Robo C.H.I.C.
juin 24th, 2009 Posted in Robot au cinémaEn découvrant la jaquette du DVD Robo C.H.I.C. dans une solderie spécialisée dans les faillites et les saisies de douane au milieu de films inconnus au titres improbables et destinés à en rappeler d’autres (Squale, Gallacticops, Space Mutiny, Combat mortel, Invasion Ninja 3), j’ai eu du mal à contenir un certain sentiment de jubilation : une bimbo toute en épaulettes de la fin des années 1980, avec mini-jupe en cuir, perruque lionne-caniche platine, qui est, je cite, «moitié flic, moitié machine, 100% femme». Un mélange entre Married to the mob et Robocop, donc. Et pour 0,49 centimes d’euro s’il vous plait.
Irrésistible.
Renseignements pris, l’éditeur de ces DVDs, Prism Vision, est spécialisé dans les productions crapuleuses. Les jaquettes sont généralement mensongères (titres inventés, visuels qui ne correspondent pas, acteurs qui n’y sont pas, résumés sans rapport avec le contenu, mentions techniques bâclées) et la qualité d’image terrible, car la copie qui a servi à faire le DVD est souvent une cassette VHS. Évidemment, on ne peut pas visionner ces films dans leur version originale mais uniquement avec leur mauvais doublage français.
Le film Robo C.H.I.C., sorti en 1989, peut aussi se trouver sous le titre Cyber-C.H.I.C.
Dès les premiers dialogues, on sent une envie de s’amuser et d’amuser le spectateur chez les scénaristes-réalisateurs (Ed Hansen et Jeffrey Mandel). Je dis bien «on sent», car le résultat est rarement à la hauteur de l’intention. Les gags s’enchaînent mais ne sont pas toujours très bons et, même s’ils l’étaient, la réalisation, toute en raccords douteux et en mouvements lourdauds, ne les sert pas réellement. Et ne parlons pas des piques un brin réactionnaires : la présentatrice du journal télévisé est forcément une cruche qui essaie de convaincre ses collègues masculins qu’il faut parler de la mode de l’été avant de parler de politique et qui se plaint de devoir traiter des sujets aux noms imprononçables. De temps en temps on sourit tout de même, devant des blagues pourtant éculées — peut-être parce qu’elles sont éculées —, comme celle du poursuivant qui ordonne à un chauffeur de taxi «suivez cette voiture» et qui est exaucé sans avoir eu le temps d’embarquer : le taxi part donc sans lui.
Parmi les gags récurrents, on remarque la présence de guides pratiques pour tout et n’importe quoi (rencontrer de jolies filles, fabriquer une bombe atomique, etc.) et le fait que certains protagonistes du récits s’adressent subitement au spectateur.
Robo C.H.I.C. est une gynoïde créée par le docteur Von Colon, un savant génial qui rêve d’utiliser son invention pour combattre toutes les injustices du monde. Dotée de l’apparence d’une femme que l’on nous dit parfaite (au point que sa vue trouble jusqu’à son créateur), elle possède une force herculéenne et quelques pouvoirs extraordinaires comme une ouïe sans égal et la capacité d’émettre des rayons lasers ou des ondes «ioniques» (les deux effets spéciaux du film, aussi cheap l’un que l’autre). Elle manque un peu d’expérience de la vie et a l’habitude constante d’imiter la gestuelle et les expressions de ses interlocuteurs. L’idée du mimétisme, piquée à D.A.R.Y.L., est bonne mais assez mal exploitée.
Le docteur Von Colon a fabriqué au moins deux autres robots : une chaise sur roulettes qui n’en fait qu’à sa tête et qu’il doit réprimander, et une voiture noire autonome, inspirée du véhicule K.I.T.T. dans K2000.
De son côté, Harry Truman Hodgekins, un exterminateur de cafards complexé, met au point les derniers détails d’un plan infaillible : il installe une vingtaine de bombes atomiques dans le pays et avertit le monde qu’il ne les désamorcera, une à une, que si l’on accepte de satisfaire ses trois demandes. Tout d’abord, il réclame un milliard de dollars, laissant entendre assez évasivement qu’il les redistribuera à des oeuvres s’il s’aperçoit que cela fait plus d’argent qu’il n’en a besoin. Ensuite, il exige qu’on le laisse en paix. Et pour finir, il veut rencontrer des femmes attirantes.
La première bombe explose dans une souffrière naturelle, empuantissant l’atmosphère. Mis en prison par un chef de la police particulièrement incompétent, Hodgekins est incapable de désamorcer sa seconde bombe, qui explose.
Mademoiselle Robo C.H.I.C. (l’acronyme n’est jamais expliqué) sort du laboratoire du professeur Von Colon pour aller sauver le pays du chaos. On la voit notamment corriger les hommes de main de Thalian, un parrain multicartes (cambriolage, proxénétisme, drogue).
