliste.
Fille d’un homme politique important avec qui elle est en froid, la jeune femme est en mesure de révéler au monde entier des nouvelles bouleversantes, mais elle se retrouve rapidement piégée : ses turbulents jumeaux sont enlevés, ses parents sont assassinés et l’ancien flirt qui avait fait une apparition un peu trop opportune joue sans doute un double-jeu. Un mystérieux personnage hante le monde de Convoi™, son créateur Samuel Kolk…
Au fil du récit, on rencontre divers éléments futuristes parfois très bien vus : outils de communication ou de connexion au réseau, vêtements intelligents, concepts de jeux, etc. On croise aussi des références à des pionniers de la construction de mondes tels que Hergé ou Winsor McCay (deux objets d’étude du scénariste), Moebius, Walt Disney ou encore Jaron Lanier — qu’on crédite souvent de l’invention de la réalité virtuelle.

Une robe qui reflète les humeurs de celle qui la porte. Parfois embarrassant.

Thierry Smolderen, qui a d’abord tenté de donner à Convoi™ la forme d’un roman, a été influencé par un livre de science-fiction qui a énormément pesé sur l’histoire du genre cyberpunk, The Shockwave Rider (en français : Sur l’onde de choc, 1975), de John Brunner, roman qui prophétisait notamment l’invention des virus informatiques et dans lequel la société entière vit connectée en réseau. Il a aussi été marqué par divers récits ultérieurs : Tron ou Neuromancer, par exemple. On notera que Convoi™ est paru deux ans avant Snow Crash (Neal Stephenson), dont le « Metaverse » est à présent considéré comme le prototype de nombreux mondes virtuels, y compris non fictionnels, comme Second life.
Le dessin de Philippe Gauckler, sans relever exactement de la « ligne claire », est élégant, propre, et mis en couleur d’une manière assez lumineuse qui l’inscrit à mon avis dans une tradition proche de celles de Moebius, Arno et Bati mais aussi sans doute Gibrat et Ceppi ou, plus récemment, de Li An.
Ce choix graphique est intéressant car il épargne totalement à Convoi™ toute parenté trop littérale avec le genre cyberpunk, toujours emprunt d’une ambiance « Roman noir » pesante et qui ne vieillit pas toujours bien.

À l’apparition de Désirée Délice, poupée animée, le logo de la marque s’intègre au dessin.

Convoi™ porte une attention toute particulière au design, y compris au design graphique puisque Geneviève Gauckler — sœur cadette du dessinateur de Convoi™, Philippe Gauckler —  avait été réquisitionnée pour créer des identités visuelles (logos, slogans), intégrées aux dessins, pour chaque objet un peu original qui est rencontré au fil du récit.
On notera que Geneviève Gauckler était encore à l’époque (1989) étudiante à l’école des arts décoratifs, il s’agit sans doute d’un de ses tout premiers travaux professionnels, qui précède de cinq ans sa collaboration fructueuse avec le label F Communications.

L’ensemble est plutôt bien fait, bourré d’idées et finalement assez novateur en son temps. Même si le personnage principal, Karen Springwell, est sans doute un peu lisse, on peut s’étonner que Convoi™ ne soit pas devenu un classique de la bande dessinée de science-fiction francophone.

  1. 7 Responses to “Convoi™”

  2. By rxra on Avr 19, 2010

    waou … merci de me rappeler que j’avais lu ça il y a longtemps. du coup je vais peut être me prendre l’intégrale (c’était un pote qui me l’avait prêté à l’époque).

  3. By Panix on Avr 19, 2010

    Je suis assez contrarié de ne pas avoir entendu parler de cette BD plus tôt. Et ce n’est pas faute d’avoir écumé les Métal Hurlant et autres Charlie de papa ! Beau dessin et sujet visionnaire, je sais ce que je vais lire ces prochains jours. Merci, camarade.

  4. By Jerom on Avr 19, 2010

    Jamais entendu parler de cette BD : dès que je la trouve, je lis ça!

  5. By Jean-no on Avr 19, 2010

    @Jerom : apparemment, l’intégrale Convoi™ est toujours disponible en neuf et en occasion chez Amazon et en neuf sur le site de la Fnac. On trouve aussi les albums séparés pour une bouchée de pain (hors frais de port) sur Priceminister par exemple.

  6. By Maître Banane on Mai 5, 2010

    Marrant, je viens de classer ds vielles photos circa 90 avec Smoldo et Gauckler signat leurs premiers albums et c’est frais de lire ça !
    Quand on a acheté les Humanos avec Giger, la première chose qu’on a proposé c’est de faire travailler Philippe Gauclker, que j’adorais depuis Metal Hurlant, avec mon ami Smolderen sur ses scénars de prospective gonzos. Et Geneviève était mon assitante à Air Studio, bien qu’encore à l’ENSAD, elle était déja un maître du design graphique.

  7. By Geneviève Gauckler on Mai 20, 2010

    Ouah trop sympa Maître Banane! On se connaît je crois? :-)

  8. By Maître Banane on Juin 2, 2010

    Non peut-être, une fois, car Maître Banane est comix omniscient, philo-belge et Gauckler-oriented, c’est son karma présent passé et futur. ;-)

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