Tu devrais te mettre à Twitter
juin 15th, 2009 Posted in logicielsVoilà encore un outil à la mode, Twitter.
Il s’agit d’une plate-forme de micro-blogging qui permet à ses utilisateurs d’envoyer et de recevoir des articles ultra-courts de 140 caractères au maximum. Le nom vient de l’anglais to tweet (gazouiller).
Twitter est, au moment précis où j’écris ces lignes, un espace d’expression libre véritable pour les opposants au président Ahmadinejad en Iran (alors que ce dernier vient d’empêcher la parution du quotidien de son concurrent Moussavi et entrave les journalistes étrangers), parmi lesquels se trouve par exemple un dénommé Persiankiwi qui nous tient au courant minute par minute de ce qu’il voit et de ce qu’il entend : un hélicoptère qui passe, des coups de feu, une rumeur, des lancers de gaz lacrymogène, un appel à mobilisation. Il demande de l’aide aussi : quelqu’un a-t-il une adresse sécurisée où il pourrait télécharger une vidéo ? À l’heure où les ministres Alliot-Marie, Morano et Albanel affirment qu’il y a trop de liberté sur Internet et qu’un tel luxe ne peut avoir que des effets négatifs, cela peut faire réfléchir. Certains politiques, dont Barack Obama et Nathalie Kosciusco-Morizet utilisent régulièrement Twitter et lui doivent une partie de leur popularité, car du fait même de son fonctionnement très fruste et sans-façons, cet outil instaure un rapport familier entre l’émetteur et ses récepteurs.
On peut «gazouiller» un aphorisme bien pensé comme une réflexion idiote, poser des questions comme on lance des bouteilles à la mer, faire circuler un lien ou une information exclusive, parler du temps qu’il fait ou commenter un point joué à Roland-Garros. Le système est apparenté au SMS (avec lequel on peut d’ailleurs poster des tweets) et à la messagerie instantanée de type MSN, si ce n’est qu’ici on touche potentiellement un public bien plus étendu. L’auteur de science-fiction et éditorialiste de Wired Bruce Sterling est par exemple suivi par près de 5000 personnes. Son confrère Warren Ellis a pour sa part 33000 suiveurs mais ce n’est rien comparé au un million quatre cent mille abonnés au flux du président américain ou aux deux-millions de personnes qui suivent quotidiennement les messages du jeune acteur Ashton Kutcher. Il existe des imposteurs notoires, comme jennyholzer qui, bien que suivie par sept-mille personnes et diffusant des «truisms» dont l’auteur originel est bien l’artiste Jenny Holzer (pour qui Twitter aurait pu être inventé !) n’est apparemment qu’un hommage de fan.
Pour ma part je suis par exemple abonné aux mises-à-jour d’une cinquantaine d’autres utilisateurs et un nombre équivalent de personnes, pas toujours les mêmes, suivent mes messages publics (il existe des moyens de ne s’adresser qu’à un public choisi voire à une personne unique). Les tweets que je reçois s’affichent les uns au dessus des autres, du plus récent au plus ancien.
Rien n’est jeté, tout est archivé, même si les auteurs de messages peuvent supprimer leurs propres envois. On peut effectuer des recherches par mots-clés et il en est né plus ou moins spontanément une pratique de nomenclature unifiée : les messages consacrés à l’élection iranienne contiennent par exemple le mot-clé #Iranelection, ceux qui sont consacrés au mouvement de grogne universitaire contiennent le mot-clé #fac09, etc.
Il est difficile de dire s’il s’agit d’un standard destiné à durer ou s’il disparaîtra aussi vite qu’il est apparu mais dans de nombreux domaines, Twitter semble être devenu un outil de communication directe majeur.
La puissance de cet outil (ou d’outils apparentés tels que la plate-forme de micro-blogging française bloggino) réside à mon sens dans sa légèreté. Impossible de faire de la grande littérature sur Twitter, car que peut-on dire en cent-quarante signes seulement ? Certainement pas tout1. Les messages sont donc parfois assez peu clairs ou semblent ne s’adresser qu’à celui qui les émet, et comprenne qui pourra. Le caractère instantané et parfois impulsif de la pratique de Twitter pose sans doute de nombreux problèmes vis à vis de l’information reçue sans distance : à suivre.
Le principe inspire aussi des artistes tels que Yann Le Gennec, qui utilise les tweets pour construire des montagnes, Douglas Edric Stanley, qui anime les messages qui contiennent le mot-clé Zzzz.
En effet, le flux des tweets peut être récupéré et traité, par exemple sous forme d’animation ou de composition graphique automatisée. On peut imaginer une infinité de détournements créatifs de ce système — n’hésitez pas à me signaler en commentaire à cet article des œuvres intéressantes basées sur Twitter.
- Faire court est cependant un exercice de style intéressant, rappelons-nous du grand critique d’art et écrivain Félix Fénéon qui racontait des faits-divers en trois lignes dans Le Matin. [↩]
17 Responses to “Tu devrais te mettre à Twitter”
By ben on Juin 15, 2009
Je suis pas encore sous twitter !
Je déteste les tinyurl (c’est bizarre ce truc de réducteurs de têtes) et si on réduit tout ça devient le zapping permanent, non ?
