Fatal error
mars 21st, 2010 Posted in Interactivité au cinémaDes avocats de Seattle sont atteints par un mal inconnu pendant qu’ils participent à une visio-conférence avec leur patron, un magnat de la presse australien. Alors que celui-ci leur parle des inquiétants progrès de son redoutable concurrent, Digicron, les avocats d’affaires semblent tout d’abord mal à l’aise, puis suffoquent complètement avant de se transformer en statues grisâtres et cassantes. Une sorte de lèpre express qui rappelle la transformation en statue se sel de la femme de Loth, dans la Genèse.
Un agent d’entretien qui se trouvait dans les parages sans pour autant avoir été directement exposé au virus souffre de cataracte. Il est vaguement secouru par Nick Baldwin (Antonio Sabato), un ambulancier qui lui aussi passait dans le coin par hasard et qui se révèlera, ça tombe bien, être un médecin de premier plan, et même un chercheur en épiémiologie et en virologie, relégué à un emploi de brancardier pour cause d’insubordination. C’est son bon cœur et son sens de l’efficacité qui lui jouent des tours : lorsqu’il y a une vie en jeu, il n’hésite pas à prendre des risques même s’il doit froisser les gratte-papiers de l’administration hospitalière.
Le directeur de l’hôpital qui l’emploie le hait mais ce n’est pas le cas du laboratoire de recherches en biologie de l’armée américaine, dont la directrice Samantha Carter (Janine Turner, dans une pâle imitation de la Dana Scully de X-Files) décide d’employer le séduisant médecin idéaliste pour son enquête. Il faut dire que le virus a déjà frappé ailleurs, qu’il a fait une quinzaine de victimes et qu’aucun indice ne permet de comprendre de quoi il s’agit.
Très rusé, ce virus disparaît des organismes qu’il a infecté sitôt après les avoir détruits.
On commence à y voir plus clair le jour où un informaticien de l’armée, qui travaille sur une modélisation informatique du parasite, est subitement victime des mêmes symptômes que tous ceux qui en sont morts. Le mal semble en effet capable de transiter depuis les écrans vers les yeux de ses proies : comme dans l’histoire de Loth, à nouveau, c’est par le regard que l’on s’expose à la mort par pétrification.
Pendant ce temps, Albert Teal , le patron de Digicron, prépare le lancement d’un produit révolutionnaire, un boitier de réception de programmes audio-visuels qu’il espère voir dans chaque foyer, mais aussi dans les distributeurs bancaires. Albert Teal est interprété par Robert Wagner, acteur de la médiocre série L’amour du risque, devenu célèbre moins pour sa carrière de comédien que pour avoir épousé deux fois l’actrice Natalie Wood et pour avoir été présent sur le bateau d’où son épouse est tombée à l’eau et s’est noyée.
Rapidement considéré comme suspect, Albert Teal entrave l’enquête de Nick et de Samantha, non parce qu’il est coupable (il ne l’est pas) mais parce qu’il veut que rien ne vienne perturber son grand lancement, son «big turn on», comme il dit, son grand virage technologique et commercial. Cette manière d’agir le rend encore plus suspect bien entendu.
Lorsque Samantha et Nick lui parlent d’un virus dans le boitier électronique qu’il s’apprête à diffuser largement, Albert Teal explique que la chose est impensable : Le boitier est, dit-il, vérifié avec les meilleurs logiciels anti-virus du monde, plusieurs fois par jour. Tout les spécialistes de la sécurité informatiques le rappellent pourtant régulièrement : la pire erreur est de se croire trop protégé. Le virus en question est assez atypique puisqu’il se déclenche lorsque l’on éteint ou lorsque l’on endommage le boitier Digicron. Une fois déclenché, il étend son influence au monde biologique.
On découvre pour finir que le coupable est un ingénieur passablement retors, Ned. J’ai du piquer du nez au moment où ce dernier explique ses motivations profondes parce que je n’ai pas le moindre souvenir de ses justifications. À un moment, il ligote Samantha sur un fauteuil de bureau de sa cave dans le but de soumettre la jeune femme au virus mortel. Heureusement, Nick arrive à temps pour la sauver.
