Profitez-en, après celui là c'est fini

Le futur a quarante ans

juillet 13th, 2009 Posted in indices, Sciences, Vintage

appollo11Le 21 juillet 1969, c’est à dire il y a quarante ans moins quelques jours, Neil Armstrong était le premier homme à poser le pied sur notre satellite naturel, la Lune. Je suppose que l’anniversaire sera fêté par tous les médias, d’autant que ça ne leur coûtera pas cher puisque les photographies d’archive de la Nasa appartiennent au domaine public, comme tout ce que produisent les administrations fédérales américaines — politique qu’il faudrait comparer avec celles de l’IGN, l’INA, les musées nationaux, etc., dont le financement repose lui aussi sur l’investissement public mais qui revendent en revanche leurs données, parfois à prix d’or et parfois même dans des conditions de légalité douteuse puisque certains musées tentent par exemple (au bluff) de nier le droit du public à photographier des œuvres qui sont tombées dans le domaine public. Enfin ne nous plaignons pas trop, en Grande-Bretagne c’est pire puisque le bluff est là-bas soutenu par la jurisprudence, sous le nom Sweat of the brow (sueur du front) qui permet d’appliquer sans création originale un copyright à des œuvres tombées dans le domaine public. Fin de la digression.

J’ai trouvé ce disque 45 tours dans une braderie, c’est un document à la fois banal et émouvant. Je ne peux rien dire du contenu audio n’ayant plus vraiment de moyen d’écouter des disques vinyl (flemme de retrouver et de brancher mon vieux pick-up). Sur une face se trouve 1″30 de la bande originale des Sept Mercennaires, par Elmer Bernstein et un extrait de même durée du Rigoletto de Verdi. Sur l’autre face, on trouve une évocation audio des premiers pas de l’homme sur la lune. Un petit texte prévient que le document comporte des erreurs volontaires : ceux qui les identifieront pourront être tirés au sort pour un voyage à Cap Kennedy.

Cosmos1970Grundig

Offert par la marque de Hi-Fi Grundig, ce disque utilise la modernité de la mission Appollo 11 pour vendre la modernité des enregistrements 10 pistes du label Phase 4 Stereo de Decca. Si nous ne disposons pas du meilleur matériel Hi-Fi, les revendeurs Grundig se feront un plaisir de nous faire, gracieusement, une démonstration sur leur propre matériel.

Je ne sais pas si cela a un rapport avec les erreurs que l’auditeur doit découvrir sur le disque mais le titre Cosmos 70 est doublement mal choisi : l’évènement évoqué s’est déroulé en 1969 et non en 1970 (date qui sonne plus «moderne» ? Il est vrai que le disque date quant à lui de 1970), mais surtout le mot «cosmos» est utilisé par les russes pour parler de l’espace intersidéral : le cosmonaute est russe, l’astronaute américain, le spationaute français et le taïkonaute, chinois.

neil_armstrong_grundig

Ce disque n’a sans doute pas grand intérêt mais il montre, je pense, l’importance du sentiment de modernité en 1970, et la place que la conquête spatiale tenait là-dedans. L’humanité entière avait encore l’impression d’avoir une limite à dépasser, et cela était confusément lié aux chauds-et-froids qui séparaient le bloc du pacte de Varsovie des pays adhérents à l’Otan. Existe-t-il toujours une foi moderniste, c’est à dire une croyance active dans la marche du progrès, en 2009 ? La manière dont on traite les cultures scientifiques et techniques, dont je reparlerai bientôt, me rappelle un peu la décadence romaine : le public a un sentiment d’accomplissement, pense que la science sait à peu près tout ce qu’elle a à savoir, et cela provoque (budgets en baisse, négligences pédagogique, et ne parlons pas de la conquête spatiale, réduite à peu de choses en dehors de ce qui rapporte directement à l’industrie des télécommunications) un ralentissement du progrès et une montée en puissance des obscurantismes divers et variés. Je sais bien que comparer un temps T (le nôtre, en plus) à la décadence romaine est une opinion lourde et mélodramatique, je n’ignore pas que je ne suis ni le premier ni le dernier à l’avoir fait, mais ça me semble justifié, j’ai l’impression de découvrir chaque jour des indices qui me donnent raison. On en reparlera !

