Profitez-en, après celui là c'est fini

Terminaux portables

octobre 31st, 2009 Posted in Filmer autrement, Parano

Il y a quelques jours je m’interrogeais sur les capacités des terminaux portables qu’emploient les contrôleurs de la SNCF : il m’avait clairement semblé voir une caméra là où le contrôleur m’assurait qu’il n’y avait, je le cite, que « de l’infra-rouge », technologie dont l’évocation me semblait absurde, bien que l’hypothèse d’une confusion entre laser et infra-rouge soit plus que plausible : ces terminaux servent bien souvent à scanner les codes-barres et il y a peu de raisons de penser que l’optique que j’ai aperçue sur celui-ci ait un autre usage.

psionlirelasuite

Parmi les commentateurs du billet, qui ont émis des hypothèses diverses, Wood a mené une enquête fructueuse au terme de laquelle il apparaît que depuis deux ans, les contrôleurs SNCF sont équipés de terminaux « Workabout pro » de marque Psion Teklogix, terminaux qui embarquent une application développée sur mesure par la société Unilog Management et sont reliés par liaison radio bluetooth, à une petite imprimante. Les contrôleurs ont troqué les six kilos de documentation qu’ils devaient avoir sur eux en permanence contre quelques centaines de grammes d’informatique portable. Avec ces terminaux, ils peuvent notamment scanner les puces RFID des « pass Navigo », lire les billets virtuels achetés par téléphonie mobile, consulter en temps-réel sur Internet le trafic du réseau SNCF et en connaître tous les horaires, émettre des procès-verbaux d’infraction,… Tout ça pour aboutir à une « Rénovation du métier de contrôle et de service à bord : la relation commerciale avec les voyageurs est améliorée, et les remontées commerciales générées par les contrôleurs sont plus rapides et plus fiables »1. Décors et costumes par Christian Lacroix.

Sur Internet, on peut trouver toutes les spécifications des terminaux « Workabout pro » ainsi que celles de leurs modules optionnels — l’intérêt de ces machines, outre leur robustesse, réside en effet en partie dans leur capacité à être améliorés par l’ajout de périphériques divers2.
Il s’agit en fait de véritables petits ordinateurs dotés d’un écran VGA (640×480 pixels), de 128M de mémoire vive et d’un processeur intel PXA270 (typiquement utilisé pour les dispositifs mobiles) cadencé à 520 MHz. Ces terminaux communiquent en WiFi 2,4Ghz, Bluetooth, GSM/GRPS quadri-bande et UMTS/3G+ tri-bande — autant dire qu’il vaut mieux ne pas être « électro-sensible » pour exercer le métier de contrôleur. À tout cela s’ajoute un module d’identification radio qui peut lire une puce RFID passive (comme celle des cartes Navigo) située à une distance qui, selon l’option choisie, va de quelques centimètres à près de deux mètres cinquante. Il n’y a en revanche pas de module GPS, mais puisqu’il est possible d’ajouter des cartes d’extension « PC Card », une telle extension est envisageable facilement.

2DslimpodMais la caméra ?
On peut en option ajouter à ces terminaux divers « modules imageurs » pour la lecture de codes-barre à une dimension (les bons vieux codes-barres, quoi), mais aussi de modules destinés à la lecture de codes-barres à deux dimensions — qu’on ne devrait pas appeler codes-barres du coup, mais de QR code, DataMatrix, etc. Si les lecteurs de codes 1D peuvent reposer sur une technologie laser, ceux qui traitent les codes 2D sont en revanche de bêtes caméras CMOS (d’une résolution de 1 Mégapixels dans le cas de celles-ci, ce qui est plutôt mieux que les caméras qui équipent la plupart des dispositifs d’espionnage). L’interprétation du code est ensuite effectuée par traitement logiciel.
Je ne vois pas quel titre de transport avec code 2D est utilisé sur le réseau Transilien (banlieue) mais on peut raisonnablement supposer que c’est en prévision d’une telle utilisation que les terminaux « Accelio » sont équipés de ces caméras. Néanmoins, il suffit d’adapter le logiciel pour faire de ces terminaux non seulement des caméras mais même des webcams. Précisons pour finir que ces terminaux sont équipés d’un microphone.