La fin est aussi prévisible que laborieuse : pendant le compte à rebours du lancement planétaire de Digicron, le héros court partout dans le but de saboter l’opération. Et devinez quoi : il y parvient, il sauve le monde, avec l’aide de Samantha qui, évidemment, finit l’aventure dans les bras du bellâtre, lequel quitte son emploi de brancardier et redevient médecin.
Le film semble presque trop bien porter son nom : Erreur fatale. Erreur de produire un tel film, erreur de diffuser un tel film, erreur de le visionner. La jaquette vend un film d’horreur mais le spectateur a du mal à se sentir concerné. Les acteurs ont tous l’air d’être les mauvais sosies d’autres acteurs, le scénario ne tient pas la route même au dixième degré et on n’est d’ailleurs pas certains que le réalisateur (Armand Mastroianni, auteur de plusieurs dizaines de téléfilms) l’ait compris.
Ce téléfilm, réalisé en 1999 pour « Stéphanie Germain Production » (déjà coupable de Virtual Obsession) et édité en DVD aux États-Unis, est basé sur le roman Reaper, par Ben Mezrich. Mezrich est l’auteur à succès de Bringing down the house, l’histoire vraie d’un groupe d’étudiants du MIT partis à Las Vegas ruiner des casinos en mettant à profit leurs connaissances en mathématiques — récit qui a été adapté au cinéma sous le titre 21.
Je n’ai pas lu Reaper, mais le résumé qu’en fait Wikipédia est un peu différent du scénario de Fatal Error, et a priori plus intéressant : ce n’est pas un ingénieur, mais une ingénieur-e, Melora Parkridge, qui a créé le virus Reaper dans le but de détruire toutes les technologies du monde. Les conséquences de son plan lui échappent vite : le virus est devenu une conscience artificielle qui tue les humains en les électrocutant ou en diffusant un message subliminal qui pousse les cellules de leurs corps à se calcifier. Finalement, le virus mute et devient capable de contrôler les pensées et les gestes des spectateurs de télévision, notamment ceux d’un dénommé Ned (le prénom de l’ingénieur dans la version filmée) qui protègera ensuite l’équipement informatique qui abrite le virus contre les activités de Nick et de Samantha.
Ces derniers sauvent néanmoins le monde.
La trame du roman me semble légèrement moins bête que celle du téléfilm, mais peu importe, l’idiotie du propos et l’absurdité scientifique ne sont pas le problème de Fatal Error — si on y songe, David Cronenberg a fait des merveilles avec des scénarios d’un genre tout à fait comparable. Les problème, c’est la réalisation, plate et sans grande fantaisie.
6 Responses to “Fatal error”
By jyrille on Mar 21, 2010
Rien à voir (je compte d’ailleurs bien ne jamais utiliser ce verbe au sujet de Fatal Error et de Virtual Obsession), mais pourquoi Hal de 2001 l’odyssée de l’espace n’apparaît pas dans la liste des ordinateurs célèbres ?
By Jean-Michel on Mar 22, 2010
Comment peut-on être plus fade que Dana Scully? À voir donc, un jour.
By Jean-no on Mar 22, 2010
@Jyrille : La liste en question ne contient que des ordinateurs pour lesquels j’ai écrit un article, ce qui n’est pas encore le cas de Hal9000 et de SAL9000. Écrire sur des navets, c’est facile et rigolo, mais sur des vaches sacrées du cinéma, c’est plus difficile. Ceci dit je compte bien le faire un de ces jours, je suis même en train de relire le bouquin.
@Jean-Michel : Rhooo le méchant, elle n’est pas si fade Dana Scully !
By abelthorne on Mar 22, 2010
En somme, ce film est une copie de Halloween 3 qui remplaçe la TV par… la TV mais avec un boîtier ?
By Jean-no on Mar 22, 2010
@abelthorne : Quelque chose comme ça. Le boitier avec la tv, c’est un truc qui a un rapport avec les fibres optiques je crois, je n’ai pas fait ultra gaffe aux explications techniques. On pourrait facilement le doubler en français en disant que ça parle du jour où la TNT va remplacer la TV hertzienne.
By 6P on Mar 24, 2010
Y’a pas à dire, il y a du Pierre-Henri de Castel Pouille en toi.