Mise à jour du 15 juillet : Le contenu du disque a été digitalisé par Emoc (voir commentaires), on peut l’écouter à l’aide de ce lecteur :

  1. 9 Responses to “Le futur a quarante ans”

  2. By Wood on Juil 13, 2009

    Petite note en passant : la notion de « décadence romaine » n’est plus très en vogue auprès des historiens.

  3. By Jean-no on Juil 13, 2009

    @Wood : la notion de décadence a été inventée par les romains pour parler d’eux-mêmes et je ne pense pas que ce soit une erreur. Les péplums se trompent souvent et qualifient de décadente une période qui correspond plutôt à l’apogée de l’Empire, et l’imaginaire collectif voit dans la décadence un mouvement vers l’amoralité… Reste que l’empire romain d’occident s’est écroulé en un siècle ou deux, je pense que le mot décadence est légitime. Elle correspond à une période d’instabilité politique et de dilution des institutions doublée d’une stagnation technologique et scientifique. L’empire fonctionnait pourtant bien, les gens vivaient dans un certain confort et les arts et la littérature n’ont pas manqué d’&oecirc;uvres marquantes (religieuses surtout), mais le besoin de mystique (culte d’Isis, manichéens, chrétiens, etc.) qui se substituait à la religion romaine, faite de rites républicains puis impériaux, a fait que les valeurs qui soudaient l’empire ont disparu et l’empire avec elles. Cette décadence n’est pas constituée d’une perte de repères moraux et saoûlerie perpétuelle comme dans le fameux tableau de Thomas Couture mais au contraire d’un irrésistible besoin de religion et de morale.

  4. By sf on Juil 13, 2009

    ça me fait penser à ce livre de Spengler « Le Déclin de l’Occident », référence que je rencontre dans nombre de lectures (la première fois, ce devait être dans un bouquin de Kerouac) mais que je n’ai jamais lu.

  5. By Christian Fauré on Juil 13, 2009

    Sûr que çà doit être lassant d’être taxé de spécialiste de la décadence romaine :-)

  6. By Wood on Juil 13, 2009

    Mais je pense que justement si les historiens évitent aujourd’hui de parler de « décadence », c’est pour rompre avec l’image des orgies et saoûleries perpetuelles, véhiculée notamment par le tableau de Couture et plus tard par Hollywood.

    Caton l’Ancien, déjà à son époque, s’élevait contre la décadence des moeurs.

    Quant aux causes de la chute de l’empire romain d’occident, elles sont multiples et font, si j’ai bien compris, l’objet de débats sans fin entre les historiens. Après tout l’empire d’orient, lui, a très bien négocié l’abandon des anciens cultes et l’adoption du Christianisme comme religion d’état.

  7. By Jean-no on Juil 13, 2009

    @Wood : pour moi la survie de l’Empire romain d’orient n’est pas mystérieuse, la région était prête pour le monothéisme et la religiosité mystique. C’est plutôt sa chute qui me semble étrange, si tardive (au moment où Christophe Collomb débarquait aux Antilles !). Je ne sais pas quelles sont les causes de la chute de l’Empire romain d’occident, ou plutôt je sais bien qu’elles étaient nombreuses, mais il y a bien eu chute, et cette chute a bien été précédée par une forme de déclin.

  8. By Fred Boot on Juil 14, 2009

    C’est bien ce que je me tue à dire : contre la décadence, ALCOOL GRATUIT !

  9. By emoc on Juil 15, 2009

    J’ai aussi un exemplaire de « Cosmos 70 », c’est l’occasion de le numériser… Voila le lien : http://emoc.org/divers/cosmos_70.mp3 , il est à ta disposition si tu veux l’intégrer à l’article. L’inventaire des objets laissés sur la lune est assez amusant : une plaque commémorative, un disque avec les voeux des chefs d’état et un fanion de l’ONU! (À noter : penser à prendre le pick-up avant d’embarquer)

  10. By Jean-no on Juil 15, 2009

    Super ! Merci beaucoup, me voilà édifié. Je l’ai ajouté à l’article (dans une qualité légèrement inférieure), tu peux le supprimer de ton serveur.

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