Un peu de science-fiction

Avec un tel terminal, on pourrait par exemple réaliser le portrait des personnes verbalisées (car quand le contrôleur rédige son procès-verbal, la caméra se trouve précisément face au voyageur verbalisé), et transmettre ce portrait via Internet, par exemple, à des logiciels d’identification par les traits du visage, technologie dont le développement s’accélère et dont l’utilisation future est clairement prévue par les autorités, ainsi qu’en attestent les instructions qui nous sont données pour les photographies d’identité (lire le précédent article Ne souriez plus, le petit oiseau va sortir).
En dehors de l’image et du son, les codes d’identification RFID situés dans un rayon de 2,5 mètres peuvent aussi être scannés et transmis à ceux que cela intéresse. Actuellement, l’identification des individus par puce RFID ne semble appliquée qu’à certains animaux dont la traçabilité est importante ainsi qu’aux titulaires de pass « Navigo » et de passeports biométriques mais avec la baisse du coût de cette technologie et sa miniaturisation extrème, on peut imaginer une extension aux cartes d’identité nationale et aux cartes « vitale », en attendant le jour où il sera jugé plus pratique et plus sûr de les installer sous l’épiderme de chacun. Si «l’homme est un document comme les autres» (Olivier Ertzscheid), il est aussi en passe de devenir un objet comme les autres dans les mailles du fameux « Internet des objets ».

Toutes les transmissions entre le terminal et des services situés sur le réseau peuvent se faire à l’insu de l’agent de contrôle (transformé en scanneur mobile) et ne réclament aucune prouesse technologique puisque ces terminaux tournent sous système Windows CE et se programment notamment en C++ ou en Java, on peut difficilement imaginer un matériel plus standard.

identificationcontrole

J’ignore si ces possibilités sont d’ores et déjà mises en œuvre mais en tout cas, elles sont du domaine du faisable.
On va me dire que je donne des idées à nos autorités de contrôle et de surveillance, mais je doute que celles-ci aient besoin de moi pour avoir de l’imagination en la matière car comme en attestent de nombreux indices, la tentation du contrôle est irrésistible dès lors que la technologie est disponible, et elle devient même une évidence si cette technologie est discrète et quasiment intraçable3.
Paranoïaque, moi ? Sûrement.
De nos jours on aurait tort de se retenir de l’être car la technologie progresse à pas de géants et personne ne peut se vanter d’avoir une vision complète de son usage actuel, potentiel ou futur.

  1. Lire : 10.000 contrôleurs SNCF roulent avec un WORKABOUT PRO, sur le site lirelasuite.com et ACCELIO : une nouvelle ère à bord des trains sur le site infolignes. []
  2. Voir la liste des accessoires sur le site de Psion. []
  3. Je m’attends à ce qu’on me dise que la même chose est aussi aisée avec n’importe quel téléphone portable. J’en conviens. []
  1. 7 Responses to “Terminaux portables”

  2. By ben on Oct 31, 2009

    C’est sur un agenda électronique psion que j’ai fait mes premières lignes de code gwbasic (je crois) – enfin je faisais aussi du code calculatrice casio gt7900 (et du code sans écriture avec la fx180p) ^^

  3. By Ynk on Oct 31, 2009

    Si tout cela est faisable, pourquoi ne mettent-ils pas en place un système qui vérifie si le passager est bien titulaire d’une carte 12-25 involontairement oubliée chez soi? Ca leur prendrait 2s à vérifier, et le passager ne se prendrait pas 20euros d’amende…

  4. By Jean-no on Oct 31, 2009

    @Ynk : les terminaux sont reliés au réseau, on pourrait tout à fait imaginer un système respectant la vie privée des utilisateurs qui permette de vérifier que la personne x est bien titulaire de la carte y. Mais ce genre de vérification ne se fait jamais en faveur des utilisateurs je le crains, la sncf ou la ratp ne vont pas dépenser de l’argent pour en faire économiser à leurs usagers !

  5. By lo`la`snobe on Oct 31, 2009

    Bientôt, nous n’aurons plus besoin de « navigo ».
    A l’achat, ils nous prendront en photo… Et lors d’un contrôle, ils prendront notre tête en photo (comme dans l’exemple) et verrons si nous sommes dans la base de donnée…

    Oh la la, il ne sera plus question de changer de coiffure ou de maquillage trop souvent ;)

  6. By Ynk on Oct 31, 2009

    « la sncf ou la ratp ne vont pas dépenser de l’argent pour en faire économiser à leurs usagers ! »
    je le crains malheureusement

  7. By manhack on Nov 2, 2009

    Il faut dire que l’avantage du visage, c’est qu’il est gratuit… alors qu’un passe Navigo, ou autre billet de transport, lui, est payant… (libre adaptation de l’argumentaire commercial d’un vendeur de biométrie qui rappelait que l’avantage du doigt, c’est qu’il est « gratuit »…)

  8. By Ynk on Nov 23, 2009

    un contrôleur disait ce matin à un voyageur qui se plaignait qu’au XXIe siècle la SNCF pouvait avec leur terminaux portables vérifier la possession d’une carte d’abonné oubliée, que ces appareils ne pouvaient pas faire ce genre de vérification mais que fin 2010 nous n’aurions plus de cartes « physiques »

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