À ce stade, le spectateur croit avoir la berlue : l’actrice a changé ! À Kathy Shower («la playmate de Playboy», selon la jaquette) se substitue une dénommée Jennifer Daley1. Kathy Shower est officiellement la productrice exécutive du film, mais selon Internet Movie Database, elle a quitté le plateau dès les premiers jours du tournage. Présente au générique d’épisodes épars de séries telles que Chips, Supercopter ou K2000, il semble que les deux sommets de la sa carrière soient son titre de Playmate de l’année en 1986 et sa présence au générique de American Kickboxer 2 (1993), suite de Kickboxer (1989) mais où Jean-Claude Van Damme n’apparaît plus que sous forme de flash-backs. Quand une actrice de dernière zone abandonne le film dont elle est productrice exécutive et actrice principale, ce n’est pas très bon signe2.
Assez rapidement, Robo C.H.I.C. rencontre le journaliste John Kent. Kent est d’abord vexé en comprenant que Robo C.H.I.C. n’est pas de nature humaine (elle portait pourtant un badge qui l’indiquait clairement) mais finit par accepter la situation. Tous deux tentent de mettre la main sur Hodgekins, qui a été enlevé par des bikers, et sur son attaché-case, qui est en possession de la pègre. En effet, le mafieux Thalian souhaite se servir des codes de désammorçage qui se trouvent dans l’attaché-case comme monnaie d’échange : si on le laisse faire ses affaires sans tracasseries, il désamorcera les bombes. Le marché est soumis au chef de la police et à son supérieur, qui est appelé «préfet» dans l’adaptation française et dont j’ignore le véritable titre (juge ?). Malgré un sursaut de révolte du chef de la police, le «préfet» accepte le marché en devenant lui-même complètement corrompu — on ne le verra plus dans le film autrement qu’en train de prendre son bain avec quatre ou cinq créatures dénudées fournies par le parrain Thalian.
La pègre règne alors sur la ville, en toute impunité, mais commence à rencontrer un problème de taille : puisque tout est permis dans le registre criminel et que la police n’est plus un problème pour eux, les voyous commencent à se craindre les uns les autres. Les voleurs volent les voleurs et les assassins assassinent les assassins. Thalian demande sans succès au préfet d’intervenir pour que la police protège ses affaires.
De son côté, Robo C.H.I.C. intervient, terrorisant les cambrioleurs et redonnant l’espoir à la population par son exemple courageux. Elle finit par se rendre chez Thalian, qui passe toute sa vie à l’intérieur de son appartement où de jeunes femmes plus ou moins captives l’entourent de caresses voluptueuses. Il envisage bien la gynoïde parmi ses employées/maîtresses mais celle-ci démolit l’appartement et casse la figure de son propriétaire.
Piégée par le Dr Bourgeus, un savant fou concurrent jaloux de Von Colon, Robo C.H.I.C. est électrocutée et mise hors-service, tandis qu’il semble impossible d’empêcher les dernières bombes atomiques d’exploser en même temps.
Revenue à elle et parvenue sur les lieux où se trouve la bombe qui va déclencher toutes les explosions, le robot finit par sauver in extremis l’humanité entière.
Pour conclure, le chef de la police fait un long discours à sa propre gloire, provoquant l’indignation puis le départ de tous ceux qui y assistent. Je suppose que la plupart des spectateurs du film en ont fait autant bien avant le générique de fin et même l’amateur de navets cinématographiques que je suis a plutôt souffert de la molesse du film dont chaque idée est volée et neutralisée par une réalisation sans relief. Rien à sauver ici, donc.
- Lire la critique du film par Naindien.com. [↩]
- Tout cela me rappelle qu’il faudra un jour que j’écrive sur Galaxina, un film de 1980 dont le rôle-titre, un robot du 31e siècle, est interprété par Dorothy Stratten, playmate de l’année 1980, assassinée par son mari juste après la sortie du film. [↩]
9 Responses to “Robo C.H.I.C.”
By Lapin on Juin 24, 2009
J’adore quand tu racontes les navets. J’aurais presque envie de le voir!
By Jean-no on Juin 24, 2009
Franchement pour le coup tu regretterais :-)
Il y a les bons navets, et puis il y a les autres.
By Wood on Juin 24, 2009
Prefet -> « commissioner » ou plus probablement « District Attorney » (DA).
By david t on Juin 25, 2009
dorothy stratten n’est pas une inconnue des cinéphiles; elle a joué dans l’excellent (mais sous-estimé) they all laughed de peter bogdanovitch. raison de plus pour te lancer dans cet article sur galaxina. :)
By Jean-no on Juin 25, 2009
Oui, elle est morte avant la sortie du film. Je crois que son mari l’a tuée justement parce qu’elle a eu une liaison avec Bogdanovitch. Je n’ai pas vu ce film, il paraît qu’il est très bien effectivement.
By Antoine Bablin on Juin 25, 2009
oh mon dieu !
t’en veux d’autres ?
http://www.nanarland.com/liste_categorie_films.php?scat=3
By Jean-no on Juin 25, 2009
@Antoine Bablin : Je n’en ai que deux (achetés en même temps que Robo C.H.I.C.) sur toute la liste. Bigre.
By Antoine Bablin on Juin 25, 2009
ah tient, on s’inspire d’un article que tu as écris il y a quelques jours sur Ecran.fr !
http://www.ecrans.fr/Very-Bad-Titres,7560.html
By Jean-no on Juin 25, 2009
Calice!