Profitez-en, après celui là c'est fini

Esthétique et politique

octobre 20th, 2009 Posted in Cimaises, Images, indices

Barack Obama vient de recevoir le prix Nobel de la Paix, non tant pour ce qu’il a accompli ni même pour ce qu’il va accomplir mais, plus vraisemblablement pour l’espoir de changement qu’il incarne : il est Obama, mais avant tout il n’est pas Bush.
La Maison-Blanche a lourdement communiqué sur un volet symbolique de ce changement, à savoir le choix des œuvres d’art dont Barack et Michelle Obama ont choisi de s’entourer pour remplacer les illustrations redneck de Thomas C. Lee apportées par George Bush junior.

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Il y a quelques poids lourds : des tableaux ethnologiques du peintre aventurier George Catlin, un bronze de Degas, une peinture réaliste de Winslow Homer, une nature morte de Giorgio Morandi, des compositions de Josef Albers, Mark Rothko, Sam Francis, Jasper Johns, Nicolas de Staël, Edward Corbett ou encore Richard Diebenkorn. La sélection compte aussi des artistes vraisemblablement choisis pour des raisons encore plus symboliques que les autres tels que Leon Polk Smith (amérindien) et Alma Thomas (Afro-américaine).
Toutes ces œuvres ont été empruntées à des collections de Washington : le Smithsonian, la galerie nationale d’art et le musée Hirshhorn.

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On remarque deux œuvres conceptuelles, I think I’ll par Ed Ruscha, qui évoque l’indécision, et Black like me, de Glenn Ligon, qui fait référence au livre homonyme de John Howard Griffin (en français Dans la peau d’un noir, 1962), dans lequel un journaliste « blanc » grimé témoignait des conditions d’existence des « noirs » au texas — ouvrage capital dans l’histoire du mouvement des droits civiques. Ce choix fait écho à la question de l’identité de Barack Obama, trop noir pour les uns, trop blanc pour les autres, considéré comme un étranger par certains et par un produit typique de la culture élitiste classique américaine par d’autres, etc.

deux_westerns

Peut-on lire l’avenir politique dans le choix d’œuvres dont s’entoure un président ? La question a souvent eu son importance dans l’histoire de l’art, de nombreux gouvernements ou de nombreux régimes ont utilisé la création artistique (et les artistes) pour construire leur identité et même parfois pour appuyer leurs positions idéologiques ou philosophiques.
La presse mondiale s’est montrée dithyrambique au sujet de la sélection faite par le président américain : « moderne », « audacieux », « original », etc. Je ne suis pas tellement d’accord : il n’y a presque que du tableau et chaque choix semble un peu trop précautionneusement pesé pour être honnête. On note une nette attirance pour l’expressionnisme abstrait, c’est à dire (je vais me faire taper dessus mais tant pis !) pour une forme d’art essentiellement décorative.
Cependant l’ensemble est de très bon goût, de bon ton, chic, quoi, très Obama au fond.

morsepatent

Il y a une œuvre qui détonne par sa nature et peut-être aussi pour ce qu’elle représente, c’est le prototype du télégraphe électrique de Samuel Morse. Assez bon peintre, Samuel Finley Morse est un des plus importants personnages de la science américaine, à côté de Benjamin Franklin, de Thomas Edison et de Nikola Tesla. On lui doit d’avoir importé dans son pays la photographie, technologie que lui avait présenté un autre peintre-savant, Jacques Louis Mandé Daguerre. Mais c’est évidemment pour le télégraphe électrique et pour le code Morse (créé pour lui plutôt que par lui je pense) qu’il est resté célèbre. Cette invention a accompagné la conquête de l’ouest et permis de construire les États-Unis, mais elle est aussi le point de départ de toutes les communications filaires ultérieures et dans une certaine mesure, de l’invention de l’ordinateur.
Un excellent choix.

  1. 4 Responses to “Esthétique et politique”

  2. By Guillermito on Oct 21, 2009

    La peinture d’Alma Thomas a mis l’extrême-droite (qui n’est pas qu’une simple frange un peu honteuse des Républicains conservateurs, non, ils on leur station télé et 80% de la radio politique, leur audience a explosé et leurs idées sont devenues mainstream depuis l’émergence de Sarah Palin et l’élection d’Obama – mais je m’emporte) en émoi :

    Conservative commentators attack Obama art selection (artinfo)

    More art fabrications from the right wing (LA Times)

    Davis Deals With Controversy Over Art in ‘America’s House’

    (Excellent morceau : « it is a veiled protest of art historians’ negligence in noting the extent to which African art influenced Matisse »)

    Un autre de ses choix a aussi fait un peu de bruit, encore un cas d’artiste qui copie un artiste qui copie un artiste qui… Bref, éternelle question dans l’histoire de l’Art :

    Jose Maria Cano, what exactly is he doing ?

    Blow-Up Over Artist’s Blow-Up of Obama Stipple Drawing

  3. By Jean-no on Oct 21, 2009

    Merci de toutes ces références ! Je me suis permis de modifier ton message pour que les liens apparaissent avec des titres plutôt que sous forme d’urls.
    Note que l’autre peinture dont tu parles ne fait pas partie des œuvres sélectionnées par Obama (qui, heureusement, n’en est pas encore à mettre son portrait partout) mais qu’il s’agit d’un hommage, apparemment destiné à être offert au président américain. Obama a inspiré beaucoup d’artistes, il y a eu plusieurs expos.

  4. By Guillermito on Oct 21, 2009

    Oui, notamment le fameux « Hope/Progress » (un remix d’une photo de l’AP, encore, d’où procès en cours) de Shepard Fairey (qui a exposé ici a Boston – se faisant arrêter le soir de l’inauguration pour graffitage dans la ville – autre procès en cours, pas facile d’être un artiste parfois).

    (Désolé pour tous ces liens a retravailler)

  5. By Jean-no on Oct 21, 2009

    Pas de problème.

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