Future cop
mai 28th, 2009 Posted in Robot célèbre, SérieBien avant Robocop, il y a eu deux séries télévisées mettant régulièrement en scène des policiers robots : Holmes & Yoyo et Future Cop, toutes deux datées de 1976. Je me rappelle de Holmes & Yoyo, qui passait à la télévision en France en 1980. Cette série qui n’a duré qu’une saison racontait l’histoire d’un bon policier habitué à envoyer ses équipiers à l’hôpital qui se voyait confier un partenaire robot à la fois costaud et indestructible, qui imprimait des photographies de suspects lorsqu’on appuyait sur son nez mais qui se dérèglait fréquemmment — lorsqu’il passait à proximité d’un aimant, par exemple. Je me souviens distinctement que sa voix française était doublée par l’acteur Patrick Préjan et que les scénarios étaient d’une grande bouffonerie.
Future Cop n’a à ma connaissance pas été diffusé en France.
L’épisode pilote, diffusé un an avant la série, raconte l’histoire de deux policiers, Cleaver (Ernest Borgnine) et Bundy (John Amos). Les deux acteurs ont des visages plus que familiers, l’un et l’autre ayant joué dans des dizaines de séries et de films, souvent dans des rôles de policiers ou de militaires. Cleaver et Bundy sont partenaires et ils ont passé ensemble huit heures par jour, cinq jours par semaine, vingt-trois ans d’affilée (durée inexplicablement raccourcie à quatorze ans dans les épisodes tardifs de la série). Cependant, Bundy rêve d’un emploi plus tranquille, dans un bureau, ce que Cleaver est incapable d’envisager. Cleaver a ses habitudes dans le métier, et pas que des bonnes habitudes. Il passe son temps à jouer au flipper, prétend avoir un pneu à plat lorsqu’il n’a pas envie de répondre à un appel et, discrètement, se fait servir de l’alcool au lieu du café.
Le premier épisode s’ouvre sur une démonstration filmée des capacités comparées de deux policiers normaux et d’un policier d’un genre nouveau, un policier robot, ou plutôt, un androïde biosynthétique, comme tiennent à le préciser les scientifiques de la société Synthetronics. On voit le prototype, un jeune homme nommé Haven, aux prises avec des situations complexes. On apprend que ses traits sont inspirés par ceux de James Arness, Paul Newman et Lorne Green jeune. Il a été dessiné pour inspirer la confiance et le sympathie, en attendant le moment où, je cite le Dr Avery (la scientifique en blouse blanche qui défend le projet) «les gens seront suffisament habitués aux robots pour que ceux-ci n’aient plus besoin de visage».
L’acteur qui interprète John Haven est Michael Shannon, un habitué des séries télévisées qui semble ne jamais avoir eu de rôle régulier important en dehors de celui-ci. Le personnage qu’il compose ici est plutôt réussi.
La première situation-test que rencontre le robot est celle d’une prise d’otage dont il fait lui-même l’objet. Des terroristes marxistes (comme en atteste un énorme portrait photographique de Karl Marx, accroché au mur), envisagent de tuer le policier en se référant à une doctrine révolutionnaire qui prône la terreur et le meurtre… Haven, qui connaît avec exactitude les citations et l’histoire leur explique qu’ils ont mal interprété leurs textes de référence et parvient à les désarmer au figuré comme au propre.
Dans épisode ultérieur, il sera aussi question d’un terroriste marxiste à demi-fou qui comment des attentats pour le compte d’une paire d’escrocs qui lui font notamment croire que les millions collectés vont être envoyés «aux cubains». En dehors de cet unique personnage idéaliste, le moteur principal des «méchants» de la série est l’argent : arnaques, trafics, etc.
Dans la seconde séquence (assez drôle), Haven entre dans une boutique alors qu’une vieille dame indigne vient de tuer le vendeur, de vider la caisse et de mettre toutes les apparences du crime sur le dos d’un homme à l’allure suspecte qui traînait par là. Avec ses pouvoirs d’analyse évolués (et après avoir émis un petit son bizarre pendant quelques secondes), Haven détecte que c’est la main de la vieille femme qui a utilisé l’arme à feu et l’arrête.
Dans les deux cas, il a agi sans violence physique ni verbale.