By Jean-no on Juin 15, 2009
Les tinyurl se génèrent tout seuls sous Twitter. Il y a un côté zapping dans Twitter mais aussi un côté « pas obligé » : pas obligé d’être intelligent, pas obligé de répondre, on lâche ses tweets comme les oiseaux lâchent leur fiente finalement. La comparaison est vaseuse mais assez twittesque.
By Guillermito on Juin 15, 2009
Mouais. J’ai l’impression de revivre constamment la même chose. Effet Groundhog Day, mais avec une réduction constante du contenu. Les « homepages » en 1995, qui racontent le monde (Bosnie, morcellement de l’ex-URSS) en 10-15 pages de texte. Les blogs en 2000, photos en direct du 11 Septembre et guerre en Iraq, une page maximum par texte. Et maintenant, l’Iran en 140 caractères. Pour la plupart, des pointeurs vers des vidéos.
Cela dit, c’est quand même positif. Surtout aux US, ou les jeunes s’aperçoivent que finalement, les iraniens ne sont pas ces monstres assoiffés de sang qui mangent des petits enfants dont on leur parle depuis vingt ans, mais des gens normaux, qui aiment tout comme nous la liberté et l’expression directe. Si Twitter peut servir a ca, c’est déjà bien.
By Jean-no on Juin 15, 2009
Je vois ce que tu veux dire (sur la répétition) mais en même temps tout est chaque fois différent, car le mail, la homepage, l’IRC, les newsgroups, le blog, la vidéo ou le tweet ne servent pas à raconter les mêmes choses (et souvent peuvent s’aider les uns les autres). Je trouve Twitter infiniment plus utile que Facebook par ex.
By Wood on Juin 15, 2009
Tu oublies les gens qui font de la fiction par twitter. Voir par exemple John Campbell : http://twitter.com/itsjohncampbell
Il y en a d’autres, mais leurs noms m’échappent pour le moment…
By Jean-no on Juin 15, 2009
@Wood: Je me doutais qu’il y en avait mais je n’en connaissais à vrai dire pas.
By Wood on Juin 15, 2009
Il faudrait aussi citer le scandale qui a sceoué le Guatemala récemment, ou un homme a été arrêté pour avoir posté sur twitter une phrase interprétée comme une « incitation à la panique financière » suite à l’assassinat d’un avocat qui avait déclaré se sentir menacé par le gouvernement.
Boingboing.net a amplement documenté l’affaire :
http://boingboing.net/2009/05/14/guatemala-twittering.html
http://www.boingboing.net/2009/05/14/guatemala-el-efecto.html
http://boingboing.net/2009/05/27/guatemala-conversati.html
By Wood on Juin 15, 2009
Sinon, pour la fiction sur Twitter, il ya a plusieurs auteurs de webcomics qui ont créé des comptes pour leurs personnages.
Jeph Jacques en a créé pour tout le cast de « Questionable Content » :
http://www.questionablecontent.net/twitter.php
Justin Pierce a aussi un compte pour son « héroine » Wonderella :
http://twitter.com/wonderella
(la BD : http://nonadventures.com/ )
By Hobopok on Juin 16, 2009
J’ai connu bien des rustres un peu frustes !
By Jean-no on Juin 16, 2009
@Hobopok : oups ! (corrigé : je choisis ‘fruste’ même si je crois bien que j’ai toujours dit ‘frustre’)
By Wood on Juin 18, 2009
Ah, oui, il y avait aussi eu l’histoire de Damejetsam.
Dylan Meconis, (auteur du webcomic Family Man) commence par créer un compte ( @Damejetsam ) pour raconter l’histoire d’une femme naufragée sur une île déserte, et à sa grande surprise un autre personnage ( @Sirflotsam ) fait son entrée dans l’histoire en créant un compte sans rien lui demander. Puis dans la foulée d’autrees twiterers s’invitent ( @Doctordetritus, @Reverenddebris, @Waifariel, @theblackcaptain, @agentminutae ) et l’histoire dvient une sorte de jeu de rôle littéraire improvisé, développant une histoire fantastique vaguement inspirée de la Temtête de Shakespeare… Ca a duré quelques mois avant de se conclure en mars dernier.
Le site ici : http://www.damejetsam.com/
By Alex' on Juin 22, 2009
Quelques utilisations ingénieuses de Twitter: http://mashable.com/2009/04/10/extraordinary-twitter-updates/
J’aime beaucoup l’idée de l’interview de politiques (ici McCain) par Twitter.
By emoc on Sep 24, 2009
Dans la famille des flux twitters pervertis : TwitArkanoidPong par Karsten Schmidt, un mélange entre twitter et deux classiques du jeu vidéo, accessible depuis http://share.media.mit.edu/gallery
By Jean-no on Sep 24, 2009
Joli ton warmpong !
By emoc on Sep 24, 2009
Merci, les couleurs et le contraste sont choisis pour plaire à mon tout jeune fils :)
By emoc on Oct 14, 2009
Une vidéo de visualisation de flux twitter, réalisée à partir de processing : http://www.vimeo.com/6239027 . L’auteur, Jer Thorp, publie également le code sur son blog : http://blog.blprnt.com
By Jean-no on Oct 14, 2009
bôôô