Le responsable de la police venu assister à la démonstration est extrèmement hostile à tout essai sur le terrain mais finit par se laisser convaincre par le principe d’un test car il pense connaître le policier parfait pour tout faire rater : Cleaver. Haven est donc confié à Cleaver comme jeune recrue (rookie) à instruire. Assez rapidement, le policier mécanique se retrouve à terre et Cleaver découvre sa nature robotique. Il se fait alors expliquer ce qu’il se passe. D’abord un peu vexé, il s’aperçoit qu’il s’est pris d’affection pour ce jeune policier à l’honnêteté totale et au jugement très sûr. Si la série a le moindre intérêt, c’est précisément sur ce point : la confrontation entre le policier un peu usé, plein de mauvaises habitudes (mais bon bougre et soucieux de faire son métier correctement tout de même), et le jeune homme absolument naïf, naïf au sens étymologique du terme puisque malgré son apparence physique d’adulte, il vient tout juste de naître.
On notera avec intérêt qu’un des moyens utilisés pour aider Haven à apprendre à agir est le visionnage de vidéos documentaires mais aussi de films de fiction mettant en scène Clark Gable ou encore Humphrey Bogart : le cinéma est employé comme mode d’emploi comportemental pour celui qui n’a rien vécu.
Malgré un Ernest Borgnine démonstratif et un peu grimacier, la série conserve tout du long un ton assez sérieux, voire morne, qui peut rappeler Hill Street Blues, sans l’émotion ni la sombre ironie. On sent que les producteurs ont tenté diverses pistes sans jamais parvenir à trouver complètement leur formule. La musique change plusieurs fois : sons électroniques au début puis orchestre façon Shaft. Les scientifiques qui s’occupent de Haven changent aussi au fil de la série : il y a d’abord la sévère Dr Avery (Ronnie Claire Edwards), remplacée par le Dr Tingley (Irene Tsu) et, dans le dernier épisode, par le Dr Alcott (Carol Lynley), trois femmes aux physionomies bien différentes.
Encore un détail qui change : dans l’épisode pilote, la communication visuelle de la société Synthetronics corporation se veut très « cyber », avec une utilisation généralisée des typographies de type MICR. Dans les épisodes suivants, cette identité peut-être un peu lourde disparaît.
Un des poncifs «robotiques» les plus courants dans Future Cop est l’habitude qu’a Haven de faire des estimations chiffrées des probabilités qu’une proposition soit vraie ou fausse : «il y a 98,7% de chances que le coupable soit…».
La série contient un minimum d’effets spéciaux : quelques consoles clignotantes, de vagues circuits imprimés sous la chemise (pas toujours les mêmes), et hop, nous avons un robot. Ce dépouillement n’est pas inintéressant. Le comportement de John Haven, l’androïde, n’est pas non plus outré si l’on excepte ses quelques périodes de dysfonctionnement, notamment lorsqu’il s’essaie à la consommation de bière1.
Quelques grandes questions sont évoquées (Dieu, l’amour,…) mais tout ça ne va pas très loin. Les références culturelles à l’histoire, la politique, ou la littérature sont rares et généralement à côté de la plaque, la palme revenant aux scénaristes du premier épisode qui semblent penser que le 1984 de George Orwell est une utopie (et non une dystopie) reposant sur une société robotisée.
Victime d’un insuccès que l’on doit sans doute pouvoir imputer à un statut hybride (ni vraie science-fiction, ni vrai policier), la série n’aura eu que neuf épisodes en tout, diffusés entre 1976 et 1978. Elle n’existe au format DVD que chez l’étrange éditeur Tales of the Golden Monkey.
- À ce sujet, on se souviendra que les rapports entre robots et consommation d’alcool sont mauvais depuis 1879, au moins, c’est à dire depuis la nouvelle The Ablest man in the world, par Edward Page Mitchell, texte dans lequel un dangereux homme au cerveau mécanique était vaincu grâce à quelques verres de whisky, comme si la caractéristique de l’humanité était de supporter la boisson. Je sais, certains me feront remarquer qu’à l’inverse, le robot Bender de Futurama devient défectueux lorsqu’il cesse de boire, mais cela confirme qu’un rapport est établi dans l’imaginaire populaire entre les robots et l’alcool. [↩]
4 Responses to “Future cop”
By Fred Boot on Mai 29, 2009
On attend la fiche sur « Holmes et Yoyo », dont je garde un souvenir flou mais bien présent (c’est dire si cette série devait être aussi géniale que son titre)
By Jean-no on Mai 29, 2009
Pour l’instant, de Holmes & Yoyo, on trouve juste un ou deux génériques sur Youtube. Apparemment la série a surtout été diffusée en France !
By Fred Boot on Mai 31, 2009
Ce qui prouve notre bon goût.
Ce qui est dingue, c’est que gamin (je devais avoir 6 ou 7 ans) je trouvais cette série très datée. Je n’ose imaginer ce que je ressentirais en revoyant cela aujourd’hui.